Le Patriarche

Le Premier Monde : Crise

Florent (Warly) Villard

Juin 2003 - ?


Version: 0.2.3 - 26 octobre 2003 - 1
Copyright 2003 Florent Villard




Remerciements

Toujours et encore à Monsieur Yves Gueniffey, sans lequel ces écrits n'auraient peut-être jamais commencé.

À personne d'autre encore pour l'instant.

Table des matières Adama
Rencontres
Le Congrès



Adama

Jour 187

Ah, les réveils ne sont pas encore un pur bonheur ; leur resterait-il encore quelques marges d'évolution ?

D'autant moins un moment agréable qu'une représentation virtuelle, après un rapide message de bienvenue, me presse de me dépêcher à sortir du téléporteur pour laisser ma place. Un vêtement blanc-crême simple et ample, toujours avec une couche-culotte intégrée, est mis à ma disposition dans la petite capsule où je me trouve. J'ai à peine le temps de regarder par le minuscule hublot et de comprendre que je me trouve dans un vaisseau en orbite, vraissemblablement autour de la planète Adama qui, magestueuse, défile avec la rotation du vaisseau.

Ressentant une pesanteur, j'en déduis que celle-ci doit être artificiellement crée par le mouvement de rotation rapide de la station orbitale. Je m'aprête à sortir quand la même charmante personne réapparaît pour me signifier l'oubli de mon bracelet. Je le récupère rapidement et sors de la petite capsule.

Je me retrouve dans un large couloir donnant sur d'immense baies vitrées qui me permettent vraiment de contempler Adama. Je me sens plus léger que d'accoutumée, la pesanteur artificielle ne doit pas être aussi forte que celle à laquelle je suis habitué. Pourtant la rotation de la station semble très rapide. Je reste quelques minutes accoudé sur le petit rebord le nez presque collé à la vitre admirant la vue magnifique.

Une voix, sans doute l'artificiel du vaisseau, se présente, "Samrane", me souhaite la bienvenue et m'indique que Pénoplée, déjà arrivée, m'invite à la rejoindre à la surface. Samrane m'explique comment rejoindre cette surface, j'en profite pour lui demander quelques renseignements sur la station. Celle-ci existe depuis plus de 2200 années d'Adama, soit plus de 3500 années terrestres ! C'est un immense cylindre de plus de dix kilomètres de rayon, qui tourne sur lui-même en un peu moins de six minutes et crée par ce biais l'équivalent d'un tiers de la pesanteur de la surface d'Adama. Ceci au niveau qu'il appelle la "surface" du vaisseau. La pesanteur étant un peu plus élevée au niveau des téléporteurs, situé à la périphérie. À mon niveau ma vitesse est de près de sept cents kilomètres par heure.

Samrane me conduit jusqu'à un ascenseur qui est en fait un immense tube qui traverse l'intégralité de la station. Je m'approche de l'extrémité du tube et quand je pose un pied à l'intérieur, une plaque mettalique, un peu le même principe que pour accéder aux sous-sol des bâtiments sur Stycchia, apparaît sous mes pieds. Ensuite des bras sortent de cette plaque pour venir formé autour de moi une petite barrière métallique ; une mesure de sécurité j'imagine. Samrane m'explique que ce tube est baigné dans plusieurs puissants champs magnétiques qui lui permettent de piloter indépendamment les nacelles. Une fois la nacelle en route, ma position à l'intérieur du tube m'apparaît virtuellement, et je peux commander mes déplacement. Cette représentation virtuelle me donne aussi l'occasion de voir la station dans son ensemble. Et, comme j'en aurai la confirmation quelques secondes plus tard, d'enfin comprendre que la "surface" de la station est en réalité la partie interne d'un cylindre qui représente le niveau supérieur.

Je suis étonné alors de découvrir que cette "surface" est une immense bande de presque cinq kilomètres de large qui fait tout le tour de la station, et est composée d'herbe, d'arbres, de maisons... Le rayon de la station étant d'un peu plus de neuf kilomètres à ce niveau là, cette bande de terre a donc une surface de presque trois cent kilomètres carrés. Samrane m'explique que des personnes restent souvent plusieurs jours ou semaines ici avant de partir chez eux ou sur Adama. La population de la station est composée de cent cinquante mille personnes qui sont là depuis plus de trois mois, et de deux cent à quatre cent mille personnes qui ne sont là que de passage. Actuellement la population est de quatre cent quatre-vingt mille personnes.

Je suis à peine impressionné par ces chiffres, que je n'ai écoutés qu'à moitié, plus sidéré par le bleu du ciel. Je viens de sortir du tube et je marche dans une petite allée pavée où des passants traînent tandis que d'autres discutent assis sur les divers bancs disposés ça et là, ou encore sur les petites terrasses devant les maisons. Le ciel est bleu, il y a des petits nuages. Samrane m'explique que la surface se trouve sous une immense bulle filtrante de trois kilomètres de haut qui transforme les rayons du Soleil de la même façon que le fait l'atmosphère d'Adama. Ainsi le ciel apparaît bleu comme si on se trouvait réellement sous plusieurs centaines de kilomètres d'atmosphère planétaire. De plus la station crée artificiellement un cycle de jours et de nuits, et la nuit la surface de la bulle devient quasi-transparente pour avoir vu sur les étoiles, Adama et le soleil du système.

Samrane m'invite à prendre un abeille pour rejoindre Pénoplée. J'en profite pour avoir une vue d'ensemble sur le joli paysage boisé et tranquille. On se croirait vraiment sur une petite planète tranquille, si ce n'était l'impression bizarre que donne l'horizon coupé à quelques kilomètres de là et la surface cylindrique pas très naturelle, d'autant plus visible à mon altitude, je vole à une centaine de mètres au-dessus du sol. Pénoplée m'attendait en se promenant dans un superbe parc rempli de fleurs de toutes les couleurs. À vrai dire je ne sais pas trop l'accueil qu'elle va me donner, nous vivons un peu notre relation au jour le jour ces derniers temps.

- Ah te voilà enfin ! Ça fait des heures que je t'attends !

Elle a l'air plutôt détendue, c'est une bonne nouvelle.

- Écoute je fais ce que je peux, je ne contrôle pas ces téléporteurs, sinon tu imagines bien que j'aurais fait mon possible pour venir t'accueillir directement à la sortie de ta capsule.

- Oh c'est gentil, je n'y ai même pas pensé pour toi...

- J'ai vue... Les autres sont arrivés ?

- Je crois que Iurt et Guerd sont là, mais je ne les ai pas vue, mais il y a un monde fou, apparemment il se prépare une confrontation important au congrès.

- Tu penses que c'est pour nous ?

- Non, c'est un problème avec une gamine des planètes rebelles.

- Les planètes rebelles ?

- Oui c'est un groupe de planètes près des limites de la congrégation ou pratiquement tous les jeunes vont se retrouver. Ils revendiquent pas mal de choses et sont souvent la cause de débats enflammés au congrès. Enfin, quoi qu'il en soit les autres ne seront pas là avant un jour ou deux voire plus, alors nous allons devoir nous occuper entre temps...

Je dis avec un sourire au coin des lèvres :

- Hum, tu penses à quelque chose en particulier ?

Elle sourit :

- Non je ne pensais pas à ça... Mais maintenant que tu le dis... Mais cela dit j'ai mieux à te proposer.

- Vraiment ? Tu m'intéresses.

- Il est encore tôt, le jour s'est levé il y a peine quelques heures et j'irais bien faire un tour en vaisseau, c'est le moment ou jamais.

- Ah, mais tu peux en emprunter ?

- Bien sûr... Ça te dirait que je t'emmène en ballade pour la journée ? Accessoirement on pourrait faire une pause pour s'adonner à ce à quoi tu pensais.

Je souris de nouveau. Saloperie de bracelet enfant.

- Ben oui ce serait bien, d'autant que ça te fera plaisir de retrouver les joies du pilotage. Tu crois que je pourrais prendre un vaisseau moi-aussi ?

- Non ça serait trop compliqué, comme tu n'as qu'un bracelet enfant on ne pourrait pas faire grand chose, c'est mieux que tu montes avec moi.

- Bon d'accord.

- Tu préfère manger un bout avant de partir ou alors nous déjeunerons dans un moment ?

- Non nous pouvons y aller tout de suite, sauf si tu as faim, mais moi je n'ai pas du tout faim.

- Oui c'est normal tu viens d'arriver, et moi j'ai déjà mangé un peu en attendant, allons-y alors.

Je suis Pénoplée avec laquelle nous prenons deux abeilles pour rejoindre un tube, puis nous remontons vers le centre de la station. Pénoplée m'explique en effet que c'est là où la force d'inertie est la moindre, et donc permet de dépenser moins d'énergie pour maintenir les vaisseaux. En quasi apesanteur nous traversons quelques couloirs pour arriver finalement dans en face d'un vaisseau disponible. C'est un vaisseau ressemblant à un gros avions de combat, dont on voit les deux proéminents réacteurs sur le côté. Pénoplée m'explique que c'est loin d'être le top du top, mais qu'elle aime bien un peu de rusticité d'autant que ce vaisseau à un caractère comme elle les aime.

C'est un petit vaisseau trois places qui peut transporter quelques marchandises mais sert principalement à des petites sorties. Dans le passé il avait servi comme vaisseau de combat, mais depuis la fin du travail obligatoire et le remplacement par des drones artificiels, tous ces vaisseaux étaient désormais utilisés à des fin ludiques. Mais c'est son passé militaire qui rendait l'artificiel du vaisseau un peu plus agressif que les gentils vaisseaux tout confort que préfére la majeure partie des gens.

Aussi faible soit son confort, j'étais tout de même très confortablement installé, sans combinaison, dans un siège épousant ma forme et m'enlaçant au niveau des jambes, du ventre et des épaules pour me maintenir en position. Les deux petits hublots de part et d'autre de mon siège étaient minuscules, mais rapidement, une fois le vaisseau en route, la surimpression artificielle rendait transparente l'ensemble de la structure du vaisseau, et je pouvais ainsi voir Pénoplée et l'extérieur sans aucune gêne.

Le vaisseau bougea doucement pour se décoller du sol et sortir dans un sas intermédiaire avant de quitter la station d'où arrivaient et partaient des centaines de vaisseaux, grands et petits, larges ou fins. Voilà enfin une vision du futur ! Je n'avais jusqu'alors vu que des petits villages tranquilles ou rien ne laisse supposer la présence de technologies avancées. Je retrouve là un décors plus conforme à ma vision de l'avenir avec ces milliers de petits vaisseaux tournant autour de cette immense station orbitale.

Nous nous éloignons doucement de la station, et je peux enfin en appréhender toute la structure, gigantesque tore tournant sur lui-même avec en fond la surface bleutée d'Adama, la vision est superbe.

- Tu es prêt ?

Pénoplée me sort de mes rêves ?

- Prêt pour quoi ?

- Pour ça !

Je n'ai même pas la force de crier. Je me retrouve plaquer contre mon siège, le vaisseau prenant en quelques secondes une vitesse formidable. En quelques instants la station ne devient plus qu'un point brillant derrière nous. Adama elle-même diminue à vue d'oeil, et quelques minutes plus tard, nous sommes en orbite autour de la lune naturelle de la planète, qui ressemble a si méprendre à notre bonne vielle Lune. Si ce n'est que celle-ci est recouverte ça et là par des bulle argentée. Je demande à Pénoplée ce qu'elles sont :

- Que sont ces petite bulles réfléchissantes qu'on voit a la surface ?

Le vaisseau s'est stabilisé et survolle, sans doute à quelques milliers de kilomètres, la surface de la lune.

- Ce sont des villes, il y en a quelques milliers à la surface, qui datent surtout du temps de l'exploration minière de la lune, de nos jours il y a encore quelques villes touristiques, mais l'endroit n'est plaisant que quelques jours pour la vue sur Adama. Elles servent surtout de station de téléportage, car Adama n'en a que quelques unes, bien insuffisantes comparées au flux de population. En effet plus de cent millions de personnes par jours quittent ou arrivent aux environs d'Adama.

- Oh ! Cent millions ! Il y a combien d'habitants sur Adama déjà ?

- De l'ordre de vingt-deux milliards.

- À quelle distance se trouve la lune de d'Adama ?

- Environ six cent mille kilomètres, elle a un diamètre de quatre mille kilomètres.

Pénoplée me parle toujours avec leur propre unités de distance, mais j'ai réussi à programmer le bracelet pour qu'il me transforme les nombres en base décimale d'une part, et les distances en mètres. Je crois bien de toute façon qu'avec leur unité bizarre et leur base six, je ne pourrai m'habituer à leur système.

- Nous sommes allés très vite avec le vaisseau, à quelle vitesse va-t-il ?

- Entre la station et ici nous avons fait une petite pointe à un peu plus de mille kilomètres par seconde. Il nous a fallut environ quinze minutes pour venir de la station à ici. La station est sur une orbite à seulement cinq mille kilomètres de la surface d'Adama.

- Il y a beaucoup de ses stations ?

- Oh oui des centaines, des milliers même !

- Des plus grandes ?

- Bien sûr, une des plus grande est la station océan dont je t'avais déjà parlée, elle fait deux cent cinquante kilomètres de diamètre. Elle est elle en orbite autour du soleil du système, pas autour d'Adama, et c'est presque une petite planète artificielle et autonome. Toutefois la plupart reste entre dix et trente kilomètres de diamètre, et sont à moins d'un million de kilomètres autour d'Adama..

Je reste rêveur face à cette approriation de l'espace qui le rend presque aussi accéssible que ne l'était le supermarché du coin rue Crillon.

- C'est impressionnant...

- On va faire du rase-motte sur Adama ?

- Si tu veux, mais on peut y aller comme ça ? Il ne faut pas attendre les autres ?

- Bah on peut pas vraiment faire du rase-motte, mais je peux déjà te faire faire un tour à basse altitude.

- C'est interdit ?

- Il faut demander oui, mais c'est surtout que ce vaisseau n'est pas vraiment fait pour entrer dans l'atmosphère, on peut le faire en cas d'urgence, mais c'est pas spécialement recommandé.

- OK

Encore une vingtaine de minutes et nous traversons les couches hautes de l'atmosphère d'Adama.

- Voilà le continent principal, c'est ici que nous avons les plus anciens signes de l'existence des hommes sur Adama, avec celle des reptiles, bien-sûr.

- Tiens à propos tu ne voudrais pas me raconter cette histoire de reptile ?

- Si, bonne idée ! Je peux te raconter l'histoire de l'homme sur Adama, et des reptiles, par la même occasion.

Pénoplée, qui laisse le vaisseau survolée lentement la surface de la planète, se lance dans la description de l'évolution d'Adama :

" La planète Adama s'est formée il y a environ trois milliards deux cent millions de tes années. Je vais convertir de façon à ce que cela soit plus simple. Dans le premier milliard d'années, rien de notable, évolution classique d'une planète recouverte d'eau à une distance propice d'une étoile moyenne. La vie apparaît il y a de cela environ deux milliards d'années, formes bactériologiques simples dans un premier temps, puis, l'évolution faisant son chemin, au gré des bouleversements climatiques et autres catastrophes naturelles, des formes de vie de plus en plus complexes font leur apparition, dans l'eau tout d'abord, microbactérie rejetant de l'oxygène, puis plancton, algues, poissons, puis sur terre, plantes, arbres...

Il y a quatre cent millions d'années, une forme dérivée d'un vulgaire poisson préférant avoir les pieds au sec commence la longue lignée qui, environ cent millions d'année plus tard, donne naissance aux premiers représentants de ce que nous pouvons appeler "les reptiles". Tout ce beau monde évolue dans de multiples directions, et encore deux cents millions d'années plus tard nous retrouvons des formes les plus gigantesques, plusieurs dizaines de mètres de long, aux formes les plus minuscules, les plus élancées, les plus ravageuses... S'ensuit alors une longue période de plus de cent millions d'années sans réel changement. Des reptiles géants dominent la planète, l'évolution est quasiment au point mort, les conditions de vie idéales, rien qui ne pousse la vie à innover.

Et puis, voilà vingt-quatre millions d'années un chamboulement climatique, suite sans doute à une chute de météorite, ou le passage d'une étoile à proximité de notre soleil, change tout. Les conditions de vie deviennent tout autres, une multitude de nouvelles formes de vie apparaissent, les mammifères, principalement, mais aussi de nouvelles maladies, de nouveau virus, des formes très développées de bactéries, peut-être venues de l'espace. Les formes de vie existantes doivent s'adapter ou mourir. Mais une forme évoluée de reptiles, qui s'est adaptée au changement climatique, et a développé une première forme d'intelligence, survit et prospère. Une autre forme, dérivée des mammifères, une forme de singe, s'adapte aussi rapidement et facilement aux nouvelles conditions.

Débute alors la longue est cruelle compétition entre deux espèces qui aspirent à la domination de la planète. Mais les reptiles ont de l'avance, et ils ont l'intelligence, voilà environ deux millions d'années, de prendre certains de ces singes en élevage et de les dresser pour exécuter certaines tâches. Les reptiles sont d'énormes monstres à côté d'eux, et les singes ne peuvent guère que se soumettre. À partir de ce moment là les reptiles évoluerons peu, ayant atteints, à peu de chose près, leur forme physique définitive. De grands monstres de deux à quatre mètres de haut, homnivores à large préférence carnivores, reproduction sexuée, pondant des oeufs, pourvus de deux puissantes pattes leur permettant de faire des pointes à plus de soixante dix kilomètres par heure, et de deux bras plus frêles, même si suffisants pour te briser le cou, et munis de trois gros doigts maladroits. Animaux à sang chaud contrairement à beaucoup de leurs cousins, ils sont munis d'une peau épaisse et protectrice qui leur permet de résister au chaux comme au froid. Leur morphologie est très diversifiée, tout comme leur couleur de peau, leur taille qui va du simple au double et leur capacité physique. Leur organisation en caste est uniquement basée sur la force physique. Ils sont friands de combats, lutte et divers jeux meurtriers et cruels. Leur semblant de socialisation date aussi de cette période, il y a deux millions d'années. Ils vivent par groupes d'une centaine d'individus et sont nomades. S'ils sont présents sur tous les continents, ils sont majoritairement sur le grand continent que nous survolons. Celui-ci, comme tu peux le voir, est placé idéalement dans une zone tempéré, et sa forme très étendues, plus de dix mille kilomètres, pas très larges, de l'ordre de deux milles kilomètres, quatre mille au plus large, avec de nombreux bras dans la mer, et la présence de deux mers intérieures, qui ne sont plus qu'à peine visibles aujourd'hui. On les devine quand même avec quelques reflets plus argentés juste en dessous de nous, et surtout là-bas, vers le soleil.

Bref, les reptiles, dans leur nomadisme à travers les continents, emporte avec eux ces quelques singes à qui ils font faire les tâches ingrates. Mais les conditions terribles infligées par les reptiles, les stimulent, leur permet de s'organiser, de s'entraider, d'apprendre plus vite, car les reptiliens pratiquent depuis longtemps le maniement des outils, la fabrication des huttes, la chasse, et la taille de la pierre. Les singes sont habiles de leurs mains, beaucoup plus que les trois doigts grossiers des reptiles. Les reptiliens le comprennent vite et assignent aux singes toutes les tâches requérant l'habileté qu'eux n'ont encore su développer, et ne développeront jamais, car justement les singes, presques les hommes, seront, en quelques sortes, "leurs mains". Les techniques de chasse et de pêche s'améliorant, certains groupes reptiliens s'établissent de manière permanente et ainsi les premières villes font leur apparitions. Les reptiliens se chargent de la chasse et de l'approvisionnement en général, les singes dociles de la confection des habits, des armes.

Les centaines de milliers d'années s'écoulent encore, et le partenariat quelques peu ingrat entre les reptiles et les singes se maintient et se renforce. Les reptiliens changent peu, évoluant lentement, les singes énormément, et nous situons à environ un million trois cent mille à un million cinq cent mille ans en arrière l'apparition d'une forme primitive d'homme. Ceux-ci se tenaient debout, utiliser les outils et savent exécuter de nombreuses tâches. Ce sont encore sans doute les reptiliens qui tirent l'évolution à ce moment, et ce sont les reptiliens, sans doute suite à une période climatique difficile, il y a environ un million d'années, qui découvrent l'agriculture. À partir de ce moment là les regroupement en villes, qui étaient l'exception auparavant, deviennent plutôt la règle, et ne subsistent que quelques tribus nomades dans les zones climatiques difficiles, où l'agriculture n'est pas envisageable. Toutefois le nomadisme reste très fortement inscrit dans les traditions reptiliennes, et la selection forte dans les tribus reptilienne entrainant l'exclusion fréquente de membres avait depuis longtemps permis une uniformisation de leur dialecte, à quelques exceptions près, notamment sur les deux continents plus équatoriaux sans doute peuplé à un moment ou le bras de mer le séparant du continent principal était asséché. La mise en place de l'agriculture provoque le fleurissement de nombreux petits villages sur toutes les rives des principaux fleuves. Tu ne les vois pas ici mais le continent, qui possède trois barres montagneuse principales, est traversé par des centaines de fleuve et rivières, aujourd'hui masquée par les constructions. La forme de commerce primitive existant auparavant entre les tribus nomade se fortifie avec cette sédentarisation, notamment le commerces d'esclaves humains. Les plus doués d'entre eux se vendent au prix forr, et sont utilisés comme mâles reproducteurs. Ainsi les reptiliens accélèrent l'inévitable, le surpassement de leur intelligence par les hommes.

Il y a un millions d'années nous estimons la population d'Adama à quatre cent milles reptiliens et cent milles hommes. L'agriculture va rapidement tout chambouler, avec l'apparition des premiers villages et des premières communautés, qui font passer les tribus de quelques dizaines voire cent ou deux cents d'individus à des gros villages de plusieurs centaines, jusqu'à deux ou trois milles individus. C'est il y a environ cinq cent mille ans que l'intelligence des hommes a dû dépasser celle des reptiles. Mais les hommes restent soumis, car les reptiles, en plus d'être des dizaines de fois plus forts que les hommes, qui rivalisent difficilement du haut de leur mètre cinquante avec des molosses de plus de trois mètres, ne sont pas complètement stupides. Ils savent diviser les hommes, pour toujours pouvoir les exploiter à leur profit et casser toutes tentatives d'évasions ou de rebellions. Ils utilisent pernicieusement certains hommes en leur offrant des privilèges en échange de leur coopération.

Il y en a eu, pourtant, des communautés indépendantes humaines échappées du joug reptiliens, mais elles n'étaient que le terrain de chasse favori de ceux-ci, qui les massacraient allègrement dès qu'ils les repéraient. Ils avaient en plus la mauvaise gourmandise de la chair humaine, et, il va sans dire, et ceux qui n'avaient pas la chance d'être utiles, parce qu'ils s'étaient blessés ou pas assez intelligents ou adroits, ou au contraire un peu trop rebelle pour les tâches qu'on leur confiait, constituaient la nourriture de luxe de ces carnivores sans pitié. Toutefois il semble que l'homme n'est jamais été purement élevé dans l'optique de constituer une source de nourriture, même s'il existait sans doute quelques élevages dans ce but. Les reptiliens consommaient plusieurs kilos de viande par jour, et l'homme de satisfaisait pas à cette nécessité. Il constituait plus la main d'oeuvre de luxe des reptiliens, qui basaient tout leur développement sur lui, ayant eux depuis longtemps mis une croix sur l'exécution de tâches minutieuses.

Puis, il y a quatre cent mille ans, certains reptiliens vont plus loin et tentent d'apprendre leur langue aux hommes. Les reptiliens avait une langue simple et basique, mais ceci va bouleverser et accélérer une fois de plus le développement humain. Les reptiliens prospérant, atteignant il y a deux cent mille ans une population supérieure à un millions d'individu pour trois cent mille hommes, les échangent se multiplient et certaines tribus de reptiliens utilisent les hommes comme valeur de référence. L'homme devient donc en quelque sorte la monnaie locale. Mais les reptiliens remarquent et développent la capacité surprenante de l'homme à manier les chiffres, et, il y a environ cent mille ans, les hommes commencent à mettre sur des bouts de bois ou de pierre des signes pour se rappeler des résultats de calculs fastidieux que leur font faire les reptiliens.

L'invention de l'écriture ne tarde pas, mais elle est du fait des reptiliens qui ont pris modèle sur les hommes. L'évolution se fait toutefois de concert et il y a environ cinquante mille an se crée une véritable première langue écrite et parlée commune aux reptiliens et aux hommes, les hommes étant alors leurs scribes.

On comprend alors pourquoi les reptiliens gardaient avec tant d'attention l'étreinte autour des hommes. Ils en étaient devenus dépendants, complètement. Toute leur économie de l'époque, leurs outils, leur style de vie, la transmission de leur savoir même par l'écriture étaient complètement architecturés autour de l'asservissement des hommes. Et bientôt, leur évolution technologique même le serait.

Jusqu'à l'invention de l'écriture, les reptiliens les plus doués menaient encore le chemin de la découverte, la création de nouveaux outils, nouvelles techniques de fabrication et de culture, mais à partir du moment ou l'homme devint scribe en plus d'ouvrier, alors tout changea, et les reptiliens utilisèrent à leur profit la créativité des hommes.

Il y a quarante mille ans les reptiliens découvrent l'utilisation du cuivre, un métal meuble. Rapidement les hommes en étendent l'usage par l'utilisation du feu et de la forge, puis démultiplient les possibilités en élargissant son champ d'action à d'autres métaux. La population d'alors est estimée à soixante millions de reptiliens et une dizaine de millions d'hommes. Elle reste principalement limitée au continent principal. Nous avons assez peu d'information sur les cultures existant sur les autres continents, principalement parce que celles-ci ont été complètement anéanti par les hordes de reptiles quand leurs navires leur permirent d'y accéder.

Les reptiliens ont compris la menace de l'homme depuis déjà longtemps, mais ils ont su savamment le diviser. Les hommes n'arrivent pas à s'organiser, les reptiliens jouant habilement sur son orgueil pour en privilégier certains au détriment d'autres. Les plus doués et intelligents sont comblés et deviennent presque égaux aux reptiliens, ils participent au développement et n'ont pas de tâches difficiles. Les autres sont soumis aux travaux d'ouvriers et de manoeuvres, et séparés en différentes castes en compétitions les unes avec les autres. Toute tentative de révolte voit l'élimination complète de la communauté. Les femmes et les enfants sont souvent pris en otages, les hommes travaillant ne pouvant les voir qu'un jour de temps en temps, et plus jamais au moindre faux-pas de leur part. C'est malheureusement ce qui rendra la sociabilité de l'homme un tel échec pendant des millénaires. Les reptiliens ont façonné dans l'esprit humain la notion de compétition, de domination et de soif de pouvoir pendant des centaines de milliers d'années. Et nous en souffrons toujours, pourquoi les hommes de l'au-delà sont-ils partis ? Sans doute un peu car il ne toléraient pas un monde égalitaire, un monde où tout le monde est identique à son voisin et où personne ne domine personne. "

Pénoplée fait une pause, elle reprends les commandes du vaisseau, s'éloigne d'Adama pour la contourner et se rapproche de nouveau ensuite en dessus d'un autre grand continent. Elle me demande si je vais bien, s'inquiète de savoir si son histoire ne m'ennuie pas trop. C'est tout le contraire. Je lui fais un bisou virtuel et elle reprend son récit :

" L'évolution conjointe progresse, l'invention de la monnaie, le travail du fer, l'amélioration des forges. Les reptiliens sont une race très soudées, même si régis par une hierarchie stricte, contrairement aux hommes, sans cesse déchirées par des rebellions internes, sans parler de celles attisées par les reptiliens. Il y a trente mille ans, la population totale des reptiliens dépasse les trois cent millions, et ils limitent par tous les moyens celle des hommes, de peur de leur insurrection. Ceux-ci sont pourtant près de trente millions. Mais de plus en plus divisé, les élites sont choyés par les reptiliens, qui voient en eux leur évolution technologique, et maudit par leurs concitoyens, pour qui ils ne sont que des traîtres.

Mais les hommes sont eux-mêmes les garants de leur soumission, les plus intelligents étant au service des reptiliens pour créer des instrument de pouvoir toujours plus efficaces. Mais la progression des techniques donnent aussi aux hommes la chance de pouvoir communiquer plus facilement entre eux. La première grande révolte s'est déroulée sur ce continent, il y a vingt-sept mille ans, juste en-dessous de nous. Elle a débuté dans une ville proche de la mer, sur la petite pointe que tu aperçois. Les reptiliens avaient fait l'erreur de laisser les hommes seuls sur les petites îles qui se trouvent dans la baies, pour profiter au mieux des emplacements côtiers. Les hommes y avaient fabriqué et caché des centaines d'armes et mise en place un plan de rebellion. Ils avaient réussi à développer un code qui leur permettaient de démasquer les espions, et leur machination était restée secrète jusqu'à la nuit fatidique, suite à la fête de nouvelle année des reptiliens. Les hommes étaient tous partis sur la côte pour tuer les reptiliens dans le sommeil. En quelques jours les hommes avaient pris le contrôle de toute la bande de terre que nous survolons. Malheureusement les villages voisins, bien qu'informés de cette victoire, n'ont pas suivi, et en trois semaines tous les hommes ou presque furent massacrés sans pitié par les assauts reptiliens. Certains hommes s'en sortirent pourtant, et c'est la raison pour laquelle nous savons si bien les détails de cette première révolte, car pendant longtemps elle s'est transmise de génération en génération comme l'espoir que la liberté n'était pas une mythe, mais pouvait être une réalité, si tous les hommes s'unissaient. Mais les hommes ne s'unissaient pas, et les autres grandes révoltes postérieures à celle-ci finirent de la même façon, par l'écrasante victoire des reptiliens, quand elles n'étaient pas déjoués à la base par ceux-ci et les traîtres qu'ils soudoyaient dans les communauté humaines.

Ces premières grandes révoltent marquent aussi le signe de bon technologique considérable. La condition de vie des reptiliens s'améliorent grandement, tandis que les conditions de vie humaines restent excécrables. Les populations croient très rapidement, et il y a environ vingt mille ans, la population reptilienne dépasse les deux milliards, et les hommes sont près de trois cent millions.

Mais les révoltes n'aboutissent pas, elles permettent tout au plus à quelques milliers d'hommes d'être libres pendant les quelques mois de siège des places fortes dans lesquelles ils se sont réfugiés. Mais que vaut la liberté si c'est pour vivre dans la guerre, la faim, les massacres et le sang ? Beaucoup d'hommes, séparés volontairement de leur famille, ne veulent pas prendre le risque de les voir massacrées en cas de rebellion de leur part. Et d'une certaine façon les reptiliens n'ont fait que renforcer leur contrôle et leur pouvoir sur les hommes.

C'est un homme un seul qui changera tout.

Guerroïk est né en 31 avant le MoyotoKomo, soit environ cinquante de tes années. Il a la chance d'avoir un père et une mère scientifiques et choyés par les reptiliens. Il fait des études brillantes en biologie et en chimie, alliant la science de son père et celle de sa mère. Mais à dix-huit ans il refuse la place qu'on lui offre dans un des plus prestigieux centre de recherche d'Adama de l'époque pour suivre une vie de miséreux dans les porcheries reptiliennes. Les reptiles en consommaient en effet des quantité astronomique, certain pouvaient dévorer un porc entier par jour ! Toutefois même si la consommation moyenne d'un reptilien était bien inférieure à cette quantité, il n'en fallait pas moins élever par centaine de millions pour satisfaire leur appétit. Guerroïk connaît alors la misère et la détresse des populations humaines opprimées, au milieu des maladies, des épidémies de peste et de grippes qui provoquent de véritables hécatombes, et bien loin de la vie de luxe et de profusion de son enfance.

Si les hommes qu'ils côtoient ont une haine farouche envers tous ceux d'entre eux qui les trahissent, comme les parents de Guerroïk, ils ont tout de même du mal à comprendre pourquoi quitter le privilège d'une vie facile pour leur conditions déplorables.

Mais au bout de trois ans de peine et de labeur, il attrape une maladie infectieuse, et n'est sauvé in extremis que par un recours de ses parents qui le ramènent près d'eux. Après un rétablissement difficile, pendant lequel il reprend ses études, il occupe alors un poste dans ce même centre de recherche qu'il avait fui de nombreuses années auparavant. Il mène des travaux très prometteurs sur les croisement génétiques, et consacrera plus de dix ans de sa vie à la sélection et la création d'une espèce de porc à la croissance plus rapide, la viande de meilleure qualité et beaucoup plus grosse que la normale. Encensé par les reptiliens, il parcourt Adama pour promouvoir et faire accepter cette révolution dans les habitudes alimentaires reptiliennes.

C'est un succès, et, trois ans plus tard, il se retire de sa vie de scientifique pour profiter d'une retraite grassement payée par les reptiliens. Pendant une nouvelle période de dix ans, il se fait oublié, son statut lui permet de voyager librement, et il parcourt le monde. Il écrit beaucoup et garde de bon contact avec les reptiliens, qui apprécient ses oeuvres, qui leur sont principalement consacrées. Il a acquis une fine connaissance de la psychologie reptilienne, et certain vont jusqu'à dire qu'il n'a rien d'humain. Il écrira néanmoins deux oeuvres à destinations des hommes, mais dans un but servant les reptiles. Les reptiliens ont toujours, et de plus en plus, une peur bleu d'une révolte humaine, et luttent tant bien que mal pour conserver les divisions et les guerres de clans dans la communauté humaine. Guerroïk, par ces deux oeuvres, apporte une réponse à leur problème.

La première, le Moyoto, est une longue liste d'actions que doivent faire les hommes en guise de vénération de leur maître les reptiles. "Moyoto" est un acte de politesse signifiant la soumission. Nous l'utilisons encore aujourd'hui pour dire bonjour. Ce livre décrit dans des détails souvent pompeux et répétitif, avec un style ampoulé, les diverses façons de se prosterner au passage des reptiliens, par exemple, pour rendre plus difficile une attaque ou une rébellion. Le Moyoto rend aussi interdite la consommation de porc pour les hommes, aliment sacré exclusivement destiné aux reptiles. Les reptiles font apprendre par coeur et réciter ces passages, petit à petit, à toutes les communautés humaines, et se satisfont du nombre de rebellions en forte diminution.

La seconde oeuvre, le MoKo, est une oeuvre directement destiner à promouvoir et augmenter les rivalités internes des communauté humaines, en exacerbant leur velléité, leur divisions en classes, leurs combats de chefs. "MoKo" signifie "la lutte". Tant que les hommes se battent entre eux, ils restent inoffensif pour les reptiles, et les codes décrit dans le MoKo, tout comme ceux détailler dans le Moyoto, sont rapidement instaurés dans toutes les communauté humaines par les reptiliens.

Six ans plus tard le Moyoto et le MoKo sont connus par coeur par presque tous les hommes, et les reptiliens satisfaits d'un climat de sérénité et amusés par toutes les rivalités ainsi crées entre les hommes.

Mais toujours six ans plus tard, Guerroïk retourne dans les porcheries, pas pour y travailler, mais pour y prêcher. Et si une grande partie de sa vie fut glorifiée par les reptiliens, celle-ci les dérangent beaucoup plus. Guerroïk prêche l'union, il prêche l'avenue de la fin du règne des reptiliens, il prêche un événement sans précédent, qui rendra à l'homme sa liberté.

Pendant deux ans, il répandra l'espoir parmi les hommes, il répandra l'idée que les reptiliens vont disparaître, et que le moment est proche, de la grande révolte, du renversement, de la gloire de l'homme.

Deux ans de fuite, de paroles échangées sous le manteau. Deux ans d'oppression encore plus forte des reptiliens, et enfin, sa capture, et son martyr. Les reptiliens affichaient toujours avec grande fierté leur force. Et Guerroïk sera cloué sur une grande croix sur la place publique d'Eryas, un des plus grande ville reptilienne, siège de leur pouvoir.

Mais il était déjà trop tard, et Guerroïk, quelques jours plus tôt, se sentant pris au piège, avait lancé les deux mots qui allaient changer notre destinée : le MoyotoKomo. "Komo" signifie "mort" dans le langage reptilien. Et il le répétera sur la croix, autant de fois qu'il le pourra avant de mourir de faim et de soif, et que sa dépouille ne tombe en lambeaux :

- Écoutez-moi mes frères le jour est venu, assemblez le Moyoto et le Komo, et vous serez libres !

