Le Patriarche
Le Premier Monde : Crise
Florent (Warly) Villard
Janvier 1984 - Octobre 2003
Version: 0.2.9 - 27 décembre 2003 - 0
Copyright 2003 Florent Villard
Remerciements
Toujours et encore à Monsieur Yves Gueniffey, sans lequel ces écrits n'auraient peut-être jamais commencé.
À personne d'autre encore pour l'instant.
Table des matières
Ylraw
Ylraw
Ort - Machiann - Terr - Émi - Ourstanove - Érianos
Ylraw
Erik et Naoma
Réveil 3
Ylraw Janvier 1984 - Octobre 2002
Vendredi 28 janvier 2005, jour 647
Les traces du passé sont difficiles à déceler. Délicat de savoir les éléments qui ont vraiment de l'importance. Une chance qu'Ylraw eut toujours cette obsession de l'écriture, de raconter sa vie.
Tout était différent depuis le début, je le savais, mais je ne le croyais pas. Tous ces écrits m'ont aidé à tenter de comprendre qui il est vraiment.
Son enfance est marquée par son attachement à son village, Châteauvieux. Ces terres sur lesquelles il a grandi, et que Sarah redoute tant. Il y a quelque chose là, quelque chose qui rend les hommes différents.
Je me rappelle, je me rappelle ce jour où il s'est renversé cette tasse de café bouillant dessus, je me rappelle qu'un peu après une femme est venue. Je n'ai que l'image floue d'une jeune femme. Mais elle était belle, tellement que je pense que ma vision de la beauté n'est autre que son image.
1984, ses tout premiers écrits.
Jeudi 4 janvier 1984
Nous sommes allés au ski aujourd'hui. Il a fait Soleil. Je suis tombé deux fois et Mathilde quatre fois. Fabien est malade.
Vendredi 5 janvier 1984
Il fait Soleil, Fabien est toujours malade.
Vendredi 28 janvier 2005, jour 647
Fabien est son petit frère, de quatre ans son cadet. Il continua ainsi d'énumérer quelques jours, se préoccupant principalement du temps. Mais est-ce si anodin, finalement, cet attachement pour le Soleil ? J'ai longtemps cru que c'était la simple influence de la télévision, "Les Mystérieuses Cités d'or", qu'il regardait avec tant d'assiduité, et où Esteban, fils du Soleil, pouvait le faire venir par un sourire. Je me rappelle qu'il se demandait tout de même ce qui se passerait si jamais il souriait la nuit.
J'ai retrouvé un agenda, de l'année suivante, 1985. Rien de très intéressant, si ce n'est quelques jours après une chute qui lui valut des points à la tête. Le médecin l'avait mal recousu, et sa blessure s'infecta.
Lundi 26 août 1985
Je suis tombé hier. À l'hôpital il ne m'ont pas endormi et ils m'ont mis cinq points. J'ai eu très mal.
Dimanche 1 septembre 1985
Je suis retourné à l'hôpital aujourd'hui. Le docteur m'a décousu et recousu. Mais je pense que comme la dame elle m'avait guéri, c'était pas la peine.
Vendredi 28 janvier 2005, jour 647
C'est flou dans mon esprit, mais je pense me rappeler qu'effectivement, le médecin n'avait pas jugé bon de l'endormir pour le recoudre, il avait dû tout de même l'anesthésier un minimum, j'ai du mal à croire qu'il l'eût recousu directement.
Cette dame dont il parle, c'est toujours la même que celle évoquée plus haut, et c'est encore la même qui a rappelé à Ylraw de retour d'Australie l'existence de la Pierre Univers et la nécessité absolue pour lui de la retrouver ; c'est très clair dans mon esprit désormais. Alors qu'il n'avait que neuf ans, elle est passée le voir, un moment où il marchait seul sur la route pour rejoindre sa grand-mère. Elle lui a parlé un instant, a touché sa blessure au front. À l'époque il était persuadé qu'elle l'avait guéri. Et puis il a oublié, comme on oublie tous ces mythes auxquels on croit quand on est jeune.
Mais aujourd'hui il n'y a guère de mythes auxquels je ne crois plus...
Je n'ai pas retrouvé de documents sur la période s'étalant de 1985 à 1992. Il est entré au Collège, à Gap, en 1987, et il l'a quitté pour le lycée en 1991. Je ne me rappelle rien de notable sur cette période, si ce n'est qu'il oubliait un peu son monde pour la réalité des hommes. Il oubliait Dieu et se cantonnait à ce que voyaient ses yeux.
Entre 1992 et 1994, il écrivit presque au jour le jour. Le Soleil est toujours présent, presque chaque jour.
Après son bac, en 1994, il partit à Grenoble, pour ses classes préparatoires. Il souffrit les premiers mois du manque de Soleil, puis celui-ci revint. Il n'y a rien de bien notable sinon, en 1996 il intégra les Mines de Nancy, pour trois années qui le menèrent à son diplôme en 1999.
C'est aussi en 1999 qu'il commença la mise en place d'un site web relatif à linux, sa passion grandissante depuis 1996. Il y écrivit en réalité beaucoup plus, dépassant largement sur sa vie et sa vision du monde. Il déménage de Nancy vers Orsay, dans l'Essonne, dans un premier temps, pour son stage à Motorola, puis d'Orsay à Gif-sur-Yvette et son premier emploi à Silicon Graphics. Il y restera tout juste cinq mois, avant de rejoindre Mandrakesoft, société éditrice du système d'exploitation Mandrake Linux. Il y entra le 22 novembre 1999, et marqua ainsi le début de son implication véritable pour les logiciels libres, logiciels que tout un chacun peut modifier, copier, revendre. Une nouvelle vie qui lui valut aussi sa rencontre avec Virginie et son déménagement pour le centre de Paris, rue Crillon, en février 2000. Il écrit toujours, soit sur son site internet, soit brièvement les détails de sa vie au jour le jour, puis, vers l'été 2000, délaisse un peu l'écriture.
Vendredi 28 janvier 2005, jour 647
Juillet 2001, Virginie vient de le laisser. Il écrit de nouveau.
Ses écrits n'étaient pas très ordonnés, je vous préviens...
Ce n'était pas très ordonné et pourtant, pourtant en quoi une vie qui coule, qui se construit, qui se détruit, n'est-elle pas ordonnée ? C'est le temps qui passe, l'ordre.
Il était une fois. Il était une fois quelques jours, quelques moments. Un peu d'une vie, un peu de désespoir, un peu d'espoir. Comme une quête, une recherche. Jour après jour, en en oubliant certains, trop fatigué, trop occupé. Le monde change, les hommes moins vite, les paradoxes se créent, les incohérences. Les valeurs, la morale, les envies, les vices, les buts, toutes ces questions avec mes réponses. Le mal, le bien, le révoltant, le désespérant...
C'est dans cette période que l'on trouve sans doute la source de mes futures innombrables discussions avec Enavila.
Jeudi 19 juillet 2001
Réveil le matin on n'attend pas trop. Les choses se passent. On se lève. Éventuellement on fait un câlin, éventuellement on écoute les catastrophes du matin aux infos. Tout dépend un peu d'avec qui on est. Seul ou pas. Nous restons seuls de toutes les façons, à bien y réfléchir c'est presque automatique. On mange, on a faim. On ne sait même pas trop si on a faim. En tous les cas cela se passe le matin c'est le matin, à part les infos et le câlin, il n'y a finalement pas beaucoup de marge. Travailler, il le faut. Paraît-il. On part tôt ou on part tard. On a des idées, parfois. Et parfois moins. Les choses s'accumulent sans notre aide. On rigole. On ne rigole pas. On mange un peu ou beaucoup. On lit ses mails, des centaines de mails qui nous tiennent en vie, presque... La journée se termine sans avoir vraiment commencé. On discute un peu, on parle de choses qui nous tiennent à coeur, parfois. Ou on ne sait pas trop à vrai dire, ce qui nous tient à coeur ou pas. Est-ce le temps ? Les personnes qui partent ? Ou qui arrivent ? Les personnes qui pleurent, les personnes qui sont seules, la bourse qui monte, et la bourse qui descend ? Tout se passe, finalement, presque trop facilement. On gagne un peu d'argent qu'on n'a même pas envie de dépenser. La télé ne sert plus à rien tellement le temps est gris, point de météo qui puisse y changer quoi que ce soit. Et ces livres, ces films, qu'on ne lit et ne regarde pas pour vivre soi-disant plus que de ne rêver. Ne vaut-il mieux pas rêver, parfois, tellement inutiles sont ces jours qui s'accumulent ? Quelques espoirs toutefois, quelques sourires, finalement, quelques rêves, tout compte fait... Mais toujours un matin suivant, un autre réveil, une autre vie. Réveil qui ne sonne même plus tellement il est normal de faire une journée après l'autre. Réveil qui en perd ses bâtons tellement le temps devient inutile. Même plus de fatigue, à croire qu'il n'y a plus rien à retenir, que la mémoire ne sait plus trop ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas... Partir pour revenir, quelques vacances là où tout n'est que retards qui s'accumulent, comme les jours, comme les mails, comme les chiffres dans les cahiers, comme si chaque instant avait une importance pour qu'on le garde sur un support, alors que des milliards d'instants s'envolent et passent on ne sait où sans que jamais personne ne s'en inquiète...
Mais où va-t-on ?
19 juillet, 2001, 9 heures 45.
Rien n'est commencé, tout est vierge. Le travail est à faire, la préparation est terminée, il est temps d'être un peu. Plus de jeu, on est ou on n'est pas.
Vendredi 20 juillet 2001
Qu'est ce qu'on peut bien gagner en une journée ? À côté de tout ce que l'on perd. Pourquoi est-on triste certains jours, certains moments ? Pourquoi les choses passent ? Pourquoi n'a-t-on rien qui tienne ? Pourquoi les gens se lassent ? Pourquoi tant de fois à tenter d'avancer on se retrouve toujours au même point, seul. Quel est l'intérêt ? Quel est le but de toutes ces choses ? Je me moque du passé, c'est le présent qui m'intéresse, et à chaque fois que je m'en rends compte, je suis triste, n'y aurait-il donc que la tristesse qui nous montre le temps qui passe ? Pas de câlin. C'est ma faute, ce n'est pas ma faute, c'est la faute à qui ? À quoi ? Et pourquoi cela fait mal ? Qu'est-ce-qu'on peut bien gagner en une journée ?
Se laisser vivre, le rêve de beaucoup, n'est peut-être finalement que le plus grand des cauchemars. N'avoir qu'une vie inutile, remplie de plaisirs éphémères et sans portée. Mais où est donc ce qui est écrit dans ces livres ? Où est donc cet amour ? Cette motivation ? Ces grandes choses que l'homme est sensé faire ? La morale et l'éthique, le respect de l'individu, les conventions, les protections, les associations, les droits égalitaires... Ne seraient-ils pas, finalement, ce qui aseptise notre diversité, et nous réduit à n'être qu'un citoyen monotone, mono-goût, monoculture ? Je n'ai pas envie, moi, d'être comme les autres, traité comme les autres, ignoré comme les autres. Qu'est ce que j'ai fait, dans cette journée, que je pourrais raconter plus tard, sans avoir la triste impression qu'elle n'était, finalement, qu'une journée si banale qu'elle résumait à elle seule la vie de la majeure partie de l'humanité.
Se laisser vivre, c'est mourir prématurément.