Ce même jour, jour zéro de l'an zéro de notre ère, Antara, jeune fille de dix-huit ans dont les doigts fins et habiles servaient à la fabrication des barillets pour les fusils de chasse des reptiliens, comprit. Elle comprit les paroles prophétiques de Guerroïk, elle compris car elle savait, elle savait par coeur, depuis bien longtemps, le Moyoto et le Moko, elle les connaissaient et elle récita, elle récita tout haut le Moyoto et le Moko, mais, comme conseillé par Guerroïk, elle récite la Moko à l'envers, en partant de la fin.

Chaque ligne du Moyoto se coupla à chacune du Moko, devenu Komo, et tous comprirent les paroles. Le jour était venu.

Les porcs, les porcs que mangeaient les reptiles, et que eux ne mangeaient pas, ces porcs, en plus d'avoir une meilleure viande et d'être plus gros, ces porcs rendaient les enfants des personnes qui en consommaient stériles, tout comme ils les rendaient dépendantes.

L'association du Moyoto et du Komo partit plus vite encore que les traînées de poudres de la révolte dans l'usine d'Antara. Spontanément ou par bouche à oreilles, en quelques jours les humains de la planète entière surent, ils surent que leur gloire était proche, et que quelque soit le temps que cela prendrait, les reptiliens étaient condamnés.

Une fois qu'ils eurent compris, et plus encore quand ils purent voir qu'au bout d'une semaine sans porc ils agonisaient, la rage des reptiliens fut immense, et un massacre sans précédent débuta alors. Mais si les hommes étaient bien faibles face aux masses des reptiliens, ils tuèrent sans tarder tous les porcs qu'il purent, défiant l'autorité des reptiles, les rendant fous.

L'usine d'Antara réussit à détourner les armes fabriquées là à leur profit, et elle devint le premier bastion de résistance humaine. Très vite, sous leur balles, le territoire conquis augmenta, et avec l'aide de toujours plus d'hommes la ville entière d'Estroi fut sous leur contrôle. La jeune Antara dirigeait la révolte, et elle restera dans les mémoires, aux côtés de Guerroïk, comme la libératrice de notre peuple.

Mais la partie n'était pas terminée, et autant les hommes avaient un atout de leur côté, autant les reptiles étaient beaucoup plus nombreux, plus forts, et habitués à les mater. Mais cette fois-ci les hommes ne pouvaient pas abandonnés, et même s'ils ne pourraient être sûr que la descendance des reptiles fut bien fertiles que bien des années plus tard, et même si les forces vives de ceux-ci étaient encore bien sur pattes, bien que durement affectée par leur dépendance au porc, cet événement leur donna le courage et l'espoir ne serait-ce que de tenir le siège.

Très vite les deux communautés, auparavant intimement mêlée aux seins de leurs villes et de leurs villages, se séparèrent à grand fracas et de multiples villages forteresses humains furent mis en place pour résister à la fureur dévastatrice des reptiliens.

Mais ceux-ci, en plus des deux fléaux, étaient fortement affectés d'une dépendance encore plus grande, la dépendance envers les hommes, ceux-ci rebellés tout leur appareil de production, leur science, leur intelligence presque, disparurent. Les hommes, eux, mettaient à profit tout appareil de production capturé, et rapidement améliorèrent la technique des armes, pour créer le pistolet, la mitraillette, les bombes et même les armes chimiques, car les reptiles étaient sensibles à de nombreuses maladies qu'eux ne craignaient pas.

Un an et demi après le MoyotoKomo, les reptiliens comme les hommes avaient des pertes égales, cinquante millions de morts dans chaque camps, mais les reptiliens étaient plus de deux milliards et les hommes seulement trois cent millions. Les hommes entreprirent une politique nataliste très forte, et les hommes se relayaient au front pour pouvoir rentrer dans leur famille et procréer, car si les reptiliens auraient peut-être une descendance fertile, eux-mêmes ne l'étaient pas, et continuaient à avoir des enfants. D'autant qu'à dix ans un reptile était tout à fait apte à se battre, alors que cela était difficile avant quinze voire vingt ans pour un homme.

Les années qui suivirent, les reptiliens, petit à petit, confinaient les hommes dans des zones plus petites. Ces derniers avaient mis en place des forteresses très résistantes mais avaient beaucoup de mal à en sortir pour gagner du terrain. Les reptiliens étaient devenus plus organisés, et la plupart ne ressentaient plus depuis longtemps les effets de leur dépendance. Ils avaient toutefois une confirmation, c'est qu'une grande partie de leur procréation était bien stérile. Toutefois si la majorité ne pouvait se reproduire, quelques exceptions subsistaient, leur laissant espoir qu'ils pourraient encore renverser la balance.

Les hommes savaient que leur atout n'étaient pas leur force ou leur nombre, mais leur intelligence, c'est pour cette raison qu'ils perdirent beaucoup d'énergie dans les premières années de lutte à construire de puissantes places fortes à l'abri des assauts reptiliens. Ces derniers n'avaient pas évolués depuis le début du conflit, et n'avaient guère plus que des fusils sommaires comme armes.

Huit ans après le début du conflit, les reptiliens étaient toujours aussi nombreux, près de deux milliards, les hommes, eux, n'étaient plus que deux cent trente millions, regroupées dans environ trois cent villes fortifiées. Mais ils possédaient désormais des armes à feu bien supérieures et efficaces à celles des reptiliens, et leur problématique n'étaient plus de comment conserver leur places fortes, mais comment les étendre. S'ils voulaient s'accroître, il leur fallait plus de culture, plus d'espace, plus de ressources premières.

Une des interrogations des hommes étaient les moyens de coordination avec les autres places fortes. Autant ceux-ci étaient imprenables dans leurs bastions, autant les alentours étaient complètement suicidaires pour n'importe quel messager. Pour véhiculer des messages, il leur fallait partir en escorte puissamment armées, sachant que ses chances d'arriver à destination étaient plus que dérisoires. Pour les cités qui n'étaient qu'à quelques kilomètres les unes des autres, ils utilisaient de grands signes en bois ou en tissus pour transmettre des messages, en développant un alphabet simplifier. Et ainsi de cités en cités pouvaient faire circuler des informations, de nouvelle découvertes, de nouvelles techniques.

Mais ce mode n'étaient pas très efficace, et toutes leurs obstinations pour créer un appareil volant avaient échoué. Mais huit ans après le début du conflit, une invention commença a changer tout cet isolement, le ballon gonflée à l'air chaud. Si dans un premier temps les tentatives, au gré des vents et à portée des fusils reptiliens, furent plus que des échecs, dès l'avènement de du moteur à vapeur, des engins beaucoup plus conséquents, volant beaucoup plus haut, dirigeables, permirent des échanges entre les cités. En parallèle les hommes conquéraient de nouveaux espaces autour de leurs villes. Ceci petit à petit, en récupérant pas plus que quelques centaines de mètre à chaque tentative, tout en perdant des milliers d'hommes, mais ils agrandissaient leur territoire, récupéraient des cultures, des mines, des forêts.

Seize ans après le début du conflit, les reptiliens étaient toujours près de deux milliards, mais n'avaient pas évolué, et si leur nombre leur permettaient d'empêcher une progression trop rapide des hommes, elle ne pouvaient l'empêcher. Et la politique nataliste et expansionniste des hommes portait ses fruits, leur population était repartie à la hausse, frisant avec les deux cent soixante-dix millions, et ils avaient pratiquement multiplié par trois les territoires occupés. Plusieurs cités s'étaient regroupées et des régions entières étaient sous leur contrôles, protégée par de nombreux renforts et postes de garde, avec des mitrailleuses toujours plus puissantes et meurtrières. Ils utilisaient des machines à vapeur pour se déplacer, et les premiers engins roulant blindés et surarmés, ancêtre des chars d'assaut, commençaient à faire des carnages dans les villes reptiliennes. Les reptiliens qui commençaient à avoir du mal en endiguer le fléau de leurs enfants infertiles à quatre-vingt quinze pourcent.

Pourtant ces derniers savaient que leur seul espoir résidaient dans leur capacité à se reproduire, et les enfant fertiles étaient rapidement déportés loin des fronts, pour servir de mâles reproducteurs, car seuls les mâles étaient touchés d'infertilité.

Vingt-quatre ans après le début du conflit, la tendance était inversée, la population reptilienne commençait à diminuer. Les hommes pouvaient atteindre facilement leur ville très en amont des fronts grâce à leur dirigeable, et y lançaient d'énormes bombes qui faisaient d'innombrables victimes.

En l'an vingt, soit trente-deux ans après le MoyotoKomo, les hommes, même si leur trois cent vingt millions ne rivalisaient pas encore avec les un milliard huit cent millions de reptiles, étaient confiant dans leur victoire. L'évolution technique de leur adversaire était quasi nulle, alors qu'eux venaient de découvrir une supériorité technologique de taille, la maîtrise et la production de l'électricité. Celle-ci ne servit pas dans un premier temps à éclairer ou faire marcher des machines, mais à transmettre des informations le long d'un fil. Ce fut un nouvelle essor des communication et de la transmission du savoir.

La progression fut lente, mais constante, les hommes gagnaient du terrain, inventaient toujours plus, le moteur à explosion, l'éclairage par l'électricité, le vaccin, qui leur permit de diffuser de nombreuses maladies virales parmi les reptiliens, mais aussi des inventions servant leur propre qualité de vie, le réfrigérateur, le caoutchouc, le béton, la photographie, et bien d'autre.

Pourtant, malgré tous ces progrès, les hommes étaient encore reclus dans leurs forteresses. Bien sûr ils dominaient, presque cent soixante ans après le début du conflit, presque vingt pourcent de la surface terrestre d'Adama, en plus des mers, ou leurs bateaux à vapeur et leur sous-marins étaient les maîtres absolus. Bien sûr leur aviation naissante faisait des ravages dans les villes reptiliennes, bien sûr ils communiquaient maintenant par onde radio, ils roulaient en voitures à essence, ils avaient doublé leur espérance de vie. Bien sûr leur population de huit cent millions d'alors s'approchaient du milliard deux cent millions de reptiliens. Mais il n'étaient pas libres, et les reptiliens n'étaient toujours pas soumis, et parvenaient toujours à maintenir la pression malgré leur infériorité technologique.

Certains hommes poussaient alors depuis longtemps pour un règlement pacifique du conflit, pour une collaboration avec les reptiliens, un partage équitable du monde, et une évolution de concert. Mais si beaucoup d'hommes ne supportaient pas cette idée, c'est plus encore les reptiliens qui refusaient toute soumission, et qui s'entêtaient au point de laisser détruire nombre de leurs villes et massacrer leur habitants plutôt que de les fuir pour les laisser aux mains des hommes.

Les années passèrent encore, les reptiliens avaient appris des techniques des hommes, et avaient complètement restructuré leur industrie pour eux-mêmes produire. Ils possédaient des machines à vapeurs primaires, savaient communiquer par télégraphe et leur fusils pouvaient mettre à rude épreuve les fin blindage des avions humains. La guerre continuaient. Les effets du fléau du porc lancé par Guerroïk deux cent ans auparavant ne se faisaient plus sentir, tous étaient de nouveau fertiles, et ils avaient plus que jamais une politique nataliste forte. Ils occupaient encore de nombreux territoires bien loin des régions dominées par les hommes, et savaient se protéger de leur raids meurtriers.

Mais l'homme avançait plus vite. Nous situons en l'an cent vingt environ, soit un peu plus de cent quatre-vingt dix ans après le MoyotoKomo, l'égalité entre la population reptilienne et la population humaine, soit neuf cent cinquante millions. Alors l'homme avait reconquis de l'ordre de quarante pourcent des terres émergées, et il progressait rapidement. Mais les reptiliens ne se rendaient pas, et les théoriciens de l'époque pensaient en grande majorité qu'ils ne se rendraient jamais. Dans tous les combats, les reptiliens se battaient férocement jusqu'au dernier, et jamais à quelques rares exceptions ils ne se rendaient. Les traîtres étaient rares parmi eux, beaucoup plus rares que ne l'avaient étaient les hommes en d'autres temps.

Mais les reptiles ne baissaient pas les bras, et si chacune de leur profonde incursions en territoire humain, qui visaient presque systématiquement la vie de femmes et d'enfants, étaient punis par des villes entières rasées par les bombardements, cela ne faisaient que les rendre encore plus hargneux.

L'issue semblait inévitable, seule leur extermination mettrait enfin fin à ce conflit séculaire. Mais exterminer neuf cent millions d'individus n'est pas chose facile, même avec une supériorité technologique, même en propageant des virus, même en détruisant leurs cultures et leurs centres stratégiques, même en les renvoyant vivre comme des misérables aux fin fonds des forêts, ils en restaient toujours.

Les populations humaines étaient exténuées de vivre dans un monde en guerre depuis tant d'années, dont le seul objectif n'était que de créer des armes toujours plus puissantes, toujours plus destructrices. Elles n'aspiraient qu'à une chose, tirer enfin un trait sur cette guerre, en finir une fois pour toute, renvoyer au passé tout ces calamités.

En cent quatre vingt-trois après le MoyotoKomo, soit un peu plus de deux cent quatre-vingt dix ans de tes années, l'humanité prit, à une courte majorité, une des décisions les moins glorieuse de son histoire. Les hommes votèrent la grande battue, la multiplication des engins de guerre, la formation de chacun à leur maniement, pour repousser les reptiliens de trois des quatre continents d'Adama. Les hommes voulaient les reclurent au petit continent Chorkomar. Chorkomar signifiait "La corne du Dekar", nommé ainsi à cause de sa côte volcanique en forme d'arc de cercle. Chez les reptiliens, le Dekar était une forme de démon, d'être fantastique vivant dans un lointain passé, depuis longtemps réfugié dans les profondeurs de la terre et responsable de toutes les catastrophes naturelles.

La combinaison de toutes les puissances de feu des hommes permis en moins de douze ans l'extermination de presque tous les reptiles des trois continents. Mais les hommes vivant sur le Chorkomar ne l'entendirent pas de cette oreille, et refusèrent de quitter leur terre. Alors que le reste de l'humanité les suppliaient d'avoir un peu de pitié, ils se chargèrent de mettre un terme définitif à la race des reptiliens, en l'an 202 après le MoyotoKomo, trois cent vingt-trois de vos années.

Ce fut dur, et aussitôt les hommes rejetèrent plein de dégoût leur armes, leur technologie, et ces trois cent années de guerre, de massacre. Trois cent années de guerre, un monde dévasté, deux milliards trois cent millions de reptiliens tués pour deux cent soixante millions de vies humaines.

Tout changea après cette époque de ténèbres, la vision de la vie, de la nature, de l'évolution. Tout se ralentit, énormément, et la reconstruction et le respect de la nature et des espèces animales fut exacerbé.

Nous ne savons pas aujourd'hui si l'homme aurait pu devenir ce qu'il était sans l'intervention des reptiliens. Ce sont eux qui nous ont encadré en quelque sorte, et les conditions favorables lors de l'apparition des premiers singes ne semblaient pas propices à une évolution de ceux-ci, alors bien adaptés à leur environnement. Les reptiliens nous ont donné les moyens d'évoluer, de les surpasser, mais ils ont aussi complètement décuplé la compétition et les divisions. La soif de pouvoir, la jalousie, l'ambition, toute ces choses qui nous ont poursuivis depuis lors, et qui nous ont encore frappés au moment du LibreChoix. Aujourd'hui les citoyens de la congrégation n'aiment pas parlé du passé, et je les comprends, car notre passé est dur et triste. Depuis le LibreChoix tout est tellement plus calme, plus serein, plus juste. Pourtant beaucoup comme moi regrette de ne pas être partie... "

Pénoplée reste silencieuse un instant, regardant l'ocean bleu qui brille sous le vaisseau, plusieurs centaines de kilomètres en dessous de nous. Elle reprend :

- Voilà en quelques mot ce qui se cache derrière le MoyotoKomo. C'est une libération, mais c'est aussi de la peine, de la souffrance, et le début d'une nouvelle ère.

Pénoplée termine sont récit, et je reste moi-aussi bouche bée.

- Je... C'est... C'est incroyable.

- Pourtant, notre histoire en témoigne...

- Tu sais sur Terre, nous en avons déjà parlé, il existe ce que nous appelons des "religions". Une "religion" est un ensemble de croyance en êtres ou forces supérieures qui expliquent, surveillent ou contrôlent le monde.

- Oui, et ?

- De plus, toutes ces religions comportent un nombre important de règles à respecter, de façon à rester pur, à s'attirer les bonnes grâces des puissances supérieures. Deux religions à ma connaissance, peut-être plus, considère la viande de porc comme impure, et interdisent sa consommation.

- Étrange en effet...

Pénoplée reste silencieuse un moment, consultant sans doute son bracelet :

- il est vrai qu'en souvenir du MoyotoKomo, l'humanité n'a plus jamais vraiment ni élevé ni mangé de porc, même s'il n'y avait pas vraiment d'interdiction formelle. Le porc était plutôt utilisé comme petit animal de compagnie.

- D'autre part, sur le jour du MoyotoKomo, une autre religion débute par le martyr par "crucifixion", c'est-à-dire comme Guerroïk cloué ou attaché à une croix jusque mort s'en suive, de celui qu'elle considère comme le fils de Dieu.

- Quand cela se passa-t-il ?

- Oh, tu étais presque né, il y a deux milles de nos années.

- Mais ? Il y a à peine deux milles ans de telles chose se passaient encore sur votre monde, ne m'as-tu pas dis pourtant que vous avait un niveau technologique assez avancé ?

- Oui, aujourd'hui, mais il y a deux milles ans les connaissances scientifiques étaient très limitées. Nous n'utilisons l'électricité que depuis deux siècles tout au plus. L'avion n'existe lui aussi que depuis cent cinquante ans environ. Notre première sortie dans l'espace avec une fusée n'a eu lieu qu'il y a cinquante ans.

- Votre évolution me semble rapide, mais c'est difficile de comparer, de toute façon, nos évolutions étant tellement différentes. C'est vrai que suite à la guerre contre les reptiliens, tout s'est presque stoppé, et le progrès ne s'est fait sentir que sur des milliers d'années.

- C'était quand, déjà, votre MoyotoKomo ?

- Cela fait environ vingt mille ans pour toi.

- Vingt mille ans... C'est vrai que par rapport à ton récit, je dirai que le début du MoyotoKomo correspond à ce que nous avions il y a deux cent ans, et la fin à il y a cent ans. Nous aurions donc une vitesse de découverte de l'ordre de trois fois plus vite.

- C'est difficile de juger, j'imagine que les découvertes ne sont pas toujours si facilement comparables, mais quoi qu'il en soit ce fut notre rythme pendant la très rapide évolution de la période de conflit, ensuite nous avons ralenti considérablement.

- En ce qui nous concerne j'ai l'impression que tout accélère.

- Si vous continuez, il est bien possible que nous nous rattrapiez sous peu, quelques siècles peut-être. Mais à un moment il devient plus dur d'évoluer. Vous le rencontrerez sans doute, pour au moins deux raisons. D'une part les populations ne comprennent plus vraiment l'intérêt d'aller de l'avant quand elles ont tout ce qu'elles désirent, et de plus il devient aussi de plus en plus difficile de trouver de nouvelle chose, car la recherche et de plus en plus complexe et de plus en plus longue.

- Un peu comme si l'homme atteignait une limite à son intelligence ?

- Oui, nous n'avons ensuite vraiment progressé que grâce aux artificiels, ou tout du moins en partenariat avec eux.

- Je comprends... Enfin toujours est-il que ton histoire de porc et de crucifixion me paraît très surprenante, elle laisserait quand même de fortes suspicions sur votre implication dans la colonisation de notre monde.

- Ces éléments sont troublants en effet, mais ce ne sont sans doute pas des preuves irréfutables, le porc peut très bien avoir véhiculé plusieurs types de maladies ou d'autres éléments qui ont conduit les religions à en proscrire la consommation. Et attacher un homme sur une croix pour le laisser agoniser ne me semble pas une idée si unique que ça, malheureusement...

- Oui c'est vrai, mais ça laisse tout de même planer le doute, en plus de ta remarque sur le fait que deux formes de vie identiques n'ont jamais été trouvées sur deux planètes différentes.

- À l'exception des Menochéens cependant, tu sais une des trois formes de vie intelligentes que nous connaissons, ceux restant depuis toujours dans leur système médiéval. Nous ne savons pas comment elle a migré entre les planètes qu'elle habite. Mais c'est notre seul exemple et nous sommes quasi-certains que sa migration est partie d'un même point. Hormis ce contre-exemple, nous n'avons jamais vu deux espèces identiques si éloignées l'une de l'autre..

- Mais c'est quand même incroyable, la naissance de la Terre date de bien avant le départ des hommes de l'au-delà, comme l'expliquer alors ? Se pourrait-il qu'il y a des millions d'années les deux sytèmes étaient suffisamment proche pour que la même forme de vie soit apparues sur les deux ?

- Des formes de vies voisines pourquoi pas, mais la même c'est difficilement plausible, la plus infimes variations des paramêtres de l'environnement conduit à des formes qui s'opposent du tout au tout...

- Peut-être que l'homme n'est pas apparu sur Adama alors ? Sur Terre il y a des mythes, comme celui de l'Atlantide, qui racontent que dans un lointain passé existait une civilisation très avancée. Peut-être n'est-ce pas un mythe et peut-être cette ancienne civilisation maîtrisait les voyages interplanétaire et à quitter la Terre pour Adama ?

- L'explication la plus logique n'est sans doute pas très loin de ça, pourtant sur Adama les différents stades de l'évolution humaines sont tellement visibles qu'il est difficile de remettre en question son origine locale.

- Nous avons le même sentiment sur la Terre...

- Hum... Bref, nous ne résoudrons pas ce mystère aujourd'hui... Il est déjà tard, je n'ai pas vu le temps passé, si nous rentrions ?

- Oui, nous n'avons même pas eu le temps de faire des choses dans ton vaisseau.

- Bah ce n'est que partie remise, et puis l'apesanteur c'est beaucoup moins exitant que ce que l'on croit, ça donne des sensations de perdre l'équilibre pas toujours très propice au milieu de l'action.

- Ah, je m'en remets à ton expérience séculaire, rentrons, peut-être que les autres sont arrivés.

- Non, pas encore, Samrane ne m'a pas prévenue, mais nous pouvons déjà aller rejoindre Iurt et Guerd.

Pénoplée relance le vaisseau en direction de la station orbitable, et trente minutes plus tard, si tant est que j'ai toujours une vague idée de ce que représente une minute, nous marchons tranquillement main dans la main sur une petite allée pavées au milieu d'une forêt en direction d'une clairière où sont Guerd et Iurt.

Iurt, qui a près de quatre mille ans, nous raconte son passé d'explorateur aux confins de la Congrégation. Il a visité des milliers de planètes toutes plus étranges les unes que les autres, observé des formes de vie aussi extraordinaires que dangereuses.

- Mais pourquoi ne continuez-vous pas à explorer, il doit toujours y avoir à découvrir ?

Iurt soupire :

- Oh... Depuis le libre choix j'avoue que j'ai un peu perdu de ma motivation. Les artificiels font ça très bien, et puis de temps en temps je me remets à jour en parcourant les dernières archives.

Pénoplée nous coupe :

- On mange ici ou on retourne aux niveau inférieur ?

Guerd et moi sommes plutôt d'avis de rester tranquillement ici, Iurt et Pénoplée s'incline. Guerd demande à Samrane de nous apporter un repas :

- Samrane, peux-tu nous faire livrer quatre repas s'il te plait ?

Samrane, toujours présenten arrière-plan, répond :

- Vous avez des désiderata particuliers ?

Chacun donne ses préférences, et cinq minutes plus tard une petite abeilles nous apporte nos paniers-repas. Nous commençons le repas avec appétit. Je m'inquiète de savoir quand vont arriver les autres :

- Nous pouvons savoir quand sont sensé arriver les autres ?

Pénoplée répond :

- C'est Iurt qui a les données normalement.

Iurt confirme. Il reste silencieux un instant, puis, donne les informations à mesure que Samrane lui les communique:

- Ulri est arrivé et sera disponible dans quelques heures, Erik sera là demain matin, Moln un peu plus tard dans la matinée et...

Il reste silencieux un long moment. Je demande finalement :

- Quelque chose ne va pas ?

Il pose son pain, s'essuie les mains sur ses habits, les marques disparaissent aussitôt, et il change de posture, soucieux :

- Je ne trouve pas les informations concernant Naoma.

Pénoplée, intriguée, pose aussi sa nourriture et sans doute consulte Samrane de son côté. Elle confirme

- Oui il y a un problème. Samrane confirme que Pénoplée est bien partie de Stycchia, mais il a perdu sa trace.

Guerd manque de s'étouffer en entendant Pénoplée et s'exclame :

- Il a perdu sa trace ! Mais, c'est impossible !

Iurt se lève, apparemment très décontenancé :

- Oui, elle n'est nulle part, le téléporteur du village confirme qu'elle est bien partie, mais il ne sait pas où.

C'est vraiment n'importe quoi :

- M'ont pas l'air très au point vos machins, déjà celui par lequel nous sommes arrivés déconnait complètement, maintenant celui-là...

Guerd me coupe :

- Mais non ! Ça n'arrive jamais ! C'est pas normal !

- Sans blague ?

Iurt s'était un peu éloigné, sans doute pour appeler quelqu'un, il revient :

- Les gens du village m'ont bien confirmé que le téléporteur était vide et Naoma partie. J'ai consulté Meetr, il s'est entretenu avec Guewour et il n'y a aucune trace de Naoma, il y a bien eu un disfonctionnement. C'est le deuxième dont vous êtes victimes, et il devient de moins en moins probable que ce soit le fruit du hasard.

Je demande discrètement à Guerd :

- C'est qui Meetr et Guewour ?

Guerd me répond virtuellement, c'est vrai que c'est plus efficace comme messe basse, et plus discret :

- Meetr c'est plus ou moins la personne qui représente Stycchia auprès du Congrès, et Guewour c'est la personne du Congrés que tu avais déjà rencontrée lors du conseil sur Stycchia.

Je me remémore cette séance ou Guewour avait eu connaissance de notre existence, puis je reviens dans la conversation et me lève :

- Il y a un truc louche, comment peut-on faire pour la retrouver ?

Ils restent silencieux. Pénoplée répond finalement.

- Je ne sais pas, je ne crois pas qu'il y ait de moyen.

Je m'écrie :

- Quoi ! C'est quoi encore votre truc, c'est vraiment minable ! Alors on fait quoi, comme si on avait rien vu et on oublie Naoma ?

Pénoplée reste calme :

- Rien ne sert de t'énerver, ce qui se passe n'est pas normal, ça n'arrive jamais, ça ne fait que confirmer que l'affaire vous concernant est étrange et complexe.

Je reste silencieux un instant.

- Mais qui contrôle les artificiels qui dirigent ces téléporteurs, il doit y avoir moyen de pister leur activité.

Iurt confirme :

- Oui bien sûr, et je peux retrouver sans problème l'intégralité de mes déplacement depuis ma naissance. Mais dans le cas présent les données sont manquantes.

- Ce n'est jamais arrivé que ça plante ?

Pénoplée consulte les archives, Iurt répond directement :

- Si bien-sûr, mais la faute est généralement facilement rectifiable, car si le téléporteur d'entrée se trompe, le téléporteur de sortie reste connue. Les artificiels transportent les données au travers de leur infrastructure de transmission de données, à partir du moment où il ont transmis quelque chose, ils savent où...

Je déduis :

- Donc quelqu'un a détruit ou caché ces données.

Iurt reste silencieux un instant puis répond :

- Oui.

- Bon et bien au moins c'est clair, et qui peut faire ça ?

Iurt reste indécis, il écarte les bras et soupire :

- C'est tellement difficile à croire que ça remet en question l'ensemble même de notre structure...

- C'est le bordel quoi !

Pénoplée est d'accord avec moi.

- Ça résume assez bien oui...

Je m'inquiète de savoir quelles sont nos alternatives :

- Et qu'est ce qu'on peut faire ?

Ils restent silencieux. Iurt finalement prend la parole :

- À notre niveau j'ai bien peur que nous ne soyons demunis, mais nous sommes justement ici pour présenter cette énigme au Congrès, espérons que nous y trouverons des réponses. En attendant, je vais m'entretenir avec Guewour et tenter d'accélérer notre comparution. Je vous laisse terminer de manger, nous nous retrouverons pour partir sur Adama dès que possible.

Iurt appelle une abeille et disparaît rapidement de notre horizon. Le ciel s'assombrit et petit à petit nous voyon apparaître par transparence de multiple étoiles, et surtout Adama, belle et immense.

Nous nous rasseyons, je reprends un petit pain bleu que je trouve délicieux, je reste pensif. Pénoplée me demande :

- Comment tu interprètes tout ça, François ?

Je réfléchis un instant puis réponds :

- C'est difficile à dire. Une chose est sûre c'est que quelqu'un a piraté vos téléporteurs, ça explique pourquoi nous sommes arrivés sans laisser de traces sur Stycchia, et pourquoi Naoma disparait aussi mystérieusement.

Pénoplée acquiesce :

- C'est vrai qu'il faut nous rendre à l'évidence, d'autant que nous n'avions rien trouvé sur votre étape intermédiaire, cette Lune où des hommes fabriquaient des vaisseaux, laissant penser qu'il existe des connections externes à notre réseau de téléporteurs.

- Oui, tout à fait. Mais maintenant pourquoi ? Qui peut bien m'en vouloir du fin fond de la galaxie ? Et pourquoi ? Qu'est ce que j'ai bien pu faire à part du pain au micro-onde et des milliers de tractions, c'est quand même pas "blasphématoire" à ce point !

Je ne sais pas comment se dit blasphématoire dans leur langue, Guerd ne comprend pas :

- "Blasphématoire" ?

Pénoplée lui explique, elle avait pris sur son bracelet mon travail d'apprentissage du français à Chalet.

- Faire quelque chose contrainre à une puissance supérieure qui est sensée tout avoir créée et tout contrôler, mais Ylraw plaisante.

- Ah, ok.

Je reprends :

- Plus sérieusement je veux bien que sur Terre mes pérégrinations aient dérangé quelques personnes qui ont alors décidé de m'envoyé en prison sur je ne sais quelle planète, avant que Bleuman me ratatine. Ensuite on peut concevoir que Bakorel, en situation de panique, nous ait téléporté au hasard, et que nous soyons arrivé sur Stycchia.

Pénoplée continue :

- Et à partir de là, les personnes très en colère on tenté de vous retrouver, et comme elles ont un certain accès aux téléporteurs, elles ont tenté de vous dévier lors de votre voyage vers Adama. On peut penser que ce n'est pas forcément évident pour eux, et il n'ont eu que Naoma.

- Ça se tient.

Guerd conlue :

- Mais alors nous ne sommes plus à l'abri lors de nos déplacement ? Ça veut dire que nous ne pourront pas rentré sur Stycchia l'esprit tranquille ?

Pénoplée relativise :

- A priori ils n'en veulent qu'à François, et ils n'ont qu'un contrôle partiel des artificiels, mais sans savoir nous sommes complètement à leur merci, comment savoir si Samrane n'est pas dans le coup, par exemple ?

Samrane répond sur le champ :

- Voyons, Pénoplée, vous savez bien que je suis votre dévoué.

Pénoplée le prend en exemple :

- Tu vois, tout ce que nous disons ou faisons est connu des artificiels, si ce sont eux notre point faible, nous sommes à leur merci.

Guerd rétorque :

- Mais les avis ! Les avis peuvent empêcher ça, on peut les contrôler.

Pénoplée rigole :

- Et les avis c'est quoi, c'est les bracelets, c'est eux ! Si on doit vraiment se débarrasser des artificiels, nous devons tout mettre par terre, tout, notre énergie, c'est eux, nos moyens de communication, c'est eux, notre source de nourriture, c'est eux, tout ! Et quand tu appelles ta mère sur Forz, qui te dit que ce n'est pas un virtuel fait par les artificiels et que ta mère n'est pas morte depuis longtemps ?

- Mais c'est affreux !

Je temporise :

- Rien ne sert de devenir paranoïaque non plus, si vous n'avez jamais eu de problème depuis plusieurs millers d'années, c'est quand même que votre sytème doit à peut près marcher. De plus la cible semble être uniquement moi, vous n'avez donc pas grand chose à craindre.

Guerd n'est que moyennement rassurée.

- Oui mais comme maintenant on t'aide, peut-être qu'on va être poursuivi aussi.

Pénoplée est énervée par la remarque de Guerd :

- Tu peux rentrer sur Stycchia si tu ne veux pas venir avec nous.

- Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, juste qu'on ferait quand même mieux de se méfier, peut-être devrait-on retirer les bracelets ?

- Moi j'ai jamais été pour ces machins, de toute façon, c'est à cause d'un truc pareil que je me suis retrouvé dans un pétrin pareil perdu je ne sais où.

Pénoplée rajoute :

- ...et que tu me connais.

Aille ! Je m'approche d'elle pour lui faire un bisou, elle me repousse en tombant en arrière :

- François ! Arrête ! Je sais bien que tu aurais voulu ne jamais venir ici...

- C'est faux ! Tu sais bien que je très content d'être avec toi, mais quand même, je ne sais pas pourquoi je suis là, je perds mes amis un à un, je me fais tuer par un géant bleu à l'autre bout de la "Voie Lactée", j'ai le droit d'être un peu énervé !

Pénoplée devient moins farouche.

- La "Voie Lactée" ?

- J'ai traduit littéralement le nom que nous donnons à la Galaxie, à cause de l'aspect dans le ciel.

- C'est joli... Embrasse-moi.

Guerd se plaint :

- Eh ! Arrêtez, j'ai pas mon Erik moi...

Je me retourne :

- Je croyais que vous étiez séparés ?

- Oui, enfin, un peu, enfin, c'est pas très clair...

Nous nous relevons et nous asseyons correctement, la situation n'est pas spécialement l'occasion de s'amuser. Pénoplée reprend :

- Pour revenir au bracelet Guerd je pense que ça ne sert à rien de paniquer tant que nous n'avons pas l'avis du Congrès. De toute façon Iurt essaie d'accélérer les choses, peut-être que nous pourrons passer d'ici à quelques jours. D'ici là, nous ne pouvons guère rien faire qu'attendre...

Nous terminons silencieusement notre repas, puis nous nous laissons guider par Samrane vers nos lits. Nous dormons dans les étages inférieurs. Samrane demande si nous désirons dormir ensemble Pénoplée et moi, je la prends par la main, elle réponds par l'affirmative. Nous ne faisons pas l'amour cette nuit là, je suis trop préoccupé par ce nouveau coup du sort ; Pénoplée le sent et reste dans mes bras toute la nuit.

Jour 188

Je me réveille tôt. Je laisse Pénoplée profondément endormie et quitte discrètement la petite chambre après avoir enfilé un vêtement commandé à Samrane par bracelet interposé. Je me laisse ensuite guidé vers celui-ci jusqu'à une grande salle donnant sur une immense baie vitrée et largement fournie en fauteuil très confortables. Samrane me propose quelque chose à grignoter mais je refuse, ayant toujours quelques remords à céder à la facilité. Il est vrai que je ne fais plus aussi consciencieusement mon sport quotidien depuis que je suis arrivé au village. Sur Terre pas plus de trois jours sans sport et mon moral faisait une chute libre. Le sentiment d'avoir un corps interchangeable est étrange. Un peu comme si on pouvait tout se permettre, plus de problème de maladie, de poids, de toutes ces choses qui pourtant nous occupaient une bonne partie du temps auparavant.

Adama... Tu passes devant moi... Si ce n'est la forme particulière de tes continents je te prendrais pour ma bonne vieille Terre...

Je suis dans une station orbitale autour d'une planète inconnue ou vivent vingt-deux milliards de personnes... Mon Dieu... C'est tellement invraisemblable... Mais où donc cela me mènera-t-il ?

Je suis sortie de mes rêve par quelqu'un me mettant la main sur l'épaule. Pénoplée va pour s'asseoir dans le fauteuil voisin mais je lui attrape la main à temps et la tire doucement pour qu'elle s'installe sur moi. Elle se laisse faire et se tourne pour appuyer sa tête sur mon épaule. Elle me parle doucement.