Pourtant il est si dur d'être tout le temps, en permanence, attentif. N'a-t-on vraiment droit à aucune faiblesse ? Restera-t-on vraiment si seul ? Il est des douleurs qui sont toujours les mêmes, et dont on se lasse presque tellement on les connaît, presque en nous, presque nous. Il est dur d'aimer, peut être pas aussi dur de ne pas aimer, mais qu'importe, puisqu'au final tout revient toujours au même.
Samedi 21 juillet 2001
21 juillet, 2001, 15 heures 14, j'ai perdu, une fois de plus. Pourquoi l'espoir est-il toujours là ? Comme s'il ne servait qu'à alimenter la douleur.
Je ne sais plus trop ce qu'il faut faire, ce que je dois faire, et pourquoi. Pourquoi je suis là, pourquoi j'ai choisi cette route et où elle me mène. Je me suis longtemps dit, pendant ces moments, que la voie ne pouvait être faite que de solitude, et malgré tous les efforts, je n'ai jamais pu, réellement, me prouver le contraire. J'aimerais parfois m'arrêter, juste là, attendre, ne plus avoir à réfléchir, ne plus avoir à encaisser, juste me reposer. Ne peut-on vraiment créer que dans le tourment ? Dans la peine et la rage, n'y a-t-il que ces sentiments comme combustible à la créativité ? Le bien ne sortirait-il que du mal ? Je suis fatigué de tout cela.
21 juillet, 2001, 21 heures 26, la liberté est un mal, une porte ouverte à la débauche, et à l'inutilité.
Je ne veux pas que ce soit facile, je ne veux pas décider de quand j'ai envie d'aimer ou pas, d'être seul ou pas, d'être heureux ou pas. Je ne veux pas que le plaisir soit comme la télé qu'on allume et qu'on éteint, le frigo, le cinéma, la fête... Je veux mériter. Je veux souffrir pour savourer. Je n'aime pas ce monde où tout est si tendre, si proche, si facile, où quand on est malheureux ce n'est qu'un chagrin d'amour. L'homme n'est qu'une livide ineptie dans le confort. J'ai honte, parfois.
Dormir parfois donne un peu de courage, un peu de raison, un peu de quoi avoir envie de faire quelque chose. Ou au moins d'en avoir l'idée. Pas toujours. Peut-être que trop dormir, comme de trop faire quoi que ce soit, ne fait que détruire la vertu de l'action. C'est presque de ne pas avoir mal qui me le fait. C'est difficile à comprendre. C'est comme si subitement, alors que c'est toujours un peu l'esprit qui agit sur le corps, pour le rendre plus fort. Comme si subitement à trop subir c'est le corps qui devient plus fort, insensibilise, rend indifférent... Aimer est une belle chose cependant, mais il est à croire qu'elle ne survit pas au traitement qu'elle subit dans notre société moderne. Cela me tue, presque, de n'avoir plus rien, de ne sentir plus rien. Pourtant je suis triste, peut-être la douleur change-t-elle, peut-être deviens-je plus mature, et que ce n'est plus la passion qui me tue, mais l'absence de logique.
La route est longue, et semée d'embûches, heureux ceux qui peuvent la suivre longtemps...
Dimanche 22 juillet 2001
22 juillet, 2001, 9 heures 08, nuit trop longue, nuit trop facile, où êtes-vous, mes insomnies ?
Peut-être finalement que c'est seul que chacun doit faire son chemin. Peut-être aussi que n'importe pas cette morale et cette vertu ; pourquoi donc s'inquiéter du futur, des autres, et pourquoi ne pas simplement prendre le plaisir où il est, vivre intensément, pour mourir jeune et plein d'images ? Il est des jours où on se demande s'il y a réellement quelque part une grandeur de l'homme, ou si ces habits ne sont pas que la honteuse couverture d'instincts primitifs qui sont toujours intacts et ne font que se révéler de plus en plus, à la mesure de la facilité grandissante de la vie dans nos sociétés modernes. Mais comment la spiritualité et la sérénité peuvent-elles sortir d'une suite de plaisirs pris comme ils viennent ? Encore une fois n'est-il pas infiniment plus séduisant de mériter ? Le bonheur de l'instant est si facile, il ne peut ne pas avoir de contrepartie. La solitude doit être un bonheur plus grand, peut-être. Toute cette histoire qui nous vient de la Bible, Ancien Testament, Coran, et autres, ne serait-elle pas finalement l'amoncellement de l'expérience de la voie qui mène a la sérénité et au bonheur ? Et que notre soif de plaisir immédiat ne fait que bafouer pour nous ramener dans la solitude, la tristesse et l'oubli...
Il est paradoxalement parfois réconfortant de ne rien attendre, de vouloir juste faire ce que l'on a à faire, et de ne pas espérer, ou vouloir, plus que ce que l'on a ; comme si la fatigue et la lassitude avaient pris place définitivement. L'occupation désintéressée semble le doux réconfort de l'oubli et de l'insouciance, comme si on cherchait à s'occuper l'esprit simplement, pour faire passer le temps.
Lundi, premier jour de la semaine.
Dernière semaine de juillet 2001.
Qu'aurais-je fait en ce mois ? Qu'aurais-je fait pour en être fier et qu'aurais-je fait pour avoir à faire mieux le mois prochain ?
La prise de conscience peut-être, simplement, la prise de conscience que la vie n'est pas ce que j'ai, et que l'avenir n'est pas ce que j'attends.
Mardi 24 juillet 2001
Réveil sans réveil, point d'urgence, trop de sommeil même, peut-être, à croire que la mesure n'existe pas, soit trop soit pas assez, mais que préférè-je, entre me réveiller près d'elle ou reposé, que préférè-je, entre la déraison et l'ordonné, entre les caprices des relations humaines, et le charme réconfortant de la solitude ?
Tout semble encore bien confus, mon désir d'être d'il y a quelques jours, ma soif de contrôle, peut-être aussi. Tout cela n'est pour l'instant que rêve et je me confronte toujours, comme beaucoup, à subir les jours, les nuits, le temps qui passent. Mettre en valeur chaque instant, ne perdre rien, que chaque moment apporte toujours sa part. Mais il est si facile de dire, si facile de se croire fort, tranquillement installé chez soi, et de s'apercevoir de sa faiblesse, de ses faiblesses, quand on se retrouve en face de ce que l'on attend, comme si on se connaissait si mal, que la surprise de nos envies, de nos réactions, est une excuse pour remettre à plus tard nos volontés. L'accord entre notre raison et nos actes serait-il moyen à grandir notre sérénité ? Ou n'est-ce encore qu'un aveuglement de plus sur les buts et desseins de l'homme dans son ensemble, homme animal, physique, moral, spirituel ? Y a-t-il vraiment un chemin sans souffrance pour l'homme, ou restera-t-il déchiré entre ses instincts et ses rêves tant que sa couverture charnelle dictera ses volontés bien plus fort que les soupçons de raison qui l'habitent ? La solitude ou la déraison, que vaut-il mieux ?
Mardi, 24 juillet 2001, 8 heures 08 deuxième jour de la semaine, longue semaine, comme si la réaccoutumance rendait le temps plus présent, moins fluide, plus pesant...
Il est des moments où on ne sait jamais trop ce que l'on doit faire, où entre un mal et l'autre, il est difficile de choisir. Le mal d'être loin, mais qui lui permet d'oublier, et le mal d'être près, qui remue le couteau dans notre plaie. Il est si dur de laisser s'écouler ses jours quand on ne sait pas sa route. Il est si dur d'accepter d'attendre, pour savoir, quand tout ce qui nous importe est ailleurs que là. Il est si dur de réapprendre à rester seul. L'impatience, c'est peut-être cela, finalement, qui nous détruit tous...
Jeudi 26 juillet 2001
26 juillet, 2001, 8 heures 50. La lassitude est toujours là.
La lassitude arrive toujours, je ne sais pas trop pourquoi. Sans doute parce que notre monde moderne nous habitue au changement, à la nouveauté, à ne jamais garder quelque chose très longtemps, à en changer au moindre signe d'ennui. Qu'est-ce qui est bien ? Je ne sais. Cette liberté de choisir, d'avoir cette impression de contrôle sur nos vies, mais de ne rester que dans l'éphémère, l'incomplet, l'inachevé, ou cet intolérable mais malgré tout passionnant enchaînement qui ne nous laisse pas d'alternative à la lutte, chaque jour, chaque instant, et où la possession n'est que foutaise, où on ne survit pas seul, où on regarde toujours l'avenir avec des yeux éblouis, mais où ce n'est pas notre ennui qui nous guide, mais notre soif de vivre.
Vendredi 27 juillet 2001
27 juillet, 2001, 8 heures 15, clash plus une semaine, longue nuit, encore, trop de rêves inintéressants.
Je me suis souvent demandé ce qui faisait avancer les gens. Ce qui faisait qu'ils avaient envie de continuer à vivre. La peur de mourir en fait partie, sans doute, la peur de souffrir, le réflexe non naturel de se donner la mort. Mais elle n'explique pas, j'imagine, tous ces jours de désespoir. Certains doivent vivre pour leurs enfants, et c'est une élégante et facile façon de se décharger de la responsabilité de justifier sa vie. D'autres doivent espérer je ne sais quoi, le bonheur sans doute. Mais y a-t-il vraiment de bonnes raisons, dans toutes les raisons qui existent, y en a-t-il au moins une qui soit une vraie raison de vivre, de se battre, jour après jour, de souffrir, jour après jour, de ne jamais baisser les bras, de se relever, quoi qu'il arrive, de ne penser qu'à elle, jour et nuit, jusqu'à la fin ? Les plaisirs éphémères n'apportent pas le bonheur, ils ne font qu'entretenir une illusion, qui s'envole bien vite, quand on rentre, tout seul. Le bonheur est peut-être dans le souvenir, souvenir des bons moments. Mais ne seraient-ils pas plutôt plus à même d'amener la nostalgie ? Mais le bonheur peut-il être autre chose que le souvenir ? Puisque le présent nous dépasse un peu, reste incertain, reste éphémère, et s'envole. Nous ne nous rendons compte du bonheur que de temps en temps, rarement sur le moment. Les erreurs et les défaillances reviennent aussi, se mêlent, s'entremêlent, et laissent au final une impression étrange, qui doit fluctuer avec les humeurs et les instants. Qu'est ce qui me fait avancer ? Est-ce que je suis heureux ? Pourquoi est-ce que je ne ressasse jamais le passé ?
Samedi 28 juillet 2001
28 juillet 2001, 10 heures 54, samedi, dernier jour de la semaine, jour de repos, jour de solitude, jour de remise en question, jour de réflexions diverses.
Nous sommes si faibles, parfois, souvent, de ne vouloir que de tant de choses, de tant de force, et de céder, si facilement. À vouloir être trop fort on se masque souvent la vue, et on n'en ressort que plus faible, au final. Serait-ce vraiment si dur de se voir comme nous sommes, d'accepter, de comprendre, et de contrôler, peut-être, ne serait-ce qu'un peu ?
Le ciel est gris. Ô mon Soleil ! Où es-tu donc ? Ô mon Soleil ! Comme si ta présence me réconfortait, toi le plus ancien Dieu des hommes... Ô mon Soleil, que dois-je faire ? Ni Dieux, ni démons, ni hommes ne m'ont jamais répondu... Mais toi tu es resté, tout le temps, quelque part où je te retrouve quand les forces me manquent... Mais les forces me manquent-elles vraiment ? N'est-ce pas plutôt mon obstination à fermer les yeux devant l'évidence ?
Et le temps passe, nous attendons un peu, nous croyons que les choses vont changer, mais elles ne changent pas. Elles ne changent jamais, elles n'empirent pas trop, au mieux... 12 Août 2001, 11 heures 13. La vie continue, nous ne savons jamais trop pourquoi, si nous le méritons ou pas. Mais le temps n'arrange rien, il nous rend plus indifférent à la limite. Mais je n'ai pas envie d'être indifférent... Quant à mieux savoir ce qu'il faut faire, c'est comme si l'évidence même était tellement diabolique qu'on se la masque sous des excuses. Nous ne sommes rien sans nos sentiments. Vouloir les contrôler, les limiter, c'est enlever tout le goût de nos journées, de nos pleurs, de nos blessures, de nos amours perdues. Mais de quoi se rappellera-t-on une fois vieux et fatigué ? De nos amours ratées, ou de ces choses que nous avons passé des jours, des semaines, des années, à construire ? La futilité m'embête. Mais à quoi bon croire qu'une relation, une entraide, ira plus loin la prochaine fois ? Pourquoi ne pas accepter la solitude, s'en fortifier, et avancer indifféremment des autres ? Il est dur de suivre, pour sûr, et presque le rôle de messie serait plus facile à tenir que celui de fidèle. Peut-être ai-je trop attendu désormais, qu'il faut partir, commencer, poursuivre. Je suis perdu, je ne sais pas où j'en suis, ce que je suis, ce que je veux...
11 heures 49.
Mais comment me retrouver ? Quel est l'ordre ? Un fil conducteur, le suivrais-je sans savoir ? Comme si mes idées étaient classées, rangées, ordonnées. Mais le sont-elles ? Sûrement pas, alors à quoi bon ? Autant laisser couler les mots et c'est peut-être la liberté de les ranger comme ils viennent qui permettra à l'ordre d'apparaître.
Mais l'ordre n'est pas, le moins qu'on puisse dire pour l'instant, présent. Et comment faire de l'ordre dans des mots qui viennent d'une vie désorganisée ? Il me faudrait planifier une histoire, mon histoire, puisque tout cela ne représente que l'ensemble des réflexions de ma vie quotidienne. Planifier sa vie, quelle chose immonde, comment peut-on accepter d'avoir une vie pensée à l'avance ? Pourtant construire est une préoccupation, et ainsi devrait ressortir, peut-être pas un plan du futur, mais au moins un constat du présent et une direction. Il est assez difficile de parler de la vie, de sa vie, en voulant rester générique, vague, presque, sans exemple, sans lien avec une réalité, mais c'est peut-être cet effort de prise de recul qui permet une généralisation plus légitime.
La religion est une forme de voie. Du peu que j'en connais, les religions restent assez en accord sur la nécessité de limiter l'égoïsme, et de favoriser l'entraide et la solidarité. Mais depuis la nuit des temps y en a-t-il une qui a déjà réussi à rendre l'homme heureux sur Terre autrement qu'en lui promettant l'invérifiable, la vie éternelle, la rémission des péchés et autres cadeaux bonux post-mortem ? Si cette religion existe je ne la connais pas. Et j'aime à croire qu'il n'est point besoin de promettre pour contraindre, simplement de rendre évident, clair et nécessaire.
Mardi 14 août 2001
Mardi 14 août 2001, 21 heures 57. Journée de travail terminée, qu'ai-je fait aujourd'hui que je garderai demain ? Ne pourrait-on pas vivre nos vies à l'envers, pour peut-être profiter d'abord des sacrifices avant de les faire à l'aveuglette ? Et faut-il les faire, ces sacrifices, faut-il manger correctement, faire du sport, apprendre, se cultiver, pour être mieux, heureux peut-être, plus tard ? Chaque jour les réponses diffèrent, tellement mes idées sont confuses, cueillir le jour, combien d'interprétations peut-on lui associer ? Cueille le jour pour quoi, pour vivre, pour mourir, pour vieillir, pour construire, pour apprendre, pour se reposer ?
Une chose qui est ressortie de mes réflexions, il n'y a pas de règle absolue, ne jamais dire jamais, c'est peut-être la seule règle, finalement, qui serait sa propre exception.
Mercredi 15 août 2001
Mercredi 15 Août 2001, 8 heures 17, un rituel déjà bien établi m'a fait lire mes mails et me tenir au courant des dernières nouvelles, que j'oublierai bien vite pour profiter un peu de cette journée de solitude. Fête de Marie. Autant les rares moments d'écriture que je m'octroie sont-ils disparates et écourtés par les urgences quotidiennes, autant ce mercredi 15 Août, je le réserve à cette activité. M'y conformerai-je ? C'est peut-être la question, mais je n'aurai guère d'activité que je trouverai prépondérante, en tous les cas selon mon humeur présente, mais le temps change si vite... Si ce sont plusieurs heures que j'ai devant moi, peut-être, enfin, pourrais-je imaginer un plan, une logique, quelques heures ne sont pas une vie et cette activité n'aura pas une incidence gênante sur mon impression de liberté. Il serait sûrement intéressant de faire une petite chronologie de ma pensée, de mes efforts, pour d'autant mieux comprendre où j'en suis et où j'aurai prétention d'aller. Laissons-nous, ou je me laisse, plus humblement, aller à une rapide chronologie. À la mode des dissertations de philo, que j'affectionnais, il est vrai, ce sera, autant que je m'en souvienne, un classique intro-description du plan-corps-conclusion, dont le sujet est : "La recherche d'une philosophie de la vie chez l'homme."
8 heures 30, introduction
Trouver la voie sur laquelle on marche et marchera s'immisce presque naturellement dans chacune de nos actions depuis l'enfance jusqu'aux regrets (ou remords, rétorqueront certains), mais n'ayant prétention à parler au nom des hommes, et une fois de plus mon égocentrisme légendaire s'exaltant, je consacrerai cette réflexion à ma vie, en me concentrant tout d'abord sur les causes de ces questions, puis sur les manifestations des réponses, les échecs, et les réussites.
Plan en trois parties, classique, pour ne pas choquer le correcteur, pas de citations, cependant, je n'ai jamais très apprécié trop m'appuyer sur les idées des autres, m'imaginant sans doute que leurs pensées, d'une façon ou d'une autre, m'avaient touché auparavant et influençaient mes propos.
Les raisons du pourquoi chercher une voie, une philosophie, ne doivent pas être en apparence bien compliquées. Le monde dans lequel j'ai grandi, le pays, pour être plus précis, me permettant de ne m'inquiéter que modérément de mon avenir et des problèmes tels que la nourriture et le logement. J'ai eu tout loisir de désirer autre chose qu'une piste profonde de vie classique. Car, même si le besoin restait loin, ce n'est pas pour autant que le bonheur, ou la satisfaction du présent, se manifestait. Se laisser vivre, si cela, dans son insouciance, apporte une voie toute tracée, n'en soulève pas moins des inquiétudes. Et si cela ne continuait pas ? Et si la guerre revenait ? Et si une catastrophe arrivait ? Nos vies sont si fragilement liées à l'environnement, que le moindre minuscule changement pourrait changer pour toujours l'impression de progrès et de sécurité. Mes préoccupations premières étaient d'ordre plus intemporel, sûrement liées à mon intérêt, étant jeune, à l'astronomie et la préhistoire. Et c'est indubitablement les risques d'une chute de météorite ou de surpopulation qui me faisaient espérer de tout coeur un rapide essaimage de l'humanité vers les planètes voisines ou l'univers en général. Mais, hormis peut-être prétendre à participer au développement d'une technologie aidant les voyages interplanétaires, il est difficile de se préparer à une chute de météorite. Cependant ma jeunesse dans un petit village protégé m'a permis, en tous les cas, de rester loin des soucis des jeunes de mon âge, de me consacrer à l'école, le catéchisme, et récré A2, même si je regrette un peu le laxisme de mes parents quant à me laisser regarder ces émissions. Mais c'est sûrement une part importante de moi qui en découle, vu le temps que j'y ai passé. Dans le cas contraire c'était vraiment du gâchis, hypothèse que je ne repousse pas totalement. Je ne sais pas si j'ai vraiment cherché une voie à ce moment là, avant mes dix ans. Ou si c'était plus l'absolue vérité, en tous les cas à mes yeux, qui sortait de la bouche des grands qui me poussait, sans que je n'aie à me poser de questions, vers la route pure et simple d'une pratique religieuse modérée. En suivant les principes des commandements, en attendant patiemment que les jours s'écoulent, que les automnes passent, et que je devienne docteur ou pompier, pour être grand à mon tour, pour avoir une voiture et des comptes à faire, et connaître tout sur le monde en attendant d'être grand-père.
Le collège et le véritable contact avec le monde de mon époque sont une étape, si ce n'est difficile, au moins intéressante sur ma vision du mal, des hommes, et du futur. J'y découvre que la radio ne se limite pas à France-Info, les préoccupations des autres, la télévision qui montre d'autres images que des dessins animés, l'histoire noire, les guerres, tellement proches, pleines de conséquences, encore présentes même, le mensonge. Petit à petit plus grand chose ne tient, pas plus la religion faite par des menteurs, que le doux avenir de docteur ou de pompier, de spationaute peut-être. Mais il est dur, trop dur, révoltant même, de se séparer de son enfance, de réfuter tout ce dont on a mis des années à s'imprégner. Dur d'accepter qu'il n'y a pas de vérité, que tout est caution à critique, doute, suspicion. La crise d'adolescence n'est sûrement pas beaucoup de notre faute, vous les grands qui nous parliez de Père Noël, de joie et de calme, pourquoi d'un coup nous mettre devant vos erreurs, vos faiblesses, vos vices, et espérer que nous aurions encore quelque chose à croire de vous, ou à espérer ? Toujours est-il que si l'apparence est restée sage, il n'en est pas moins vrai que la recherche d'une voie, ma voie, s'est affirmée quand, alors grandissant, à quinze ans, en seconde, année fondamentale, tous mes rêves et espoirs d'une humanité dans l'humanité s'envolaient. Que pouvez-vous espérer de nous, face à votre monde ? Que pouvions nous faire que chercher une autre voie ? C'est sûrement plus le besoin même que la nature de cette voie qui me hantait, le besoin de savoir, voir, vouloir quelque chose, quelque chose qui tienne, qui ne s'effondre pas comme tous les châteaux de cartes précédents, quelque chose qui soit là quand il fait froid, quand je suis seul, quand je suis triste, quelque chose dont je pourrai me rappeler, quelque chose qui ne soit pas que cette quête désespérée d'un bonheur éphémère, matériel, futile qui semblait vous préoccuper tous.
10 heures 45, l'obsession de l'heure me mène à me poser des questions, quelle importance, finalement, qu'il soit 10 heures 45 ou 12 heures 20, je n'aurai pas, cette fois, à rendre de copie...
Il est de bon augure de faire une transition, comme si, toujours, la logique devait imprégner toute oeuvre de l'homme, comme si les professeurs avaient peur que trop de naturel, de spontanéité, eussent été néfastes à la philosophie, à l'ordre... Mais le cheminement libre des pensées n'est-il pas celui qui mène réellement à l'innovation, aux véritables limites, nouveautés ? Qu'importe, je me conformerai, une fois de plus, à vos principes...
Une fois de plus la cause de toute réflexion, interrogation et remise en question reste l'histoire, l'expérience personnelle, les non-réponses du monde m'entourant. Mais la longue quête des réponses, des choix, n'en est pas moins entrecoupée de désillusions, de gâchis, de temps perdu...