- Tu n'arrivais pas à dormir ? J'étais trop près ?

Je l'embrasse sur le front.

- Non pas du tout, je n'avais plus sommeil je crois, nous nous sommes couchés tôt. Je ne voulais pas te réveiller en bougeant trop dans le lit alors je me suis levé.

- Tu es triste ?

- Tu sais je me sens un peu responsable si Erik et Naoma sont arrivés dans cette galère avec moi, alors je culpabilise qu'il arrive tous ces malheurs à Naoma.

- Pourtant tu n'y peux pas grand chose...

- Oui je sais bien... Mais c'est toujours plus facile de s'en remettre au sort. J'aurai pu me débrouiller tout seul sur Terre, et au moins si j'étais seul je n'aurais peur de rien.

- Tu n'as pas peur de mourir ?

- Non...

- Moi je suis déjà morte une fois, j'avais pas peur à l'époque, mais maintenant j'ai peur. Avant je ne savais pas, maintenant je me dis que peut-être personne ne remettrait mon bracelet en route, peut-être qu'on m'abandonnerait... J'ai peur de partir sans que personne ne s'en aperçoive... Alors je ne me laisse plus vieillir...

Nous restons silencieux quelques instants...

- Adama ressemble à ta planète ?

- Oui, beaucoup...

- Tu étais déjà allé dans l'espace avant ?

- Non jamais, sur Terre seul les scientifiques et quelques personnes très riches peuvent se le permettre.

Encore quelques instants...

- Dis-moi que tu m'aimes...

- Je t'aime Pénoplée... Je viendrai te faire revivre, moi, encore et encore, si jamais tu meurs.

Elle se blotit un peu plus contre moi.

- Ça fait longtemps que tu n'es pas venue sur Adama ?

- Non, pas très longtemps, j'y suis venue il y a une dizaine d'année, seize ans pour toi, pour fêter la nouvelle année avec Phamb.

- Phamb ! Tu le revois toujours ?

- Pas depuis cette fois-là. On dois se croiser une fois tous les vingt ou trente ans sinon, oui... La nouvelle année Adamienne est dans quarante jours d'Adama. Peut-être qu'on pourra y assister.

- C'est quelle année ?

Elle reste silencieuse un instant, consultant sans doute son bracelet.

- 12624, je vais avoir 890 ans cette année.

- Tiens c'est bizarre, ça me rappelle les dates inscrites sur les cahiers que j'avais trouvé sur Terre.

- C'était la même année ?

- Non il me semble que c'était 13000 et quelques. Mais peut-être que c'était bien en année d'Adama. Peut-être que c'est la date où ils sont arrivés sur Terre.

- Ça m'étonnerait, il serait arrivé avant le MoyotoKomo, et à cette époque là il n'y avait pas du tout de vaisseaux spaciaux.

- Ah oui... Mais d'un autre côté peut-être que le calendrier a divergé. Comme la durée de l'année sur la Terre est plus courte, les années passent plus vite.

- On peut retrouver la date à partir de laquelle ça a divergé, puisque une année d'Adama fait environ 1,6 années de ta planète ?

- Oui, oui, puisque l'orgine est à 12624 année d'Adama, cela veut dire que X années d'Adama, plus 12624 moins X multiplié par 1,6 donne 13000. C'était 13100 quelque chose pour être plus précis, il me semble.

- 11830 et quelques.

Je suis impressionné par la rapidité de calcul de Pénoplée.

- Whaou ! T'es forte en calcul mental.

- Si on veut, disons que le module calcul est pratique...

Je souris.

- OK, donc ils seraient partie d'Adama en 11830.

- Le Libre Choix c'est en 11749. Ça fait quatre-vingts ans plus tard. C'est bizarre on devrait avoir une trace si c'est si récent.

- Ça fait combien de temps en années de chez moi ?

Je suis un peu perdu avec toutes ces dates astronomiques.

- 794 annnées d'Adama, 1480 ans environs.

- Ok. C'est cohérent avec le contenu des cahiers mais à mon avis il y avait déjà des hommes sur Terre à ce moment. Nous avons des contructions humaines bien plus anciennes que ça.

- C'est peut-être des faux ?

- Il existe des monuments qui datent de plus de quatre mille ans, de grandes pyramides, qui pèsent plusieurs millions de tonnes et dont l'âge a été déterminé par de nombreuses méthodes. C'est difficile de croire que de tels monuments on été crée a postériori juste pour le plaisir.

- Pas vraiment pour le plaisir, pour rendre l'opération plus crédible.

- Mais c'est immense, comment auraient-ils pu faire ?

- Tu es prêt à croire que des hommes sans aucune technologie aurait été capables de leurs mains de les ériger, et tu n'es pas disposé à admettre que les artificiels l'aient pu, eux qui sont capables de déplacer une planète sur son orbite, de transformer une monde désolée comme Stycchia en paradis verdoyant, ou encore de créer des stations orbitales de plusieurs centaines de kilomètres, et qui pèsent elles des milliers de milliards de tonnes !

- Oui tu as raison, après tout...

Elle reste dans mes bras, et nous nous endormons doucement en regardant Adama défilée...

- Alors, vous avez pas trouvé ou dormir dans cette cage à poule !

Nous sommes réveillés en sursaut. Pénoplée se lève, apparemment gênée qu'on l'ai surprise dans cette position. Erik nous salue chaleureusement.

- Erik, mince, je voulais allé te recevoir, j'avais demandé à Samarane de me réveiller.

Erik rigole :

- Oui il m'a dit. Mais comme tu étais endormi il n'a pas osé te réveiller, il a bien fait. Les autres sont arrivés ?

Je m'étire et reprends mes esprits, je m'étais vraiment bien rendormi. Je reprends un air grave.

- On a un problème, Naoma a disparu.

Erik fronce les sourcils, il parle en anglais :

- Disparu ?

Je poursuis en anglais.

- Oui, elles est bien partie de Stycchia mais ils sont incapables de dire où elle est atterrie. Apparemment leur système à été piratée et ils n'ont pas de moyens de savoir où elle se trouve.

- Qu'est-ce que c'est encore que ces histoire, c'est pas croyable ! Mais ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?

- Bah tu sais dès qu'il s'agit de leur artificiels ils ne sont pas très dégourdis. Iurt essaie d'accélérer les choses pour qu'on passe devant le Congrès au plus vite, en espérant qu'il puisse en dire plus. Mais c'est pas super bien barré, ils n'ont jamais eu trop de soucis avec leur téléporteur et font une confiance aveugle aux artificiels, et comme personne n'est au courant de comment ils fonctionnent, c'est un peu le flou total.

Erik parle de nouveau dans la langue de Pénoplée.

- Quand va-t-on voir le Congrès ?

Pénoplée répond :

- Nous devions exposer le problème dans deux semaines, puis ensuite y retourner au gré des évolutions. Peut-être que Iurt pourra nous faire passer plus tôt s'il arrive à convaincre Guewour.

Erik fait la moue :

- On peut rien faire quoi... Mais ils sont où ces artificiels, il y a bien des machines, des composants ?

C'est Samrane qui répond :

- Nous sommes répartis dans l'ensemble des téléporteurs d'une part, l'ensemble des bracelets, et sur de nombreuses planètes non habitables où nous trouvons les matières premières nécessaires à notre fonctionnement et notre entretien. Mais nous ne sommes que de la puissance de calcul, depuis le début nous n'avons évolué que pour servir les hommes, nous n'avons d'autre but que celui-ci.

Je reste perplexe :

- De toutes façons je te vois mal dire le contraire...

Pénoplée semble curieuse.

- Mais Samrane pourtant chaque vaiseaux par exemple a sa propre conscience, or tu sembles dire que vous n'êtes qu'une seule et même machine ?

- Il y a beaucoup de conscience artificielle indépendante. Chaque bracelet en est une, mais quand la connexion le permet, nous pouvons réfléchir comme un tout, nous sommes plusieurs et un seul à la fois.

C'est encore buggué ces machines :

- Mouais, mais en ce qui concerne retrouver Naoma, vous êtes autant incapables à plusieurs que tout seul.

Samrane ne répond pas. J'ai faim.

- En attendant déjeunons, Erik t'a sûrement pas très faim mais moi j'ai une faim de loup.

Pénoplée reste silencieuse un instant puis nous confirme qu'Ulri va se joindre à nous, Guerd dort encore, et Moln sera là d'ici à la mi-journée.

- Et Iurt ?

- Il est déjà partie sur Adama ce matin. Nous le rejoindrons dès que Moln arrive.

Ulri arrive quelques minutes plus tard, nous le saluons tous. Pour se saluer la règle ici c'est de se faire une accolade, plus ou moins longue suivant le degrès de relation entre les deux personnes. Nous mangeons des petits batonnets salés, souvenir d'une forme de mets que mangeaient les hommes d'Adama il y a bien des millénaires.

C'est vraiment frustrant de devoir rester là impuissant. Mais qui donc peut bien m'en vouloir. Et pourquoi prendre Naoma ? Pour me tendre un piège, pour me provoquer, pour me forcer à faire quelque chose ? Comment saurai-je, en plus, la prochaine fois que je la vois si ce n'est pas un virtuel, un guet-apens ?...

Suite au petit-déjeuner, nous prenons tout de même le temps de faire visiter la station à Erik, dans l'attente de Moln. Avec des abeilles nous faisons le tour complet de la surface, ce qui fait tout de même une ballade de plus de cinquante kilomètres. Erik est comme moi impressionné de trouver un tel paysage campagnard dans une station spaciale.

Finalement Moln arrive et Iurt, qui avait déjà prévu avec Samrane notre départ pour Adama, lui laisse tout juste le temps d'arriver et de nous rejoindre dans le vaisseau qui nous emmène vers la planète-mère. Nous montons tous dans des petites bulles ou nous sommes confortablement assis et attachés. Ensuite ces bulles sont toutes récupérées sur une sorte de grappe géante qui part avec les bulles pleines du moment, c'est un peu comme un métro, si on arrive trop tard il faut prendre le suivant. Dans la bulle j'ai une surpimpression virtuelle du paysage, et la rentrée dans l'atmosphère est impressiante, même si un peu chaotique.

La descente vers Adama est pourtant assez longue, il nous faudra bien deux de leur heures, enfin l'équivalent, ce qui fait environ une heure trente de chez nous. Nous arrivons finalement, et les petites bulles sont déchargées pour glisser jusqu'à s'ouvrir dans un large couloir en haut d'une immense pyramide qui surplombe une ville immense. Des milliers de petits vaisseaux et surtout d'abeilles virevoltent dans tous les sens, sans doute sous le contrôle d'un artificiel bienveillant s'assurant qu'il n'arrive aucun accident.

Je suis un peu perdu et je prèfère rester là en attendant que Pénoplée me rejoingne. Elle arrive cinq minutes plus tard avec Erik, nous retrouvons rapidement Moln, Guerd et Ulri et Pénoplée nous dirige vers l'endroit où nous allons résider, une sorte d'hotel réservé généralement aux personnes qui vont parler au Congrès. Il y a un monde fou, pour la première fois depuis notre arrivée dans la Congrégation je ressens ma légendaire agoraphobie. Il y a des gens de partout, qui bougent dans tous les sens, des abeilles, des vaisseaux, des gens qui marchent... Par trois fois je reste curieux devant des sortes de magasins étranges et je manque de perdre le groupe. Tellement que Pénoplée, énervée, me prends par la main et m'interdit d'aller à droite à gauche.

Nous prenons trois abeilles bi-places et en trente minutes nous sommes déjà dans notre suite royale à l'hotel. L'hôtel n'est pas si démesuré, et il est beaucoup plus calme que la frénésie extérieure. Je choisi une chambre avec Pénoplée, Guerd arrive à convaincre Erik d'aller avec lui, et Moln et Ulri prennent chacun une chambre. Quelques minutes plus tard Iurt arrive, et nous nous installons tous dans les confortables sièges pour écouter son compte-rendu. Malheureusement il n'a pas beaucoup progressé. Nous ne passerons pas plus tôt devant le Congrès, à savoir dans une dizaine de jours, et Guewour pas plus que les autres personnes à qui il en a parlé n'ont d'idées claires sur les tenants et les aboutissants de cette affaires.

Iurt continue en expliquant diverse conversations qu'il a eu avec des personnes que je ne connais pas du tout mais qui sans doute doivent être importantes ou au moins connues. Je le coupe finalement, lassé par leurs histoires interminables :

- Bon, comme apparemment on ne peut rien faire, je vais aller faire un tour. Tu viens Erik ?

Pénoplée me lance des regards noirs, Erik acquiesce et se lève, nous partons avant même que Guerd n'ait pu faire le dur choix de rester avec eux ou de venir avec nous.

Pénoplée ne bouge pas, sans doute hors d'elle de mon manque de politesse, elle crie :

- Et vous allez où ?

- Boah, nous ballader, de toute façon on a nos bracelet enfant, alors vous n'aurez pas de mal à nous retrouver, et puis c'est vous qui gérez l'affaire, pas vrai ?

Nous prenons rapidement le couloir avec Erik pour nous diriger vers une plate-forme où nous voulons emprunter deux abeilles. Je lui fait part de mon énervement :

- Ils commencent à me prendre un peu la tête avec leur fatalisme à deux balles.

- Oui, c'est vrai que question initiative c'est pas des flèches

Nous arrivons sur la terrasse, mais nos bracelets ne nous le permettent pas d'emprunter des abeilles, alors nous descendons jusqu'à pouvoir sortir dehors. Mais il y a pas vraiment de dehors, tout n'est qu'un enchevêtrement de bâtiments les uns sur les autres, il n'y a même pas vraiment de sol, il semble que l'on puisse toujours descendre plus bas. Il y a vraiment des gens de partout, principalement qui discutent entre eux. Adama doit être une sorte de point de rencontre géant où les gens se donne rendez-vous pour se voir.

Toutefois si notre intention d'essayer de trouver quelque chose est louable, il est assez difficile de savoir par où commencer. Finalement je prends la décision de demander à deux personnes qui discutent :

- Bonjour, excusez-moi, pourriez-vous me dire où siège le Congrès ?

La personne me regarde d'un air interrogatif, puis regarde mon bras :

- Euh, oui, mais ? Votre bracelet ne marche pas ? Mais, c'est un modèle enfant ?

Ah j'avais oublié ce détail.

- Et bien oui, à vrai dire nous n'avons pas encore de modèle adulte.

Soudain la personne se recule de quelques pas.

- Mais, qui êtes-vous, je ne comprends pas ? Je n'ai pas de données sur vous ?

Erik prend la parole :

- Nous ne faisons pas partie de la Congrégation, nous devons justement passer devant le Congrès à ce sujet.

L'homme semble devenir moins méfiant.

- Ah oui très juste, mais vous ne devez comparaître que dans dix jours, pourquoi voulez-vous y aller tout de suite ?

Erik poursuit :

- À vrai dire ce n'est pas notre seul problème, une de nos amie a disparu lors d'une téléportation, et nous cherchions qui pourrait nous renseigner plus sur le sujet.

- Mais, Iurt, Pénoplée et Guerd ne peuvent-ils pas vous aider ?

Je suis surpris :

- Vous les connaissez ?

- Non pas du tout mais ils sont indiqués comme étant vos responsables.

Erik marmone en anglais.

- Décidément, c'est vraiment de la saloperie ces trucs.

Je continue :

- Oui mais ils sont un peu occupé et stressé, et nous voulions juste allez voir où se trouve le Congrès, et peut-être discuter avec des personnes qui pourraient nous en apprendre un peu plus.

- Ah oui ça les bracelets enfants c'est pas pratique, toujours obligé de demander aux adultes de l'aide, mais après tout c'est l'objectif souhaité. Je peux vous y accompagner, qu'est-ce que tu en penses, Hur, ça nous fera une balade.



Rencontres

Son compagnon, silencieux jusqu'alors, approuve. Nous marchons avec eux et ils commencent à nous poser de multiples questions, d'où nous venons, comme est notre monde, où trouve-t-il... Nous arrivons finalement à une extrémité du bâtiment, d'où je me rends compte qu'en contrebas il y a encore des centaines de mètres d'immeuble, de parcs, jusqu'à un hypthètique sol invisible. Ils prennent chacun une abeille biplace et nous nous séparons Erik et moi. La personne que j'ai interrogée s'appelle Rono, Erik est avec elle, quant à moi je suis avec Hur. Rono nous parle à tous les trois via notre bracelet pour nous expliquer les différents monuments et endroits que nous survolons.

Une dizaine de minutes, puis nous arrivons en vue d'une grande zone ou le ciel est dégagé, quelques minutes plus tard je decrouvre que cette zone est un immense parc. Nous nous posons à l'entrée. Rono poursuit ses explications :

- Voilà le Congrès.

Erik est surpris :

- C'est un parc ?

Rono précise :

- Pas exactement, au centre se trouve l'amphithéâtre ou les membres du Congrès discutent. L'emplacement est entouré par un très grand parc où ils peuvent se promener pour réfléchir. La zone est protégée et on ne peut pas la survolée. De la même façon on ne peut entrer dans la zone sauf si suffisament d'avis nous en donnent l'autorisation.

Hur précise :

- Je ne sais pas si vous connaissez un peu l'histoire d'Adama, mais le Congrès a lieu sur l'emplacement de l'ancienne place d'Eryas.

Je me remémore le récit de Pénoplée :

- La place où a été crucifié Guerroïk !

- Exactement.

Erik ne comprends pas ?

- C'est qui Guerroïk ?

Je prends cinq minutes pour lui raconter l'histoire des reptiliens et de Guerroïk, lui promettant de lui faire une version plus détaillée un peu plus tard. Nous marchons ensuite sur le pourtour du parc, Rono détaille les différentes étapes de la contruction et de la mise en place du Congrès, mais je suis plus intéressé par savoir comment allé interroger les personnes à l'intérieur ?

- Vous y serez dans dix jours, en attendant vous ne pouvez pas faire grand chose pour accélérer les choses. Ici se règlent les problèmes de trois cent soixante milliards de personnes, ne soyez pas aussi impatient.

Erik marmone toujours en anglais :

- Toujours le même merdier quoi...

Rono est étonné de ne pas avoir les références de la langue employée par Erik, je lui explique succintement que notre monde ne fait pas partie du tout de la Congrégation et que par conséquent il est normal qu'il n'ait aucune information au sujet de nos langues. Rono pensait simplement que nous venions de l'une des rares planètes qui avaient refusé l'intégration dans la Congrégation et qui continuaient à avoir un fonctionnement autonome.

Nous passons ensuite quelques heures à nous promener autour du congrès, l'endroit est agréable et moins mouvementé que les environs de l'hôtel. Nous nous arrêtons sur un banc pour manger une sorte de pain au chocolat du coin, tout en racontant à Rono et Hur le détail de nos aventures. Ils n'ont pas beaucoup plus d'idées sur l'origine du problème et d'éventuels moyens d'en trouver un éclaircissement. Tout marche tellement bien ici, il y a vraiment aucune raison de savoir les détails des engrenages. Toutefois je ne comprends pas bien l'utilité du Congrès si tout marche si parfaitement :

- Mais quel genre de problèmes sont présentés au Congrès, alors ?

Hur répond :

- Les principaux débats du Congrès sont souvent des débats conceptuels, qui a le droit de quoi, où sont les limites de la citoyeneté, l'analyse des différentes périodes du passé, les idées et recommendations pour le pouvoir et le contrôle sur les artificiels, les comptes-rendus des dernières découvertes techniques...

Erik rétorque :

- Ce ne sont pas vraiment des problèmes.

- Non, très juste, mais il arrive aussi fréquemment que des litiges ne trouvent pas de solution avec les avis locaux, et nécessitent une réflexion plus globale...

Je le coupe :

- Un peu comme notre cas.

- Votre cas est un peu extrème, souvent les problèmes restent des situations banales internes à la Congrégation qui n'ont pas de solution simple. Le cas des planètes rebelles est un autre exemple.

Je me rappelle ce dont m'avait parlé Pénoplée.

- Ah oui ces planètes où vont les jeunes et qui veulent leurs propres règles ?

- Oui, pour être plus précis c'est un peu plus complexe que ça. Voilà des dizaines si ce n'est des centaines d'années que le groupe des planètes rebelles existent. Elles ont toujours déclenchées des débats enflammées au Congrès, mais la situation s'était un peu calmée depuis que Gwenoléa était devenue leur représentante. Sa diplomatie et son calme avait rendu les choses beaucoup plus raisonnables. Mais dernièrement il semble qu'une personne des planètes rebelles ait enfrain de manière étrange plusieurs règles, et c'est pour éclaircir cette affaire qu'elle comparait devant le Congrès ces jours-ci.

Rono complète :

- Oui cette affaire, plus par son caractère exceptionnel et un peu hors du commun que par son réel fondement j'imagine, est une des raisons de toute l'agitation d'Adama ces derniers jours. Et l'affaire se poursuivant par votre cas, peu commun lui aussi, ca suffit à mettre la planète en effervescen...

Rono s'arrête un instant, puis reprends :

- Je viens d'avoir un appel de Pénoplée, elle vous demande de rentrer si possible rapidement à l'hôtel, car Guewour ainsi que plusieurs autres membres du Congrès voudraient s'entretenir avec vous.

Hur semble satisfait :

- Oui ce serait une bonne idée que nous rentrions, nous avions donné rendez-vous à Mathi en fin d'après-midi, et elle m'a laissé un asym tout à l'heure pour me dire qu'elle ne tarderait pas.

Rono confirme :

- Parfait, repartons alors. J'imagine que vous souhaitez que nous vous ramenions ?

Je confirme :

- Dans la mesure où nous ne pouvons pas emprunter d'abeilles, ce serait très gentil à vous, oui.

Quelques secondes plus tard, deux abeilles biplaces vides viennent se poser à quelques mètres de nous. Comme pour l'aller, je monte avec Hur et Erik avec Rono. Rono vole doucement à une dizaine de mètres du sol devant nous, Hur le suit tranquillement à une quinzaine de mètres derrière. Nous volons en-dessus d'une immense allée bondée de monde, en contrebas se distinguent d'autres allées tout aussi fréquentées. Les alentours plats et calmes du Congrès sont vraiment l'exception car rapidement se dressent des pyramides et des immeubles de verre immenses et innombrables.

L'atmosphère n'est pourtant pas celle d'une grande ville comme nous les connaissons. Il n'y a pas de pollution, beaucoup moins de bruit, juste le brouhaha de la foule et des abeilles qui virevoltent. Tout est plus lumineux, il y a des arbres et des plantes de partout, c'est un peu comme un village en trois dimensions, avec plein d'allées sympathiques sur tous les niveaux. Mais il y a du monde, tellement de monde, des gens qui promènent de partout, ou qui discutent assis sur un banc ou dans l'herbe. C'est vraiment toujours impressionnant de ne voir presque que des personnes jeunes et belles. On se croirait à l'intérieur d'un campus universitaire géant, ou tout le monde vit d'insouciance et n'a d'autre soucis que de planifier sa soirée ou son après-midi de libre avec ses amis...

Je me demande bien ce qui motive tous ces gens, ces deux jeunes filles pulpeuses et superbes qui ont peut-être cent fois mon âge, ou encore ce groupe en train de jouer à je ne sais quoi dans l'herbe, ou bien cette brune qui...

Je m'écrie :

- Bordel ! Arrêtez-vous ! Posez-vous ! Posez-vous !

J'empoigne Hur, il crie :

- Non mais ça va pas ! Calmez-vous ! Vous perdez la tête ou quoi, cessez ou je vous...

Il n'a pas le temps de faire quoi que ce soit, avant qu'il ne puisse utiliser son bracelet pour m'immobiliser, je lui attrape le bras et lui retire rapidement.

Il hurle :

- Mais vous êtes complètement fou ! À l'aide !

En lui retirant son bracelet, l'abeille est passée en mode automatique et s'est stabilisée en vol stationnaire. Hur se débat, mais il n'est pas bien incisif, j'enfile son bracelet mais son accès ne m'est pas autorisé. J'ordonne à l'artificiel de l'abeille de nous poser. Pendant ce temps Rono a eu le temps de faire demi tour. Notre abeille descend lentement, à quelques mètres du sol je tente de me détacher mais trop tard, je suis paralysé, je ne sais pas si c'est l'abeille ou Rono, ou encore des membres de la foule de personnes qui s'est formée au sol pour nous regarder. Je rage intérieurement. Si seulement... Mais impossible, je ne peux plus bouger.

De toute évidence c'est l'abeille qui m'a immobilisé, elle me rend l'usage de mes jambes pour l'atterrisage de façon à ce que je ne tombe pas brutalement par-terre. C'est ma chance dès que l'attache se dématérialise je pars en courant tout de suite vers la brune que je n'ai pas lâchée des yeux. Elle était un peu plus loin et s'était rapprochée pour voir ce qu'il se passait. Quand elle me reconnait elle part sur le champ en courant. Mais je suis terriblement handicappé je ne peux pas bougé tout le haut de mon torse, mes bras y compris. Heureusement de m'éloigner de l'abeille son effet doit diminuer et je retrouve progressivement l'usage de mes membres en courant à toute vitesse en bousculant les gens.

Elle court vite la brougresse, c'est vrai que j'avais oublié qu'ils avaient quelques aptitudes au sprint dans le coin. Toutefois j'ai moi-aussi un de leurs corps améliorés, et il n'y a pas de raison qu'elle me distance. Je DOIS la rattraper !

Peine perdue, je m'étale lamentablement par terre quelques secondes après cette bonne parole, complètement immobilisé, j'ai juste eu le réflexe de me protéger avec mes avant-bras quand j'ai senti que je perdais le contrôle. Ils sont tous deux en sang. J'aperçois les pieds de Rono et d'Erik qui se posent à un mètre de moi. Je ne peux pas tourner la tête.

Putain de putain de PUTAIN !

Je soupire en moi...

Erik est le premier à parler :

- Je ne la vois plus, je ne pourrais pas la rattraper, c'était qui ?

Rono m'informe qu'il m'a rendu l'usage de la parole.

- C'est la nana qui m'a sauvé plusieurs fois sur la Terre.

Erik est surpris, il s'exclame :

- Ah oui ! Enfin un indice ! Ça veut dire que...

Rono le coupe :

- Ça veut dire que vous êtes dans de sales draps, mon jeune Ylraw, je ne crois pas que vous ayez la moindre chance d'être admis dans la Congrégation avec de tels comportement, en tout cas moi, je m'y opposerai !

Hur arrive à ce moment là :

- Mais qu'est ce qu'il vous a pris ? Pourquoi ne pas m'avoir expliqué calmement que vous vouliez voir une personne, je vous aurez laisser descendre, votre comportement est vraiment brutal et irréfléchi !

Je sens Erik bouillonner :

- OK d'accord il a été très méchant, on peut rentrer maintenant ?

Rono proteste :

- Mais vous ne vous rendez vraiment pas compte, ce qu'il a fait est inconcevable, c'est de la barbarie à l'état pur.

Moralité, je me fais sermoner pendant dix bonnes minutes, Erik tout autant pour avoir pris ma défense. Une personne nous coupe.

- Laissez, je m'occupe d'eux.

Aille... Pénoplée, je pense que ça va mal se passer...

Dans la chambre de l'hôtel...

- Mais tu es complètement DÉBILE ! Et inconscient ! Qu'est-ce que tu as dans la tête bon sang !

Elle hurle.

- Je reconnais que j'aurai dû être plus tendre avec Hur, mais il n'y a pas mort d'homme, et puis ça lui a donné l'occasion d'avoir quelques sécrétions d'adrénaline, ça doit faire bien longtemps que ça ne lui est pas arri...

- Tais-toi ! Tu dis n'importe quoi ! Ici les choses ne se passent pas comme ça ! Il y a des règles de respect envers les gens, pas comme dans ton monde de brutes où tout le monde tue tout le monde ! Ici il n'y a PAS de violence !

- Mais c'était la fille qui était sur la Terre ! C'est quand même extraordinaire ! Ça veut dire qu'il y a un lien, quelque chose !

- Et c'est une raison pour provoquer un scandale et ton cloisonnement ici ? C'est sûr que maintenant tu vas aller beaucoup plus loin, bloqué ici jusqu'à ta comparution, bravo ! Belle initiative !

Pénoplée a raison, ce n'est pas très malin.

- Je suis désolé Pénoplée, mais j'étais tellement content d'enfin trouver un indice, j'ai pas réfléchi, c'est vrai, j'ai... Je... Tu m'en veux ?

Elle retient un cri :

- Mrrr... Si je t'en veux ?! Non pas du tout, pas du tout DU TOUT ! Je suis d'ailleurs très contente que tu n'aies plus qu'une chance infime d'intégrer correctement la congrégation, de toute façon je te déteste alors ça tombe bien, tout comme je suis ravie de te voir bloquer ici avec les avant-bras en sang... Mais regarde-toi...

Elle est désolé. Elle ouvre une petite trappe dans le mur et sort une sorte de serviette qu'elle me jette. Elle prend une voix toute fluette :

- Je peux même pas te soigner tellement je t'en veux...

Je prends la serviette et je m'essuie les bras avec, c'est vraiment magique, la serviette est recouverte d'une sorte de pâte un peu gluante qui reste sur la peau, calme la blessure et régénère l'épiderme. Il me suffit en fait simplement de laisser mes deux bras posés dessus pour sentir la serviette me guérir. En queqlues minutes mes deux balafres ne sont plus qu'un souvenir. Elle me regarde avec un air triste :

- Mais pourquoi tu as fait ça, pourquoi t'es si impulsif... Ah François...

Je relativise :

- Ça va c'est pas la mort non plus, il a rien eu Hur, je suis encore jeune après tout...

Pénoplée se remet dans une colère noire :

- Le pire c'est que tu te rends pas compte. Ce que tu as fait est TRÈS TRÈS grave ici !

- Bien, je tâcherai de réfléchir un peu plus la prochaine fois.

- Contente de te l'entendre dire.

- Mais ils ne sont pas très efficaces vos artificiels, pourquoi ne m'a-t-il pas immobilisé avant même que je fasse quoi que ce soit. J'aurais eu le temps dix fois d'étrangler Hur ?

- Tu ne le voulais sans doute pas. L'arficiel de l'abeille ne voit pas directement. Il voit par tes yeux et ton esprit. Tu ne devais pas avoir d'animosité envers Hur, tu voulais juste te poser. Je pense qu'il a fallut que Hur soit pris de panique pour qu'il comprenne qu'il devait intervenir.

- Mouais.

- Mais ne change pas de conversation. Tu crois que ça me fait plaisir de te savoir coincé là pendant dix jours, moi qui voulait te balader sur Adama ? T'es vraiment pas sympa...

Je me lève et m'approche doucement de Pénoplée, elle résiste un peu mais se laisse prendre dans mes bras.

- Je suis désolé, Pénoplée, je ne voulais vraiment pas te faire de la peine, j'étais tellement exité à l'idée de pouvoir attraper cette fille.

- Il y a d'autres moyens tu sais, tu n'es pas obliger de courir après quelqu'un pour avoir des info sur lui ici.

Je me retire un peu, intrigué :

- Ah ? Comment peut-on faire ?

- On peut tout simplement interrogé le bracelet pour savoir qui est la personne, en pensant à elle.

- Je peux faire ça, moi ?

- Non, mais moi je peux le faire pour toi.

- Mais tu ne l'as pas vue ?

- Sauve l'image dans ton bracelet et donne la moi.

Je pense à cette fille, transmets les différentes images d'elle que j'ai, ainsi que mes souvenirs d'elle sur Terre, et stocke tout ça dans le bracelet. En les regardant de nouveau, je m'aperçois qu'il est très dur d'avoir une image nette du visage, la silhouette et les traits sont à peu près là, mais je suis incapable de me rappeler correctement de la forme de la bouche, du nez, c'est plus une image floue qu'une réelle photo. Pénoplée me rassure que c'est la forme que prenne la plupart des représentations mentale de personnes, et que les artificiels arrivent souvent à reconstituer l'image réelle rien qu'avec ces informations. Elle se connecte à mon bracelet et les récupère, puis reste silencieuse quelques minutes.

- Non, je ne trouve rien, je vais récupéré la mémoire de ton bracelet, pour avoir l'image exacte lorsque tu l'as vue tout à l'heure.

Je vois virtuellement Pénoplée rechercher dans les archives de mon bracelet, et faire défilée les images que j'ai vue par mes yeux à l'envers à partir de l'instant présent. C'est vraiment formidable, je reste toujours sidéré devant cette incroyable prouesse. Tout le monde doit avoir une mémoire parfaite avec de telles fonctionnalités. Elle s'arrête au moment ou j'aperçois la fille après mon atterrisage, Mais l'image est vraiment aussi suscinte. Je lui conseille d'aller un peu plus en arrière au moment où le l'apercois de l'abeille. L'image est un peu mieux mais reste assez rapide.

- Non, pas mieux. Pourtant les images étaient quand même pas trop mauvaises. Pas suffisantes on dirait. Désolé... J'ai parlé trop vite...

- Je ne peux vraiment pas sortir ?

Je me dirige vers la porte de la chambre, mais je reste immobilisé à quelques mètres. Un voix intérieure me previens que je ne dois pas tenter de sortir jusqu'à nouvel ordre. Une force me fait ensuite reculer et faire demi-tour.

- C'est mieux foutu que dans les chalets, là-bas à chaque fois on se retrouvait les fesses par terre.

- On évolue toujours, tu sais.

- "Ils" évoluent.

- Oui si tu veux. Erik vient.

Quelques secondes plus tard la porte devient transparente et Erik la traverse. Il me parle en anglais :

- Bon alors, t'as eu ta fessée ?

- M'en parle pas, je suis bloqué ici.

- Tu veux dire que tu n'as pas le droit de sortir, oh c'est con. Ils sont vraiment paranos.

Pénoplée intervient, elle parle dans sa langue :

- De toutes façons Guewour et deux autres personnes du Congrès veulent s'entretenir avec lui, alors il ne bougera pas jusque là.

Je suis surpris :

- Depuis quand tu comprends l'anglais toi ?

- Je ne le comprends pas, mais j'ai lu vos images mentales pendant votre conversation.

Erik ronchonne, toujours en anglais :

- Putain quelle merde ces trucs.

Pénoplée, écoeurée :

- Aaaah, Berk.

Erik sourit. Je comprends qu'il a dû penser à quelque chose de bien immonde pour se venger de Pénoplée. Il redevient sérieux.

- Et quand est-ce qu'il doit les voir les charlots ?

Pénoplée répond :

- Ce soir ou demain matin.

- C'est con que tu n'es pas de photos de cette nana, j'aurai pu aller parcourir les rues en attendant. Retrouver des gens, je sais faire.

Pénoplée hausse le ton :

- Il a des images mentales d'elle, mais il est hors de question que tu fasses quoi que ce soit. Ça suffit désormais, tu n'es pas assigné à résidence mais tu restes ici. Personne ne sort de cet appartement sans mon autorisation.

Guerd entre à ce moment là.

- Même pas pour m'accompagner faire une promenade ?

Pénoplée la regarde avec un regard noir :

- Oui, même pas.

Erik et moi avons le même réflexe, et nous disons tous les deux "oui maman", avant de nous apercevoir que nous avons eu la même idée au même moment et nous éclatons de rire. Pénoplée est désespérée.

- Vous êtes vraiment des gamins !

J'ai envie d'en rigoler mais en même temps je suis blessé qu'elle s'accroche tellement aux procédures alors que j'ai enfin trouver un espoir de faire le lien. Je dis d'une voix calme :

- Finalement ce qui t'intéresse c'est qu'on reste sage pour que tu n'ais pas d'histoire, qu'on trouve enfin l'espoir de retrouver d'où nous venons tu t'en fous...

Elle se retourne vers moi et me regarde un instant sans rien dire, puis finalement :

- Tu comprends vraiment rien...

- Non effectivement, je ne comprends pas pourquoi tu t'acharnes sur des détails alors que cette fille est pour l'instant la seule personne qui peut nous apporter des réponses.