Quand tout ce que nous croyons s'effondre, quand il n'y a plus que mensonge, quand le monde de demain n'est rien de plus que l'amoncellement des erreurs du passé, nous nous perdons. Nous nous demandons à quoi bon, pourquoi, nous nous demandons qu'est-ce qu'est la vie, à quoi bon le bien, l'entraide, la bonté. Quand nous voyons la compétition, l'égoïsme, la paresse, la faiblesse. Nous apprenons, nous acceptons, nous essayons de nous adapter, de nous protéger. Le mal n'est plus vraiment le mal, il n'y a plus rien de valable, tout est à reconstruire, repenser, réapprécier. Je m'enfonçais donc dans l'athéisme, l'égoïsme, la solitude, comme par copie, comme si c'était la solution, aussi désagréable soit-elle. Apprendre à rester seul, à vivre seul, apprendre à ne pas souffrir, apprendre à accepter. Se préparer à se battre, à ne plus croire en l'homme, rester méfiant, indifférent pour ne pas être touché.
Et le réconfort apparaît, par moments, quand l'indifférence nous rend plus fort, et permet de traverser les épreuves comme si elles n'étaient que des faits banals. Et nous y prenons goût, même, à l'insensibilité et la solitude qui l'accompagne. Et nous nous préparons encore plus dans cette voie qui semble la bonne. Nous endurcissons notre corps, nous apprenons à pleurer seul, nous acceptons l'égoïsme. Nous perdons notre Dieu, petit à petit. Nous en retrouvons d'autres, au détour de chemins. Nous nous en inventons, comme si nous retracions pour soi la relation de l'homme face à l'irréel, le superstitieux, mais au final nous ne nous retrouvons que plus seul, sans Dieu, sans foi, sans rien qu'une carapace de plus en plus dure, et un sourire de plus en plus faux.
Et les années passent, et la routine s'installe, la solitude et les passions individuelles. Le mal parfois même devient une alternative, le mensonge, quand il n'y a plus de valeurs, n'a que le goût passé d'une interdiction d'anciens temps, faite par ceux-là même qui en usent à loisir désormais, tout comme ces autres principes.
Pourtant l'espoir que cette humanité, sinon présente, du moins possible, revient toujours, comme si la solitude et les buts personnels ne pouvaient faire une vie, ou apporter suffisamment de satisfaction pour regarder le passé sereinement. Et si Dieu ne revient pas, si la carapace ne s'ouvre pas, la force acquise n'en est pas moins frustrée que de ne servir qu'à se protéger, oublier les autres, et, peut-être, se dit-on finalement, la souffrance n'est pas si mauvaise que cela, et les joies ne sont pas sans peines. Alors la quête d'une autre voie, pas celle de l'aveuglement de ma jeunesse, pas plus que celle de la révolte de mon adolescence, mais l'éternel compromis entre les deux. Une voie, une philosophie, qui mènerait à la fois ma vie, mais permettrait aussi, idéalement, de servir d'exemple, ou d'aide, à d'autres. Mais tenir compte aussi bien des égoïsmes que des altruismes n'est pas chose aisée, et trouver l'équilibre sera sans doute l'éternelle question du reste de mes jours. Aimer les autres ne fait pas plus souffrir que de les ignorer, j'ai tenté les deux, et si de multiples fois je me reprochais que de ne trop croire en l'amour, ou à une relation pure et franche, il n'empêche que de nier tous sentiments n'apporte pas plus de sérénité. Toujours cette mesure, cette balance démoniaque entre nous et les autres qui nous tue à chaque mouvement... Je n'ai pas la réponse, aujourd'hui, de cette philosophie, de cette voie idéale, et chaque jour je me retrouve encore parfois seul, parfois à vouloir l'être, parfois déçu des hommes, et parfois plein d'espoir. Mais le temps passant je prends conscience que ma plus grave erreur serait de croire qu'il n'y a pas d'espoir de créer quelque chose, d'apporter quelque chose, et que cette humanité n'existe pas.
Je m'éloigne un peu du sujet, comme d'habitude, je me moque de la conclusion, il n'y en a pas, du moins pour l'instant, je verrai plus tard où tout cela peut bien mener avant de prétendre à conclure, si tant est que j'aie envie, un jour, de conclure.
12 heures 49, quelques interruptions, quelques coups de téléphone...
Je ne sais pas quelle sera la fin et pour être franc je ne m'en soucie peu, fin ou pas ce sont les moyens qui comptent. C'est le cheminement, les erreurs, les faux pas, les inquiétudes, l'espoir qui persiste, le courage, l'acharnement, la rigueur, l'innovation, les idées, qui seront retenus. Qui, après tout cela, peut bien se taper de l'oeuvre ? Montrez-moi votre savoir, vos méthodes, vos essais, c'est vous qui êtes l'oeuvre, le reste ne sont que les traces dans la neige. Les règles ne sont bonnes qu'à être bafouées, elles sont soit inutiles et évidentes, soit barrières à l'imagination. Je rêve d'un monde sans règles autres que la sagesse et la vertu, où les hommes s'exprimeront autrement que par des rapports de force, et où les puissants seront des hommes exceptionnels, purs et saints, et non le montant de leurs actifs.
Je ne sais pas quelle sera la fin mais j'espère qu'elle me mènera dans un monde où les gens s'écoutent, se comprennent, acceptent leurs erreurs et les reconnaissent. Mais avant d'espérer pour les autres il me faut espérer pour moi, il me faut trouver cette voie, cette sagesse mêlée de folie, qui me fera avancer sereinement, et qui me montrera autre chose que ces objets de pseudo-bonheur dont on m'abreuve, je ne veux pas de voyages au bout du monde, je ne veux pas d'ordinateur super puissant, je ne veux pas manger des trucs au chocolat aux 12 vitamines, je ne veux pas de voiture rouge qui reconnaît mon déodorant, et je ne veux pas que mon déodorant sente l'huile d'hévéa séchée, qu'on les laisse tranquilles, les hévéas, un peu d'odeurs artificielles me suffisent amplement... Je veux juste de la vérité, de la franchise, de la simplicité. Je veux que nous avancions pour avoir de meilleures voitures, une meilleure alimentation, une meilleure hygiène, mais je ne veux pas vivre pour cela. Je veux que nous avancions pour avancer encore plus vite, pour que chacun ait la liberté de créer, d'imaginer, pour que chacun puisse partager plus facilement, puisse apporter aux autres, et non pour exalter les individualismes et nous enfermer chacun devant notre multispécialDVD dolby multi surround avec des histoires d'amour à l'écran. Je veux que chacun vive ses propres histoires d'amour...
Mais je ne sais pas comment faire, je ne sais pas comment dire, comment changer, comment changer moi-même, comment effacer la rancoeur, comment comprendre les autres, accepter leurs goûts, leurs avis, accepter que je ne suis pas le meilleur, le plus grand ou le plus intelligent, et que beaucoup me dépassent en beaucoup de domaines. Mais c'est à moi de prouver, peut-être, que chacun peut apporter, et que l'égoïsme et l'orgueil ne sont pas que des défauts, que chacune de nos facettes peut être canalisée pour donner quelque chose, si peu soit-il.
Il est déjà un paradoxe de penser que je puisse réellement donner quelque chose et de vouloir créer une voie d'humilité. La réponse tient peut-être dans le fait que l'humilité est aussi un vice, une peur, un retranchement, et qu'il faut savoir aller de l'avant, prendre des risques, montrer ce que l'on sait pour que chacun apprenne à son tour. Aujourd'hui, et je l'espère pour toujours, l'information bouge plus librement, les idées vont et viennent, et si vous me lisez aujourd'hui c'est sûrement grâce à cela, et aussi parce que mon humilité est restée là où elle doit être. Cela ne doit pas se confondre avec trop de prétention, donner son avis n'est pas l'imposer, et ne doit pas l'être.
Fût un temps dix règles sur une caillasse suffirent à ériger des lois pour des milliers d'années. Mais ces règles tombent sous le progrès qui les rend obsolètes ou trop vagues. Que faut-il faire alors, en créer de nouvelles, toujours et sans cesse remises en question et jamais à jour, ou peut-on désigner des sages-qui-ont-la-réponse, et font la part des choses ? Les juges sont-ils cela ? Mais sur quoi sont-ils choisis, sur leur vertu, leur sagesse, leur intégrité, ou leur réussite aux concours ? Qui a le droit de choisir, qui a le droit de changer des règles, la démocratie s'essouffle quand l'indifférence apparaît, quand ceux qui font les règles sont dénigrés, ignorés, quelle légitimité gardent-ils ? Le monde va de plus en plus vite, et la démocratie absolue favorise l'immobilisme, alors où est la voie ? Qui a raison ? Qui doit dire qui a raison ? Qui écouterait un voleur, tricheur, menteur, lui dicter ce qui est bien et ce qui est mal ? Comment faire confiance quand on ne connaît pas, quand on ne sait pas ?
13 heures 59... Zazie, Larsen... Les artistes ont des réponses, parfois, et de douces mélodies... Et chacun à sa manière, apporte sa solution, mais les autres, souvent, n'entendent que la mélodie et pas les cris. Le monde n'est pas rose, nos libertés s'envolent aussi facilement qu'on zappe les images du vingt heures. Mais où donc irons-nous ? À qui est ce monde ? À nous, ou à quelques-uns ?
J'ai mangé simplement, une pêche, un morceau de cabillaud avec du pain, et un yaourt, toujours avec du pain. J'ai mangé simplement comme souvent en me disant que c'est dans la simplicité, d'une certaine façon, que se cache le bonheur. Autant les prophètes vont-ils chercher la bonne parole dans le recueillement, autant apprécier les choses simples permet de goûter chaque instant, d'appréhender le nécessaire et le superflu, et garder à l'esprit ce que sont les plaisirs, les goûts, et les couleurs. Car à trop en voir on prend le risque d'y devenir indifférent. J'ai mangé simplement peut-être aussi par paresse, cuisiner ne m'enchante guère, il est vrai. J'ai mangé simplement sûrement parce qu'il est difficile de prétendre à trouver une voie dans l'abus, l'opulence et la démesure.
La lassitude doit être sans doute une bien mauvaise chose, c'est elle qui détruit nos rêves, qui limite nos créations, qui casse nos relations. La lassitude, l'ennui, l'envie d'autre chose sans savoir quoi. A l'instant même j'ai comme un manque d'inspiration, comme si écrire ne m'intéressait plus, ou si ce que j'avais à dire restait sans importance. La lassitude est sûrement un problème à résoudre, à prendre en compte, à expliquer, à dénoncer parfois, corriger aussi. Il est sans doute légitime d'avoir quelques envies d'autre chose de temps en temps, mais pourquoi les punir ou les refouler, l'homme est curieux, aventureux, c'est sa force, alors pourquoi la lui reprocher ? Mais comment justifier cette lassitude, comment justifier, pardonner, expliquer, que tu puisses ne plus avoir envie d'être avec moi ? Ne plus avoir envie d'aller plus loin ? Comment considérer les changements de goûts comme des atouts, des qualités, quand ils nous touchent si durement ? Il ne faut pas aimer les gens parce qu'ils nous aiment, ou pour qu'ils nous aiment, mais il faut aimer les gens pour ce qu'ils sont. Mais la lassitude est sûrement ce qui nous fait avancer, ce qui nous fait inventer, ce qui nous fait progresser. Quelle cruauté de ne plus être qu'une lumière du passé...