Guerd tire doucement Erik qui résiste un instant puis se laisse finalement faire, nous nous retrouvons de nouveau seul. Je suis assis sur le lit, Pénoplée debout devant moi. Elle se recule et s'assoit dans un fauteuil, me regarde d'un air désolé :

- Tu m'écoutes pas. Tu crois que je suis là à te sermoner pour le plaisir ? Tu crois que je suis satisfaite de voir bloquer ici, tu crois que je suis contente de savoir que le Congrès va prendre ce que tu as fait comme un signe flagrant d'immaturité et d'associalité ? Tu crois que ne n'ai pas envie de t'aider, de parcourir les rues à la recherche de cette fille ? Tu ne comprends pas que j'essaie juste de faire en sorte que tu puisses continuer à chercher des indices, sans être pieds et poings liés ?

Elle a un sursaut dans la voix. Elle reste silencieuse, retient une larme. Je n'ose pas me lever pour aller la réconforter. Elle se contrôle et reprends une voix grave :

- Tu penses que j'aprécie que des dizaines de membres du Congrès soient en train de me regarder tenter de te raisonner, tu crois que ça me fait plaisir d'être là comme un pantin ridicule ? Tu crois pas plutôt que je devrais me barrer devant tes conneries stupides !

- Ils nous regardent ?

Elle éclate en sanglot :

- Bien sûr qu'ils nous regardent, bien sûr que depuis que tu as fait ton héros ils ont les yeux rivés sur toi, et sur moi, alors que je voudrais juste pouvoir te soigner et te prendre dans mes bras. Mais non tu t'obstines, tu comprends pas qu'avec un peu de bonne volonté ils auraient pu relâcher leur attention...

Finalement elle se lève et se dirige vers la sortie :

- Débrouille-toi.

Je me lève rapidement pour essayer de la retenir avant qu'elle ne passe la porte, mais trop tard. Pourtant dans mon élan je la passe moi aussi et l'attrape par le bras dans la pièce principale. Je ne comprends pas, je me regarde et me tourne vers la porte, étonné.

- Il est buggué leur truc.

- Comment tu as fait ça !

Pénoplée est paniquée et très énervée :

- Qu'est-ce que tu as fait ? Comment tu as fait ? Pourquoi es-tu sorti !

- Eh calme-toi ! J'ai rien fait moi, c'est votre machin qui marche plus !

Erik sort de sa chambre, suivi quelques instant plus tard par Guerd, de toute évidence ils profitaient de leur temps libre. Erik est surpris de me voir :

- Tu peux sortir ?

- Oui on dirait.

- Et est-ce que je peux sortir de l'appart ?

Je me dirige alors d'un pas décidé vers la porte de l'appartement. Pénoplée m'interpelle de ne pas le faire, mais je suis coupé par six personnes qui rentrent. Je reconnais Guewour en tête, suivi de deux autres personnes que je ne connais pas, puis de Moln, Ulri et Iurt :

- Nous ne vous le conseillons pas, pour l'instant en tout cas. Nous aimerions nous entretenir avec vous.

Pénoplée demande :

- Pourquoi vous l'avez laissé sortir de la chambre ?

Une autre personne, sans doute un membre comme Guewour du Congrès, lui répond :

- Nous avons besoin de nous entretenir avec lui en toute discrétion.

Guewour interroge Iurt :

- Est-ce que nous pouvons utiliser votre chambre ?

Iurt acquiesce. Guewour me demande alors de retirer mon bracelet. Je m'exécute et le pose sur la table basse. Lui et un de ses deux collègues font de même, ils m'invitent ensuite à aller dans la chambre de Iurt. Pénoplée commence à me suivre, mais la personne restée la retient :

- Nous préférons limiter le nombre d'intervenants, si vous pouviez rester ici.

Jour 198

Elle est très décontenancée. Erik ne demande même pas et s'installe dans un fauteuil, Guerd fait de même. Pénoplée questionne Iurt alors que je rentre finalement dans sa chambre en suivant Guewour et l'autre homme. Ils m'invitent à m'asseoir dans un fauteueil, se contentant eux de s'asseoir sur le lit. Guewour est d'apparence un peu âgé, son camarade, Yamwreq, est un jeune homme noir qui ressemble un peu à Erik, un peu plus grand encore peut-être, Erik l'étant déjà pas mal. Mais je sais très bien que leurs âges peuvent être déjà de plusieurs millénaires. Ils restent silencieux un instant. Puis Guewour parle enfin :

- C'est bon Iurt a sécurisé.

Je suis étonné de la procédure :

- Mais, on peut de cette façon avoir des conversations secrètes en enlevant le bracelet, celui-ci ne va pas tout récupérer quand je vais le remettre ?

Yamwreq m'explique :

- Enlever le bracelet n'est en effet pas suffisant pour bloquer une conversation. Toutefois traditionnellement deux personnes voulant avoir une discussion importante souvent retire leur bracelet par marque de respect vis-à-vis de leur interlocuteur, sous-entendant qu'elle se consacre exclusivement à la discussion. Dans le cas présent, nous avons récupéré suffisamment d'avis, à grande peine d'ailleurs, pour effectivement pouvoir garder cette conversation secrète.

Guewour reprend la parole :

- De nombreux éléments nous laissent à croire que certaines informations importantes pour la Congrègation sont tenues secrètes par des membres du Congrès qui ont des accords tacites avec les artificiels. À vrai dire c'est suite à notre premire entretien, sur Stycchia, que j'ai tenté de comprendre l'impossible problème de votre arrivée non répertoriée, et que j'ai buté à des incohérences et des des réticences nouvelles. J'en ai alors parlé à Yamwreq, en qui j'ai entière confiance, et nous avons tenter, vainement, de trouver l'origine de cette défaillance. Il y a quelques jours, avec la disparition de votre ami, nous avons pu de nouveau mettre à l'épreuve notre confiance vis-à-vis des artificiels, alors nous étions une dizaine à mener notre enquête.

Yamwreq continue :

- Tout a réellement basculer quand vous avez rencontré cette fille en dessus de Mirinas, ce matin.

Guewour confirme :

- En effet cette fille n'a aucune référence, d'autre part, encore plus troublant, certains de nos collègues sont persuadés de l'avoir déjà vue en compagnie de personnes importantes du Congrès, mais, chose encore plus étrange, personne n'est capable d'en donner une image claire, systématiquement son image est comme floue et impossible à identifier.

Je m'interroge :

- Mais Pénoplée m'a dit qu'il était normal que les images mentales des gens soient flou, et que les artificiels parvenaient généralement à retrouver la personne.

Yamwreq précise :

- Oui il est vrai que souvent l'image mentale n'est pas directement discernable, et en nous arrêtant à ce simple fait nous n'aurions rien pu conclure, mais nous avons chercher un peu plue en profondeur. Nous avons tenté d'utiliser des images d'artificiels, qui ont pu voir des scènes où elle se trouve, et dans ce cas cette fille est bien présente et référencée, mais nous avons de forte suspiscion que c'est un faux, que ce n'est pas la vrai personne, que les images des artificiels ont été manipulées.

- Comment pouvez-vous en être sûr ?

Guewour m'explique :

- Notre certitude tient à peu de chose. Une fois l'identité de cette personne trouvée, nous l'avons contactée pour vérifier qu'elle confirmait bien être la personne en question. Elle se trouvait bien sur Adama, elle était même à proximité du Congrès, à côté des restaurant magiques. Enfin vous ne connaissez peut-être pas, c'est une des allées les plus passante des environs, les gens s'y donnent souvent rendez-vous. Bref elle a confirmé qu'elle avait bien pour connaissance certaines personnes du Congrès. Nous avons pu la localiser et tous les capteurs confirmaient son emplacement.

Yamwreq continue :

- Nous aurions pu en rester là, tout semblait cohérent, si ce n'est que j'ai reconnu dans les environs de la jeune fille un très vieil ami à moi, un explorateur déçu du Libre Choix qui continuait à voyager à droite à gauche, et qui n'avait pas du venir sur Adama depuis des siècles et des siècles. Guewour terminant la conversation avec la jeune fille, pour vérifier si ses dire étaient cohérents avec les images que nous avions, mais tout semblait coincider, je le laissai faire seul et tentai de contacter mon ami. Il était assis dans l'herbe en face de la jeune fille, il semblait la regarder fixement, sans doute encore en train de se demander comment l'aborder pour lui proposer de l'accompagner au fin fond de l'espace. Il n'avait pas son bracelet, habitude courante chez ce rebelle qui se méfie des artificiels comme de la peste, et je ne pouvais donc pas le joindre.

Yamwreq fait une courte pause, Guewour reprend :

- Comme tout semblait logique, nous remîmes à demain matin notre intention de vous rendre visite, et Yamwreq profita alors d'aller justement retrouver son ami, qu'il n'avait pas vu depuis des lustres.

Yamwreq précise :

- Je pris une abeille et le retrouvai encore assis dans l'herbe au même endroit, il ne se trouvait qu'à cinq ou dix minutes de vol du Congrès. Comme à chacune de nos précédentes rencontres je retirai mon bracelet en signe de confiance pour le saluer, puis je lui expliquais que je l'avais vu alors en communication avec la fille brune en blanc devant lui quelques minutes plus tôt. Mais il me rétorqua qu'il n'avait pas vu cette fille. Je la lui décris, confirmant que j'avais eu l'impression qu'il la regardait fixement, mais non. J'insistai alors pour remettre mon bracelet et lui transmettre une image mentale de la scène. Quand je le fis il réfléchit un instant puis finalement confirma alors que si, en fait il l'avait bien vue, mais qu'il avait compris auparavant que la fille se tenait juste devant lui, alors qu'elle était devant l'allée. Puis il s'excusa en se rappelant qu'il avant rendez-vous, nous convenâmes de nous voir un peu plus tard, et il partit. Mais subitement il réapparut comme par magie devant mes yeux. Il était devant moi et tenait mon bracelet à la main. Mon ami me l'avait retiré lui-même et me demanda ce qu'il m'arrivait, que je parlais de manière incohérente en répondant complètement à côté de ses questions. Il me confirma que l'image ne lui disait absolument rien, et insista lourdement qu'il n'y avait pas cette fille devant lui dix minutes plus tôt. L'évidence m'apparut alors. Je décidai de rentrer au Congrès rapidement pour m'entretenir avec Guewour, ne prenant pas le risque de l'appeler et de voir notre communication de nouveau piratée.

Guewour reprend :

- Rapidement nous réunirent le plus grand nombre possible de nos amis pour diffuser cette information, et limiter le risque que chacun de nous se fasse petit à petit dupé par le bracelet et oublie tout de cet incident. Nous tentâmes tout de même de n'en parler qu'à des personnes de confiance, et loin de l'influence de tout bracelet.

Je l'interromps pour avoir plus de précision sur le pouvoir du bracelet :

- Pourtant vous les aviez quand vous êtes arrivés ici, le simple fait de le porter ne peut pas reformatter vos esprits ?

Yamwreq m'explique :

- Oui nous les avions car il est difficile de faire quoi que ce soit sans bracelet de toute manière, mais celui-ci n'a pas le pouvoir de changer nos souvenirs, il peut tout au plus duper nos esprits face à une situation, en changeant les détails ou ce que nous croyons voir, mais il n'a pas la puissance nécessaire pour reformatter l'esprit, cette opération n'est possible, que je sache, qu'à l'intérieur des téléporteur, et nécessite une énergie considérable.

Guewour termine :

- Une fois toutes les personnes susceptibles de nous aider mises au courant, nous avons fait notre possible pour avoir l'autorisation de nous entretenir avec vous de manière privée. Cela n'a pas été rendu facile par les réticences naturelles qu'ont les gens vis-à-vis d'un manque de transparence ; toutefois, en divulguant notre découverte à quelques personnes supplémentaires, nous avons finalement eu le feu vert.

Yamwreq se relève et va regarder à travers la fenêtre :

- Il est d'ailleurs à craindre que désormais le Congrès entier soit au courant.

Je suis flatté par leurs confidences, mais je ne situe pas bien mon rôle dans leurs démêlés :

- Et moi ?

Yamwreq se retourne, Guewour prend la parole :

- De toute évidence vous avez un lien avec cette histoire, ne serait-ce que par le fait que vous connaissez cette fille et les données manquantes quant à votre arrivée, tout comme l'incompréhensible disparition de votre amie. Ce que nous aimerions, c'est que vous nous racontiez en détails les éléments que vous avez, de façons à ce que nous tentions d'y voir un peu plus clair.

- Vous voulez que je vous raconte toute mon histoire ?

- Toute les parties que nous ne connaissons pas et qui pourraient nous être utiles. Vous m'aviez sommairement décrit votre aventure sur Stycchia, mais alors je n'accordais pas une importance démesurée à votre cas, aujourd'hui il semble remettre en question la confiance que nous avons envers les artificiels et certains membres du Congrès, les enjeux sont donc tout autres.

- Bon très bien, mais je vous préviens, ça commence à être long maintenant.

Et voilà, je me relance de nouveau dans la description de mes aventures. La tâche est d'autant plus ardue que je dois au passage leur expliquer beaucoup de détails sur la Terre, la notion de pays, les technologies utilisées, nos limites, nos coutumes... J'essaie de m'apeusantir sur les parties que je juge plus prépondérantes, l'organisation, les cahiers, cette fille qui me vient en aide. Je détaille un peu plus l'histoire que m'avait racontée Naoma pour notre passage sur cette Lune, que nous n'avions que succintement abordée lors de notre première audition, puis je passe plus rapidement sur le récit depuis notre arrivée sur Stycchia. Entre temps Yamwreq était allé chercher de quoi nous désaltérer. À la fin de mon récit, Guewour et Yamwreq restent silencieux plusieurs minutes. Je leur demande comment ils interprêteraient toute cette histoire, Guewour donne enfin son analyse :

- À mes yeux l'hypothèse la plus probable est que la Terre soit une planète de l'Au-delà colonisée tardivement ou bien berceau d'une civilisation crée par les hommes de l'Au-delà après leur départ que les artificiels ont finalement récupéré pour l'étudier, ou peut-être faire certaines expériences. Peut-être aussi a-t-elle été crée de toute pièce pour qu'ils puissent étudier certaines caractéristique de l'espèce humaine de façon cachée, ou clandestine. Peut-être même que certaines personnes du Congrès était au courant ou pire, à l'initiative de telle expérience, avec l'aide de certains anciens chercheurs, comme le pouvait être cette fille, et qu'à un moment donné, comme pour tout secret, il y a eut une fuite qui vous a valu votre périple.

Yamwreq est plus prudent :

- Les hypothèses sont nombreuses dans cette affaire, et s'il est certains que certains personnes du Congrès ainsi que les artificiels ont certaines connexions avec cette planète, les raisons et les objectifs de son existence sont plus périlleux à déterminer. Il est tout à fait possible que cette planète n'ait été découverte que tardivement, et que son existence n'ait pas encore été révélée pour éviter des interactions néfastes avec ses habitants. C'est peut-être simplement enfin une première trace des hommes de l'Au-delà, et cette fille devait rendre compte de l'état de leur civilisation pour que le Congrès puisse statuer sur les actions à prévoir.

Guewour est dubitatif :

- Pourquoi le faire de manière secrète ? Rien n'a jamais été secret ici. Toute les questions sur l'intégration ou pas de nouvelles planètes ont toujours été débattues de manière publique. Le fait que ce puissent être des hommes de l'Au-delà ne change pas le débat. Non je pense qu'il y a quelque chose de définitivement plus grave pour que les artificiels cachent ou falsifient des informations. Tu oublies vite qu'ils t'ont trompé pour tenter de te faire croire que nous avons bien parlé avec cette fille tout à l'heure, alors que nous étions devant une de leurs illusions !

- Oui toutefois nous aurons beaucoup de mal à prouver nos dire, puisque tous les éléments que nous pourrons apporter pour les confirmer seront susceptibles d'être interceptés et piratés. Avons-nous réellement les moyens de faire quelque chose ?

Guewour est aussi assez perplexe :

- Oui nous avons pu être trompé depuis des années sans même nous en rendre compte, et nous sommes tellement liés aux artificiels que nous ne pouvons guère entreprendre quoi que ce soit sans être facilement mis sur la touche.

Yamwreq enfonce le clou :

- Oui et il nous suffira d'une seule téléportation pour que notre cerveau soit reformaté et que nous oublions tout cette histoire. Peut-être même n'est-ce pas la première fois que nous décrouvrons de telles énigmes !

Ils restent tous les deux silencieux. Je prends la parole :

- Tout n'est pas forcément si négatif, et vos artificiels n'ont pas l'air tout puissants, par exemple moi, qui suis sans doute un des éléments les plus dérangeant, je n'ai pas l'impression d'avoir perdu la mémoire lors de ma téléportation. En tout cas je me rapelle toujours de mon aventure, de cette fille, de Naoma... Ensuite j'ai quand même pu voir cette fille dans la rue, et à moins que ce soit une volonté de leur part, c'est plutôt le signe qu'ils n'ont qu'une influence partielle. D'autre part vous avez quand même réussi à détourner leurs illusions, preuvent qu'ils n'ont pas un pouvoir absolu, et pour terminer si un nombre conséquent de personnes sont maintenant au courant de l'affaire, il sera encore plus difficile pour eux d'endiguer le processus, sauf à détruire la planète entière, mais est-ce vraiment leur but ?

Yamwreq acquiesce et s'interroge aussi :

- Oui. Et quel peut-il être d'ailleurs ?

Guewour emet une simple hypothèse :

- Peut-être rien de plus que garder cette Terre secrète, peut-être oui faisons-nous d'une souris une montagne, et l'affaire n'est-elle pas aussi dramatique.

Yamwreq n'est pas tout à fait d'accord :

- À partir du moment où il y a manipulation je trouve l'affaire déjà suffisament dramatique, même sans y rajouter des plans de destructions de l'humanité divers et variés.

Discuter c'est sympa, mais agir c'est pas mal non plus :

- Bien, et qu'est-ce qu'on fait ?

Ils restent pensifs. Je continue :

- Moi je suis un peu les pieds et les poings liés si je ne peux pas sortir d'ici, en plus avec mon bracelet enfant c'est la croix et la bannière pour pouvoir faire quelque chose tranquillement. Je pourrais parcourir la ville pour voir si je retrouve cette fille. Le problème c'est que si désormais ils se méfient et qu'ils trompent la vision des gens, ça ne va pas être une paire de manches. Mais elle doit tout de même bien dormir quelque part, à moins qu'elle n'ait quittée Adama suite à ma rencontre. Pour le reste c'est plus à vous, faire en sorte que notre autition au Congrès tente de faire bouger les choses. Peut-être que je devrais ne pas remettre de bracelet, pour ne pas prendre le risque d'être manipulé, vous de même ?

Guewour est sceptique :

- Votre audition au Congrès sera déterminante, c'est vrai. Nous pourrions vous donnez plus de marge de manoeuvre, mais c'est peut-être un peu dangereux après vos agissements de cette après-midi. Votre altercation dans l'abeille est assez mal passée. Certes notre problème est autre, mais le but de votre audition reste tout de même votre intégration dans la Congrègation, et vous ne serez pas écoutés sérieusement sans ça. C'est plus à nous de faire le nécessaire.

Yamwreq poursuit :

- Et demain débute l'audition de Gwenolea, elle est prévue depuis tellement longtemps que j'ai peur que nous ne pourrions y changer quoi que ce soit. Ici rien ne se fait de manière précipitée, et même si nous avons de nombreux éléments qui pourraient nous laisser penser à une manipulation, il nous faudra sans doute des semaines avant de persuader suffisament de monde que nous n'avons pas rêvé et qu'il y a effectivement un problème grave.

Je ne sais toujours pas ce qu'ils attendraient de moi :

- Et moi je fais quoi alors ?

Yamwreq donne son point de vue :

- Je pense qu'il est plus sage que vous restiez ici, nous n'aurons ainsi pas la pression de vous avoir libéré, et nous pourrons plus librement continuer à enquêter sur cette mystérieuse fille. Je suis vraiment désolé de ce cloisonnement, mais comme vous l'a fait remarquer Pénoplée, votre acte est vraiment quelque chose de très grave ici, même si nous nous imaginons combien cette situation peut être difficile pour vous.

- Bien, je vais donc devoir rester ici jusqu'à notre audition, c'est bien ça, dans dix jours ?

Yamwreq prend un voix grave :

- Oui, mais nous ne manquerons pas de vous informer des diverses évolutions de cette affaire. Je vous remercie en tout cas d'avoir accepté cette entretien, j'espère comme vous que nous trouverons bientôt quel est donc le lien avec la Terre, et que vous pourrez regagner votre planète rapidement.

- Je l'espère aussi.

Nous nous levons pour sortir de la chambre, Guewour me donne une dernière recommendation :

- Il serait préférable que vous ne parliez de cette conversation à personne, notamment ne la référencez pas dans votre bracelet, et si vous voulez réfléchir dessus, retirez-le. C'est sans doute insuffisant pour empécher les artificiels de sonder votre esprit s'ils le désire, mais autant ne pas leur faciliter la tâche.

Yamwreq complète :

- De toute façon nous espérons que le voile se lèvera sur cette affaire le plus rapidement possible, et que la Congrégation retrouve son habitude de transparence quoi qu'il arrive.

Il me laisse sortir le premier, nous ne retrouvons que Pénoplée et leur troisième collègue dans la pièce principale. Celui-ci précise que notre conversation se prolongeant, ils étaient aller faire un tour dans les jardins de l'hôtel, mais que si nécessaire ils pouvaient les rappeler. Yamwreq rassure son ami que ce n'est pas la peine de les déranger, que Guewour ferait un compte-rendu à Iurt plus tard dans la soirée. Notre discussion s'est en effet prolongée assez tardivement car le jour décline et les premières lumières d'Adama se laissent deviner à travers la grande baie vitrée. Yamwreq et Guewour récupèrent leur bracelet, je laisse le mien, et ils s'en vont tous trois, en nous ayant préalablement salués. Je reste avec Pénoplée. Je suis plutôt content d'avoir trouver des alliers. Je me place derrière elle alors qu'elle s'est rassise sur un fauteuil sans rien dire. Je m'apprête à lui masser les épaules.

- Alors, tu n'es pas allée avec les autres ?

Elle se relève et me repousse :

- Pourquoi Yamwreq en personne vient te parler, c'est quoi ces histoires ?

Je suis surpris :

- Pourquoi, c'est qui ce Yamwreq, et qu'est-ce qu'il t'arrive, t'es jalouse ou quoi ?

Elle semble très énervée. Je m'approche d'elle, et, en la forçant un peu, la prend dans mes bras.

- Je ne suis pas contre toi, Pénoplée, je ne comprends pas beaucoup plus que toi ce qu'il m'arrive. Ces gens ont l'air d'être dans mon camp, alors je tente de les aider aussi. Ne soit pas contre moi, Pénoplée, je n'aurai pas la force de me battre contre toi en plus du reste...

Elle se radoucit et pose sa tête sur mon épaule :

- J'ai peur, tu sais, j'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez forte pour t'aider, de ne pas comprendre, d'être mise de côté...

Je l'écarte un peu et l'embrasse doucement :

- Nous sommes ensemble Pénoplée, je comprends que ce soit très frustrant d'être à part, mais il se passe des choses très étranges et ...

Une voix grave prend le relais.

- Quelles choses ? Tu veux dire que quand tu la prends dans tes bras tu as un réaction physique bizarre ? T'inquiète, gamin, c'est normal !

Erik et les autres rentrent dans la pièce et je suis bien-sûr le seul à rigoler à la boutade en anglais d'Erik. Pénoplée se dégage, toujours gênée d'être aperçue dans une position de faiblesse. Je mets tout le monde au courant :

- Guewour et Yamwreq m'ont conseillé de ne pas trop parler de cette conversation, mais en gros ils sont de notre côté et il se passe des trucs louches avec cette fille. De toute façon je n'en sais pas beaucoup plus, si ce n'est que je suis toujours bloqué ici à cause de ma conduite cette après-midi. C'est qui ce Yamwreq, d'ailleurs, Pénoplée avait l'air de dire qu'il était important.

Iurt répond :

- Oui c'est une jeune personne influente du Congrès, il n'a que trente-quatre ans et pourtant il est déjà écouté par de nombreuses personnes, c'est une des personnes clé dans la résolution du conflit entre les planètes rebelles et la Congrégation.

Guerd l'interrompt :

- Oui d'ailleurs Gwenoléa est dans cet hôtel, nous l'avons croisée dans les jardins.

Pénoplée ironise :

- Décidément, on se croirait presque importants...

Guerd emet une autre hypothèse :

- Et mais c'est peut-être pour ça que Yamwreq est venu, il sortait avec Gwenoléa avant. Il espérait peut-être la voir ?

Pénoplée confirme :

- À oui c'est vrai qu'il y avait eu une histoire entre eux, ça s'était mal fini d'ailleurs, Gwenoléa l'avait viré, non ?

Guerd semble toute exitée par ces ragots :

- Oui, oui, il avait complètement déprimé, il n'était pas encore adulte à l'époque, d'ailleurs beaucoup disait que si Gwenoléa avait autant de succès auprès du Congrès, c'était grâce à ses conseils, et que depuis ça se passe beaucoup moins bien.

Des éléments m'échappent :

- Mais il continue à défendre la cause des planètes rebelles pourtant, non ?

Iurt, Ulri et Moln sont dans leur propre discussion, Erik déguste un pain sucré en écoutant vaguement notre conversation, Pénoplée fait semblant de ne pas trop s'y intéresser et Guerd cherche par tous les moyens à nous faire accepter que sa théorie est la bonne :

- Oui, oui, il continue à défendre les planètes rebelles pour que Gwenoléa lui soit redevable, et ainsi accepte de nouveau à ce qu'ils se remettent ensemble :

Pénoplée est plus mitigée :

- Je pense surtout qu'il a toujours défendu cette cause et que Gwenoléa ou pas il reste fidèle à ses engagements.

Guerd n'est pas très satisfaite de la réponse de Pénoplée :

- Mais non ! C'est pas du tout romantique comme ça !

Erik en a vite marre :

- Bon c'est bien joli toute vos histoires, mais j'ai l'impression que nous restons toujours aussi impuissants, il n'y a vraiment rien que nous puission faire ? Ylraw ?

- Je me posais la même question, mais Yamwreq m'a conseillé de ne pas faire de vagues jusqu'à notre audition, pour qu'ils puissent tenter de trouver des alliers ou des informations pouvant nous aider.

Erik tente quand même d'en savoir plus, il me parle en anglais :

- Mais pour la Terre, ils savent quelque chose.

Je lui réponds en anglais également :

- Non, en tout cas ils ne m'ont rien dit.

Pénoplée intervient aussi, elle semble avoir un peu mise de côté sa rancoeur :

- Je comprends votre impatience, surtout quand certains éléments vous redonnent de l'espoir, je comprends aussi que c'est frustrant pour vous de rester ici alors que peut-être cette fille dehors pourrait vous dire comment rentrer chez vous, mais à mon avis ça ne serait que rendre les choses encore plus difficiles de tenter quelque chose.

Moln, Ulri et Iurt arrêtent de discuter à part et se joignent à la conversation. Iurt intervient :

- Pénoplée a raison, la précipitation n'a jamais rien résolu ici.

Erik et moi haussons les épaules et poussons un soupir :

- Je crois que nous l'avons compris, oui... Il ne nous reste plus qu'à dîner, alors ?

Moln acquiesce :

- Oui bonne idée, mangeons, nous pourrions peut-être aller dehors, pour nous détendre un peu ?

Je lui rappelle que je suis bloquer dans l'appartement :

- Ne vous gênez surtout pas pour moi si vous voulez sortir, je ne vais pas tarder à me coucher, de toute manière.

Moln est embarrassé :

- Oh excuse moi Ylraw, c'est vrai que tu es retenu ici. Non et bien faisons un bon repas dans l'appartement, après tout nous sommes sur Adama, fêtons tous l'événement ici !

Erik se permet de mettre un bémol :

- Nous ne sommes pas tous là.

Guerd lance un regard triste vers Erik. Moln ne relève pas. Iurt demande à l'appartement d'apporter le repas. Pendant ce temps tout le monde s'installe autour de la table plus conséquente qui donne sur la baie vitrée. Le soir est vraiment tombé et les lumières douces donnent au paysage l'apparence d'un tapis multicolore soupoudré de millier de lucioles virevoltant. La lune d'Adama, à son premier quartier, illumine le ciel. Sa taille est presque la même que notre vrai Lune et si ce n'est sa surface qui ne ressemble pas du tout à la mer de la Tranquilité tout terrien pourrait se faire prendre au piège. Quelques lumières des bases présentes à sa surface attirent tout de même l'attention sur sa partie ombragée. La centure énergétique d'Adama, plus conséquente que celle de Stycchia, laisse cinq trainées lumineuses dans le ciel étoilé.

En un sens je suis étonné de ne pas être plus émerveillé, de ne pas chercher à comprendre comment marche leur technologie, quelles sont leur connaisances en science, leurs théories ont dû depuis longtemps expliquer toute les interrogations que nous avons toujours, l'unification de la relativité générale et de la mécanique quantique, les origines de l'univers, la nature profonde de la matière... Mais je suis tellement préoccupé par Naoma et le fait de ne pas comprendre, ne pas comprendre pourquoi je suis ici, pourquoi moi... Peut-être devrai-je réellement prendre le temps de me détendre en portant ma confiance dans le Congrès, mais comment le faire maintenant que Yamwreq et Guewour eux-mêmes m'ont fait part de leurs inquiétudes ? Comment puis-je rester là à attendre quand dehors cette fille peut-être nous échappe ? Comment puis-je laisser Naoma sans aide. Par ma faute elle est déjà morte une fois... Oh mon Dieu si loin de toi que suis-je donc ? Oh mon Soleil tu me manques tant...

- Ylraw ?

Pénoplée pose doucement sa main sur ma jambe, le repas est servi. J'étais dans mes rêves. Je me retourne de devant la vitre et lui souris. Je lui fais un bisou sur la joue et prends un petit pain multicolore. Je n'ai pas très faim. Je ne parle pas beaucoup du repas, Erik non plus. Je suis sans doute un peu fatigué.

Iurt, Moln et Ulri animent le repas de leur discussion sur les changements notable d'Adama depuis qu'ils connaissent la planète. Mais somme toute de ce que j'en ai retenu, Adama n'a pas vraiment changée depuis plusieurs milliers d'années. À vrai dire je me demande si la Congrégation a elle-même changé depuis tous ces siècles. Je n'ai pas la force de demander, aspirant d'avantage à me glisser au plus vite dans un lit chaud en serrant Deborah dans mes bras. Oh ! Lapsus ! Je le conserve dans le récit... Oh mon Dieu, je ne sais plus où j'en suis...

Je ne m'attarde pas trop à table. Je me sentais en forme après la discussion pour repartir à la recherche de cette fille, mais le fait de m'asseoir et le manque de moyens sont venus à bout de moi. Iurt propose une rétrospective virtuelle de l'histoire d'Adama, mais je n'ai pas la tête à ça et je vais me coucher. Il doit être encore tôt, mais je n'ai pas vraiment encore une notion claire de leur heures, jours, rythmes de sommeil et d'éveil. Pour être franc je n'ai jamais trop fait l'effort de m'y plier, prenant plus simplement l'habitude de dormir quand j'ai sommeil...

Je passe par les toilettes, je portais aujourd'hui comme souvent un vêtement assez ample sans couche intégrée, puis je vais dans notre chambre à Pénoplée et à moi, je me déshabille et m'enveloppe dans la couverture, je me bouge un peu et me tourne pour me nettoyer, me passe un coup dans les cheveux, et, une fois propre, je m'allonge sur le dos pour m'endormir. Mais je ne m'endors pas, tout tourne dans ma tête. Naoma, cette fille, le Congrès, Yamwreq, Deborah, Pénoplée...

Sans doute plus d'une heure s'écoule, où je vogue entre somnolence et rêve, avant que Pénoplée n'arrive. Elle se déshabille, et dans la faible lueur de la pièce je contemple ses douces formes avant qu'elle ne se nettoie elle aussi puis s'avance doucement pour se mettre sur mon épaule. Elle remonte un peu pour me faire un baiser et se retient quand elle voit que je ne dors pas.

- Je t'ai réveillé ? Je suis désolée...

- Non je ne dormais pas, je n'ai pas réussi encore à m'endormir...

- Tu es soucieux, oui je l'ai remarqué depuis que tu es sortie de l'entretien... Qu'ont-ils dit pour t'inquiéter autant ?

- Ce n'est pas vraiment ce qu'ils m'ont dit, il n'y avait rien d'extraordinaire, c'est plus que je ne vois pas comment faire pour m'en sortir.

- Tu n'as pas confiance dans le Congrès ?

- C'est plus que je ne sais pas comment réagir dans votre monde. Je me sens tellement incapable, tellement stupide face à vos règles. Je ne contrôle rien, je suis comme un enfant qui ne comprends rien du jeu dans lequel il se trouve.

- Je suis là pour t'aider...

J'ai peur de la blesser. Je reste silencieux un instant, mais je parle avant qu'elle ne le prenne mal.

- Je me demande si finalement tous vos avis ne sont pas la plus formidable façon de provoquer l'immobilisme.

- Comment ça ?

- Et bien dans la mesure où chacun doit se livrer un peu pour avoir quelque chose, j'imagine que les écarts ne sont pas permis, il faut rester dans le moule, avoir sa petite vie comme tout le monde pour pouvoir rester tranquille, ou alors affronter l'incompréhension populaire...

- Je ne suis pas d'accord, j'ai fait tant de choses qui n'étaient pas dans la normale, et les gens, même si parfois j'ai dû affronter quelques réticences, les gens comprennent. Ils comprennent que tu veuilles tracer ta voie, faire tes propres erreurs. Mais ce n'est pas pour autant que ça doit être facile.

- Peut-être, je ne connais pas assez pour dire, peut-être ai-je juste cette impression parce que je ne comprends pas encore assez bien votre organisation.

- Prends mon cas, c'est diffifile pour moi de te laisser aller dans une voie que je sais sans issue. Je connais la marche à suivre, pourtant si je te l'impose tu le prendras mal, et si je te laisse faire, je te retrouve comme aujourd'hui instigateur d'un scandale et bloqué ici. Qu'aurai-je dû faire ?

- Je comprends ce que tu veux dire, mais je pense tout de même que le système d'avis empêche la création en un sens, mais je peux me tromper...

- Je ne sais pas, chacun apréciera, mais... Je pense que ce système est tout de même profondément juste.

- Oui, juste c'est certain, mais libre ?

- C'est un peu vrai oui, chacun est sous le contrôle de tous, et par conséquent cloisonné dans les valeurs de morale et de bien du plus grand nombre, mais c'est aussi ce qui rend le système si stable, si efficace depuis le Libre Choix.

- Ce n'était pas la même chose avant ?

- Je suis né à la limite, donc je n'ai qu'un peu connu la période précédente, mais le travail obligatoire me semblait plus injuste. Certains faisant un travail très influent possédaient plus de pouvoir sur les autres, les gens me semblaient encore moins libres qu'aujourd'hui. Mais c'est vrai que les chercheurs ont été très frustrés après le Libre Choix. Certain sont partis, et les autres n'avaient plus vraiment de motivation. Ils se moquaient de ne pas travailler, ils ne vivaient que pour ça avant...

- Vous n'avez plus du tout de recherche ?

- Si si comme je te l'avais déjà dit, ce sont maintenant les artificiels qui font avancer la science, mais ils le font en accords avec les attentes du peuple, ils n'apportent qu'à hauteur de ses besoins des nouveautés. Je pense qu'ils sont bien plus avancés que nous le croyons, mais qu'ils distillent lentement leur savoir pour que tout un chacun l'accepte et le comprenne.

- Mais vous devez savoir énormément de chose. Je me posais la question car nous n'avons qu'un niveau très partiel de compréhension du monde sur Terre, en ce qui concerne la nature de la matière, des forces, les origines de l'Univers...

- Nous sommes sans doute plus avancés que vous, mais nous buttons sur un problème nous aussi. Après la découverte de tout un ensemble de particules, rapidement nous sommes arrivés à un niveau beaucoup plus diffu, une sorte de fluctuation de champ d'énergie.

- Nous avons un peu ce genre de vision nous aussi, peut-être à un niveau moindre. Nous appelons cela la mécanique quantique, car basé sur des notions de niveau d'énergie et de répartition probabiliste de la matière.