Il est dur d'accepter de ne pas être l'autre tant recherché, de ne plus l'être. Il est dur d'être imparfait, faillible. Il est dur de rester seul. Il est dur de ne pas être égoïste.
C'est malgré tout ainsi que nous sommes, chacun cherchant ce qu'il ne trouvera sans doute jamais. Mais la rancune n'aide en rien, et pas plus que je n'en veux, et n'accepte d'en vouloir, à mes amours qui sont parties loin, je n'aimerais que l'on me reproche ma soif de découvertes, d'aventures... Les autres sont une ressource précieuse, et si l'étouffement de nos villes nous rend souvent seul, il n'empêche qu'il est beau de faire un peu de route ensemble, et que même s'il m'est dur d'imaginer que ma longue route aura un intérêt pour d'autres que moi, je n'en ai pas moins l'espoir que de leur montrer quelques directions.
15 heures 33 minutes 33 secondes, et bien, que de réconfort que de voir passer de temps en temps la pureté... Aussi imaginaire soit-elle.
Tout est si compliqué, tout est si difficile, entre la vie, les envies, les principes, les choses à faire, à ne pas faire, les autres... Tout ce qui a déjà été fait ? Comment rivaliser avec des millénaires de sagesse, de folie, de religion, d'illusion, de prières, de bien et de mal ? Quelle voie montrer, quelle voie espérer pour ces milliards de personnes aussi perdues les unes que les autres. Faire le bien, quel bien ? Être solidaire ? Est-ce que je suis solidaire quand j'ignore tous les sans domicile fixe que je trouve sur le trajet vers mon travail ? Suis-je solidaire quand je ferme les yeux, quand je me repose ? Ne pas mentir ? Ne pas voler, ne pas tuer, ne pas faire ceci, ne pas faire cela, faire sa prière, manger équilibré, faire du sport, payer ses impôts, attendre la sonnerie avant d'avancer... Les hommes créent des lois pour des choses qui ne sont pas des hommes, les hommes créent des lois pour des Dieux. La loi est une foutaise, l'équilibre social ne tiendra jamais très longtemps dès que les gens sauront, voudront, accéderont à l'information de manière uniforme. Les lois sont des foutaises qui ne feront que rendre les choses plus difficiles. Les lois sont tellement des foutaises qu'il faut des avocats par pelletées et des millions pour prouver que l'on a raison. Mais qu'est-ce que ce monde ? Quel est ce monde ou le bien et le mal se jouent dans les tribunaux ? Les lois sont des foutaises, et c'est la raison pour laquelle ceux qui les connaissent les transgressent, et ceux qui les respectent les subissent.
Le bien et le mal n'est pas une question d'argent, c'est une question de vertu et de sagesse, et jamais dans toute l'Histoire l'on m'a conté que celles-ci s'achetaient.
Les intérêts détruisent tout, emportent avec eux toute l'humanité qu'il resterait à notre pauvre monde...
Les philosophes au pouvoir.
L'utopie a-t-elle plus d'invraisemblance que de marcher sur la Lune ?
Mardi 21 août 2001
Mardi 21 Août 2001, 8 heures 57, lever réussi, reste à espérer que le reste de la journée sera de même. Le matin est un moment finalement très particulier, où l'on a encore espoir que la journée sera profitable, où on s'énumère toutes les choses que l'on va faire, ou au moins que l'on doit faire. Je ne sais plus trop où j'avais lu ou vu que chaque journée se résume un peu comme une vie, le matin avec les illusions et les rêves, le soir avec la nostalgie, la fatigue, et tout ce que l'on n'a pas accompli.
Je trouve qu'il est dur de faire de chaque journée la pierre supplémentaire à l'édifice, qu'il est dur de faire avancer chaque jour un peu les choses et de le sentir, et de ne pas simplement presque passer le temps sans chercher autre chose que le soir et le repos. C'est peut-être parce que nos journées sont tellement remplies de banalités et d'automatismes que nous n'arrivons même plus à penser à quelque chose de grand, et que nous nous contentons de nous réciter dans l'ordre la succession des étapes, lever, lire ses mails, faire un peu de sport, déjeuner, aller au travail, regarder les nouvelles du jour, aller dire bonjour, se mettre au courant, et il est déjà midi voire plus, manger, travailler, enfin, sans perdre le regard sur le monde, sur ses mails qui arrivent par dizaines, les coups de fil, les nouvelles qui tombent... Peut-être serait-il plus profitable que l'on s'enferme, quelques heures, tous les jours, pour vraiment avoir l'esprit à créer, sans être dérangé, avancer par nous-mêmes, avoir le calme et un peu de temps pour regarder les choses... Même si l'urgence nous fait sûrement avancer plus vite, ce n'est peut-être pas le meilleur moyen pour trouver une bonne solution, et prendre un peu de recul.
Mercredi 22 août 2001
Mercredi 22 Août 2001, 8 heures 27, moins dormi, moins rêvé.
Les jours passent si vite que je n'ai le temps d'intégrer, digérer, ce que j'y fais, ce que j'y apprends. Nous vivons dans un monde qui se précipite, où il faut tout faire, voir, dire, connaître, le plus rapidement possible. Pas étonnant que les gens se lassent des choses, que tu te lasses de moi, si vite...
Mais cela est une bonne chose, je pense, qui n'est dangereuse que si nous ne prenons pas le recul suffisant pour faire la part des choses entre ce qui doit être fait rapidement et progresser vite, et ce qui doit prendre du temps et se construire petit à petit.
L'ordre viendra avec le temps, en répétant, en repensant les choses. L'ordre viendra plus tard, quand j'aurai fait le tour de la question. L'ordre viendra plus tard, quand le désordre aura fait son oeuvre.
Il est dur d'essayer de décrire comment trouver une voie, et je comprends à quel point il est facile, indispensable même, de se faire passer pour Dieu pour l'écrire. Les hommes croient rarement les autres hommes, mais qu'ont-ils à reprocher à Dieu ? Et comment le pourraient-ils ? Avec du recul, et un peu d'expérience on comprend beaucoup de choses. Et je comprends à présent que la création d'un Dieu était indispensable, pour que les hommes le suivent.
Mais l'humanité grandira-t-elle au point, un jour, de faire confiance à de simples hommes, apprendra-t-elle à faire la part des choses entre le bien et le mal elle-même ? C'est peut-être la gageure en laquelle je crois.
J'essaie d'apprendre à économiser l'eau, à ne pas laisser couler le robinet inutilement, à couper l'eau sous la douche, et à me dire à chaque petite quantité d'eau perdue, qu'elle l'est peut-être pour toujours, qu'elle l'est peut-être pour beaucoup, et à me dire à chaque petite quantité d'eau que je n'utilise pas, que j'économise, qu'elle est peut-être gagnée pour d'autres, peut-être gagnée pour la Terre. C'est sûrement ridicule, insignifiant, mais j'ai un peu de bonheur, de plaisir, de satisfaction à chaque petit effort que je fais. Il y a sûrement beaucoup à faire, et j'ai sans aucun doute d'extrêmement mauvaises habitudes de respect de la nature et des autres, mais j'espère, petit à petit, apprendre à profiter de ce que j'ai, et l'économiser. Autant le plaisir d'un bain chaud peut-il exister, autant chaque petit effort pour que ce plaisir puisse continuer, de temps en temps, pas très souvent, à exister, est aussi un moment de plaisir, peut-être plus pur, peut-être plus sain.
Jeudi 23 août 2001
Jeudi 23 Août 2001, 8 heures 20, à croire que je me lève de plus en plus tôt.
J'aime bien écouter un peu de musique en écrivant, plutôt de la musique douce, calme, qui arrête un peu le temps. Il est vrai que l'écriture est un peu un moyen de se confronter à l'éternité, et mérite bien un peu plus d'attention et d'abandon. Je ne sais pas si vouloir rendre les choses éternelles est une source de bonheur, mais cela rend les futilités de la vie quotidienne plus anodines, et permet de regarder le futur avec l'espoir que ce que l'on fait, peut-être, un petit peu, restera pour quelque temps, au moins. Chacun a ses mots à dire, chacun a son histoire, et beaucoup doivent avoir des expériences plus intéressantes que ma triste vie, mais peut-être n'ont-ils pas l'opportunité d'écrire, de dire, de faire, alors un peu en les regardant j'en absorbe quelques idées qui ressortiront un jour ou l'autre.
Une grande interrogation que je me pose concernant le bonheur, la philosophie de la vie, la voie à suivre, est la part des choses entre les erreurs et la conscience, entre le raisonnable et le dément, entre le vice et la vertu. Je suis fait d'envies autant louables que critiquables, et je ne pense pas que tout un chacun puisse réellement trouver la voie sur un chemin où il n'y a que souffrance et dévouement. Nous sommes un peu égoïstes, nous sommes un petit peu fainéants. Mais comment faire la part des choses, où mettre la limite ? Ai-je le droit de te voir ? Dois-je attendre, faire mes preuves, construire quelque chose, te gagner, te mériter, ou puis-je simplement tendre la main ? La voie se trouve peut-être dans un fin dosage de la difficulté à atteindre le plaisir, à le mériter. Le bon sens commun nous rend assez réceptifs au bien et au mal, à l'égoïsme et à l'altruisme, peut-être que de faire un peu de bien aux autres avant de se faire un plaisir plus personnel, avant d'aller au cinéma, avant de manger une pâtisserie, rendrait ces choses tellement plus savoureuses.
Je travaille dans une entreprise qui fait du logiciel libre. C'est-à-dire dont le code source est disponible, et dont la diffusion et la redistribution sont libres et autorisées, gratuitement ou pas. Je ne sais pas si c'est le bien, mais l'idée de partager son travail, de le rendre accessible, et de demander à ceux qui en ont les moyens, ou à ceux qui ont un besoin particulier, de me donner un peu d'argent pour que je puisse continuer, me paraît séduisante et plus conforme à une certaine forme de franchise entre moi et les personnes qui utilisent ce que je fais. Elles ne sont pas trahies, ou trompées, elles peuvent essayer, utiliser, profiter, et choisir, après cela, de considérer que c'est du bon ou du mauvais travail, et de faire une contribution en achetant une version, ou en faisant un don. Internet va tout changer, vous ne le voyez peut-être pas, ce n'est peut-être pour vous qu'un tuyau à sites Web de vente en ligne, ou une infamie de plus de l'ingérence publicitaire sur votre propre bureau, mais c'est beaucoup plus que cela, c'est le lien direct entre créateurs, c'est l'abstraction de l'apparence physique des idées, des musiques, des chansons. C'est ce qui fera que vous pourrez enfin payer pour une chanson ou une histoire, et non pas pour du plastique et du papier ; c'est ce qui fera que chacun devra devenir créateur, artiste, peintre, musicien, et non plus avocat, businessman, publicitaire. C'est ce qui détruira ces empires de pouvoir que sont les maisons de disques, et qui décident de vos goûts et de la tendance du moment, c'est ce qui fera que vous payerez la création, uniquement. Mais il faut peut-être jouer un peu le jeu, alors si vous avez d'ores et déjà des habitudes faites de mp3, de napster ou de gnutella, de temps en temps, écrivez une lettre à votre chanteur favori en expliquant que ce qu'il fait vous plaît, et joignez-y un peu d'argent, il n'aurait pas touché beaucoup plus, de toutes les manières, si vous aviez acheté son disque.