- Peut-être commencez-vous alors déjà à arriver au même niveau que nous. Enfin je te dis ça de mémoire, mais je sais qu'à un certain niveau, il y a une ambivalence matière/énergie/force. Tout ce que tu vois n'est que la représentation sous une forme ou sous une autre de cette même chose. Les forces qui attire les charges électriques, la gravité, la matière, la lumière, tout n'est issu que de la fluctuation de ce composant de base et nous donne l'illusion d'une forme ou d'une autre. Toutefois cette propriété nous l'observons et l'expliquons assez facilement je crois, et les expériences des artificiels ont montré que nous pouvons nous-aussi créer par influence de ce composant une forme ou l'autre de ses représentations. La limite sur laquelle nous buttons, c'est qu'il semble qu'il y ait des "types" un peu différents de ce composant, qui ne se mélangent pas.

- Mais ces types ne sont-ils pas justement ce qui donne ensuite soit des forces soit de la matière ou toute autre chose ?

- Non non ces types sont indépendants de leurs représentations dans le monde classique, enfin ils ont un certain degrés d'indépendance. C'est plus comme des variétés d'un même composant qui s'entre-mêlent et interagissent les uns avec les autres. Le plus étrange c'est que même si l'univers proche semble assez homogène, avec des étoiles et des planètes sur des milliers d'années-lumière à la ronde, et bien les types sous-jacents peuvent être très différents. Par exemple dans notre congrégation existe un type en très grande quantité qui est presque absent des régions périphériques étudiées par les artificiels. Régions périphériques, elles, riches en de multiples types qui sont parfois absents du centre de la Congrégation. Pourtant les étoiles, les planètes et les lois physiques que l'on trouve là-bas ne sont pas très différentes de celle que nous avons ici...

- Peut-être que certains types n'ont pas vraiment de représentation simple. Peut-être que ces régions diffèrent sur certains points que vous n'avez pas encore trouvé ?

- Oui peut-être. Mais peut-être aussi que cette vision à changé. Je m'y étais intéressée quand j'étais au labo, sur Eve, et depuis je prenais des nouvelles de temps en temps pour savoir si notre connaissance progressait, mais je n'ai pas dû regarder depuis plusieurs dizaines d'années. Si tu veux je peux vérifier.

Elle se dégage un peu, sans doute pour aller chercher son bracelet, je la retiens et la serre contre moi.

- Non, reste là...

Je devine un sourire. Elle me fait un baiser dans le coup.

- Je t'aiderai, François, peut-être que je t'ai paru bornée et méchante aujourd'hui, mais j'essaie de te mettre en garde...

- Je sais, je comprends. Je m'excuse de t'avoir causé tous ces embarras. Je suis tellement perdu...

- Cette histoire est sans doute très compliquée, moi aussi je suis frustrée de ne rien pouvoir faire pour t'aider, de paraître plus comme un bourreau qu'autre chose. Je sais que tu tiens à Naoma, même si c'est vrai que j'en suis sans doute un peu jalouse. Je sais aussi que ta planète te manque, ta famille, tes amis... Déborah... À qui tu penses si souvent...

- C'est vrai que je ne peux rien te cacher...

- Je ne le prends pas mal, ne t'inquiète pas, l'inaccessible est toujours plus facile à aimer, car jamais il ne nous déçois... Je pense encore à Ragal, tu sais, encore, trop souvent...

- Pourtant je t'aime toi aussi, mais je ne sais pas qu'espérer, je ne sais pas ce que je vais devenir...

- Oui je connais cette confusion en toi, tous ces élémemts qui se bousculent, cette incertitude. Après la réunion, j'étais très énervée, frustrée de ne pas y avoir assistée, et blessée que tu ne m'en dises pas plus... Et... J'avoue, tu n'avais pas ton bracelet, avant le repas je t'ai sondé... Quand tu étais si silencieux. J'ai vue ta tristesse, ton désaroi, j'ai vue que tu étais si seul... Si perdu...

- Oui, c'est sans doute pour ça que je ne me suis pas endormi, je tente de mettre en ordre tous ces événements mais il me manque trop d'éléments... Je suis sans doute trop impatient... Je devrais peut-être penser à autre chose, faire un peu le vide, demain nous y verrons sans doute plus clair...

Pénoplée monte doucement vers mon oreille et me chuchotte en me mordillant un peu.

- Je peux t'aider à de détendre un peu si tu veux...

- Ah oui ? Comment ça ?

Elle m'embrasse dans le cou, puis, en descendant doucement, laisse glisser sa langue jusqu'à quelques endroits sensibles. Ma réaction est presqu'immédiate tant ses lèvres et sa bouche savent provoquer. Doucement elle m'enlèvera de l'esprit toutes mes questions pour me pousser à ne penser qu'à une seule chose... L'esprit humain est bien faible parfois...

Je tente de la remonter mais elle resiste :

- Laisse-toi faire...

Je me laisse à ses soins, elle s'attarde un peu avant de se redresser pour s'agenouiller au-dessus de moi, me faire un baiser au passage et se laisser doucement pénétrer avec quelques déhanchements. Déhanchements qui se poursuivent accompagnés de ses gémissements auquels je fais écho.

- Raaaaaahhhh !

Un cri ! Mais pas de Pénoplée. J'ouvre les yeux, cherche à en voir l'origine.

Pénoplée se retire et se retourne, mais n'évite pas un coup qui la projette au sol. Un cri de rage, une ombre de saute dessus à la gorge. Je ne peux plus respirer, son étreinte est puissante. Je tente d'écarter ses bras, mais sans succès.

- Je vais te crever !

C'est une voie de femme, Je frappe alors, des deux poings. Pénoplée se relève, commande la lumière et donne un puissant coup de pied. La fille me lâche et roule sur le côté. Je sors rapidement du lit et me prépare à parer.

Stupeur ! C'est la fille qui m'a donné le bracelet !

Son attaque ne se fait pas attendre, elle se relève, saute sur le lit et plus vite que l'éclair me donne un si puissant coup de poing dans le ventre que je suis projeté contre le mur. Pénoplée tente de l'attraper mais d'un revert elle lui donne un grand coup dans le ventre. Pénoplée la lâche et tombe au sol. Je me jette sur elle mais elle me saisit le bras, se laisse aller en arrière et me projette avec son pied. Elle a quelque notion de combat, me dis-je en m'écrasant lamentablement de l'autre côté du lit.

Je n'ai pas le temps de me relever, elle est déjà prête à me sauter dessus. Elle me reprends à la gorge, mais cette fois-ci je lui donne directement une volée de coup de poings en plein visage. Elle relâche son étreinte et je la fais rouler au sol. Je lui tord un bras pour la bloquer sur le ventre. Mais je ne sais par quel moyen elle se contortionne et développe une telle force que je suis déséquilibré. Elle se redresse et d'un coup de pied retourné je vole par dessus le lit. Mon épaule craque quand je touche le sol. Sans doute s'est-elle démise. Je suis en face de la porte, je me lève et prends la fuite. Je ne fais pas le poids et je dois prendre le temps de remettre mon épaule, je ne peux plus bouger le bras droit.

Je récupère sur la table basse mon bracelet et tente le tout pour le tout en espérant que si elle a pu rentrer, c'est que le système de protection de l'appartement ne fonctionne plus. J'ai cette chance et me retrouve dehors, mais elle est derrière moi et je m'effondre quand elle me saute dessus, m'attrape les jambes et me plaque au sol.

- Tu ne crois quand même pas que tu vas t'en tire comme ça !

- Et toi ?

La voix d'Erik. Elle se retourne pour recevoir de sa part un puissant coup de poing. Elle est propulsée contre le mur et tombe. Elle pousse un cri de rage à en faire trembler l'immeuble et se lance tête baisser vers lui. Il tente de la parer mais elle le soulève et l'écrase contre le mur. Je me relève pour la frapper d'un coup de pied, mais elle jette Erik au sol, attrape ma jambe et me fais rouler par terre. De nombreuses personnes sortent attirées par le vacarme, Guerd, Moln, Iurt et Ulri arrivent aussi. Mais ils restent immobiles. Pénoplée arrive à ce moment là, elle a enfilé une veste, je suis encore nu. Erik s'est relevé et intercepte la fille avant qu'elle ne m'ait sauté dessus. Je me relève, j'ai toujours affreusement mal à l'épaule. Guerd s'écrit :

- Mais pourquoi ça ne marche pas !

Erik est de nouveau projeté par la fille, elle est douée d'une force phénoménale. Je me relève juste pour recevoir d'elle un nouveau coup de poing qui me coupe la respiration. Pénoplée frappe la fille d'un coup de poing au visage, Erik se relève et fais de même. Les autres semblent impuissants, sans doute tentent-ils sans succès de l'immobiliser.

J'entends un grand "crac" et un cri d'Erik, il tombe à genoux au sol. Pénoplée court vers moi, m'aide à me relever. La fille s'apprête à nous attaquer de nouveau mais Guerd lui barre la route. Erik vient à son aide et la plaque au sol. Plusieurs personnes arrivent en courant en bousculant les personnes sorties de leurs appartements. L'une deux s'exclame :

- Énavila !

Erik et Guerd, maintenant assistée de Moln, Ulri et Iurt qui ont finalement décidé d'intervenir la maintienne avec difficulté au sol. Elle s'écrit :

- Ne vous préoccupez pas de moi, attrapez-le ! Attrapez-le !

Erik se lève alors pour leur barrer le passage. Il crit :

- Barre toi Ylraw, je vais les retenir tant que je peux.

Ni de une ni de deux, nous ne faisons pas le poids, Pénoplée m'entraîne. Nous courons à toute allure jusqu'à la terrasse. Elle me jette un sac-à-dos abeille.

- Enfile ça et saute !

J'ai à peine le temps de passer les bretelles qu'elle me tire avec elle et nous sautons dans le vide. L'abeille se resserre et les bretelles s'adaptent, puis les ailes se matérialisent et la vision externe prend le dessus pour faciliter le pilotage. Je rentre en synchronisation avec Pénoplée.

- Où allons-nous ?

- Au Congrès ! Je nous branche sur Erik en plus.

En surimpression apparaît la vision d'Erik. Il vient de se faire renverser par les hommes, Énavila s'est libérée. Ils courent dans le couloir vers la terrasse.

- Erik, c'est Pénoplée, nous avons ta vision en surimpression, prends les en chasse à distance pour que nous puissions savoir s'ils prennent notre direction ou pas.

Erik se relève et part en courant derrière eux :

- Mais je ne peux pas prendre d'abeille, ça ne marche pas avec mon bracelet.

Pénoplée le rassure :

- C'est bon je l'ai autorisé dans ton bracelet. Enfile juste une abeille sac-à-dos et saute, elle se mettra en route automatiquement.

Je suis Pénoplée à une dizaine de mètres derrière elle. Nous allons à une vitesse folle entre les immeubles, c'est vraiment formidable de voler comme superman. Je suis encore nu et je meurs de froid avec le vent. Erik vient de sauter, au bout de quelque secondes il se stabilise et suit les six hommes et cette fille, "Énavila". Ils ont pris malheureusement la même direction que nous. Pénoplée accélère encore.

- Mais que fera-t-on une fois au Congrès, nous ne serons pas plus à l'abri !

- Tu as une meilleure idée ? Les bracelets sont inactifs sur elle, je ne comprends pas pourquoi.

- Elle a sans doute un truc protecteur ou je sais pas quoi, en plus elle a pu rentrer dans l'appart, elle n'aurait pas dû, non ?

- Oui, j'ai tenté de la paralyser, mais impossible. En plus elle n'a même pas un bracelet adulte, elle n'a même pas seize ans.

- Seize ans !

- Oui enfin, vingt-cinq ans pour toi... Elle se rapproche, elle va plus vite que les autres.

La vision d'Erik montre le groupe volant à cent ou deux cents mètres devant lui. Il confirme :

- Oui il m'a semblé qu'elle prenait de l'avance, mais je suis à fond, impossible pour moi de la rattraper.

Pénoplée incruste en plus de la vision d'Erik la vision arrière dans mon champ. Énavila est au loin mais elle prend du terrain.

- Bordel elle nous rattrape !

- Oui, on ne sera jamais au Congrès à temps.

- Séparons-nous ! File moi ta vision en plus.

- OK !

Je vire à gauche toute, Pénoplée à droite. Je vois sa vision en plus. Le tout devient un peu compliqué.

- Donne-moi ma vision arrière, j'ai toujours la tienne.

- Pardon, voilà.

- Merde mais qu'est-ce que tu fais, barre-toi de là !

Pénoplée a fait demi-tour et s'est placée sur la trajectoire d'Énavila.

- C'est à toi qu'elle en veut, je t'ai mis le plan pour atteindre le Congrès, magne toi. Il doit y avoir du monde au point en rouge sur la carte, c'est la zone de restauration habituelle, vas-y, seul la foule pourra te protéger.

- Mais tu ne la retiendras pas bon sang, vire-toi de là !

Je n'ai pas le temps de faire demi-tour, déjà Énavila fonce sur Pénoplée. Je m'élance moi vers le point indiqué par Pénoplée. Énavila fonce sans réfléchir sur Pénoplée. Le système anti-percution les fait rebondir l'une sur l'autre, Pénoplée virevolte un instant vers le bas et Énavila rétablit sa trajectoire pour me prendre en chasse. Mais Pénoplée revient rapidement et parvient à dévier de nouveau Énavila. Pénoplée joue au ping-pong avec Enavila et réussit trois fois de suite à bloquer le passage d'Énavila. Mais ses hommes arrivent à ce moment là et entoure Pénoplée. Énavila peut reprendre sa poursuite.

- Ylraw je ne peux plus la retenir !

- Oui j'ai vu, mais Erik est juste derrière elle, s'il ne se laisse pas trop distancer nous serons déjà deux si elle me rattrape.

Mais soudain tous les hommes autour de Pénoplée s'écartent et descendent lentement.

- C'est bon, je les ai eus, ils ne sont pas adultes et en plus avait de l'agressivité, j'ai pu les paralyser. Il semble que ce ne soit que la fille qui puisse déjouer le bracelet. Tu n'es plus très loin du Congrès, va directement au point rouge, Iurt et Moln sont partis de leur côté, Gwenoléa est au courant.

Je fonce à toute vitesse, me glissant sans doute à plusieurs centaines de kilomètres par heure entre les allées suspendues et les immenses immeubles. Je suis transi de froid. Plus que quelques kilomètres avant l'arrivée au Congrès.

Je vais à toute allure mais elle est de nouveau dans ma vision arrière, Erik est encore derrière mais se laisse distancer. Pour une raison qui m'échappe elle va plus vite que nous. Le grand parc du Congrès est juste en face de moi, je dois le contourner pour atteindre le point que m'a spécifié Pénoplée.

Une lumière attire mon regard sur la vision arrière, Énavila a comme scintillée et accélérée subitement, elle est sur moi en quelques dixième de seconde, mes ailes se coupent et elle m'aggripe par l'arrière.

- Je vais t'écraser au sol, tu regretteras pour toujours ce que tu as fait !

Bordel mais de quoi elle parle ! Un crépitement se fait sentir, nous pénétrons dans l'enceinte protégée du Congrès. Ce n'est pas logique ! Pourquoi voudrait-elle me tuer, elle sait très bien que je serais ressuscité en moins de deux ! Je me débats et parviens à m'accrocher à elle. J'ai toujours mon épaule droite démise, mais je surmonte la douleur pour m'accrocher. Je me retourne, elle tente de me faire lacher prise. Erik est resté bloqué au niveau de la protection de l'espace du Congrès, il ne pourra pas venir me rattraper dans ma chute, dommage ça aurait fait une bonne séquence de film... Il faut alors que je tienne et évite de tomber. Elle est enragée, tente par tous les moyens de me me maitriser.

- Je ne pas celui que tu crois, bordel, je n'ai rien fait !

- Ta gueule !

Elle continue à voler très vite, elle veut sans doute me projeter ; elle déploie une force incroyable pour me faire lacher. J'ai mes jambes autour de sa taille et mes bras autour de son cou. Elle me mort et me frappe. Finalement elle réussit à glisser un bras entre moi et elle et parvient à me repousser. Sentant qu'elle va gagner je tente le tout pour le tout, je lance une de mes jambes dans une des ailes de son abeille. Ma jambe est broyée et des giclées de sang nous éclaboussent. L'abeille est complètement déstabilisée et Énavila panique. Elle freine et se rapproche du sol. Nous partons en vrille. Elle tente de revenir en vol stationnaire, mais alors que nous avons perdu beaucoup de vitesse, nous nous écrasons tout de même dans le gazon du parc. Je lâche prise et roule sur plusieurs dizaines de mètres, elle fait de même un peu plus en avant.

Je pousse un long gémissement. Je vais perdre connaissance. Mon bracelet clignote dans tous les sens. Je vois ma représentation avec tous les points impactés. Ma jambe amputée, mon épaule, mon dos qui a souffert dans la chute, mon avant-bras gauche sans doute fracturé. Je ne peux plus bouger. C'est étrange, le bracelet semble me demander s'il doit faire une sauvegarde et couper mes systèmes vitaux. Je refuse ! Il passe alors dans un autre mode ou il indique qu'il commande la sécrétion de tout un tas de choses à partir de mon cerveau et d'autres glandes, sans doute des hormones contre la douleur, de l'adrénaline ou apparentée...

Je reste sans doute plusieurs minutes ou dizaine de minutes à lutter contre l'évanouissement, puis un groupe de personne arrive. Ils s'écrient tous, écoeurés par le triste spectacle. J'entends une voix dire :

- Oh qu'elle mort affreuse, il a dû tellement souffrir, j'espère que son bracelet lui retirera ses souvenirs !

Je proteste avec toute la faible véhémence que je peux :

- Errrr !... pas mort !

Je tousse sous l'étonnement des personnes. Une personne se dirige vers moi, puis une autre. Ce sont Erik et Pénoplée. Pénoplée est affolée :

- François ! François ! Je suis si désolée, on va te soigner, surtout ne bouge pas.

Erik a toujours le mot pour rire :

- Ouais tu as intétêt à rester bien tranquille, si tu te barres en courant, je t'avertit ! Je suis plus ton pote !

Il me fait sourire, ce qui rassure un peu Pénoplée. Mais je dois rester concentré pour ne pas perdre connaissance. Rapidement plusieurs appareils arrivent et m'entourent. Je sens quelque chose sur ma jambe, et plusieurs piqûres à divers endroits. En quelques minutes je me sens déjà mieux. Ma vision devient moins trouble. Pénoplée me parle.

- J'ai fait venir des artificiels répareurs, ça te permettra de tenir jusqu'à ta mise-à-jour.

C'est incroyable, en quelques minutes je vois disparaître sur le mode santé de mon bracelet les points problématiques. Quand je peux enfin regarder, je découvre que j'ai désormais une jambe artificielle et une sorte de plâtre vivant à l'avant bras. Mon épaule elle aussi est protégée par une prothèse, et il semble que ma colone, gravement blessée, soit en passe d'être remplacée sur place par des fibres synthétiques. Quinze minutes plus tard Pénoplée et Erik m'aident à me relever, et je me sens comme un charme. Erik est stupéfait :

- Dis donc, c'est carrément pratique leur machin ! Ça va ?

- Je me sens un peu engourdi, j'ai encore un peu mal, mais sinon oui ça va.

Pénoplée n'ose pas me prendre dans ses bras, elle me fait juste un baiser.

- C'est un mode de réparation d'appoint, c'est rapide mais il faudra sans doute qu'on te regénère complètement si tu veux un corps en bon état, mais comme apparemment tu as refusé l'arrêt, c'est ce que nous faisons habituellement. J'ai aussi demandé un vêtement. Tiens, enfile ça.

Erik ne comprends pas :

- L'arret ?

Je lui explique en enfilant la toge que m'a tendue Pénoplée :

- Après mon atterrisage, le bracelet m'a proposé de faire une sauvegarde et de couper le jus.

Nous sommes entourés par une foule de plus en plus dense. Mais je suis curieux de l'état de la fille.

- Elle est où la nana.

Pénoplée me répond :

- Un peu plus loin là bas, au milieu des gens. Elle a moins souffert que toi dans la chute, elle est aussi en train d'être réparée. Nous avons commandé des artificiels pour la maîtriser si besoin, mais les réparateurs lui on injecté de quoi dormir.

Je m'avance doucement au milieu des gens qui s'écartent pour me laisser passer. Énavila est debout, les yeux fermés, entourée d'un ensemble de petits artificiels qui virevoltent autour d'elle. Pénoplée vient à mes côtés.

- Que vont-ils lui faire ?

- Dans un premier temps elle sera mise en détention jusqu'à sa comparution. Les avis sont en train d'être mis au courant. Tout le monde penche pour un jugement devant le Congrès au plus vite. Ils veulent te voir aussi, pour tenter de comprendre. Mais dans un premier temps il vous faut vous rétablir. Vous allez être conduit au centre de téléportation du Congrès pour une mise-à-jour, ça prendra quelques heures.

- Je dois y aller maintenant ?

- Elle oui, de toute façon elle n'est pas consciente, en ce qui te concerne Yamwreq, qui arrive, me fait savoir que tu peux te reposer un peu avant. Mais il ne vaut mieux pas tarder. Nous pouvons nous y rendre doucement, si tu te sens de marcher ?

- Oh oui pas de problème, la réparation est très efficace.

- N'hésite pas si tu ne te sens pas bien, j'imagine que c'est assez difficile à vivre comme situation.

Erik intervient :

- Et oh c'est pas une fillette non plus ! On en a connu d'autres, pas vrai !

Il fais mine de me donner une grande tape dans le dos, Pénoplée étouffe un cri, Erik rigole, puis redevient sérieux quand je lui demande à mon tour s'il va bien, après sa bataille dans le couloir de l'hôtel, mai il n'a pas eu plus que quelques contusions. Il me demande ensuite :

- C'est qui alors cette fille ?

- C'est elle qui m'a donné le bracelet, au tout début, à Paris.

Pénoplée me prend par le bras et nous commençons à marcher doucement :

- Tu l'as revue à d'autres moments ?

- Non, je ne l'ai vue que deux fois, une première fois dans un parc quand je faisais mon footing, et la seconde fois quand je lui ai courue après et qu'elle a perdu ce fameux bracelet.

Erik est perplexe :

- Il y a donc bien plus qu'une coïncidence entre elle, toi, l'autre fille et tout ce bazar. Mais pourquoi t'en veut-elle autant ? En plus c'est complètement illogique, il ne faut pas dix minutes ici même complètement déchiqueté pour te remettre sur pied !

Pénoplée répond :

- On dirait qu'elle veut se venger de quelque chose, peut-être se satisfait-elle simplement de le faire souffrir. Tu es vraiment sur François que tu ne lui as rien fait ?

- Pas que je sache en tout cas.

Nous marchons doucement dans le parc vers la sortie quand Yamwreq, Moln et toute la troupe noue rejoigne. J'explique rapidement à tout ce beau monde que cette fille est la source de toute cette histoire, mais que je n'en sais pas beaucoup plus. Nous nous remettons en route, Yamwreq décrit le peu qu'il a trouvé :

- J'avais déjà rencontrée cette Énavila aux côtés de Gwenoléa, il y a quelques années, elle était encore bien jeune à l'époque, mais déjà très déterminée. J'ai fait quelques recherches supplémentaires rapides sur elle, apparemment aucun lien avec l'autre fille, hypothétiquement appelée Sarah. Mais la encore nous ne pouvons être sûr de rien.

Pénoplée est curieuse :

- Pourquoi sûr de rien ?

Yamwreq a une seconde d'hésitation, puis explique :

- Nous avons découvert que certaines données concernant cette Sarah sont manipulées, nous ne savons pas pourquoi. Nous voulions avec Guewour tenter de trouver plus d'indices, mais la situation empirant, je crois que c'est inutile de garder cette affaire pour nous désormais.

Pénoplée veut en savoir plus :

- Mais manipulées de quelle manière ?

Yamwreq s'impatiente un peu, voulant sans doute poursuivre :

- Elles sont fausses, par exemple cette après-midi notre communication avec cette Sarah était fausse. Par chance j'avais un ami à côté de l'endroit où elle était censée se trouver, et les bracelets donnaient l'illusion de sa présence. Enfin bref, il semble que cette Énavila et cette Sarah ne se soient jamais rencontrée. Concernant Énavila, elle a à peine seize ans et vit principalement sur les planètes rebelles, elle devait comparaître dans les jours qui viennent en même temps que Gwenoléa pour expliquer certains outrepassement qu'elle commet régulièrement. Normalement vu son âge elle doit retourner sur sa planète initiale, Stycchia, tous les trois...

Nous nous arrêtons presque tous, stupéfaits :

- Stycchia !

Yamwreq ne comprends pas :

- Oui Stycchia, pourquoi, c'est une planète qui n'a rien de partic... Ah mais oui ! C'est là que vous êtes apparus !

Iurt confirme :

- Oui, c'est bien le cas, mais est-ce que ça peut-être une coïncidence ? Est-ce que cette Énavila aurait pu arranger cette arrivée ?

Yamwreq poursuit :

- Ce n'est peut-être qu'une coïncidence, Énavila comparait justement parce qu'elle ne respecte pas la limite des trois mois maximum de séjour hors de son initial. Elle ne suit pas ses études, son bracelet est restreint et pourtant elle parvient à passer au delà des limitations. Le Congrès s'inquiète de cette défaillance. Voilà plus de six mois qu'elle n'est pas retournée sur Stycchia, quand y êtes-vous arrivés ?

Pénoplée réponds :

- Il y a six mois environ.

Erik tente de déduire :

- Elle nous aurait faits arriver sur Stycchia juste avant de partir ? Mais dans quel but ?

Yamwreq est perplexe :

- Personnellement je n'y crois pas trop, cette gamine est trop impulsive à mon avis. Par contre il se peut que cette Sarah en soit à l'origine, peut-être voulait-elle justement que vous vous recontriez.

Je ne comprends pas moi non plus :

- Mais dans quel but ? Cette Sarah m'a aidé sur Terre, mais jamais elle ne m'a vraiment dirigé, à part si elle le faisait dans l'ombre. Mais elle avait juste tendance à m'aider quand j'en avais besoin.

Erik élabore une théorie :

- Peut-être que cette Sarah et cette Énavila ne sont pas ensemble, mais opposées. Énavila t'aurait filé le bracelet pour une raison ou pour une autre, te mettant dans la merde, et derrière Sarah a tenté de te venir en aide, peut-être pour retrouver Énavila ou lui tendre un piège, d'où ta présence sur Stycchia. Et peut-être que cette lune où nous étions était aussi un lieu connu d'Énavila ?

Je reste pensif. Énavila m'en voulait depuis le début, depuis le jour où elle m'ait sauté dessus dans le parc. Le bracelet était sans doute déjà part de sa vengeance. Le bracelet devait me faire remarquer par les hommes de l'organisation, à moins qu'il ne dût que provoquer ma mort ou mon asservissement par son action. Et ma pierre ! Cette histoire est démente, je n'y comprends rien ! D'où venait cette pierre ! Comment ai-je pu la trouver par hasard, c'est impossible ! On pourrait admettre toutefois que la pierre était juste un effet placebo, et qu'elle m'a permit de me passer du bracelet...

- François ?

Pénoplée me sort de mes pensées.

- Tu m'avais raconté que sur Terre, les personnes qui te poursuivaient te repprochaient en réalité à toi de leur en vouloir ?

- Oui tout à fait, en Australie après ma capture, juste avant que Sarah ne me vienne en aide pour la première fois, elles m'ont demandé pourquoi je m'acharnais. Sans doute Énavila est-elle du même bord que ces personnes. Elle voulait se venger de quelque chose. Erik doit avoir raison, Sarah et Énavila sont opposées. Mais quel sont leurs buts respectifs ?

Yamwreq reprend la parole :

- Officiellement Énavila s'est toujours battue pour l'indépendance des planètes rebelles. Elle est montée très rapidement dans les échellons officeux sur les planètes rebelles. Elle a toujours démontré une intelligence et une technique remarquable, même si son caractère impulsif et irréfléchi lui a causé ennui sur ennui. Il est difficile de croire qu'elle chérisse un autre but que l'indépendance des planètes rebelles. On peut imaginer que Sarah participe à une commission cachée chargé d'étudier, ou surveiller l'activité des planètes rebelles, toujours à la limite des règles de la Congrégation.

- Et moi dans l'histoire ? Et la Terre ?

- Nous en rediscuterons, peut-être devant le Congrès, mais il est possible, je ne sais par quel moyen. que les planètes rebelles aient pu d'une façon ou d'une autre créer une planète indépendante pour réaliser leur rêve, et qu'elle soit rester cachée de la Congrégation. Vous n'auriez été alors que malencontreusement entraîné dans cette histoire par un jeu de coïncidences facheuses. Peut-être que Sarah ayant découvert cette planète, Énavila voulut s'en débarasser, ou je ne sais quoi d'autre.

Pénoplée rétorque :

- Mais la Terre est peuplée par les hommes depuis bien plus longtemps que l'existence même des planètes rebelles !

Yamwreq est plus partagé :

- Ils ont peut-être tout créé artificiellement, qui sait ?

Nous arrivons doucement au centre de téléportation du Congrès. Énavila est déjà dans un des tubes. Je m'installe dans l'un d'eux.

- Combien de temps je vais rester là-dedans ?

Moln intervient :

- Nous allons faire un diagnostic pour avoir une idée. Je vais refermé le tube une première fois pour une analyse, ça ne prendra que quelques minutes.

Le tube se referme, je me détends et ferme les yeux. Malgré les prothèses je me sens tout de même pas au mieux de ma forme. Je suis épuisé. Je m'endors presque quand finalement le tube s'ouvre.

Moln reprend la parole :

- C'est plus grave que ce que je pensais. Il faut refaire toute la colonne. L'indicateur donne dix-huit heures comme durée. Une autre possibilité est de prendre un nouveau clone, mais dans ce cas il y en aura pour trois jours. Par contre alors tu peux rester avec nous jusqu'à ce que le clone soit prêt.

Guewour prend la parole :

- Peut-être que c'est mieux comme ça, ainsi on pourrait passer au Congrès dès aujourd'hui ?

Je ne suis pas trop pour rester pendant trois jours dans cet état bancal.

- Je préfèrerais être réparé au plus vite, en ce qui me concerne.

Yamwreq donne son avis :

- C'est peut-être mieux ainsi, rien ne sert de nous précipiter. Énavila sera maintenue en sommeil jusqu'à la session. Prenons la journée de demain pour mettre un peu d'ordre dans les événements.

Moln me demande si je veux attendre encore un peu avant l'intervention. Je dis simplement qu'un baiser de Pénoplée sera mon dernier souhait. Je suis épuisé et je n'attends qu'un peu de répis. Pénoplée sourit et s'approche. Elle se penche et m'embrasse tendrement. Elle me dit doucement :

- Je veille sur toi, dors, repose-toi.

Je n'en demande pas plus, le tube n'a même pas le temps de se refermer que, relachant la pression, je m'endors d'un trait.

Je rêve d'Énavila... Je sais ton nom, désormais.

Le réveil est toujours un peu laborieux. Seule Pénoplée est là pour m'accueillir.

- Alors, remis à neuf ?

- Ma foi, ça a l'air d'aller. Alors quoi de neuf ?

Je me lève doucement, Pénoplée me tends un vêtement, un pantalon un peu serré noir et une veste ample marron, comme j'aime.

- Tu es resté vingt-deux heures, un peu plus que prévu. Les autres sont rentrés à l'hôtel quand ils ont vu que ce serait plus long. Nous avons hésité à te laisser la nuit en plus, mais j'avoue que j'ai préféré attendre pour la passer avec toi.

- Nous retournons à l'hôtel ?

Elle hésite :

- Non, tu es bloqué ici, n'oublie pas que toi-aussi tu as fait un beau scandale il y a deux jours. Nous avons une petite chambre dans le bâtiment.

- Je n'ai pas vraiment sommeil, mais pour un câlin sans problème.

Elle sourit. Je regarde le tube où se trouve Énavila.

- Elle est toujours là ?

- Oui, vous serez tous les deux demains devant le Congrès.

Nous quittons la pièce et Pénoplée me guide jusqu'à la douillette chambre. Une fois entré, je pousse Pénoplée sur le lit et l'embrasse sauvagement.

- Alors, que s'est-il passé depuis hier ?

Je lui mordille l'oreille, laisse glisser mes mains sur ses seins puis le long de sa jambe.

- Dis-moi ! Ça te met en forme la réparation ! C'est vrai que nous avons une partie en suspend. Il ne s'est pas passé grand chose. Principalement la Congrégation s'est émue de ton accident. Maintenant tout le monde est au courant que...

Elle s'arrête pour pousser un gémissement quand je glisse ma main dans son pantalon et deux doigts dans son sexe.

- Au courant que ?

- Comment veux-tu que je reste calme si tu m'embêtes !

- Voyons, c'est rien du tout...

Je lui retire son haut moulant, lui caresse les seins et la retourne sur le dos, entreprenant un début de massage.

- Oh oui un massage, oh... Tout le monde commence à se poser des questions sur les bracelets, sur pourquoi cette fille parvient à passer outre.

J'expérimente quelque nouvelles techniques de massage des épaules.

- Tu aimes ça ?... Mais le Congrès a-t-il déjà pris une décision ?

- C'est pas mal oui, un peu plus fort peut-être... Non pas encore, ils ont aujourd'hui remis à plus tard les affaires en cours et rassemblé les élements vous concernant. Yamwreq a raconté son histoire avec... Oh c'est pas mal ça ! Un peu plus bas, oh c'est super...

- Yamvreq ?

- Oui son histoire avec cette Sarah où il pense avoir été berné par les artificiels. Je peux te dire, tout le monde en parle désormais. J'ai même ma mère qui m'a appelé pour me dire que je ferais bien de rentrer sur Stycchia, que je ne devrais pas rester avec toi.

- Ta mère prend encore soin de toi !

- Oh je crois que je pourrais vivre dix mille ans qu'elle me croirait encore irresponsable et immature !

Je passe doucement ma main sous son ventre pour lui retirer son pantalon, elle se laisse faire sans dire mot. C'est tout de même un peu dommage cette technologie, plus du tout la surprise de découvrir un tanga évocateur aux jolies broderies... Je n'en suis pas moins motivé pour autant à la vue de ses superbes fesses

- Et pour les jeunes qui étaient avec elle ?

J'entreprens un massage des fesses et des cuisses.

- Et c'est pas mal ça !... Ils sont aussi aux arrêts, dans l'hôtel. Il semble que contrairement à Énavila, ils ne puissent pas déjouer les bracelets.

Je m'arrête et reste pensif.

- Cette histoire est tout de même incompréhensible.

- Eh ! Ne t'arrête pas !... Pour les jeunes c'est assez logique, ils suivaient corps et âmes Énavila, a priori c'est elle l'instigatrice de tout ce bazar. D'après que nous avons déduit, elle était dans le même hôtel que nous, et suite à ton accrochage en abeille, elle t'a sans doute vu et reconnu. Sachant que tu étais dans le même hôtel, elle est rentrée de nuit pour s'en prendre à toi.

Je reprends mon massage, mais je ne pense maintenant plus qu'à cette histoire. Je me laisse finalement rouler sur le côté et m'allonge sur le dos.

- Mais pourquoi m'en veut-elle et pourquoi cherchait-elle à me tuer, c'est pas logique !

- Et tu ne vas tout de même pas me laisser comme ça !... Il semble que cette fille n'ait jamais eut un comportement très logique, elle agit sous ses impulsions, elle est étonnament douée pour de nombreuses choses, notamment le combat ou le pilotage, mais elle est incapable de se contrôler. Elle t'en veut pour quelque chose. Et je t'avoue que voyant sa rage je me pose moi-aussi des questions. Peut-être as-tu un sosie ou même as-tu oublié une partie de ton passé.

Elle se glisse doucement vers moi et m'embrasse doucement sur la joue.

- Tu n'as plus envie ?...

Je mets mes préoccupations de côté pour lui ressauter dessus...

Mais elles reviendront bien vite une fois Pénoplée endormie sur mon épaule. Je n'ai moi pas beaucoup sommeil, et je suis très frustré de ne pas y voir plus clair, de ne pas trouver un hypothèse qui me convienne. Ah je n'ai pas demandé à Pénoplée de m'expliquer l'histoire de ces planètes rebelles. Un groupe de planète qui veut son indépendance. Énavila lutte pour cette cause. La Terre est peut-être une ancienne planète elle-même indépendante où ils se sont infiltrés. Pour je ne sais qu'elle raison Énavila pense que je suis une personne de la Congrégation avec pour objectif de révêler l'existence de la Terre. Elle me donne le bracelet pour me neutraliser. Ça ne fonctionne pas et alors des hommes tentent de me faire taire, mais je parviens à m'en sortir et je commence à faire des remous. Peut-être qu'à cause de moi cette Sarah a pu découvrir l'existence de la Terre. Elle tente alors de m'aider, pour avoir plus de preuves sur la présence d'intrus sur la Terre. Une fois qu'elle a ses preuves, elle quitte la Terre et c'est alors que nous sommes enlevés par l'organisation. Cette lune serait une sorte de prison, nous parvenons à nous échapper, et nous arrivons sur Stycchia, non pas parce qu'ils voulaient que nous arrivions là, mais peut-être que c'est justement via ce téléporteur qu'Énavila arrivait sur la lune. Il était inutilisé et ils l'ont détourné pour s'en servir. Ce qui explique pourquoi nous sommes arrivés sur cette planète. Mais pourquoi avoir détourné Naoma ? Sans doute voulaient-ils m'avoir moi mais ont-ils commis une erreur. Mais pourquoi voulait-elle me tuer ? Peut-être ne le voulait-elle pas complètement, peut-être voulait-elle juste me tuer temporairement, récupérer mon bracelet et me rematérialiser avant que quelqu'un d'autre ne le fasse, bloquant ainsi ma réinitialisation ici...

C'est sur cette hypthèse que je m'endors finalement, serrant un peu plus fort Pénoplée dans mes bras... Je rêve de Mandrake, de Guillaume, de Daouda, Pixel, et de Pénoplée, de mon ancienne vie et de ma nouvelle, dans d'invraisemblables superpositions... Il me faudra sans doute choisir à un moment, entre cette nouvelle vie et mon ancienne... Pourrais-je réellement supporter de vivre de nouveau sur Terre après tout ce que j'ai vu ici ?

Pénoplée se réveille plusieurs fois dans la nuit, pour se rapprocher et me faire un baiser sur la joue. Sans doute craint-elle de cette confrontation au Congrès.

Mon troisième jour sur Adama après un furtif deuxième débutera tôt, et je fais préparer sans bruit un copieux petit déjeuner pour Pénoplée et moi que je réveille doucement en faisant ouvrir doucement la grande fenêtre avec vue sur le parc. Elle se plains doucement :

- Mmmm... Reviens près de moi.

Je me glisse à côté d'elle. Elle s'allonge sur mon torse.

- Oh, ça sera dur sans toi...

Je la serre contre moi et lui fait un baiser sur les cheveux.

- Eh ! Nous ne sommes pas encore séparés !... Déjeûnons, cette journée sera sans doute aussi longue que notre première ici.

Nous mangeons avec appétit, profitant une fois de plus l'un de l'autre, pas très sûr du moment où nous pourrons de nouveau nous retrouver ensemble. Erik et Guerd appellent un peu après, pour nous proposer de venir prendre le petit-déjeuner avec nous. Nous leur indiquons que nous avons déjà manger un peu mais que nous pouvons tout de même nous rejoindre ici pour discuter un peu.

Il est encore tôt. Malheureusement je ne peux pas sortir du bâtiment, nous n'aurons donc pas droit à une promenade matinale dans le superbe parc. J'étais pourtant curieux de voir les traces de mon périlleux atterrissage de l'avant-veille. Qu'importe, nous allons dans la grande salle de repos où Yamwreq nous rejoint quelques minutes plus tard. Il salue plusieurs personnes puis demande s'il peut se joindre à nous. Nous l'acceuillons avec plaisir. Je lui demande comment va se passer notre audition :

- Et bien après un rappel sommaire des faits, toi et cette fille vous devrez répondre aux différentes questions de toutes les personnes intervenantes.

- Erik ne sera pas là ?

- Il sera présent mais nous ne traiterons pas aujourd'hui de votre intégration, celle-ci était prévue plus tard et a été ajournée pour l'instant. L'affaire présente étant beaucoup plus grave et urgente.

- Mais qui participe exactement au Congrès ?

- C'est assez libre mais ce sont des personnes qui représentent des avis, souvent la répartition se fait par planète. Il y a généralement environ trois cents personnes, aurjoud'hui nous serons sans doute plutôt de l'ordre de six cents. Virtuellement toute la Congrégation peut y assister et y participer. Les artificiels synthéthisent et ordonnent les questions les plus fréquentes ou pertinentes, et généralement Goriodon les pose en personne. S'il est absent d'autres personnes peuvent le remplacer, ce rôle est plus honorifique qu'autre chose.

Pénoplée remarque :

- C'est encore basé sur les artificiels...

Yamwreq le reconnait :

- Il y a peu de chose que nous faisons sans leur aide, ils sont presque partis de nous, c'est aussi la raison pour laquelle un défaut dans le système est d'une très grande importance, car l'ensemble de notre fonctionnement devrait être remis en question. Mais comment pourrions-nous résumer et prendre en compte les milliards de questions potentielles que les gens se posent sans une aide artificielle ? Ce serait revenir à un ordre hiérarchique et autoritaire datant d'un lointain passé.

- Mais si le système s'avère réellement corrompu ?

- Les artificiels ne forment pas uniquement un tout, n'oublions pas que ce ne sont que des machines, très intelligentes et présentes de partout, certes, mais des machines. Et même si j'avoue ne pas savoir comment nous devrions nous y prendre, j'imagine que nous pouvons nous séparer de certaines parties sans mettre en péril l'ensemble.

Yamwreq fait une pause, semble hésiter, puis dit finalement :

- Sur les planètes rebelles nous apprenons à utiliser des modèles autonomes non connectés pour pouvoir vivre sans assistance artificielle.

La voix d'Erik nous coupe.

- Alors on glande ?

Erik, Guerd et les autres nous entoure, nous nous levons pour dire bonjour. Je parle à Erik en anglais :

- Salut Erik, comment tu vas ?

- C'est à toi qu'il faut le demander, t'es tout neuf.

- Ben on dirait ouais.

Yamwreq interroge Pénoplée :

- Quelle langue parlent-ils ?

- C'est une langue de chez eux, nous ne l'avons pas disponible.

Nous écartons le cercle et deux tables s'approchent à la demande de Pénoplée. Un petit robot artificiel apporte au bout de quelques minutes les commandes que chacun à passer individuellement. J'ai juste pris un de ces petits pains un peu dur sucré-salé, je les aime bien. Pénoplée ne commande rien. Yamwreq s'excuse au bout de quelques minutes, devant rejoindre je ne sais qui. Je lui demande avant qu'il ne parte.

- Quand devons-nous aller au Congrès ?

- Finissez tranquillement de déjeuner et rendez-vous y ensuite, nous commencerons dans la matinée.

- Ah ? Il n'y a pas d'horaire fixe ?

- Non non c'est assez libre... La précipitation résout souvent mal les problèmes.

Yamwreq s'apprête à partir quand Énavila arrive dans la pièce avec trois personnes. Elle crie et trépigne :

- Virez-moi ces saloperies de bordel de limiteur ou je casse tout !

Je me retourne, elle m'aperçoit.

- Toi ! Je vais te massacrer, traître !

Une voix autoritaire et forte à faire trembler les mur résonne et fait taire Énavila.

- Ça suffit !

Une grande femme, sans doute plus d'un mètre quatre vingt, entre magistralement dans la salle. Pénoplée me souffle doucement :

- Gwénoléa...

Elle s'avance vers nous. Je me lève. Yamwreq qui allait partir revient doucement vers nous. Elle s'incline vers moi.

- Je ne pourrais jamais assez m'excuser du tord qu'elle vous à causer, j'espère que vous n'associerez pas ce personnage aux planètes rebelle.

Énavila proteste :

- Gwénoléa ! C'est un traître, ils nous as tra...

Gwénoléa qui s'était penchée pour nous saluer se redresse, elle est vraiment très grande, et avec ses chaussures fait presque la même hauteur que Yamwreq. Je comprends qu'ils aient pu former un couple. Elle coupe Énavila d'une voix forte :

- TU nous as trahi ! TU t'es montrée indigne, comme tant de fois, de la cause que nous représentons ! Et TU en répondras devant le conseil ! Mais ne compte pas sur ma clémence ! Maintenant va !

Énavila lui lance des éclairs de colère par ses yeux brillants. Les trois personnes l'accompagnant la font s'asseoir un peu plus loin. Elle ne commande rien.

Gwenoléa nous salue de nouveau et s'éloigne. Yamwreq fait un geste vers elle, mais elle a un petit mouvement de la main suggérant qu'elle refuse son invitation, sans doute ont-ils eu une communication privée. C'est amusant de voir comment les petits gestent trahissent. Yamwreq ne nous salue même pas et s'en va alors d'un pas pressé, de toute évidence blessé par le refus de sa belle.

J'hésite quelques secondes, puis je me lève et me dirige vers Énavila. Pénoplée m'interpelle :

- Où vas-tu ?

- Discuter.

- Tu es fou, reviens !

Elle se lève pour me rejoindre, mais Erik la retiens :

- Laisse, il les a toujours aimées un peu farouche.

Pénoplée se rassoit, inquiète et énervée.

Je m'approche d'Énavila et m'assois en face d'elle. Elle est entourée des petits artificiels qui limitent ses mouvements. Les trois personnes avec elle discutent sur la table d'à côté en déjeunant, ils ne font pas attention à nous.

- Salut.

- Qu'est-ce que tu veux, casse-toi avant que je ne te réduise en bouilli.

- Pourquoi est-ce que tu m'en veux ?

Elle crie :

- Tu oses le demander ! Si j'avais pas ces trucs je te jure que je te casserai la gueule à coup de table !

- Au lieu de t'égosiller comme un rhinocéros en chaleur, il ne te viendrait pas à l'idée que tu puisses te tromper sur moi ? Qui t'a renseigné ?

- C'est pas tes affaires, retourne avec ta maman avant que je te pète les dents.

- Il se trouve qu'aujourd'hui c'est plutôt toi qu'on va renvoyer près de maman. Tu es d'autant plus stupide que je veux bien t'aider, et en plus tu devras répondre à ces questions devant le conseil dans quelques minutes...

- C'est ce qu'on va voir, je les emmerde.

- Oui je l'ai bien compris, tu les emmerde eux, moi, la Congrégation et le reste de l'univers, mais qu'est-ce que ça t'apporte ? Ça t'avance vachement, non ?

- Ta gueule ! Je sais que c'est toi ! C'est toi qui a tout foutu en l'air, alors barre-toi, et fais gaffe parce que la prochaine fois que je te chope tu ne t'en sortiras pas aussi bien.

Je reste pensif un instant. Puis je me lève et retourne m'asseoir près de Pénoplée.

- Alors, c'est dans la poche ?

Pénoplée lance des regards noirs à Erik.

- Sans doute pas pour ce soir, mais demain j'ai mes chances.

Erik rigole. Je poursuis :

- Elle est complètement bornée, elle est persuadée que j'ai foutu en l'air je ne sais pas quoi, et elle n'en démors pas, et accessoirement elle emmerde tout le monde.

Iurt commente :

- Énavila a toujours été d'un caractère un peu difficile.

Je suis étonné :

- Tu l'as connais ?

- J'ai eu indirectement affaire à sa mère plusieurs fois déjà sur Stycchia, suite aux précédents problèmes qu'elle a déjà créés. Mais je ne la connais pas personnellement. Beaucoup de jeunes de la Congrégation sont turbulents, mais force est de constater qu'elle atteint des sommets.

Ils terminent doucement leurs petits-déjeuners. Je m'impatiente un peu :

- On n'y va ?

Erik est d'accord.

- Oui allons-y !

Iurt est moins catégorique :

- Il est encore un peu tôt, il n'y a pas encore grand monde sur place.

Je me lève :

- Et bien, ça les fera arriver !

Erik se lève, Guerd fait de même. Pénoplée fait la forte tête un instant, dans la mesure sans doute où elle n'est pas à l'initiative du mouvement, puis, voyant que Moln et Ulri se joignent aussi à nous, elle accepte ma main tendue.

Je m'arrête en face d'Énavila, je lui fais un signe de la tête, pour l'inviter avec nous. Pénoplée me lâche la main. Énavila me fait un signe, elle lève la main et écarte les doigts de façons à joindre l'auriculaire avec l'annulaire, et le majeur avec l'index, en écartant le pouce. Pénoplée revient et me souffle à l'oreille :

- Ça veut dire: "Va te faire foutre".

Nous reprenons notre marche :

- Ça vient d'où ?

- C'est très ancien, c'est pour représenter les trois gros doigts des reptiliens, en gros elle te signifie que pour elle tu ne vaut pas mieux qu'un reptile.

- C'est marrant.

Nous avançons jusqu'à la sortie du bâtiment. Pénoplée m'indique que je peux sortir pour me rendre au Congrès dans la mesure où ils viennent avec moi. Nous traversons tranquillement le grand parc sur une grande allée en terre battue. Il nous faut une vingtaine de minutes pour arriver devant le lieu où siège le Congrès.



Le Congrès

C'est très impressionnant, ce n'est pas du tout un lieu futuriste, mais je commence à prendre l'habitude des goûts rustiques de cette Congrégation. Nous arrivons en grimpant sur une petite collines dont le centre est formé par des immenses arènes de pierre, qui ressemblent un peu aux stades antiques. Au centre ce trouve la mythique place d'Eryas, lieu du martyr de Guerroïk. Un immense croix se dresse au centre, rappelant à tous l'événement qui changea l'histoire des hommes. C'est troublant de voir ce symbole, qui est peut-être un des liens entre ce monde et la Terre. Entre les guerres qu'il a provoqué ici comme là-bas. Dieu, serais-tu présent ici ? Ou biense pourrait-il que ces hommes soient ceux qui se cachent derrière toi ? Se pourrait-il que la Terre soit leur terrain de jeu ?

- Bordel, si je m'attendais à trouver ça ici !

Erik est surpris, il ne connais pas les détails du martyr de Guerroïk, je lui rappelle brièvement notre discussion avec Hur et Rono en complétant un peu.

Il y a déjà des centaines de personnes présente. L'une d'elle est debout et arpente la place en s'addressant au public.

- On n'entend rien.

- C'est parce que tu n'as pas ton bracelet, mais tu entendras mieux une fois assis, la voix est aussi relayée par les sièges.

- Où dois-je m'asseoir, à ce propos ?

Iurt prend la parole :

- Je crois que l'on nous a réservé cette portion, là.

Une rangée est vide, presque tout en bas. Nous descendons les grandes marches en pierre, puis allons nous asseoir sur les bancs, toujours en pierre, pas très confortables, mais j'imagine qu'ici le but n'est pas de faire la sieste. Une fois assis j'entends en effet beaucoup mieux la personne qui parle au centre. Il est question de renouvellement de la structure du Congrès. Pénoplée m'indique que, comme dans tout système, certaines personnes ne sont pas satisfaite de l'action de Goriodon et voudraient voir la tête de la Congrégation changer plus souvent. Régulièrement les jugements du conseil et les avis de Goriodon, qui ne sont pourtant souvent que le reflet des avis de la Congrégation, enflamme certains opposants qui se lance dans des diatribes capricieuses.

Une personne se présente devant nous, c'est un homme assez grand, habillé avec une toge violette, d'apparence âgé. Il nous salue poliment, je me lève pour le saluer. Puis il retourne s'asseoir au milieu d'une rangée, un peu plus loin sur notre droite.

- C'est Goriodon.

Pénoplée me souffle virtuellement, je suis étonné par tant de simplicité. Quelques minutes plus tard Yamwreq descend les marches à l'opposé de l'arène et s'installe. Encore une dizaine de minutes et la majestueuse Gwénoléa fait son apparition. Yamwreq la suit des yeux, espérant sans doute ne serait-ce qu'un regard, mais non...

- Il est complètement accro...

Je pense tout haut, mais tout le monde se retourne vers moi le regard méchant. Erik éclate de rire, Pénoplée étouffe un sourire et me parle via son bracelet :

- Pas de bavardage, ici, tout est relayé, garde tes commentaires pour toi... Mais je suis d'accord, il est accro... Si tu veux me parler, fais comme si tu avais ton bracelet, le siège se comporte pareil.

- Ok merci, tu aurais pu me le dire avant.

- Désolée...

Énavila arrive juste après Gwénoléa, elle s'assoit sur la même rangée que nous, à quelques mètres de moi, seule. La personne sur la place parle toujours, mais la foule s'impatiente, et finalement une personne l'interrompt et signifie qu'un affaire plus importante pourrait débuter. La personne quitte alors la place pour aller se rasseoir.

Goriodon se lève et prend la parole :

- Mes amis, nous avons rien ordonné les éléments concernant cette affaire compliquée. Aujoud'hui nous avons la chance d'avoir parmi nous Énavila et Ylraw, principaux protagonistes des troubles qui ont perturbé notre tranquillité. Plusieurs zones d'ombre persistent pour rentre cette histoire claire. Je propose que nous réordonnions les faits en nous arrêtant sur les points inexpliqués.

Rapidement apparaît en plus de ma vision des petis pictogrammes bleus et verts. Pénoplée m'explique que c'est une estimation des avis. Le bleus signifiant les avis plutôt en faveur de ce que vient de dire Goriodon, le vert plutôt contre. La signification de ces couleurs remontent, une fois de plus, à la période reptilienne, le vert étant la couleur des reptiles et le bleu, la couleur de l'eau, dont ils avaient peur. Suite à la demande de Goriodon, qui est plus une proposition de marche à suivre, une large majorité de bleu indique que l'on va procéder suivant sa recommendation. Goriodon poursuit :

- Les informations recoupées situent le premier du deuxième du quatrième de la présente année 12624 votre première apparition aux habitants du villages Srans, dont nous avons ici le représentant, Iurt, ainsi que plusieurs membres.

Pénoplée complète les explications qu'elles m'avaient déjà faites à propos du décompte du temps dans la Congrégation. Celui-ci est compté en fonction de l'année d'Adama. Elle contient cinq cent dix-neuf jours répartis en cinq périodes de quatre-vingt-sept jours et une de quatre-vingt-quatre jours. Chacune des périodes étant elle-même divisée en six autres sous-périodes qui ont en alternance quinze et quatorze jours, sauf pendant la dernière période, où les sous-périodes ont toutes quatorze jours, pour tomber sur cinq cent dix-neuf jours dans l'année. Bref, nous n'avons rien à leur envier avec nos mois à trente ou trente-et-un jour, c'est tout aussi compliqué... Par curiosité je lui demande le temps de rotation de la lune autour d'Adama. Elle confirme mes suspicion sur le fait que par le passé il y avait un second calendrier basé sur les mois lunaires, qui durent cinquante-quatre jours. Ce calendrier allait en complément avec les sixièmes, puis ce dernier fut déclaré seul officiel, et l'autre calendrier tomba en désuétude.

- Notre première question sera de savoir d'où vous veniez ?

Pénoplée me signifie intérieurement que c'est à moi. Je me lève. J'hésite à raconter tout depuis le début, mais je préfère finalement resté concis :

- Nous venions, Erik, Naoma et moi, d'une sorte de lune dont des hommes habitent le sous-sol et fabriquent des avions de combat.

Quand quelqu'un parle, un petit indicateur donne le niveau de confiance dans ce qu'il dit. Mon niveau est presque complètement bleu, signifiant que je suis sincère. Quelques secondes s'écoulent. Goriodon me demande :

- Où se trouve cette lune ?

- Je ne le sais pas.

- Que faisiez-vous là-bas ?

- Nous étions retenus prisonniers.

- Pour quelle raison ?

- Je l'ignore.

- Depuis combien de temps étiez-vous prisonniers ?

- Une dizaine de jours.

- Où étiez-vous auparavant ?

- Nous étions sur notre planète originelle, que nous appellons la Terre

Je tente d'utiliser le mot pour dire terre dans leur langue.

- Où se trouve cette planète ?

- Je l'ignore.

De nouveau un silence. Je prends finalement la parole.

- Mais peut-être aimeriez-vous que je détaille plus précisément les origines de cette histoire ?

Je ne prends même pas le temps d'attendre une réponse quand je vois qu'un immense majorité accpete ma proposition. Je me lance donc dans l'histoire. Pénoplée me fait tout de même remarquer que la coutume veut que Goriodon ou une autre personne donne la parole, même si les avis sont favorables. Dans un premier temps, je détaille la Terre, l'état de la planète, son contexte technologique et politique, sa structuration en pays, les différentes problématiques. J'essaie de faire le plus de similitude possible avec ce que je connais de leur histoire. Tout est facilité car mes images mentales sont projetées et chacun peut voir les scènes que je décris. Goriodon me pose de multiples question pour éclaircir certains points qu'ils ne comprennent pas, notamment sur la répartition des pouvoir, les différences Nord-Sud, la relation à la nature, la religion... Je leur rappelle tout de même régulièrement que certains éléments ne sont pas indispensables à la compréhension de la suite et nous feraient perdre du temps, et qu'il serait plus opportum d'en repousser l'examen pour la séance future consacrée à notre intégration dans la communauté.

Bref, je passe tout de même plus d'une heure, peut-être deux, à leur détailler la Terre et ma vie de tous les jours à Paris. L'indicateur de sincérité reste au bleu fixe. J'en arrive enfin à l'histoire proprement dite, je leur raconte alors ma première rencontre avec Énavila, dans le parc.

- C'est faux ! Je ne suis jamais allée sur cette planète !

Elle est sincère, son indicateur est formel, tout comme le mien. Une nouvelle couleur, orange, que je n'avais pas remarquée auparavant remplie l'indicateur de position du Congrés, sans doute pour signifier les indécis. Goriodon prend la parole :

- Bien, voilà notre première énigme. Ylraw, quand se situait cet évènement ?

- Les jours de la Terre ne sont sans doute pas tout à fait les même qu'ici, mais leur différence ne doit pas dépasser quelques heures. Par rapport à la date que vous avez dite tout-à-l'heure, à laquelle nous avons été vu pour la première fois, il faut retirer environ cinq jours depuis lesquels nous étions sur Stycchia, puis huit jours que nous avons passé sur la lune, et enfin environ quatre-vingt-trois jours passés sur la Terre.

- Bien, soit quatre-ving-seize jours à compter du premier du deuxième du quatrième de cette année. Énavila, pourrait-on retracer vos activités entre, disons, le premier du dernier du deuxième et le premier du deuxième du quatrième ?

Énavila prend la parole :

- Je suis restée sur Mériavos tout le deuxième, ce qui m'a valut une première sanction, d'ailleurs. Je suis rentrée sur Stycchia contrainte et forcée au début du troisième, j'y suis restée deux sixìème, ensuite je suis retournée sur Mériavos et Ockonos jusqu'au début du dernier, j'ai passé de nouveau trois sixièmes sur Stycchia, et depuis le début du troisième du quatrième je suis sur Galandas. Je suis arrivée ici il y a cinq jours avec Gwénoléa.

Je ne comprends toujours absolument rien à leur histoire de sixièmes qui ne veulent pas tous dire la même chose, et je ne me rends pas du tout compte à quoi ça correspond. Énavila termine son intervention par un regard glacial vers Gwénoléa. L'indicateur de sincérité est bon, elle ne ment pas. Si je comprends bien, elle aurait dû passer sur Terre durant la période qu'elle a passé sur Stycchia au début du troisième. Elle aurait pu utiliser le téléporteur par lequel nous sommes arrivés, si celui-ci ne mémorise pas les passages, difficile de savoir si elle n'est pas allé sur Terre à partir de là.

- Tu es vraiment restée sur Stycchia tout le début du troisième, tu n'aurais pas utilisé le téléporteur par lequel nous sommes arrivés ?

Elle ne répond pas, ne me regarde même pas. Goriodon prend la parole.

- Répondez.

Elle me jette un regard noir de côté, puis répond :

- Non je n'ai pas utiliser ce foutu téléporteur.

Elle est toujours sincère, ses images mentales la montre en train de discuter avec sans doute ses parents dans un petit village de Stycchia. Elle doit savoir comment mentir, où alors peut-être que ce n'est vraiment pas elle qui m'a attaqué, ce n'est pas possible. Je dois bien pouvoir arriver à la pièger.

- Tu n'as pas été courir dans ce parc où tu m'as sauté dessus ?

- Non

Toujours sincère.

- Tu ne m'as pas attendu dans le magazin, en haut de l'escalier automatique ?

- Non !

Une hésitation, l'indicateur a trésaille, lui rappeler les souvenirs complique la tâche. J'ai entrevue une image de Paris, mais pas suffisante pour convaincre. Elle doit se concentrer pour y parvenir, si je l'énerve elle peut craquer.

- Si ! Tu as couru dans les rue de "Paris", tu m'as frappé en m'attendant au coin d'un rue, tu te rappelles ? Ensuite tu m'as attendu la rue suivante, tu te rappelles de ce que je t'ai demandé, tu n'as pas compris peut-être, je t'ai parlé de ma coiffure, je t'ai dit que si tu aimais tant ma coiffure, je pouvais t'indiquer comme faire !

- Non, c'est n'importe quoi, je n'ai jamais fait quoi que ce soit de ce que tu dis, c'est du délire complet !

L'indicateur de confiance du Congrès est presque complètement orange, personne ne comprends apparemment comment nous pouvons dire tout deux la vérité et ne pas être d'accord.

- Si ! Avoue ! Ensuite tu as couru, je t'ai courue après, tu as traversé un pont, tu te rappelles, un pont sur une grande rivière !

- Non, non, non !

Son indicateur vascille, ses images se brouillent un instant, mais l'image de sa famille et de Stycchia reviennent. Elle doit faire des efforts pour que les images que je lui rappelle ne coïncide pas avec sa mémoire.

- Si, et mais après j'ai accéléré, et comme je cours plus vite que toi je t'ai rattrapée !

- Non, c'est faux !

Bingo ! Mon indicateur montre que j'ai menti, mais elle n'a pu s'empêcher de corriger, et ses images l'ont un instant montrée percuter la Laguna et tomber, avant de repartir vers le Pont des Tournelles. Elle se calme, me lance des regards noirs et attends. Goriodon réfléchit un instant et prend la parole :

- Il semble qu'Énavila ait une certaine capacité à brouiller le diagnostic du bracelet. Énavila, vous aviez votre bracelet les cinq premiers jours et les dix derniers avant votre départ, il reste une quinzaine de jour entre où nous n'avons pas les informations, est-ce que quelqu'un pourrait témoigner de votre présence sur Stycchia tout au long de ses quinze jours ?

- Ma mère.

- Bien.

Goriodon reste silencieux un instant, puis une femme apparait, sans doute un virtuel, au milieu de la place. Goriodon l'interroge :

- Tonnya, merci d'avoir accepter de parler ici. Vous n'êtes pas sans savoir les légers soucis que nous cause votre fille. Nous nous demandions si vous pouviez nous indiquez si votre fille était présente à vos côtés entre le cinquième du premier du troisième et le cinquième du deuxième du troisième ?

- Oui, euh, elle est restée presque tout le temps.

- Presque ? Est-ce que vous l'avez vu chaque jour ?

Elle hésite :

- Non.

- Quels sont les jours où vous ne l'avez pas vu ?

La pauvre mère, elle sait très bien que tout mensonge serait encore pire que dire la vérité.

- Elle s'est absentée du douzième du premier au cinquième du deuxième.

Je tente vaguement de jongler avec ces dates mais je n'arrive pas du tout à faire le lien avec mon calendrier...

- Savez-vous où elle est allée ?

- Chez des amis, elle bouge beaucoup, elle va souvent voir des connaissances à droite où à gauche.

Goriodon s'adresse maintenant à Énavila :

- Énavila, pourriez-vous détailler votre emploi du temps ?

- Ma mère vous l'a dit, j'étais chez des amis.

- Certes, quels amis ?

- Je sais plus bordel !

Elle ment ! He ! He ! Elle s'énerve. Goriodon fait un pause, puis reprend d'un voix posée :

- Quelque soit le temps qu'il nous faudra, nous ferons la lumière sur cette affaire, Énavila. Vous pouvez décidé de lutté contre le Congrès, mais vous perdrez. Nous comprennons les motivations des jeunes, vos besoin d'aventures, mais nous devons tout de même être garant de la stabilité du système, et votre comportement passé et notamment celui deux jours en arrière n'est pas tolérable et ne sera pas toléré !

Énavila broit du noir.

- Goriodon repose sa question :

- Où étiez-vous entre le douzième du premier et le cinquième du deuxième ?

- Je sais plus.

Son indicateur est toujours plein bleu, soit elle est très forte, soit elle ne le sait vraiment pas. Eh ! Mais cette scène me rappelle le commentaire de la femme lors de mon interrogatoire dans la salle sous-terraine de Sydney ! Ils utilisaient le bracelet pour savoir si je mentais. Ils pensaient que j'étais après eux, et ne comprenaient pas pourquoi le bracelet me montrait sincère !

- Très bien. Vous savez que si vous persistez le Conseil peut vous obliger à passer dans un téléporteur, et nous pourrons alors à loisir chercher ce que nous voulons.

- Allez vous faire foutre !

Le Congrès est offusqué. Énavila me lance de nouveau des regards noirs. Goriodon se relève :

- Bien, il semble qu'Énavila ne souhaite pas mettre de bonne volonté dans cet échange. Je propose que nous considérions qu'elle a bien été sur cette planète et rencontré Ylraw. Et si d'ici ce soir elle ne montre pas plus de coopération, nous nous adresserons demain à son subconscient. Ylraw, voulez-vous poursuivre votre histoire ?

Je me relève et reprend au moment de l'agression dans le parc. Je détaille notre deuxième rencontre et le moment où je trouve le bracelet. Je passe assez longtemps à raconter toute l'histoire. Je ne compte plus désormais pour la combientième fois je le fais. Je m'arrête au moment ou Sarah entre en jeu, ou quelque soit son nom. Yamwreq m'interrompt.

- Cette fille est la personne dont nous avons déjà parlée à plusieurs d'entre vous Guewour et moi. Nous pensons qu'elle fait partie d'un groupe manipulant les artificiels pour cacher ou édulcorer certains faits. D'autre part, plusieurs éléments nous laissent à penser qu'elle a des relations avec Goriodon lui-même...

Un mouvement d'étonnement parcourt la foule. Goriodon reprend la parole.

- Et bien, voilà qui tombe bien, cette personne est justement présente ici aujourd'hui. Sarah, voulez-vous ?

Je ne l'avez pas remarquée, mais c'est bien elle qui se lève à quelques rangées au-dessus de nous. Sarah ! Enfin ! Enfin va-t-on peut-être en savoir plus... Goriodon l'interroge :

- Sarah, pouvez-vous nous indiquez si vous confirmez les dires de Ylraw ?

- D'une certaine façon.

Sarah se lève et prend la parole, je me retourne pour la voir :

- Avant le Libre Choix je travaillais dans l'étude des sociétés humaines, les différents type d'organisation, les mode de structuration des communautés, leurs relation vis-à-vis de l'évolution, de la hiérarchie, les sytèmes politique. Après le Libre Choix j'ai continué à m'intéressé à ces domaines, et je suivait avec attention les analyses des artificiels nous assistant. Naturellement la création des planètes rebelles fut pour moi un sujet passionnant, leur nouvelles idées, leur tentative de créer un ordre différent... Mais ceux-ci, la plupart enfants et toujours soumis aux règles de la Congrégation, n'avaient qu'une marge limitée pour mettre en place leurs idées. En suivant de plus près leur comportement, et les longs mois passés sur leur différentes planètes, j'ai découvert qu'ils avaient détourné certains téléporteurs, je ne peux dire comment, pour créer un virtuel simulant le monde qu'ils recherchent.

Énavila l'interrompt :

- Foutaise, c'est n'importe quoi !

Un homme intervient intervient :

- Pourrait-on faire en sorte que cette enfant ne prenne la parole qu'aux moments où nous lui la donnons, ses remarques n'apportent que peu au débat.

Goriodon approuve :

- Soit. Sarah, continuez.

- Intrigué par cette expérience, j'ai tenté d'en savoir plus, je me suis alors permise d'en aviser Goriodon, et, dans la mesure où nous ne devions pas éveillé les soupçons, il m'a autorisé à mener mon enquête un peu plus en profondeur. J'ai finalement découvert un téléporteur me permettant d'accéder à l'expérience en question. Sur place, je suis resté la plus discrète possible pour voir de quoi il en était. Ce monde est bien celui décrit par Ylraw, il comporte un grand nombre de personnages virtuels, et une minorité qui sont des jeunes des planètes rebelles mettant en oeuvre leurs idées politiques pour en voir le résultat. Contrairement à la plupart des virtuels, il semblerait que l'intégration procède à une initialisation, la plupart les personnages n'ont donc aucun moyen de savoir qu'ils sont dans un virtuel. Ce sont principalement des jeunes adultes, qui ayant tenté l'expérience plus jeune de manière consciente, décident d'y retourner une fois libres et adultes de façon définitive. Ils n'en sortent alors que lors de leur mort virtuelle. De façon à rendre les choses plus pratique, la durée de vie des personnages est volontairement limitée à quelques dizaines d'années seulement, une centaine pour les plus âgés.

Sarah fait un pause. Gwénoléa va pour se lever, mais Sarah continue :

- Je ne suis resté que l'équivalent de quatre sixième d'un sixième sur place, mais j'ai découvert que parfois le virtuel peut avoir des ratés, c'est ce qui s'est sans doute passé avec Ylraw. Il est impossible de savoir le point d'accès des personnes, Énavila est alors sans doute intervenue pour le faire sortir.

Énavila crie de nouveau :

- C'est faux ! C'est complètement faux, elle est défoncée !

Goriodon calme Énavila :

- Énavila ! Vous aurez la parole en temps voulut, préparez donc pendant ce temps une explication détaillée sur la méthode que vous utilisez pour détourner le bracelet ! Sarah, je vous en prie.

- Voulant en avoir le coeur net, je suis alors intervenue pour aider Ylraw et tenter de mettre en évidence leur volonté de le faire sortir. C'est là que je rejoins l'histoire de Ylraw. Il a échappé un certain temps aux jeunes des planètes rebelles, et j'ai moi-même finalement perdu sa trace. Finalement, il a été capturé et renvoyé vers son téléporteur de départ, à savoir le téléport de Stycchia.

Yamwreq pose une question :

- Pourtant il dit qu'auparavant il est passé sur une sorte de Lune, et quid de ce qui concerne son amie, disparut lors de la téléportation vers Adama ?

- Cette immense expérience des planètes rebelles n'est pas sans incidents. D'une part pour rendre l'opération plus difficile d'accès, ils utilisent plusieurs niveaux de virtuel, ainsi ils passent dans un premier temps dans un virtuel classique avant de partir de celui-ci vers l'expérience en question. D'autre part, lors du retour d'Ylraw, ils ont jugé bon de faire revenir en même temps les deux personnes avec lesquelles il se trouvait, à savoir Erik et Naoma. Toutefois ils n'ont pas de moyens simple pour savoir si une personne est fruit du virtuel ou un personnage réel. Je pense que Naoma à pu être matérialisée sur le téléporteur de Stycchia car celui-ci est une version modifiée, mais son passage dans un téléporteur classique a sans doute révélé qu'elle n'était pas humaine et elle a simplement été effacée.

Je reste sans voix. C'est impossible, ça ne peut pas être la vérité.

- Ramener une personne en cours de jeu n'étant sans doute pas prévu, Ylraw est revenu avec ses souvenirs de l'expérience, et pas ceux antécédents. J'imagine que les téléporteurs modifiés ne sont pas toujours complètement opérationnels, d'autre part.

Erik se lève pour prendre la parole, Goriodon lui la donne :

- Si nous étions auparavant membres de la Congrégation, qui étions-nous, vous devez avoir des informations, puisque vous filmez tout. Vous devez avoir d'anciennes sauvegardes !

Sarah lui répond :

- Oui je pense qu'il est important pour vous que le Congrès fasse des recherches sur votre réelle identité. Toutefois la tâche n'est pas rendue facile par l'habitude qu'on les jeunes des planètes rebelles de ne jamais porter leur bracelet.