Samedi 24 août 2001
Samedi 24 août 2001, 11 heures 41. Le Soleil brille, le monde tourne, mais où est-ce que je vais vraiment ? Le temps passe et s'en va et je souffre comme je m'amuse. Il est dur de faire confiance, il est dur de croire, il est tellement dur de ne pas savoir, et de devoir se rassurer, s'inventer des histoires, des raisons... La révolte est un choix facile. Où êtes-vous quand vous êtes loin de moi ? Que faites-vous, pensez-vous encore à moi ? L'égoïsme tue, tout autant que l'orgueil, la peur de ne pas être reconnu, de ne pas être aimé. Mais que m'importe, finalement, si tu m'aimes ? Qu'y gagnerai-je, irai-je plus loin, serai-je plus fort, ou perdrai-je mes forces dans des efforts vains ? Tous ces instants où je ne veux que te serrer dans mes bras ne seraient-ils pas mieux utilisés à construire autre chose, à aider d'autres gens ? Mais peut-on aider d'autres gens par simple dévouement, peut-on apporter l'amour sans le connaître ? Peut-on comprendre la souffrance si on ne la ressent pas soi-même ? Le mal est nécessaire en cela qu'il nous donne la force de l'appréhender.
La tristesse est indispensable, c'est un peu comme la nuit. Il n'y aurait pas de jour s'il n'y avait pas de nuit. Elle est peut-être même plus forte que la joie, car du désespoir naît la force de le combattre, d'avancer, de changer les choses. Au contraire, qui voudrait changer le bonheur ? Qui voudrait prendre le risque de tuer sa joie ? C'est souvent de cette tristesse que la force vient, que l'espoir existe, que la volonté se forge. Pleurer de temps en temps c'est comme se reposer après un long combat, cela donne des forces, cela donne de quoi repartir, recréer la volonté.
11 heures 58, le Soleil brille.
L'homme a besoin d'être triste, de temps en temps. Tout le monde est triste, à un moment ou à un autre. Le refuser, le cacher, ne pas le reconnaître revient à refuser sa nature.
Mais en quoi retrouver la force et l'espoir, quelle est cette voie qui fera se relever encore et encore, quel est ce but qui donne pour toujours la volonté de ne jamais céder, ne jamais baisser les bras ? Qu'attendre du futur, qu'en vouloir ? Que m'importe le bonheur des autres, finalement ? Le mien y est-il si intimement lié ?
12 heures 13, le Soleil brille toujours, et les réponses et les questions vont et viennent.
La satisfaction d'essayer de faire de son mieux, de ne pas trahir, de ne pas avoir de rancune, de ne pas faire des choses par vengeance, est une joie qui, si elle n'est sûrement pas intense, apporte cette sérénité permettant de regarder en arrière, peut-être pas sans rien à se reprocher, mais au moins sans trop de remords...
12 heures 37, le temps me manque, la force de ne pas s'arrêter. Le temps me manque. Je ne t'oublie pas, et le temps me manque. Le Soleil brille pourtant, sûrement encore pour quelque temps, mais qui sait ? Quelles sont nos erreurs, nos faiblesses ? Combien de temps cela tiendra-t-il encore ? Les choses peuvent-elles réellement changer ? Que puis-je faire, que fais-je ? Qui m'écoutera, qui me croira ? Et ne suis-je qu'une âme perdue parmi tant d'autres ? Mais qu'importe, qu'importe après tout la vérité, personne ne l'aura jamais.
Me faut-il vraiment être seul pour voir cela, pour avancer, pour ne pas perdre de temps. Me faut-il vraiment être seul pour comprendre votre détresse. Le Soleil brille. J'ai peur, tellement peur que tout cela ne porte jamais ses fruits, que mes faiblesses, mes défauts, mon égoïsme, ne me laissent couché à terre alors qu'il me faut tellement de force. Dois-je perdre mon sang, dois-je tuer mes envies, mes plaisirs, mes vices, pour espérer être quelque chose, pour être écouté ? Mais qui écoute la perfection, je ne l'écoute pas, elle n'est pas moi, ne le sera jamais, à quoi bon ?
Peut-être me faut il un bourreau, peut-être me faut-il être puni pour comprendre. Peut-être que dans l'aisance ne naît que la futilité, que je ne comprendrai jamais votre détresse dans mon monde de luxe et de facilité, dans mon quotidien d'une routine aisée.
Peut-être que j'ai besoin de vous, peut-être que jamais sans vous rien de bon ne sortira de moi...
La trace du présent souvent s'enfonce dans le flou à trop s'y accrocher comme si on ne voulait que jamais les choses ne changent, mais les choses changent, tout s'envole. Faire son temps mais pas plus, savoir mettre un terme, apprendre à arrêter à temps... Pourtant tant de choses sont éternelles que toujours on croit pouvoir faire durer l'instant pour longtemps. Mais l'instant passe, les gens se lassent...
Mardi 4 septembre 2001
Mardi 4 septembre, 8 heures 34. La rentrée. Un peu de nostalgie de mon passé d'étudiant, modérément toutefois, la nostalgie n'apporte pas grand chose, et je préfère le présent. Les choses changent et c'est tant mieux, on se lasse même parfois du bonheur et c'est bien dans le sens où l'on n'avancerait pas dans le cas contraire. Les choses changent et c'est tant mieux, alors pourquoi regretter ? Les choses changent et j'évolue, j'apprends, je grandis, plus trop physiquement, certes, la soupe n'a jamais été mon truc étant jeune, mais peut-être un peu par l'expérience, la connaissance du monde. Les choses changent et tu t'en vas. Mais je ne sais pas si c'est mieux, je l'ai cru souvent, parce qu'il y a toujours mieux ailleurs, parce qu'on gagne à devenir plus fort quand on souffre, parce que la solitude est une force, et pour peut-être d'autres raisons, mais peut-on vraiment toujours trouver mieux ? A-t-on vraiment toujours le temps, en une vie, de ne faire que toujours aller de droite à gauche ? N'est-il pas plus intelligent de faire avec ce que l'on a ? La quête de la perfection est sans fin, heureusement... Mais il se peut que chacun soit beaucoup trop perdu pour ne même que tenter d'aller quelque part, éventuellement pas très loin. Serait-il plus important de d'abord trouver sa voie avant de la faire partager ? Mais peut-on la trouver seul, sa voie ?
Mercredi 5 septembre 2001
Journée pas trop mal commencée, la forme, le moral, on ne pense pas trop, en tous les cas on arrive à ne pas y penser, à se concentrer sur autre chose, à regarder devant, loin, à se sentir prêt à avancer. Un peu de sport, un peu de temps pour soi. Toujours le moral. Les broutilles arrivent, panne de connexion à Internet, pas grave, pars plus tôt au boulot aucun problème, toujours le moral. Un peu de liberté, un peu d'oubli de l'oppression habituelle. Le bruit, les gens, les questions, encore le bruit, encore des questions, mauvaises nouvelles, choses à faire, perte de temps, perte de soi, donner du temps pour rien, tout ce temps qu'on donne sans jamais rien en retour, du bien et du mal, et encore ce bruit, mais ne pourra-t-on jamais être un peu tranquille ? Qu'une envie de partir, de tout foutre en l'air, plus de moral, plus jamais, qu'est-ce qu'on doit faire, qu'est-ce que l'on doit accepter, supporter, supporter et encore supporter, je n'en peux plus...
Elle est où la voie, il est où le calme ? Il n'y en a pas, quand on n'en peut plus, quand c'est trop, pas de sérénité qui tienne, pas de maîtrise de soi, pourquoi est-ce que je ne peux pas partir, au moins aujourd'hui, rien qu'aujourd'hui, pourquoi vous me parlez, cela ne m'intéresse pas, cela ne m'intéresse plus, laissez-moi un peu...
Envie de taper, envie de crier, et de crier encore plus fort, de courir, de partir, de mourir, tout mais pas ici, pas ailleurs d'ailleurs, nulle part, un peu plus loin, plus seul, plus calme... Point de voie qui ne tienne dans la colère, quand les nerfs lâchent, quand la volonté s'envole, quand les yeux brûlent, plus de force, plus de courage... Que doit-on faire dans ces moments ? Doit-on partir, rester, se contenir, oublier, pleurer ? Que doit-on faire, que pourra-t-on donner comme conseil ?
Journée bien commencée n'est pas encore terminée.
Rentré tard, encore. Téléphone, encore. Tout cela pour ne retrouver qu'un retour en arrière, qu'un retour en arrière... Y a-t-il vraiment un réconfort, quand on va mal, quand même un moral et une volonté se font balayer par le martèlement incessant des coups du temps, de la journée, des gens, des choses ?... Peut-être l'accepter, savoir que certains jours sont plus durs, certaines périodes plus difficiles à franchir, peut-être apprendre à se connaître pour prendre ses vacances au bon moment, pour savoir se reposer quand il le faut, pour savoir encaisser le contrecoup...
Juste un peu de calme, un peu de ciel bleu, un peu de mes montagnes à l'horizon, et quelques rayons de mon Soleil, juste un peu de calme... Les choses les plus simples, les plus indispensables, les plus belles, ne se font que détruire par ce progrès factice qui nous rend seul et triste...
Juste un peu de calme, un peu de paix...
Samedi 8 septembre 2001
Samedi 8 septembre 2001, 11 heures 43, journée déjà bien entamée, presqu'à moitié, en réalité. Pourtant rien jusqu'à maintenant que quelques routinières tâches. Si chaque journée de moitié la routine s'est déjà installée, est-ce que cela veut dire que ma vie est déjà consommée à moitié, et qu'il ne me reste qu'une autre moitié de liberté ? Ne devrait-on pas laisser ces choses routinières pour plus tard, quand l'imagination se fatigue, quand la volonté s'essouffle ? Mais l'esprit s'amuse à se concentrer sur l'insignifiant, sur le frigo presque vide, sur le linge sale qui s'accumule... Qu'importe cela à côté de la soif d'apprendre et d'avancer ? Il faut passer du temps à se connaître pour s'économiser, et pour profiter de ses moments de force, pour ne pas les gâcher dans le futile, et les consacrer à l'éternité.
Faire des choses régulièrement, c'est à la fois se décharger du besoin d'y penser, parce que les courses seront faites et la baignoire nettoyée, mais c'est aussi prendre le risque de les rendre prépondérantes par rapport à des choses plus importantes. Il est aussi agréable de ne jamais se soucier de détails de la vie quotidienne, pour se consacrer à des affaires plus passionnantes, que désagréable de n'être préparé à un déséquilibre passager, parce que c'est jour de fête, parce que la clé n'est pas où elle devrait être, parce que le garage a fermé, ou parce que la connexion internet est coupée. Je pense qu'il est utile d'acquérir certains réflexes, ou habitudes, de toujours fermer la porte sans poignée avec la clé, pour ne pas rester coincé, de garder un paquet de Kellogs K d'avance, en cas de pénurie nationale, pour éviter la panique. Mais il est aussi bon de se confronter de temps en temps à une cassure de l'équilibre, de changer ses habitudes, de ne plus mettre le portefeuille dans la poche gauche mais la droite, de ne plus prendre le courrier avant de sortir les poubelles mais après, de ne plus lire ses mails en arrivant au boulot mais deux heures plus tard... Cela permet de voir, petit à petit, de nouvelles façons de travailler, de voir les gens, de voir les choses, de voir la vie...
Dimanche 9 septembre 2001
Ce doit être une belle journée, un neuf neuf, et aussi infantile puisse être de se laisser influencer par d'aussi insignifiantes choses que des chiffres sur un calendrier, aujourd'hui sera une bonne journée, j'en décide ! Un beau ciel bleu ce matin, un doux Soleil pendant mon footing, pas trop de pollution encore. Un peu de flemme en ce dimanche matin, aussi. Dimanche 9 septembre 2001, donc, 10 heures 34. C'est peut-être parce que je vais décrire un de mes plus grands secrets, une recette magique, extraordinaire presque, faramineuse à la limite. Ce n'est pas compliqué juste du maïs mélangé avec du maquereau à la sauce moutarde et voilà c'est fini. Redoutable, n'est-il pas ? Bien sûr il faut manger cela avec un pain de seigle Poilâne un peu rassi réchauffé quelques secondes au micro-ondes. Bien sûr... Soif d'un peu de sucré-salé et vous y rajouterez quelques morceaux de pomme Granny-Smith. Les choses simples sont compliquées.
Le monde est autant fait de petites que de grandes choses, et l'insignifiant intimement se mêle au grandiose pour laisser, chaque jour un peu plus de savoir, d'expérience, de joie, à tous ceux qui viendront après. Cela me rappelle une citation, je ne sais plus vraiment la formulation exacte, mais elle ressemblait à : "Il est aussi grand, pour l'amour de Dieu, d'éplucher chaque jour ses patates, que de construire des cathédrales". Que choisirais-je, entre la cathédrale de Notre-Dame, et un baiser chaque jour de mon aimée ?
Lundi 10 septembre 2001
Encore faut-il avoir une aimée. Et ce n'est pas chose si facile, que de même le savoir, à force des vents et marées qui érodent tout, qui rendent ces instants plats et ternes. L'Amour va et vient, et aimer pour la vie n'est peut-être qu'un rêve, une quête sans espoir. Mais qu'importe après tout, c'est bien ces causes sans espoir qui sont les plus belles, et qu'ai-je à faire de l'impossible ?
Une nouvelle semaine qui commence, une semaine chargée, certainement, mais c'est dans l'urgence et le stress qu'on trouve le plus de plaisir. C'est dans les situations difficiles que l'on trouve plus vite des solutions, c'est devant le danger que l'instinct de survie se met en route, c'est quand la panique s'installe qu'on a la chance de pouvoir toucher du doigt le temps qui passe.
Lundi 10 septembre 2001, 8 heures 45, frais matin parisien ; pour la saison, s'entend.
Un petit peu froid et un petit peu faim. Garder les notions de l'existence et du besoin. Ne pas se laisser aller à la facilité. Il est dur de résister à son plat favori, il est dur de résister à tourner le bouton du chauffage. Toutefois, un jour, l'idée que cela nous rende plus fort, qu'étrangement aucun rhume de l'hiver, ou pas de panique en cas de coupure d'eau chaude, pas de problème de cholestérol, pas de problème de poids, pas de problème de caries. Après c'est une question d'organisation, un peu comme si le plaisir se répartissait en quantité limitée, finie. Quelques petits efforts et sacrifices aujourd'hui, quelques soifs de plaisirs simples, ou plus espacés, et j'en profiterai d'autant plus, et d'autant plus longtemps.
La facilité est un mal qui me tue, et je n'accepte plus de l'aimer, d'aimer avoir chaud, de t'aimer toi, si tu n'es pas ce que je veux, je veux la lutte, la distance, la souffrance, l'effort, je veux juste passer du temps à construire, passer du temps pour trouver, passer du temps à t'attendre si tu ne veux pas de moi, passer du temps à être plus si je ne suis pas assez, passer du temps à devenir si je ne suis pas encore...
Mercredi 12 septembre 2001
Mercredi 12 septembre 2001, lendemain du 11 septembre. Les hommes se battent et meurent pour des causes, des causes qui sont créées, inventées. Ne croyez pas ce qu'on vous dit, ne croyez pas ceux qui vous montrent les méchants. Les ennemis des hommes, ce sont la misère et le désespoir, ce sont eux qui créent les guerres, qui créent la mort, qui créent la haine. Si vous avez besoin d'un ennemi, d'un responsable, d'un coupable, que ce soit cette misère, et si vous devez mourir pour une cause, que ce soit pour la combattre.
Lundi 17 septembre 2001
L'automne arrive, plus que quelques jours, déjà la fraîcheur du matin est au rendez-vous. Lente descente vers les jours pleins de nuit, vers cet hiver, ce froid dont on ne sait jamais si on va en réchapper. Point d'amertume non, car pas de plaisir plus grand que voir de nouveau les jours grandir, petit à petit, et de voir un nouveau printemps, une nouvelle vie qui naît, et le Soleil qui revient.
Lundi 17 Septembre 2001, j'hésite entre laisser tels quels mes dires, ou retravailler, censurer, reformuler, changer un jour qui n'est plus le bon ce que le passé m'inspira.
Samedi 29 septembre 2001
Le monde est dur, il nous frappe souvent. Le monde est dur et impatient, le monde est dur et impassible. Il nous faut être forts et susceptibles, doux et résistants. Le monde est dur et nous rend ainsi. Indifférents jour après jour. Les choses nous touchent moins, la lassitude toujours, lassitude des autres, de leur violence, de leur absence, de leurs faiblesses, de leurs humeurs. Que de se battre pour construire, que de se battre pour d'autres. Où sont ces causes, où sont ces amours, où sont ces vies sans solitude ? Sensibilité tu t'envoles, reste encore un peu. Sensibilité, encore quelques pleurs. Avant que tout ne s'affadisse. Laisse-moi souffrir encore un peu du mal qu'ils me font, du mal qu'elle me fait.
Point de faiblesses, point de retard, point d'attente. Aller de l'avant sans attendre, sans comprendre, sans espérer. Rendre les autres des contraintes, des rendez-vous, du temps perdu, du temps passé, du temps gâché. La force est-elle vraiment, dans l'insensibilité ?
Samedi 29 Septembre 2001, Mandrake Linux 8.1 terminée, pour l'instant tout du moins. 8 heures 30, le temps de reprendre un peu ses esprits le matin grandissant. Mais les efforts sont récompensés, le dévouement, les concessions, la volonté, ne sont pas inutiles, les efforts sont récompensés.
Samedi 20 octobre 2001
Un peu de temps qui passe, un peu de recul qui s'accumule. Samedi 20 octobre 2001. Il pleut sur la ville comme il pleut sur mon coeur, citation dont je ne connais pas l'auteur qui correspond si bien à cette journée.
Ylraw Stycchia jour 121 - jour 182
Cent vingt-et-unième jour, Pénoplée vient de nous apprendre que nous aurons désormais chacun notre propre chalet, avec seulement un contrôle minimal mais sans aucune barrière. Tout en sachant que le contrôle est plus lié à notre sécurité dans la mesure où nous n'avons pas de bracelet pour vérifier notre état physique. Nous emménageons donc dans deux petits chalets côte à côte, tout proches de la salle des conseils, près du chalet de Guerd, la copine d'Erik.
Notre déménagement ne fut pas très compliqué, dans la mesure où nous n'avions aucune affaire, même pas d'habits. Les vêtements nous sont mis à disposition via un générateur, une sorte de grosse armoire dans la chambre, d'où nous choisissons une tenue nous convenant. Nous avons certaines limitations dans la mesure où nous ne possédons pas de bracelet, mais cette contrainte n'est pas très problématique vu ma passion de la mode. L'armoire possède tout de même un système qui vaut la peine d'être noté, à savoir qu'elle nous projette une image mentale de nous-mêmes portant l'habit sélectionné, ce qui permet de se rendre compte du rendu. Elle donne de plus quelques conseils au regard de la météo du jour et des activités que nous prévoyons. C'est impressionnant à quel point tout communique. Tout est centralisé dans ce ou celui que j'appelle "Chalet", qui est le nom, original, que j'ai trouvé pour mon logis. Chalet me donne des conseils sur quoi manger, comment m'habiller, s'il trouve que je suis fatigué, énervé, triste... C'est plutôt amusant, d'avoir quelqu'un avec qui discuter. Mais nous avons là aussi de par notre status certaines limitations, le chalet, n'ayant pas notre trace vu que nous ne possédons pas de bracelet, refusera de nous renseigner sur nombre de choses.
Mais pour toutes ces choses j'ai une conseillère bien plus sexy, à savoir Pénoplée. Je suis un peu désorienté par sa capacité à prévoir bon nombre de mes actions, encore une astuce du bracelet, mais cette contrainte ne fait que pimenter l'affaire. Pénoplée me rejoint une petite heure après que j'ai intégré mon nouveau logis. Leur unité de temps est aussi étrange que la notre, elle correspond à la durée du jour d'Adama, découpé en trente-six périodes, qui correspondent à un petit peu moins que nos heures. Chacune de ces périodes est elle-même découpée en six périodes, puis en six autres, et ainsi de suite. C'est un peu la même idée que leurs grands et petits sixième pour le découpage de l'année. Leur base six rend les choses un vrai casse-tête à comprendre, c'est largement pire que le passage à l'Euro. D'autant que pour simplifier les choses le jour de Stycchia est plus court de plusieurs heures au jour officiel d'Adama, et qu'il parle indifferemment de l'un ou de l'autre suivant leur interlocuteur. Donner rendez-vous dans trois jours ou à une date donnée à une personne est ainsi une tâche bien plus complexe qu'il n'y parait, impossible même sans le bracelet. Bien sûr la durée de l'année sur Stycchia est différente de celle d'Adama. Heureusement que le bracelet rassemble de manière graphique tous ces calendriers pour nous aider un peu à nous y retrouver, même si je ne sais pas encore lire leur écriture. Mais je tenterai de conserver une conversion en unité de temps terrestre, pour avoir un tout cohérent, de toute manière autant le prix des carottes est concevable en euros, autant la durée des préliminaires optimale avec leur système temporel c'est a en perdre toute motivation.
- Ça y est, tu t'es installé, tu as fait un tour ?
- Oui, c'est pas très grand mais sympathique.
- Tu as discuté avec l'appartement ?
- Avec "Chalet", oui.
J'emploie "chalet" en Français, et comme nous parlons sa langue, ce mot ne veut rien dire pour elle.
- "Chalet" ? C'est un nom de ton monde ?
- Oui, de ma langue plus précisément, car Erik et moi n'avons pas la même langue maternelle, en "français", la "France" étant le nom du "pays", je ne sais pas comment dire ça, d'où je viens, "chalet" veut dire chalet.
- Votre monde est divisé en plusieurs petites parties appelées "pays" ? À quoi cela vous sert-il ? Et ce n'est pas un peu compliqué que vous parliez des langues différentes ? C'est pour vous forcer à apprendre plusieurs langues de la même façon que nous obligeons les enfants à le faire ?
- Hum, et bien ce n'est pas vraiment voulu, il se trouve que chaque peuple s'est structuré de lui-même en petit groupe avec ses propres coutumes et langages, et que par la suite ces groupes donnèrent naissance à la notion de pays, et que nous sommes toujours dans cette phase. Toutefois il est à prévoir que cette subdivision devienne obsolète à un moment où à un autre.
Je réfléchis un instant.
- Mais c'est tout de même étrange que tu ne trouves aucune information sur ma planète.
- Ce que je crois c'est que tu viens de l'au-delà. Que les vaisseaux partis il y a si longtemps se sont éparpillés et que certains, peut-être, se sont posés sur des planètes accueillantes et de là leurs passagers ont fondé de nouvelles civilisations.