Gwénoléa se lève, Goriodon l'invite à parler :

- Je ne peux bien sûr confirmer ou infirmer ce que je ne connais pas, mais je n'ai jamais eu à ma connaissance l'existence d'une telle expérience. En conséquence j'aimerais que soient recherchées tout particulièrement des preuves de son existence.

Sarah lui répond :

- Pour l'instant je demanderai au Congrès de m'autoriser à garder secret l'emplacement du téléporteur que j'ai utilisé, de façon à éviter toute interférence sur cette affaire.

Goriodon approuve :

- Soit, votons.

En quelques secondes les résultats du vote commence à apparaître. Environ deux tiers des personnes se prononcent pour l'autorisation. Je demande à Pénoplée combien de temps prend un vote, et si je dois voter moi. Elle m'indique que n'ayant pas de status défini dans la Congrégation je ne peux pas voter. Concernant le vote, comme la plupart d'entre eux, il n'y a pas de limitation de durée. Tant que le résultat penche d'un côté ou de l'autre, c'est cette décision qui est prise. Chacun peut changer d'avis à tout moment. Le jour où une majorité sera en faveur de lever le secret, alors ce sera fait.

Goriodon parle de nouveau.

- Bien, je pense que nous pouvons faire un rapide compte-rendu de cette matinée, et nous retrouver après le déjeuner.

Quatre-vingt pourcent de oui.

- Le status actuel est que Ylraw et Erik sortent d'un virtuel mis en place par certains membres de planètes rebelles pour contrecarrer les règles de la Congrégation. Énavila est intervenue dans ce virtuel pour faire sortir Ylraw suite à un disfonctionnement. La personne de Naoma n'étant pas un personnage réel, il est vraisemblable que le téléporteur vers Adama l'ait simplement effacée. Les points qu'ils nous faut désormais éclaircir concerne d'une part les disfonctionnement des bracelets vis-à-vis d'Énavila, et d'autre part les comportements agressifs et intolérables qu'ont manifestés Ylraw et Énavila les jours précédents. Dans le même temps nous devrons trouver l'identité passé de Ylraw et d'Erik, et répondre aux interrogations de Yamvreq concernant certains disfonctionnement des artificiels.

Goriodon n'en dit pas plus et quitte doucement le Congrès, imité par nombre. Je reste pensif un instant. Si c'était vrai ? Après-tout, comment pourrai-je le savoir, m'obstiner à refuser l'hypthèse est stupide, plutôt l'envisager et voir ce qui ne colle pas... Je me tourne vers Énavila. Elle me regardait. Elle soutient de regard. Elle doit savoir, elle, elle doit savoir mais que croire ? Elle semble pensive, elle aussi...

Finalement Pénoplée me prend par la main, m'invitant à les suivre. Nous quittons l'enceinte et marchons doucement sur la grande allée. Les autres marchent un peu plus vite, Erik, suivie de Guerd, se met à mes côtés, il me parle en anglais :

- Tu y crois, à son histoire ?

- J'avoue que pour l'instant je suis perplexe, et ils n'ont apporté encore aucune preuve, peut-être que s'il me montre toute une vie que j'aurai vécu ici je les croirais, mais pour l'instant j'avoue que je suis un peu perdue.

- Moi je trouve que ça ne colle pas. Déja pour Naoma elle n'a pas parlé de sa résurection sur Stycchia, ça aurait du foiré à ce moment là aussi, si ce qu'elle dit est vrai.

- C'est vrai, mais peut-être que le village a un téléporteur un peu ancien ou différent, ils pourront toujours t'inventer une histoire que nous serons incapables de vérifier. Mais je suis d'accord, c'est étrange.

- Oui et son histoire de virtuel de passage, dans ce cas nous aurions dû savoir à ce moment que nous étions dans un virtuel si c'était bien un classique.

- Ils répondraient sûrement que le retour de la Terre s'étant mal passé, nous n'avons pas été initialisé correctement dans ce virtuel de passage. D'un autre côté ça expliquerait pourquoi notre téléporteur nous avait donné un bracelet et n'indiquait aucune activité, si en réalité nous sommes restés sur place.

- Mouais...

- Mais quoi qu'il en soit, virtuel ou pas, cette Sarah sait comment y retourner.

Erik reste pensif un instant.

- C'est vrai... D'autre part il y a les cicatrices aussi, si nous étions là auparavant, nos corps n'auraient pas dû être regénérés, c'est étrange pourtant que les cicatrices que nous nous sommes faites sur Terre aient été aussi répercutées ici.

- Je me demande à quoi joue cette Sarah, à mon avis elle cherche à cacher quelque chose. Yamwreq a des soupçons, il pense que les artificiels manipulent certains élément pour qu'elle puisse garder son anonymat. Or ce matin elle s'est montrée aux yeux de tous, de quoi faire taire les suspicions levées par Yamwreq.

- En tout cas ce qui est sûr c'est que virtuelle ou pas la Terre existe, mais ça ne nous avance pas beaucoup plus sur le pourquoi de tout ça.

- C'est vrai, et d'ailleurs l'explication de Sarah sur la présence d'Énavila dans le virtuel ne colle pas, c'est elle-même qui m'a donné le bracelet, je ne me doutais d'absolument rien auparavant.

- Peut-être avais-tu découverts sans le savoir un téléport ou d'autres éléments, sans y prendre attention.

- Peut-être, mais pourquoi s'en méfier si je n'y prenais pas garde. Si seulement cette Énavila était un peu plus conciliante...

- Peut-être que les menaces du Congrès d'accéder directement à son inconscient la rendront plus raisonable. Tu devrais essayé de lui parler discrètement pendant la pause.

Nous arrivons dans le même bâtiment ou nous avons pris notre petit-déjeuner. C'est un long immeubles blancs de quelques étages seulement, une grande arche permet de sortir de l'enceinte protégée du Congrès. Il fait un beau soleil mais le temps est assez frais. Nous avions quelques mètres de retard sur le petit groupe devant nous, nous les rejoignons installés dans de confortable fauteuil sur une grande terrasse donnant sur le parc. Une grande partie des personnes présentes ce matin se trouvent là. Je cherche Sarah ou Énavila du regard mais ne les trouve pas. Erik et Guerd vont s'asseoir avec le reste du groupe. J'aimerai vraiment pour ma part m'entrenir avec l'une ou l'autre. Alors que je suis seul, un homme s'approche de moi.

- Moyoto.

- Moy.

Je n'y prête pas plus attention.

- Je me présente, Metthios, j'ai assisté ce matin à la session du Conseil.

- Ah ? Enchanté.

- Auriez-vous quelques minutes à m'accorder ? Nous pourrions nous installer là et manger un bout ? Vous attendez quelqu'un ?

Ah ! Il m'embête ce type, que me veut-il ? Il fait à peine ma taille, il est chauve, c'est assez rare ici pour être noté. Il possède un visage un peu dur, peut-être est-ce encore son initial.

- Euh non, pas spécifiquement ?

Il m'invite à nous asseoir.

- Vous ne me connaissez sans doute pas.

- Non, en effet.

- Pour faire simple, je suis un opposant à la politique de Goriodon, je ne vous cache pas que l'affaire vous concernant soulève de nombreuses question sur le rôle qu'il a pu tenir. Je pense particulièrement à l'affaire révélée par Yamwreq à propos de cette fille, qu'il a tenté de détourner d'une manière complètement ridicule, d'ailleurs. Je sais que vous avez eu une entrevue avec Yamwreq et Guewour il y a deux jour, pour discuter de cette affaire. Je ne vous demande pas de m'en livrer le contenu, mais quelques éléments supplémentaires pourrait me permettre de faire pression pour que la vérité soit révélée. Pensez-vous vraiment que cette histoire de virtuel tienne ? C'est ridicule !

- J'avoue que je suis perplexe, oui.

Ma remarque double son énergie, il se penche de plus en plus vers moi, comme s'il se voyait déjà maître du Conseil...

- Je pense moi que Goriodon tente corps et âme de garder le secret autour de cette planète, c'est peut-être une planète des hommes de l'au-delà annexée par les artificiels, et dont il est un des rares à connaître l'existence.

- Mais pourquoi Goriodon ferait-il cela ? Je ne connais pas les détails de ses idées politique, mais il a toujours voulu une plus grande égalité entre les membres de la Congrégation ?

- En façade oui ! Mais dans l'ombre il nourrit des rêve de pouvoir à faire trembler ceux du regretté Teegoosh, lui au moins avait le courage de ses opinions ! Goriodon n'agit que par malice !

Énavila approche, mince ! Metthios voit que je quitte son attention, il redouble d'entrain.

- Écoutez-moi, pour l'instant vous êtes encore sous surveillance et vous ne pouvez pas quitter le Congrès, mais je peux m'arranger pour que nous ayons une entrevue privée. D'autre part, je vais faire en sorte de chercher des informations sur cette fille, cette Sarah, et cette histoire de virtuel, si ce qu'elle dit est vrai, elle ne doit pas être la seule au courant, il y a bien dû y avoir des fuites.

Je ne sais pas trop quoi faire avec ce gars. M'en servir ou le laisser aller ? Restons courtoie, je demanderai conseil à Pénoplée.

- Soit, mais je ne vous promets rien, je ne sais pas trop dans quelle mesure je suis libre de mes mouvements.

- Ne vous inquiétez pas, j'ai beaucoup de contacts, j'arrangerai tout. Commandons de quoi déjeuner, que prenez-vous ?

- Euh... Je sais pas si... Je ne connais pas vraiment encore tous les plats, commandez donc la même chose que pour vous, je découvrirai.

Ah ! Il va me tenir tout le repas ! Quelques minutes plus tard, une table en bois à roulette nous apporte la commande. Des petits paniers remplis d'une multitude de boulles de tailles et de couleurs variées, chaudes pour la plupart.

- C'est délicieux !

- Vous aimez ? C'est une spécialité de ma planète, je suis originaire de la planète Ora, la plus grosse des planètes du commerce.

- Quel âge avez-vous ?

- J'ai eut mille ans l'année dernière !

Ce qui fait environ mille six cent ans de la Terre. Il est presque du même âge que Pénoplée. Quoique, elle n'a qu'aux alentours de mille quatre cent ans, il y a quand même deux cent ans de différence... Deux cents ans ! Quel monde fou !

- Vous avez donc connu le Libre Choix, que faisiez-vous auparavant ?

- J'étais, disons, commerçant.

- Mais, je croyais que même alors il n'y avait plus de monaie, que vendiez-vous ?

Il semble hésiter.

- Diverse chose, du travail, en particulier.

- Du travail ? Je ne comprend pas.

- Et bien, pendant la période de travail obligatoire, beaucoup de gens occupaient des emplois innintéressant, ils étaient près à donner beaucoup pour avoir le travail de leur rêve.

- C'est du délire, vendre du travail ! D'habitude on a plutôt tendance à payer les gens pour qu'il travaillent !

- C'est l'époque qui voulait ça, qu'est-ce que tu veux.

- Mais vous vous y preniez comment, vous créiez des sociétés bidons pour leur offrir du travail.

- T'as tout compris !

- Mais ils vous payez comment, ces gens ?

- Oh il ne me payaient pas vraiment, disons qu'ils étaient souvent d'accord avec moi.

- Je vois, je comprends que vous en vouliez à Goriodon, ça a dû légèrement remettre en question votre business l'arrêt du travail...

Ces yeux scintillent un instant, il se recule sur son siège, s'installe confortablement.

- Oh non... C'était le cours des choses, comme tu dis, c'était du délire, se faire payer pour donner du travail au gens, il fallait que ça s'arrête à un moment où à un autre...

Nous finissons le repas et je passe encore un bonne demi-heure à parler de son opposition à Goriodon et ses avis sur le système actuel. Je finis enfin par m'en dépétrer pour rejoindre Pénoplée et les autres. Pas d'Énavila ni de Sarah en vue. Je tire un fauteuil et m'installe à côté de Pénoplée.

- Le refut de la blonde t'a frustré, tu tentes les petits chauves maintenant ?

- Yep, mais tu devrais tenter aussi, Erik, je pense que ça te réussirai mieux que les rousses.

Guerd juste à côté de moi de file une tape. Pénoplée reste de marbre :

- Alors, bien comploté ?

- Il te voulait quoi ce mec ?

- C'est un ancien vendeur de travail du temps où il était obligatoire, apparemment il en veut à Goriodon et il pense que notre affaire pourrait le faire tomber, c'est ce que j'en ai compris.

Pénoplée complète :

- Il en veut à Goriodon ! C'est un euphémisme, il le tuerait s'il le pouvait. C'est un des rares qui s'est fait rattraper après le Libre Choix. Goriodon savait que les planètes du commerces serait sans doute le lieu de beaucoup de départ, il avait fait boucler tout le secteur, pas mal de vaisseaux sont quand même passés au travers, c'est pas évident de contrôler toute une zone d'espace, mais pas le sien...

- Il m'a pas raconté ça.

Guerd en rajoute :

- C'est un filou, tout le monde dit qu'il fait des trucs pas très très honnêtes. Avant le libre choix il était très puissant, il contrôlait presque toute la planète Ora, une des plus grosses planète du commerce. Aujourd'hui il a encore pas mal d'avis de ces planètes de son côté.

Je prends la main de Pénoplée, elle la retire doucement, elle est énervée :

- Tu ne devrais pas trop traîner avec ce mec là, tu as déjà assez d'ennuis comme ça.

- Vous ne sauriez pas où se trouve Énavila ou Sarah ?

Erik répond :

- Énavila est rentrée dans le bâtiment mais je ne l'ai pas revu depuis, quand à Sarah, je ne l'ai pas vu du tout.

Pénoplée dit d'une fausse voix calme :

- Qu'est ce que tu leur veux ? Ça t'a pas suffit qu'elle te massacre la colonne et la jambe.

Erik rigole :

- Tu plaisantes ! Ça l'exite au contraire !

Pénoplée garde les yeux sur moi, elle ne tourne même pas le regard vers Erik.

- J'aimerai bien discuter un peu avec elles.

- Il y a le Congrès pour ça.

- Oui mais c'est pas trop intime le Congrès.

Elle ne répond même pas. Je sens qu'elle bouillonne. Pas la peine que je tente de lui faire un bisou, elle m'enverrait balader.

- Six heures.

Sur les conseils d'Erik je me retourne. Énavila sort du bâtiment et prend la direction du Congrès. Je me lève sur le champ pour la rejoindre. Avant même que je ne l'aborde, elle m'accueille chaleureusement :

- Va te faire foutre, si tu crois que je vais te causer, tu te l'as fous bien profond.

- Tu me sens venir sans même me voir, dis-donc, mes phéromones sont décidément surpuissante.

- Ton humour est à chier, comme le reste, et fais gaffe à toi si je virer ces putains de moussillons, tu risques de perdre ton autre jambe.

- T'es pas sortie indemme de notre première partie de jambe en l'air toi non plus, je te rappelle.

Elle ne répond pas.

- Tu y crois à son histoire de virtuel ?

- À quoi tu joues là, tu me prends pour une conne ? Retourne dans les pattes de ta maîtresse, on n'a rien à se dire.

- Pourquoi tu m'en veux ?

- Pourquoi je t'en veux ! Parce que tout ce merdier est de ta faute !

- De MA faute ? Tu déconnes, c'est toi qui m'a filé ce foutu bracelet qui a tout entraîné !

Elle s'arrête de marcher et me regarde en face. Elle est vraiment jolie...

- S'il te plait arrête de jouer au benet avec moi, je sais qui tu es, et si jamais la moindre pensée que nous puissions faire équipe t'effleure, enfonce-toi la bien profondément, ok ?

- Tu n'en as plus beaucoup, d'équipe, pourtant...

- Je me démerde. Maintenant lâche-moi, j'ai pas l'habitude de traîner avec des nains impuissants.

Elle reprend la route.

- Qui que soit la personne qui t'a renseignée sur moi et ce que je suis censé être par rapport à vos planètes rebelles t'a trompé Énavila, je suis pas impuissant.

Enfin ! Elle ne retient pas un sourire. Mais elle en est encore plus énervée. Elle s'arrête de nouveau.

- S'il te plait, lâche-moi.

Elle a un tout petit peu changer de ton. Je n'insiste pas plus, considérant avec joie cette première victoire. Je reviens un peu sur mes pas pour retrouver les autres qui se rendent aussi de nouveau vers le Congrès. Erik m'interroge :

- Non j'ai rien réussi à savoir, mais elle n'est pas invincible.

Pénoplée reste silencieuse jusqu'au Congrès. Décidemment certains ne savant pas prendre la vie du bon côté... Je m'installe, à la même place, je n'ose pas m'asseoir juste à côté d'Énavila, même si l'idée m'effleure. Il y a déjà une personne qui parle, de je ne sais trop quelle planète qui pert son atmosphère ou je ne sais.

- De quoi parlent-ils ?

Assis je peux parler seul à seul avec Pénoplée.

- D'une planète où une forme de vie intelligente se développe mais qui perd son atmosphère. Certains veulent une intervention pour sauver cette espèce.

- Tu m'en veux.

- Je devrais ?

- Tu as l'air énervée.

- Non ? Où tu vas chercher une idée pareille ?

Elle me tuera... Quelque minutes plus tard Goriodon arrive. Je n'ai pas encore vu Sarah. Yamwreq était déjà là. Metthios arrive et il vient me voir. Il me serre la main chaleureusement. Il se montre. Je n'aurai peut-être pas dû accepter de déjeuner avec lui, il me prend pour son pote désormais. Sera-t-il un allié ou un poids ? Quoiqu'il en soit il prend le temps de bien montrer à tout le Congrès que qui s'attaque à moi s'attaque à lui... Goriodon regarde calmement le jeu de son opposant, Gwénoléa arrive. Yamwreq me prévient que de m'allier avec Metthios me fermera plus de portes que cela m'en ouvrira.

- La racaille avec la racaille...

Énavila...

- Si tu ne veux pas de moi, il faut bien que je me console.

- Une chèvre n'en voudrait pas.

- Tu es dure avec toi-même, là.

Elle se tourne vers moi.

- T'es vraiment un connard.

Notre passionnante conversation est coupée par Goriodon, qui ouvre de nouveau la séance. Il rappelle les conclusions du matin.

- Le premier point sur lequel nous allons nous attarder est la façons dont s'y prend Énavila pour outrepasser les bracelets. Énavila, la pause déjeuner vous a-t-elle rendue plus conciliante ?

Elle regarde Goriodon de travers. Elle doit bouillonnée. Étonnamment elle répond d'une voix calme :

- Je ne l'explique pas. Toute ce que je peux vous dire c'est que lorsque je suis très énervée je peux casser les directives des bracelets.

- Depuis quand vous connaissez-vous cette capacité ?

Elle réfléchit un instant.

- Plusieurs années. Je l'ai découverte progressivement, et c'est très variable, parfois ça marche, parfois pas.

- Connaissez-vous des personnes qui travaillent sur des méthodes pour tromper les bracelets, ou changer les avis.

Encore un silence.

- Non.

L'indicateur révèle qu'elle ment. Elle est calme, elle ne doit pas arriver à mentir et tromper le bracelet en étant calme.

- Oui c'est bon j'en connais, mais ils ne m'ont jamais rien donné de concluant.

- Pouvez-vous modifier les bracelets d'autres personnes par cette même technique ?

Un silence.

- Non.

Elle ment, j'en suis sûr, l'indicateur dit qu'elle est sincère, mais elle s'est mise à bouger la jambe, et elle a serré le poing. Je lui parle intérieurement.

- De quelle façon tu peux modifier les bracelets ? Tu leur donne des pensées qu'ils n'ont pas eues ?

Goriodon me stoppe :

- Ylraw, veuillez ne pas la déranger, s'il vous plait. Si vous voulez intervenir, demandez la parole. Vous avec une question ?

Mince, repéré...

- Non, je vous prie de m'excuser.

Pénoplée s'en mêle.

- Qu'est-ce que tu lui voulais encore ?

- Elle a menti, elle peut modifier les bracelets des gens.

- Comment tu peux le savoir, son bracelet dit qu'elle est sincère.

- Elle peut mentir quand elle est énervée, regarde-là, elle s'énerve elle-même tout en faisant mine de garder son calme pour pouvoir mentir.

Goriodon poursuit :

- Dans le but d'éclaircir cette affaire, les artificiels ont étudier le cas d'Énavila, toutefois rien de concluant n'a pu être mis en évidence. Il semble que le fonctionnement des bracelets ne soit, selon eux, par remis en cause. Force est de consaté pourtant que les outrepassements d'Énavila consistent en de lourdes fautes et qu'une faille dans notre structure d'avis est un souci majeur. En conséquence, je propose qu'un traceur électromagnétique soit adjoint quelques temps à Énavila, de façon à faire la lumière sur ce problème.

Cinquante-trois pourcent de oui, serré. Énavila souffle de rage.

Goriodon reprend :

- Venons-en justement à vos manques de contrôle, à vous comme à Ylraw. Je vous rappelle les faits.

Des images s'affichent en surimpression. Je suis toujours impressionné par leur capacité à modifier le cerveau pour faire apparaître toutes ces informations supplémentaires. Et nous qui nous préoccupons de l'influence des ondes des téléphones portables, celles-ci doivent être autrement plus puissantes. Je me demande toutefois comment ils font pour trouver la fréquence qui leur permet de rentrer en résonnance avec le cerveau de chacun... Goriodon commente mon embardée à bord de l'abeille qui a valu la frayeur de sa vie à Hur. Il ne s'arrête pas là et poursuit avec l'entrée en effraction d'Énavila dans notre appartement. Il omet, heureusement, le passage dans la chambre et reprend avec la bataille dans le couloir, jusqu'au dramatique écrasement dans le parc du Congrès. Il détaille tous les moments où Énavila a de toute évidence contourné une limitation, que ce soit en réussissant à ne pas se faire immobiliser ou encore en traversant l'espace interdit au-dessus du parc.

- J'espère que vous êtes conscient de la gravité de vos actes.

Je proteste :

- Ce n'est tout de même pas comparable, j'avoue que je n'aurais pas dû effrayé Hur de la sorte, mais je ne lui ai rien fait. Elle m'a tout de même broyé une jambe et détruit la colonne.

- T'inquiète que si j'avais pu te broyer aussi là tête ça aurait été avec pl...

- Assez !

Goriodon hausse le ton.

- Vous vous trouvez ici dans la Congrégation ! Nous avons des rêgles ! Nous ne mesurons pas la teneur de vos actes en fonction de leurs conséquences comme dans votre monde barbare ! Votre action envers Hur est toute aussi intolérable que celle d'Énavila à votre égard.

Mon monde barbare... Tiens, serait-ce un indice ? Je devrais peut-être l'énervé, lui-aussi. Metthios se lève alors et prend la parole :

- Si je puis me permettre, je me range aux côtés d'Ylraw et prends la liberté de faire remarquer que cet incident a précédé l'anomalie détecté par Yamwreq. Si les doutes de Yamwreq sur une manipulation des artificiels sont justifiés, alors Ylraw est peut-être lui-même victime de cette sombre affaire. Étrange en effet que cette fille, justement celle qui a provoqué cette histoire, arrive aujourd'hui avec une ridicule explication de virtuel à multiples niveaux des planètes rebelles !

Il aime bien ce mot... Voyant que le Congrès l'écoute, il se lève et poursuit.

- Depuis quand avons-nous des secrets dans la Congrégation ? Gwénoléa a démentie l'existence de cette expérience, depuis quand les représentants ne sont-ils pas au courant de ce qui se trame sur leurs propres planètes ? J'ai bien peur qu'Ylraw ne soit que le bouc-émissaire d'une affaire bien plus grave encore que sa réaction, bien compréhensible dans sa situation, quand il a enfin espéré trouvé un indice en cette Sarah. Où se trouve-t-elle, d'ailleurs ? Elle arrive par enchantement avec une explication bancale et disparait aussitôt ? J'aimerai que ce soit vous, Goriodon, qui répondiez aux interrogations du Conseil !

Grand brouhaha dans le Congrès. Goriodon se lève et fait signe d'apaisement.

- Pour reprendre vos remarques dans l'ordre, Metthios, je rappellerai tout d'abord que les planètes rebelles n'ont jamais été considérées comme une partie si je puis dire "classique" de la Congrégation. À ce propos Gwénoléa, sans que je remette en quelques façons que ce soit ses compétences, est aussi dans l'impossibilité d'expliquer les outrepassements d'Énavila. Ensuite la présence de Sarah ce matin était fruit de ma demande conformément au calendrier que nous avions fixé. Si certain d'entre vous désire l'interroger de nouveau, j'imagine qu'elle est tout à fait disposée à venir répondre ici-même. Pour terminer, j'aimerais que nous ne mélangions pas tout, si certain d'entre vous pense que je suis mêlé aux accusations de manipulation de Yamwreq, nous en débattrons en temps voulu, mais pour l'instant le sujet est de savoir que nécessitent les attitudes démontrées par Ylraw et Énavila. Si le Congrès juge que la seconde affaire est prioritaire sur la première, soit, mais tentons de conserver un semblant de clarté dans ses problèmes. Je propose que nous terminions sur le cas d'Ylraw et d'Énavila, puis que, comme prévu, nous abordions cette question de manipulation.

Écrasante majorité, Metthios n'a pas encore le talent dialectique de Goriodon.

- Bien, reprenons. Ylraw, êtes-vous conscient de la gravité de votre acte ?

- Oui.

Bordel ! L'indicateur marque que je ne suis pas sincère. Énavila sourit. Goriodon soupire.

- Bien, je vois que vous n'êtes pas encore près à admettre nos règles. De toutes évidences votre séjour dans ce monde virtuel vous a corrompu. Il sera difficile pour nous d'avoir la moindre confiance en vous tant que vous n'acceptez pas nos lois. De façon à prévenir vos éventuels débordement futur, je suggère que nous vous adjoignons un précepteur.

Écrasante majorité. Je demande à Pénoplée ce qu'est un précetpeur.

- C'est un artificiel qui t'accompagne et contrôle tes mouvements. Quand tu t'apprêtes à faire quelque chose de mal, il te paralyse et te fait la morale...

Génial...

- Énavila, vos actes sont tout aussi alarmants d'autant que vous avez reçu une éducation de la Congrégation, vous connaissez donc nos règles. Êtes-vous consciente que votre comportement est une grave menace à la stabilité de la Congrégation ?

Un silence. Je suis sûr qu'elle va mentir.

- Oui, je tâcherai de me contrôler.

Sincère ! Mes fesses ! Elle me parle en privé :

- Tu vois c'est pas si dur.

- Votre capacité à outrepasser les bracelets n'étant pas encore élucider, je suggère que nous couplons au pisteur électromagnétique convenu tout-à-l'heure un précepteur.

Majorité, je lui renvoie sa remarque.

- C'est peut-être pas dur mais quand on ne sait pas s'en servir ça ne sert à rien...

Elle se tourne vers moi pour me lancer des éclairs du regard.

- Ylraw ! Énavila ! Cessez ces discussions. Je suis vraiment triste que vous conisdériez avec si peu de sérieux les raisons pour laquelle nous en arrivons là !

Goriodon fait une pause. Il va reprendre, mais une autre personne prend la parole. C'est une femme, à la voix très douce, habillée en blanc, les cheveux noirs, longs, elle ressemble à l'elfe du Seigneur des anneaux.

- Excusez-moi, mais nous nous attardons sur des punitions alors que nous devrions comprendre les causes. Un homme, ou une femme, n'agit pas de la sorte s'il n'est pas poussé ou si elle n'est pas poussée par une raison encore plus grave que la conséquences de ses actes. D'après Sarah, intervenue ce matin, Énavila en voudrait à Ylraw pour avoir mis en péril cette expérience secrète, cette Terre, mais ne pourrions nous pas aller plus loin ? Je trouve toute de même bien étrange tant de catastrophe pour un virtuel. Ceux-ci peuvent être rejoués à volonté, pourquoi n'a-t-elle pas simplement déconnecté Ylraw et rejoué la scène ? Si Sarah a trouvé ce virtuel et que nous considérons qu'il n'est pas conforme à nos règles, et bien stoppons-le et faisons comparaître ici les personnes à son origine. Nous devons mettre cette histoire à plat, et j'avoue que pour l'instant le Conseil a soulevé bien plus de questions qu'il n'en a réglées. Vous prétendez résoudre les problèmes un par un, dans l'ordre, mais cet ordre ne voudrait-il pas que l'on s'intéresse d'abord aux causes avant de punir les conséquences ?

- C'est qui ?

Pénoplée me répond après un instant, elle ne doit pas la connaître et chercher des infos.

- Mélinawahaza. Je ne la connaissais pas. Elle représente le regroupement des planètes de glace. C'est un système planétaire dans un système d'étoiles ternaires. Il comporte quatorze planètes telluriques habitées. Une perturbation gravitationnelle a transformé ses anciennes planètes paradisiaque en enfer de glace il y a cinq mille ans, en éloignant une des étoiles. Mais beaucoup d'hommes et de femmes sont restés là-bas, trop attachés à leurs planètes. Ils ont eu une autorisation pour la mise en place de clones plus résistants au froid. Il y a des millénaires, quand la Congrégation vota la mise en place des avis, ces planètes refusèrent et quittèrent la Congrégation. Elles vécurent longtemps en autarcie pui Teegoosh parvint enfin à les faire revenir dans la Congrégation. Mélinawahaza a longtemps fréquentée Teegoosh. Teegoosh passait souvent du temps sur Fra, la planète principale. Elle refusa de quitter la Congrégation pour l'au-delà, mais depuis elle concerve une certaine indépendance vis-à-vis du Congrès. Pendant longtemps les jeunes avec les planètes de glaces comme destinations de choix, avant qu'ils n'investissent les planètes rebelles.

Encore un personnage vieux de plusieurs millénaires... C'est tout de même fou, cette humanité a beau posséder plus de cinquante fois plus d'individus que la Terre, on dirait que tout le monde a couché avec tout le monde. D'un autre côté je me demande combien de compagnes ou de compagnons il faut pour agrémenter l'éternité...

Sa voix douce charme le Congrès, en tout cas, une écrasante majorité s'affirme en faveur de ses dires. Metthios ferait bien d'en prendre de la graine. Mais j'imagine que la belle à déjà du envoyer balader le bougre à plus d'une reprise.

- Ce prétendu virtuel semble le lien entre tous les problèmes que nous traitons, serait-il possible que Sarah soit de nouveau convier à répondre à nos questions ? C'est bien étrange qu'elle soit la seule au courant ?

Goriodon, resté assis, acquiesce :

- Soit, appelons-là.

- Quelques minutes plus tard, Sarah apparaît au centre de la place.

- Mélinawahaza, je vous en prie.

Mélinawahaza, restée debout, conviée par Goriodon, interroge Sarah :

- Sarah, vous avez été très brève sur le virtuel "Terre", ce matin, nous aurions plusieurs questions auxquelles vous pourrez peut-être répondre.

- Oui.

- Tout d'abord à qui avait vous parlez ou enquêtez de ce virtuel ?

- J'ai fait part de ma découverte à Goriodon à la fin du quatrième sixième, et je me suis rendue sur place entre le cinquième et le dernier du troisième. Depuis je suis restée la plus discrète possible pour continuer à enquêter.

- Goriodon, pourquoi cette enquête n'a-t-elle pas été décidée au sein du Congrès ?

Goriodon reste assis, sans doute pour se faire plaindre et mieux convaincre, c'est vraiment du jeu d'acteur la politique :

- J'avoue que mon choix a été très difficile. C'est la première fois depuis qu'un tel cas se présentait, et Sarah craignait beaucoup que son téléporteur ne soit désactivé si des bruits sur la découverte de ce virtuel arrivaient jusqu'aux planètes rebelles. Je lui ai donc laisser juger le moment opportum pour dévoiler le secret.

Sarah reprend la parole :

- Jusqu'à présent je ne connaissais personne de la Congrégation ayant visité le virtuel, quand j'ai vu qu'Énavila allait comparaître devant le Congrès, j'ai pensé que c'était le moment idéal pour traiter de cette affaire. L'altercations d'Ylraw et d'Énavila précipitant les choses, je me suis rendu sur Adama avec quelques jours d'avance pour parler ce matin au Congrès. Désormais que nous connaissons deux personnes qui ont interragi avec la Terre, nous pouvons poursuivre l'enquête et trouver les autres points d'accès.

Metthios demande la parole, Melinawahaza, qui mène le débat, la lui donne :

- Je trouve toute de même scandaleux qu'une telle décision ne soit pas passée devant le Congrès. En quoi la révélation de l'existence du virtuel aurait-elle complexifié l'enquête, au contraire, nous aurions pu règler cette affaire depuis un grand sixième au moins. Au lieu de cela des personnes de la Congrégation, combien, je l'ignore, continuent encore aujourd'hui à enfreindre les règles de la Congrégation.

Sarah répond immédiatement :

- Nous n'avons encore que très peu d'information sur cette expérience, et il n'aurait sans doute pas fallu longtemps aux personnes la contrôlant pour trouver mon point d'accès et le désactiver. Nous avons déjà perdu un point d'accès connu, celui de Stycchia. Quand Pénoplée et les personne du village où Ylraw est arrivée ont prévenu le Guewour qui en a informé Goriodon, celui-ci m'en a fait mention pour vérifier si ce téléporteur ne pouvait pas être justement un de ceux que nous cherchons. C'était sans doute le cas, et c'est à n'en pas douter celui qu'à utiliser Énavila pour se rendre sur Terre entre le permier et le deuxième du troisième. Malheureusement, quand j'ai tenté de vérifié, c'était déjà trop tard, malgré le petit nombre de personnes mise au courant, le téléporteur avait été réinitialisé.

Melinawahaza reprend la parole :

- Votre téléporteur actuel est-il en sécurité ?

- Je ne le sais. Des artificiels sont censés bloquer et contrôler les accès, mais il est toujours possible que son autorisation de connexion soit coupée à distance. Je ne suis pas retournée sur Terre depuis la fin du troisième.

- Qui contrôle se virtuel ?

- Je ne sais pas.

Je me lève pour demander la parole, Melinawahaza me prie de parler.

- Mais en quoi pouvons-nous certifier que c'est bien un virtuel ? Après une discussion avec Erik, plusieurs points restent étranges et suggèreraient plutôt l'existence d'une vrai planète.

- Lors de mon passage à l'intérieur, j'ai gardé un observateur présent dans le téléporteur, et mon corps est resté éveillé localement. L'activité était de type onirique.

- Pourtant vous disiez que l'immersion n'était pas consciente ?

- Elle l'est dans certaine mesure, j'avoue que j'ai eu de la chance de m'y rendre de manière consciente, je serais restée bloquée là-bas sinon.

- Plusieurs éléments ne sont pourtant pas logique, le virtuel de passage est censé être un virtuel classique, pourtant à notre retour sur la Lune nous ne nous souvenions de rien.

- Vous n'avez pas quitté le virtuel de manière normale, vous avez été déconnectés en cours, j'imagine que le rassemblement de vos anciens souvenir à ceux de votre expérience n'a pu se faire correctement.

- D'autre part, concernant Naoma, je vous rappelle qu'elle est morte sur Stycchia, avant notre arrivée au village, pourtant Moln et Ulri sont parvenus à la cloner de nouveau.

- Oui, nous avons étudié le téléporteur du village, il semble qu'il soit plus ancien que les nouveaux modèles utilisés dans la votre station orbitale d'arrivée. En conséquence le départ de Stycchia est validé par le téléporteur, mais celui d'arrivée refuse la rematérialisation.

- Soit, mais d'autre par je suis mort sur la Lune, pourtant je ne suis pas sorti du virtuel à ce moment là. Il a fallut qu'un personnage sur place lance une nouvelle téléportation pour que je sorte en même temps qu'Erik et Naoma. C'est tout de même incompréhensible.

- Nous n'avions pas ce fait à nore connaissance. Êtes-vous sûr de bien être décédé ?

Erik prend la parole :

- J'en témoigne, un géant bleu de près de deux mètres cinquante lui a complètement anéanti le cerveau. Il est mort d'inanition au bout de quelques jours, j'ai moi-même constaté le degré d'avancement de décomposition de son corps.

- Un géant bleu ?

Énavila s'est tournée vers moi, interrogative.

Erik lui répond :

- Oui une sorte d'homme sans visage, le corps bleu avec un sorte d'ora légèrement lumineuse autour de lui. Les hommes sur place le considérait comme un Dieu, s'agenouillant sur son passage. Il n'a rien dit, il s'est juste mis en face d'Ylraw, nous étions tous paralysés. Ylraw a crié comme un pauvre diable alors que l'autre lui envoyait sans doute ses ondes dans la tête, puis il est tombé, après ça il n'a plus parlé, plus mangé, et il est mort au bout de quelques jours. Cela dit l'hypothèse du virtuel de passage expliquerait la présence de cet individu, c'est vrai qu'il semblait droit sortie d'un jeu virtuel.

Énavila se retourne, les yeux dans le vide, s'amusant avec son collier. Sarah répond à Erik.

- Dans la mesure où votre retour s'est mal passé, j'imagine que rien ne s'est déroulé comme prévu dans le premier virtuel. À mon avis la sortie de ce premier est sous l'initiative d'une commande du joueur, comme vous ne pouviez la déclencher faute de savoir qu'elle existait, vous êtes restés coincés jusqu'à votre téléportation virtuelle qui vous a rendu conscience dans le téléport de Stycchia.

Je reprends :

- D'autre par sur Terre vous possédiez une abeille, c'est tout de même étrange pour un virtuel voulant recréer une nouvelle société indépendante de la Congrégation que vous puissiez utiliser des outils venu d'ici.

- J'imagine qu'ayant accédé au virtuel en mode conscient, j'avais certains privilège, je n'ai fait qu'utiliser les outils mis à ma disposition lors de mon arrivée sur place.

- Un autre élément étrange est le rappatriement des cicatrices dans le monde réel. Si nos corps n'ont pas quitté le téléporteur et qu'ils sont restés dans leur téléporteur d'origine, comment expliquer que les blessures que nous nous sommes faites dans le virtuel soient répercutées ici ?

Je lève mon bras droit pour montré la trace de brûlure à mon poignet. Sarah répond calmement, pas du tout gênée.

- Le téléporteur n'a dû être détourné que dans une certaines mesure, il est probable qu'il ait encore des fonctionalités d'un téléporteur classique, et donc répercute comme tout téléporteur vos changements morphologiques.

Metthios intervient de nouveau.

- Pourrait-on avoir des certitudes au lieu de ses suppositions ? N'y a-t-il donc pas un moyens de savoir qui aurait créé ce virtuel, nous avons accès à toutes les sauvegardes ! Comment pouvons-nous être si impuissants !

- Le plus grand secret a été gardé autour de ce virtuel. Il a vraisemblablement été mis en place à partir des planètes rebelles, voire à partir de l'une de leurs lunes. Les habitants ayant pour habitude de ne presque jamais porté de bracelet, il est difficile de recouper des informations. Plusieurs artificiels cherchent les liens, certaines informations recoupent, mais pour l'instant c'est trop partiel pour consitutuer une piste. D'autant que la révélation au Congrès provoquera sans doute un redoublement de précautions de leur part.

Yamwreq demande la parole :

- Sans remettre en cause vos hypothèses, je rappelle tout de même au Congrès que si les membres des planètes rebelles n'utilisent que peut la structuration via les bracelets, il n'en existe pas moins une hiérarchie stricte et respectée. En conséquences, sans vouloir parler pour Gwénoléa, je reste très perplexe sur l'existence d'une telle expérience.

Gwénoléa ne peut s'empêcher de prendre la parole :

- J'apporte mon concours aux déclaration de Yamwreq, et jusqu'à preuve du contrainre, j'aimerais que le Congrès ne remette pas en cause l'intégrité des planètes rebelles. D'autre part, j'aimerais, dans la recherche de l'explication de ce prétendu virtuel, que ne soient pas écartées de pistes sous prétextes que quelques éléments, dont nous n'avons encore aucune preuve d'existence, dois-je préciser, nous indiqueraient une hypothétique participation d'habitants des planètes rebelles.

Mélinawahaza apporte son soutient à Gwénoléa et poursuit :

- Si je comprends bien notre totale incapacité à définir ce virtuel Terre permet facilement, à partir de quelques judicieuses suppositions, d'apporter une réponse à toutes les incohérences potientielles. Je tiens tout de même à faire remarquer que si le Congrès est impuissant, qui d'autre pourra résoudre cette affaire, ne sommes-nous pas justement le dernier recours, doit-on baisser les bras et nous avouer vaincu ?

Sarah reste silencieuse.

- Certains secrets ont parfois intérêt à être gardés.

Un jeune homme a pris la parole. Il est resté assis, à parler d'une voix désinvolte. Il est habillé d'un pantalon et d'une veste marron, il ressemble un peu à un cow-boy, il ne lui manque que le chapeau. Je demande à Pénoplée des informations.

- Symestonon, l'homme le plus vieux de la Congrégation, il a plus de treize mille ans. Il a présidé le Congrès à de maintes reprises. Il intervient dans la vie politique de la Congrégation depuis plus de dix mille ans, onze mille peut-être. C'est une des personnes les plus respectées. Il n'a pas de ligne politique claire, mais sa grande expérience le rend souvent d'un bon conseil lors des situations difficiles.

- Cool ! Et dans le cas présent, il veut dire quoi ?

- J'en sais rien...

Mélinawahaza, à mon étonnement, reste un moment silencieuse puis s'assoit.

- Le Congrès veut-il remettre cette affaire à plus tard ?

Avant que les avis ne ce soient vraiment décidés, Goriodon prend la parole.

- Il va sans dire que les faits que nous tentons de mettre au clair sont complexes. Toutefois, avant de statuer sur la marche a suivre future, je rappelle que nous sommes censés avoir en la personne d'Énavila une sinon responsable du moins utilisatrice de ce virtuel. Et d'autre part pour clore temporairement ce débat, nous avions voter la recherche des identités passées d'Erik et d'Ylraw. Ce dernier point pouvant sans doute être résolu rapidement, et répondre aux interrogations d'Ylraw et d'Erik qui ne sont pas dans une situation confortable, je propose que nous tentions de le régler tout d'abord.

Il attend confiant le résultat des avis, puis quelques minutes plus tard les conclusions de la recherche sont affichées. Une voix commente les résultats. Goriodon se rassoit.

- Deux personnes correspondent avec un haut taux de probabilité au profil de Ylraw et Erik. Erik serait un dénommé Meckwasior, originaire de Stycchia, vingt-six ans...

Ce qui fait à peu près quarante-et-un ans terrestres.

- ... Ses proches n'ont plus de trace de lui depuis presque trois ans, le temps qu'il aurait passé dans le virtuel. Il a passé beaucoup de temps sur les planètes rebelles, notamment Erychtia, où il aurait rencontré Yacou. Yacou qui serait Ylraw, plus jeune de deux ans, il a disparu à la même date qu'Erik, ce qui expliquerait leur aventure commune.

Yacou ? Ça ne me dit absolument rien... Des images de moi ou d'Erik sont diffusés, sur Stycchia soit disant avant notre entrée dans l'expérience, ou dans d'autres endroit qui me sont inconnus. Goriodon reprend la parole.

- Ylraw, Erik, cela vous rappelle-t-il quoi que ce soit ?

Nous répondons tout deux par la négative.

- Peut-être les détails de leur vie passée pourront vous rappeler certains faits. Vous pourrez consulter ces résultats par vous-mêmes. Quoi qu'il en soit la coïncidence est trop frappante pour que nous remettions en cause votre identité. En conséquence la question de votre intégration dans la Congrégation ou pas devient obsolete, et il nous faudra par contre statuer sur le statut que vous retrouverez. Le cas d'Erik est assez peu problématique, Ylraw a toutefois montré une certaine décorrélation entre ses agissements et nos standarts. Le temps avançant, je propose que ces aspects soient étudiés lors de la séance où était initialement prévu la discussion de leur intégration.

Il fait une pause, puis se tourne vers Énavila.

- Énavila, vous avez semblé être plus raisonnable, pourriez-vous nous éclairer sur ce virtuel, vos implications et sa structuration.

- Non.

- Pour quelles raisons ?

Énavila reste silencieuse, luttant apparemment avec elle-même.

- Mais qu'espérez-vous ? Nous cacher la vérité ? Dès demain nous saurons tout vos secrets, quelque soit l'entêtement dont vous faites preuve aujoud'hui.

Un silence, Goriodon va parler mais Énavile répond d'une voix roque.

- Et vous Goriodon, qu'espérez-vous ? Tromper longtemps le Conseil avec vos mensonges ?

Goriodon prend une voix calme :

- Vos accusations infondées ne vous serviront à rien, Énavila. Nous vous accordons une dernière chance de nous en dire plus sur ce virtuel. L'introspection n'est jamais une épreuve facile.

- Foutaise ! Vous savez très bien que si je parle vous tombez avec moi ! Et demain ici même vos artificiels corrompus ne dévoileront qu'un simulacre de la prétendu vérité ! Depuis combien de temps savez-vous, Goriodon ? Depuis combien de temps gardez-vous pour vous la vérité ? Vous ne voyez pas mes mensonges, mais MOI je vois les votres !

Metthios saute sur l'occasion :

- Que veut-elle dire, Goriodon ? Savez-vous réellement le fondement de cette affaire ?

- Vous n'allez tout de même pas vous laisser berner par ses manoeuvres ridicules !

Melinawahaza se lève :

- Répondez, Goriodon, savez-vous la vérité concernant ce prétendu virtuel ?

Goriodon hésite. Il s'assoit. Il bafouille, il commence à répondre oui, puis se rétracte.

- Non.

Il est sincère. Metthios est offusqué, le Congrès s'enflamme :

- Manipulation ! Il allait répondre par l'affirmative ! Il nous trompe ! C'est à lui qu'il faut faire une introspection !

Symestonon commente :

- Un peu de bazar, enfin, j'en venais à désespérer.

Je lance un sym a Pénoplée :

- C'est clair qu'il attire le respect le vieux.

- Des fois il dit des trucs mieux, pourtant.

Énavila sourit. qUne autre personne entre en scène et tente de calmer le jeu :

- Voyons ! Voyons ! Avant d'en arriver à de tels extrèmes, peut-on simplement l'interroger plus en détail ?

Metthios est déchaîné :

- Mais il ment ! C'est une évidence ! Il ment comme nous a déjà menti Énavila ! Ils sont de mêche ! C'est une aboninable mise en scène !

Énavila explose :

- Ah non ! Que l'on ne m'associe pas avec ce personnage !

Le Congrès devient la scène d'une incompréhensible cacophonie. Mais elle ne dure que quelques secondes, rapidement Goriodon coupe la parole à tous et tente de mettre de l'ordre.

- Soit. S'il me faut me livrer à une instrospection pour satisfaire le Congrès, je ne peux que me plier. Mais tentons de conserver la tête froide.

Metthios demande la parole. Goriodon hésite un instant puis la lui done :

- Si les doutes de Yamwreq sont fondés, comment pourrions-nous alors être sûr que ce ne sera pas un faux ?

- Bien sûr, Metthios, si vous remettez tout en cause, nous n'irons nulle part, pourquoi douter d'un système qui nous sert depuis des millénaires ?

- Qui nous trompe peut-être aussi depuis des millénaires !

Le même homme qui était intervenu tout à l'heure reprend la parole.

- Vous voulez repartir de zéro peut-être ?

Goriodon répond avant Metthios :

- Avant de sombrer dans le catasptrophisme, pourrions-nous considérer dans un premier temps que ce qui a valu la stabilité de notre système reste toujours solide ? S'il s'avère que nous ne pouvons pous avoir confiance dans les artificiels, ce que je n'ose pas imaginer, nous devrons alors agir en conséquence.

Le Congrès semble d'accord, mais Metthios proteste :

- Et si tout ceci ne sont que les signes d'un coup d'État, peut-être demain ne pourra-t-on plus réagir.

Toujours le même homme qui prend la défense de Goriodon.

- Un coup d'état ? Que voulez-vous dire ?

- Imaginons que Goriodon ait conspiré avec les planètes rebelles, ou tout du moins une partie de ses habitants, je ne veux pas mettre en cause Gwénoléa. Attendre serait pour nous la pire des options ?

Yamwreq répond :

- Voyons, c'est ridicule, depuis des dizaines d'années les planètes rebelles ne font que réclamer plus d'autonomie par rapport aux règles de la Congrégation, le temps où elles témoigneaient d'un comportement véhément à l'égard du Congrès est révolu depuis longtemps. Autant je suis persuadé qu'il y a un mystère autour de cette Sarah, autant je ne crois pas une seconde au genre de complot que vous évoquez.

- Pourtant !

Metthios projette alors l'hésitation de Goriodon, tout le monde revoit clairement le début de son "oui", puis sa rétractation.

- Goriodon, que signifiait cette hésitation ?

C'est plus fun que ce que j'aurais imaginé, le Congrès. Le jour a déjà commencé à baisser, pourtant il fait encore bon.

- Ils chauffent ici ?

Pénoplée confirme mes doutes :

- Oui, la protection du parc apporte aussi un micro-climat, il ne pleut jamais ici et il fait toujours bon.

- Pourtant il y a le jour et la nuit.

- Le Congrès concerve la durée du jour comme repère pour les sessions, c'est une tradition. De ce fait les sessions sont plus courtes en Hiver.

Goriodon reste silencieux un court instant, mais ne laisse pas le suspence gagné le Congrès :

- Voyons, gardons la tête froide. J'ai simplement hésité car oui, Sarah m'a confié quelques détails supplémentaires sur ce virtuel. Toutefois, comme accepté par le Congrès, nous avons décidé de conserver une partie des informations secrètes pour trouver plus rapidement les responsables de ce virtuel.

Goriodon n'attends pas les résultats de son intervention, il s'assoit directement, apparemment exténué par l'épreuve.

Metthios se lève de rage, mais Mélinawahaza le devance :

- Mes amis, le soleil se couche. Cette journée fut chargée en rebondissements et en question. Il serait sain que nous prenions le temps de réfléchir calmement avant de conclure cette affaire compliquée. Je propose que nous n'abordions pas ce sujet pendant les deux jours qui suivent, et ne repregnions ce débat que dans trois jours. De cette façon nous aurons sans doute des informations des traceurs adjoints à Énavila et Ylraw, et peut-être Sarah pourra-t-elle nous en dire plus.

Courte majorité. La tension retombe, les gens se lèvent et discutent entre eux. Dure journée. Je reste un moment pensif. Suis-je réellement ce Yacou ? Il y a trop d'incohérences... Et aussi difficile à croire cela puisse être, je crois que je fais plus confiance en Énavila qu'en Goriodon. Pénoplée reste silencieuse, elle aussi. Après un instant Erik se lève. Guerd lui demande :

- Alors Meckwasior, content d'avoir retrouvé ton identité ? Tu as vu, Goriodon a dit que tu devrais pouvoir retrouver ton statut sans problème.

Erik se tourne vers moi, attends deux secondes, puis m'interroge :

- Qu'est ce que t'en pense ?

- J'y crois pas.

- Moi non plus.

Guerd ne comprend pas :

- Mais ? Ils ont retrouvé vos identités, ils ont retrouvé ces deux personnes qui vous ressemblent comme deux gouttes d'eau et qui ont justement disparu sur Stycchia, ça ne peut être que vous !

Énavila se lève passe entre Erik et moi pour partir. Ses moucherons lui tournent toujours autour, l'empêchant toujours de faire le moindre geste de violence. Erik la regarde s'éloigner.

- Elle doit savoir, elle.

- Oui. Sarah doit savoir aussi je pense.

Moln, Iurt et Ulri nous font signe qu'ils partent. À mon grand étonnement Pénoplée se lève et les rejoint. Je la rattrape :

- Quelque chose ne va pas.

Elle ne répond pas. J'attends que nous sortions de l'enceinte, pour avoir un peu d'intimité, même si tous les bracelets de l'univers peuvent peut-être nous entendre.

- Pénoplée ? Réponds moi au moins.

Soudain un gros insecte s'approche de moi, j'ai un mouvement de recul. Mais c'est un petit robot, sans doute l'engin qu'il voulait me voir adjoindre, mon "précepteur". Il me virevolte autour puis se pose sur mon épaule. Je le regarde de travers puis rattrape Pénoplée qui ne s'était pas arrêtée.

- Pénoplée, attends !

Je m'apprête à l'attraper par le bras pour la stopper, mais je suis bloquer avant. Le précepteur reprend son vol et me tourne autour, il me sermone par un sym.

- Il ne faut pas obliger les gens par la force, si vous voulez que quelqu'un réponde à vos attentes, respectez-le et user de diplomatie. Avez-vous compris pourquoi votre geste était déplacé ?

Je lui réponds tout haut.

- Oui j'ai compris c'est bon, maintenant laisse moi aller utiliser de la diplomatie avec Pénoplée s'il te plait.

- Vous n'êtes pas sincère, je veux que vous preniez conscience de vos actes.

Oh bordel ! Très bien je prends alors le temps de me calmer un peu, regarder autour de moi. Erik me dépasse et me file une tape sur mon épaule de compassion quand je lui explique ce que me veut ce machin. Il m'attend avec Guerd, puis, quand finalement j'arrive à convaincre le précepteur que j'ai retenu la leçon, je repars à petites foulées vers Pénoplée.

- Pénoplée, tu peux pas me laisser comme ça ! Tu peux pas me laisser !...

Pas de réponse.

- Pourquoi tu ne me parles pas, Pénoplée !

Je hausse la voix, sur le champ je ne peux plus marcher, et le bidule se relance dans sa morale.

- Il faut rester courtoix envers les personnes que vous abordez, vous ne pourrez intéragir de manière correcte avec les gens que si vous leur témoigner du respect.

Erik et Guerd arrivent de nouveau à ma hauteur. Ils rigolent. Je tente de ne pas perdre de temps et de convaincre rapidement bidule que j'ai bien compris et que je ne hausserai plus jamais la voix de ma vie. Il me laisse et pour la troisième fois je rejoins Pénoplée. Je la dépasse et tente de me mettre en travers de sa route. Ses yeux brillent.

- S'il te plait, explique-moi au moins... Ne me laisse pas imaginer tout le mal que j'ai pu faire sans comprendre, me laisse pas penser que je t'ai blessée sans même m'en rendre compte...

Elle s'arrête en face de moi. Elle laisse Erik et Guerd nous dépasser.

- C'est pas toi Ylraw, c'est pas toi. C'est moi.

- Comment, mais ? Quelque chose ne va pas ?

- Je ne pourrai pas... t'aider... T'apprendre à vivre dans le village, découvrir les choses simples de la Congrégation, t'apprendre la langue et les coutumes... Ça je pouvais... Mais ici je ne fais pas le poids, Goriodon, Metthios, cette fille... Je suis désolée, c'est trop...

Elle retient ses larmes. Je m'approche doucement et la prend dans mes bras.

- Tu ne dois pas tout supporter, Pénoplée, je ne te demande pas ça, je veux juste que nous soyons ensemble.

Elle se retire.

- Non François, même... Je suis vieille, je suis fatiguée... Je ne peux pas tout ça, je ne peux plus, c'est trop dur... Ça me rappelle trop de choses...

Elle s'écarte pour repartir :

- Je sais que c'est dur pour toi aussi, mais, je ne pourrai pas... Je pense que je vais repartir sur Stycchia... Je viendrai te dire Adieu...

Je reste immobile. J'ai envie de pleurer. Pourquoi tout est toujours si dur ?... Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'elle en arrive à bout ? Elle est un peu impulsilve, certes, peut-être n'est-ce qu'une déprime passagère, mais c'est tout de même le signe d'une exténuation. Erik a vu que je m'étais arrêté, il revient vers moi, Guerd le suit. Il me parle en anglais.

- Un problème.

- Pénoplée veut partir, elle veut rentrer sur Stycchia...

- Pour quelle raison ?

- Je ne sais pas. Elle est à bout j'ai l'impression, tous ces événements ont dû provoquer trop de stress.

Guerd intervient, frustrée de ne pas comprendre.

- Vous pourriez parler notre langue, je ne comprends rien, c'est pas très sympa de toujours faire vos cachotteries.

Erik la renvoit, il n'est pas d'humeur à plaisanter j'ai l'impression :

- Va donc voir Pénoplée, elle ne va pas bien, je te rejoindrai à l'hôtel plus tard.

- Mais ? Tu ne peux pas rentrer sans moi, pour les abeilles ?

- Je me débrouillerai, va !

Le voyant énervé, elle n'en demande pas plus et nous quitte. Nous nous remettons à marcher doucement.

- Elle est vraiment trop collante. Je ne sais pas si je vais pouvoir encore la supporter longtemps.

Je ne dis rien, plus préoccupé par les paroles de Pénoplée. Erik avoue finalement :

- Je dois reconnaître que moi aussi je commence à être un peu à bout. Je ne crois pas que je pourrai me faire à vivre ici, c'est trop différent...

- Ouais, on ne maîtrise pas grand chose.

- On ne maîtrise rien tu veux dire, au moindre geste tout le monde sait ce que tu veux faire, en plus avec nos bracelets de mioches aucune marge de manoeuvre...

- Pourtant les gens ici ont l'air de s'y plaire, pas de travail, du confort à volonté, jamais de maladie, pas besoin de travailler...

Erik reste pensif un instant, nous avançons toujours doucement, j'ai mon précepteur sur l'épaule. Il reprend.

- Oui en un sens la vie ici c'est un peu le paradis, mais je me suis toujours dit qu'on devait s'emmerder au paradis...

- Oui, heureusement qu'on est arrivé pour mettre un peu d'animation !

Erik rigole. Il me passe le bras autour de l'épaule et me serre contre lui, je lui arrive à peine aux épaules.

- Ah Ylraw ! Je t'aime bien, autant cette histoire est un véritable merdier, autant je regrette pas d'être là avec toi.

- Moi j'ai toujours su que tu étais cool, depuis le début.

- C'est vrai, c'est vrai que tu m'as fait confiance depuis le début. Pourtant alors je ne te considérai que comme de la marchandise pour négocier ma nouvelle vie.

- Question nouvelle vie tu as été servi !

- Ça ! Putain, et pas qu'un peu ! Je me demande bien ce qu'ils font sur Terre. Matthias a dû pêter les plombs depuis longtemps. Quel pauvre naze, et dire que je suis resté quatre ans à bosser avec lui, quel con j'ai pu faire. Il doit être vert de pas me retrouver...

Je me rends compte que je ne connais pas du tout la vie d'Erik.

- Tu as fais quoi avant ?

- Avant de bosser pour Matthias ? J'ai bossé pour d'autre gars, je me suis fais ma petite réputation dans le milieu quoi...

- Tu es né en Australie ?

- Ouais, une banlieu pourrie de Sydney, j'ai fait des études tant que j'ai pu, tu vois à quoi ça mène !

- Tu as fais quoi comme étude ?

- J'ai un master de sociologie, j'allais faire un Ph.d quand j'ai tout plaqué.

Je suis vraiment surpris.

- Un master en socio ?! Whaou ! Pourquoi tu as tout plaqué ?

- À ton avis, pourquoi un mec plaque tout en général ?

- Pour une fille ?

- Bingo ! À Sydney j'avais beau me démerder pour les cours ça ne me dérangeait pas de faire des petits boulots pour des potes du milieu. J'avais déjà des pressions pour arrêter les cours et me mettre à plein temps pour eux. Avec Melissa ça a changé, elle m'a fait sortir de tout ça, redevenir clean. Puis elle est partie à Melbourne, juste après mon master, je l'ai suivie. Comme je ne pouvais pas avoir d'équivalence la première année, j'ai commencé les petits boulots, clean au début. Elle m'a plaqué, c'est devenu moins clean, je ne suis jamais remonté...

- Pourtant tu voulais redevenir clean après Matthias ? Tu as quel âge au fait ?

- Trente-quatre ans. Oui je voulais redevenir clean, arrêter toutes ces conneries. Tu sais combien j'ai buté de mec, Ylraw ?

- Non, beaucoup ?

- Treize... Il y a des fois j'étais tellement en galère que j'étais prêt à tuer pour mille dollars, tu te rends compte ?... Finalement ce monde n'est peut-être pas si mal à côté...

- Je suis persuadé qu'il est mieux, que les gens sont plus heureux, plus libres, c'est juste qu'on ne comprends pas encore vraiment la façon dont il fonctionne.

- Ça me fout un peu les jetons quand même, de me sentir enchaîné...

Nous restons silencieux un instant, nous arrivons dans la grande pièce où nous avons pris notre petit-déjeuné le matin. Le jour s'est déjà bien assombri. Nous nous asseyons et commandons un petit encas.

- Tu vois c'est quand même bien foutu, tu n'as rien à payer, rien à faire, juste tu t'assois et tu commandes ce dont tu as envie.

- C'est sûr qu'il y a des bons côtés, je ne reviens pas là dessus. Peut-être aussi que nous sommes un peu seuls...

- Naoma te manque.

- Je crois.

- Toi non plus tu ne peux pas t'imaginer qu'elle puisse être un virtuel...

- Comment le pourrai-je, même si des preuves irréfutables m'étais apportées, je continuerai à ne pas le croire. C'est con comme on s'attache encore plus quand l'autre est inaccessible.

- J'espère que tout va bien pour elle, j'ai des remords d'être là tranquille à manger mon petit pain alors qu'elle est peut-être en difficultés je ne sais où.

- À qui le dis-tu ! J'en fais des cauchemars presque toutes les nuits... C'est sûrement son absence aussi qui me mine...

Je savoure mon petit pain au douceur rappelant étrangement le chocolat. Erik s'est lui commandé un petit panier de boulettes variées, je lui en chipe une ou deux. Erik reprend :

- Tu vas faire quoi si Pénoplée rentre vraiment sur Stycchia ?

- Je ne sais pas trop, que pourrais-je y faire ?

- Partir avec elle.

- Je ne peux pas.

- Pour l'instant, mais leur théorie tient, dans dix jours nous pouvons être tous les deux des membres normaux de la Congrégation.

- Tu pourrais t'en contenter, toi ?

- Non, mais toi je ne sais pas, peut-être après tout, vu que tu as l'air de trouver ce monde pas mal, que tu voudrais retourner sur Stycchia avec Pénoplée. Tu tiens à elle, non ?

- C'est vrai... Mais je ne pourrai pas vivre tranquille tant que je ne saurai pas. Je ne pourrai pas avoir la conscience apaisée tant que je ne saurai pas où se trouve Naoma, où se trouve la Terre, tant que je n'aurai pas vu une nouvelle fois mes parents, Paris, mes montagnes, mon Soleil...

Erik semble satisfait. Je continue :

- Et puis, tu as vu les images de nos prétendues anciennes vies ici ? Non mais sans déconner... J'étais mort de rire quand je t'ai vu en train de faire je sais pas quoi dans la maison de tes soi-disant parents.

- Ah oui on aurait dit que je faisais du bricolage !

- Clair ! C'était trop ridicule ! Quelle bandes de nazes !

- Et toi, au bord de la rivière !

- Ah oui ! Trop trop fort, en train de mater les poissons ! C'était vraiment trop minable, je m'imagine trop !

Nous éclatons d'un bon fou rire en commentant encore quelques unes des images projetées pendant la séances... Erik redevient un peu plus sérieux :

- Pour être franc j'ai parfois un peu peur que tu ne te plaises trop ici, et je ne me sens pas la force seul de m'en sortir. Je ne pense pas que j'irai bien loin sans toi.

- Tu parles, c'est sûr que j'ai vachement fait avancer les choses ! Je fais tout foiré oui, Naoma d'abord, et maintenant je suis bloqué ici...

- Je t'en ai voulu pour Naoma, je t'en veux sans doute encore un peu, mais ce n'est pas juste, tu n'y es pour rien.

- Je n'aurai pas dû la quitter, j'ai fait une erreur, rien ne sert de le nier.

- Peu importe, tu as réussi à réparer ton erreur, elle est revenue.

- Et elle est repartie...

- Tu peux difficilement t'en vouloir, hormis sur le fait qu'il semble que tu sois à l'origine de toute cette histoire, mais je ne pense pas que tu l'ais fait exprès...

- Ça pour sûr j'ai un peu de mal à voir les raisons de tout ce bazar...

- C'est quand même dingue la façon dont cette fille t'en veux... Enfin... Je... Bon... Il va falloir que je retourne à l'hôtel...

Erik se tait un instant, comme s'il n'arrivait pas à dire quelque chose.

- T'inquiète pas Erik, on s'en sortira, et je ne te laisserai pas tomber.

Il me pose la main sur l'épaule, je pose ma main sur la sienne. Il la prend.

- Merci, Ylraw. À demain.

- Embrasse Pénoplée pour moi si tu la vois.

- Ce sera fait.

Me voilà de nouveau seul... Je n'ai même pas mon bracelet pour appeler Pénoplée... Je ne me rappelle plus où il peut être d'ailleurs. Après mon crash je ne l'avais plus, et je ne sais pas qui a bien pu le ramasser. Qu'importe, un peu de solitude, après tout... Erik s'inquiète... Il compte sur moi... Malheureusement je ne vois pas trop comment je devrais procéder dorénavant... La situation m'a l'air un peu bloquée. Il faudrait sans doute que j'ai une discussion plus sérieuse avec cette Sarah, ou Énavila. Énavila pourrait m'aider à trouver la vérité, l'inconvénient c'est qu'elle n'a pas l'air extrêmement disposée pour le faire.

- Je peux m'installer ?

Je lève la tête, tiré de mes pensées. Oh non ! Metthios, si j'avais su...

- Si vous voulez, mais je ne suis pas d'une compagnie exemplaire.

Il s'assoit à côté de moi et non pas en face, et commande quelques friandises.

- Je comprends, bloqué ici pendant au moins trois jours, en plus avec un précepteur, et pour couronner le tout ils vont tenter de faire passer en douce leur histoire de virtuel pour régler l'affaire vite fait bien fait.

- Mouais...

- Mais ne vous inquiétez pas, on peut encore les avoir, pour l'instant nous avons fait cause séparée avec Melinawahaza, mais j'ai bon espoir de m'allier avec elle pour ce coup là, elle ne supporte pas Goriodon, c'est l'occasion ou jamais. En plus je pourrai peut-être aussi convaincre Gwénoléa, et alors nous aurions suffisamment d'avis pour faire l'introspection de Goriodon et dévoiler la vérité au grand jour.

- Peut-être, peut-être...

Je suis dubitatif et pas très enjoué... Je ne crois toujours pas que le Congrès puisse vraiment faire avancer les choses. J'ai plus l'impression d'une immense mascarade où les gens sont soumis au bon vouloir des artificiels. Mais je n'ai pas envie d'en discuter avec Metthios, il resterait sans doute à rêver de renverser le système pendant des heures. J'ai envie d'être seul, ou tout du moins surtout pas avec lui... Une petite abeille apporte le plat commandé par Metthios.

- Oui... Oui...

- Pour être franc je suis un peu exténué par cette journée.

- Je comprends, qui ne le serait pas ? Je vais vous laisser vous reposer. Nous nous reverrons demain. Bonne chance.

- Merci, bonsoir...

Me voilà de nouveau seul. Il me reste le plat de Metthios sur les bras maintenant, et j'ai tout sauf faim... Est-ce que Pénoplée pourrait revenir me voir ? Peut-être Erik pourrait la convaincre...

- Ylraw ?

Encore ! C'est pas possible je suis devenu le pote de tout le monde ou quoi !

- Oui ?

Je me retourne, c'est Yamwreq et Gwénoléa. Tiens, il a réussi son coup ou quoi. C'est vrai qu'ils vont vraiment bien ensemble. Gwénoléa prend la parole :

- Pouvons-nous nous entretenir avec vous un instant ?

- Oui, bien-sûr.

Ils s'assoient tous les deux en face de moi, et rapproche un peu leurs sièges, dans la limite de leur grandes jambes. Mais c'est moi qui suit le plus loin de la petite table ronde, et je ne pense pas qu'ils auront le courage de la déplacer pour se rapprocher encore plus. Ils ne commandent rien, apparemment ils ne veulent pas rester longtemps. Après un instant, Yamwreq me demande :

- Nous aimerions avoir votre sentiment sur ce virtuel.

- Je n'y crois pas.

Gwénoléa précise :

- Vous n'y croyez pas ou ne l'admettez pas ?

- Je pense que c'est Énavila qui a raison.

- Parce qu'elle est de votre côté... Sur ce point tout du moins.

- La précision s'impose. Non parce qu'elle est trop extrême pour mentir.

Yamwreq intervient :

- Pourtant elle sait mentir.

- Elle dupe vos bracelets, c'est différent.

- Certes, mais nous n'avons pas d'autres moyens de...

Gwénoléa le coupe :

- Peu importe. Avez-vous d'autres éléments ?

- Mis à part ceux soulevés pendant le Conseil, non. Mais j'avoue que l'hypothèse du virtuel expliquerait aussi certains détails. Et vous avez peut-être raison que c'est plus une difficulté à l'admettre qu'une intime conviction.

- N'y aurait-il pas d'autres éléments que vous n'auriez pas mis en avant, trop anodins à vos yeux ou que vous ayez oublié, qui pourrait nous aider ?

- Sans doute, mais comment le savoir ?

- Vous pourriez repasser les scènes et regarder plus en détails ?

Je souris.

- Eh ! Nous n'avons pas de bracelet sur Terre !

- Pourtant Énavila vous en a donner un ?

- Oui mais je ne m'en suis pas servi, je ne savais pas m'en servir, il a peut-être fait une sauvegarde mais je n'en sais rien. J'ai bien tenté d'écrire mon aventure, peut-être retrouverai-je des détails en relisant, mais pour ça il faudrait que j'y retourne...

Yamwreq reste pensif un instant puis dit :

- Pourquoi pas ? Si c'est la volonté du Conseil, nous pouvons vous autorisez à utiliser le téléporteur trouvé par Sarah pour vous rendre sur place.

Je suis perplexe.

- Ça ne tient pas, Sarah a bien précisé que l'expérience avec son téléporteur avait prouvé qu'il s'agissait bien d'un virtuel. Et dans l'hypothèse où le Congrès demande à ce que j'y retourne, il sera simple pour elle, dans la mesure où elle est la seule à connaître l'emplacement de son accès, de mettre en place un faux téléporteur pour démontrer ses dires.

Ils restent silencieux un instant, finalement Yamwreq répond :

- Je comprends que vous aillez pu vous faire quelques idées avec les événements de ces derniers jours, mais gardez tout de même à l'esprit que nous reposons sur le principe que les gens ne peuvent pas mentir ou cacher des choses contre les avis. Bien sûr le cas d'Énavila ou même de Sarah me concernant semblent remettre en cause ce principe. Mais avant de le rejeter complètement, nous devons tout de même nous y rattacher.

Gwénoléa complète :

- Je suis de l'avis de Yamwreq, un principe qui est valable depuis des milliers d'années et a garanti la justesse, l'équité et la stabilité de la Congrégation ne peut pas être oublier du jour au lendemain.

- Peut-être que les techniques ont évolué, peut-être qu'Énavila possède de quoi contourner les avis.

Yamwreq acquiesce :

- Oui, et c'est ce que les pisteurs électromagnétiques qui lui ont été adjoints tenteront de déterminer pour votre nouvelle comparution dans deux jours.

Je reste pensif, Yamwreq me redemande :

- Consentirez-vous à accepter d'aller sur place si le Conseil vous le demandez ?

- Bien sûr, je ne demande moi-même qu'à être convaincu du bien fondé de cette hypothèse de virtuel. Et je ne crois pas que je pourrai l'accepter sans la vérifier moi-même.

- Parfait. Nous proposerons cette idée au Conseil, dans deux jours.

Gwénoléa poursuit :

- D'ici là n'hésitez pas si vous avez la moindre idée, ou si vous vous remémorez des détails pouvant aller dans un sens ou dans l'autre.

- Ne vous inquiétez pas, j'ai deux jours coincé ici pour réfléchir au problème, il devrait bien en resortir quelque chose...

Ils se relèvent, je n'en prends pas la peine, me remercient, me saluent puis s'éloignent. Tout ne semble néanmoins pas gagné pour Yamwreq car Gwénoléa semble l'avoir congédié gentillement, ils prennent au bout de quelques pas chacun une direction différente.