- Ça se tient. La Terre serait une des planètes où sont atterris les hommes de l'Au-delà, et ils auraient alors créé les bases d'une nouvelle société. Plus précisément une partie de ces hommes seraient toujours présents sur Terre grâce aux téléporteurs qui maintenaient leur jeunesse. Ça expliquerait pourquoi les gens appartenant à ce que j'appelais l'organisation parlaient une langue bizarre et avaient presque tous une apparence jeune. Cette hypothèse conforte aussi la thèse que les cahiers que j'avais trouvés avaient bien été écrits par la même personne.
- C'est quoi cette histoire d'organisation et de cahiers ?
J'explique brièvement mon aventure terrestre à Pénoplée, ma vie, le bracelet, ma course à travers le monde, les cahiers... Cependant elle réfléchit un instant et casse ma belle théorie.
- Mais il y a un truc qui ne colle pas. Les hommes de l'Au-delà ne sont partis d'ici il n'y a que mille quatre cents ans environ.
Je comprends mon erreur et fais la moue.
- Aaah... C'est vrai tu as raison. Tu crois que des artificiels auraient pu inventer et laisser assez de fausses traces pour faire croire à une histoire de plusieurs milliers d'années ?
- Oui ça ne pose pas de problèmes particuliers, les artificiels sont capables d'à peu près n'importe quoi avec leurs générateurs à fusion du moment qu'ils ont une source d'énergie suffisante. Mais ça n'explique pas pourquoi ils auraient créé une histoire de toute pièce et placé des millions de personnes avec la mémoire préformatée pour leur faire croire qu'ils habitaient cette planète depuis des milliers d'années. Les hommes de l'Au-delà voulaient créer une nouvelle civilisation, il ne fait pas de doute là-dessus, mais quel intérêt de le faire artificiellement ?
- Peut-être voulaient-ils gagner du temps, aller plus vite, arriver directement à l'ère industrielle ?
- Ce n'est pas impossible, mais je trouve que cette théorie ne colle pas, ce n'est pas logique. Pourquoi ne pas partir du niveau auquel ils étaient alors ?
- Je ne sais pas. Peut-être alors que cette planète était déjà habitée par des hommes, et qu'ils sont arrivés ensuite.
- C'est peut-être plus cohérent et encore, d'où venait les hommes qui l'habitaient ? Nous sommes apparus sur Adama, et il n'y a pas trace d'expéditions habitées vers l'Au-delà plus de deux milles ans en arrière.
- Peut-être n'avez-vous pas ces informations. Ne serait-il pas possible tout de même que des vaisseaux habités, il y a de ça dix ou vingt milles ans, soient partis d'Adama et aient finalement atterri sur la Terre ?
- Oui après tout, c'est possible, mais cette hypothèse ne me convainc qu'à moitié et reste très suspecte.
- Qui pourrait nous renseigner là dessus ?
- J'avoue que si le bracelet ne me donne rien, c'est assez difficile à dire. Peut-être une découverte gardée secrète, mais ce serait bien étrange, rien n'est secret ici.
- Ou tout du moins le croyez-vous.
- Oui, certes, c'est toujours plus facile de remettre en cause quelque chose qui ne nous apporte pas la solution immédiatement que de la chercher vraiment.
- Est-ce que ça veut dire que je ne pourrais plus jamais retourner sur la Terre ?
- "Jamais" est une notion bien particulière ici, donc l'espoir n'est pas vain, toutefois si tu viens bien de l'Au-delà, ce sera sans doute très long et difficile de retrouver ton chemin. Mais tout ne tombe pas si mal, tu es presque éternel désormais...
- Génial, et quand finalement dans vingt mille ans je retrouverai la Terre, trois guerres nucléaires seront passés par là, et je ne retrouverai que deux ou trois mutants à trois yeux sous des cendres radioactives...
- Vous êtes donc un peuple si guerrier ?
- Guerrier je ne sais pas, orgueilleux et inconscient sans doute...
Je suis bien perplexe... Je reste silencieux un instant, pensant à toutes les conséquences de cette situation sur ma vie, avec tous mes repères, combats, idée, envies, qui deviennent obsoletes... Je pense tout haut :
- Toutes ces choses sont bien étranges cela dit, que vais-je bien pouvoir faire ? Rester ici pour toujours ?
- Pour un moment sans doute, pour toujours c'est moins sûr. Quoiqu'il en soit il faudra bien que nous portions votre découverte à la connaissance d'autres personnes si nous n'arrivons pas à élucider ce mystère nous-mêmes. De plus à partir du moment où vous vous trouvez dans la Congrégation, il faudra bien statuer sur votre cas. La situation étant ce qu'elle est, pour espérer entreprendre des recherches et découvrir d'où vous venez, il vous faudra dans un premier temps devenir membres à part entière.
- Cette procédure se passe comment ?
Pénoplée consulte son bracelet, elle reste silencieuse un moment.
- Le cas identique au votre ne s'est jamais vraiment présenté, mais dans le passé lors de la formation de la congrégation toutes les planètes n'ont pas rejoint au même moment, et la procédure était de passer devant le Congrès ou une assemblée d'avis suffisamment grande pour entériner la citoyenneté des demandeurs et les rendre égaux à tout membre de la Congrégation.
- C'est long ?
- Pour vous tout sera long ici, mais le tout peut se faire assez rapidement vu le caractère exceptionnel de l'événement, je pense qu'en quelques grands sixièmes l'affaire peut être réglée. D'autre part nous avons déjà décidé de vous donner dans quelques jours des bracelets enfants, ne serait-ce que pour vous familiariser avec leur utilisation et communiquer plus facilement avec nous.
- Mais... Vous faîtes tout avec ce bracelet, vous pouvez vous en sortir sans ?
- Certaines personnes se refusent à le porter trop souvent, pour ne pas en devenir dépendante, mais c'est tellement pratique. De plus ne pas porter de bracelet est un risque de se faire manipuler par d'autres personnes, exactement ce que j'ai fait avec vous en vous paralysant ou vous faisant marcher. Toutefois agir ainsi reste une faute très grave si la raison n'est pas valable. Le bracelet sert à beaucoup de choses, communiquer, les discussions en virtuel c'est quand même vraiment pratique.
- C'est si bien que cela le virtuel ?
- Toi tu n'as jamais fait de virtuel, on fera un jeu aujourd'hui si tu veux, tu te rendras compte. Le bracelet sert aussi à trouver des informations, surveiller notre état biologique. Il contient aussi notre dernière sauvegarde, et, depuis peu, un nouveau modèle permet d'avoir une sauvegarde permanente. Auparavant il n'avait pas la capacité de le faire, mais les artificiels ont mis cela au point voilà un siècle ou deux. Si j'avais eu un tel bracelet quand mon initial est mort, il m'aurait permis de garder en souvenir mes tous derniers instants, je le regrette un peu...
Je réalise subitement.
- La dernière sauvegarde ? Mais alors cela veut dire que le bracelet dans le téléporteur où nous sommes arrivés contient la sauvegarde de Naoma ?!
- Mais tu avais dit ne pas avoir ce bracelet ? Vous les avez pris ? Ton amie a porté ce bracelet ?
- Oui !
- Ah ça change tout alors, le bracelet n'est pas initialisé si tu ne le prends pas, mais si elle l'a récupéré sa dernière sauvegarde a pu être mise dessus. Toutefois comme elle l'a remis en place, il a peut-être été réinitialisé.
- Ça vaut le coup d'aller voir non ?
- Toujours aussi pressé ! Si tu veux, nous pouvons y aller faire un tour, ça nous fera une balade. Mais, nous y allons tous les deux seuls, non ? Tu veux y aller avec Erik et Guerd ?
- Pas nécessairement, d'autant que je ne voudrais pas faire croire Erik en de nouveaux espoirs.
- Et rendre Guerd malheureuse... Pas que je ne veuille pas que votre amie reviennent, mais Guerd est attirée par Erik, et tant qu'il aura de l'espoir il ne voudra sûrement pas voire en elle autre chose qu'une amie.
- Oui. On déjeûne ? Chalet, tu fais la bouffe ?
Chalet :
- Ça roule ma poule.
- Je vois que tu l'as bien éduqué !
Nous nous installons à la petite table de la pièce principale où j'ai disposé le petit-déjeuner, constitué de divers mets absolument impossibles à qualifier. Tout est complètement artificiel, et il est très dur d'y trouver des saveurs connues. La nourriture est bonne toutefois, même si ma part est moins goûteuse que celle de Pénoplée.
- Ça fait combien de temps que vous ne mangez plus de choses naturelles ?
- Comment ça ?
- Et bien, des animaux, des plantes.
Pénoplée fait la moue.
- Ah ! Rien que d'y penser ça me dégoûte...
Pénoplée reste silencieuse un moment, sans doute consulte-t-elle son bracelet.
- Ça fait très longtemps. Ça date de la mise au point en gros de la fusion. À partir du moment où nous parvînmes à générer tout et n'importe quoi, nous ne fîmes plus vraiment appel à la nature. C'est étonnant j'aurais dit que cette étape était arrivé avant la téléportation, mais non ça a été mis au point après. La téléportation remonte à quinze mille ans environ, et la fusion treize mille. Ça voudrait dire que certaines personnes encore vivante aujourd'hui ont vécu dans un monde sans fusion ! Extraordinaire ! Quoique les premières expériences réussi de fusion sont antérieures à la téléportation, mais l'arrivée au niveau similaire à ce que nous connaissons aujourd'hui remonte effectivement à environ treize mille ans.
- Mais, pour les chalets, ici, vous avez utilisez des arbres, non ?
- Oui, mais tu sais il n'y a pas vraiment de règle absolue ici. La règle c'est le respect des avis. Les avis ont jugé recevable l'idée de prendre un peu de surface sur la forêt pour faire le village, mais pour limiter le gaspillage, les artificiels ont utilisé une partie du bois pour construire les chalets, même si en réalité c'est plus pour un aspect esthétique qu'autre chose. Mais manger un animal, tu trouveras difficilement des avis qui seront pour, d'ailleurs cet aspect m'inquiète un peu quant à la validation de votre intégration dans la Congrégation.
- Et ? On aurait dû faire comment ? Mourir de faim ? On ne connaît pas, nous, vos techniques de fusion-bidule.
- C'est vrai que le cas n'est pas vraiment conventionnel. Enfin, nous verrons ça en temps utile, pour l'instant, abeille !
Je charge Chalet de ranger la table, et je suis Pénoplée. Je fais tout de même un petit détour par le chalet d'Erik, mais son chalet m'informe qu'il dort encore, alors je lui demande juste de transmettre un bonjour et de lui dire que je suis allé faire un tour avec Pénoplée.
Je vais avec Pénoplée dans le chalet du conseil. Dans une des pièces se trouve une sorte d'armoire d'où elle sort deux combinaisons. Elle m'en tend une puis se déshabille devant moi et jette ses habits dans une sorte de corbeille. Son corps est superbe. J'ai beau savoir que c'est un clone et qu'elle a mille quatre cents ans, il n'empêche qu'elle ferait frémir de jalousie n'importe quel top modèle terrestre.
- Euh, ça ne te dérange pas de te déshabiller devant moi ?
- Je devrais ?
- Vous n'avez pas de tabou par rapport à la nudité ?
- Tu sais ici presque tout le monde à un corps parfait, alors non. Et ceux qui n'en ont pas le font par choix. Mais plus sérieusement je ne crois pas qu'il n'y ait jamais eu de tabou sur cet aspect, pas depuis que je suis née en tout cas. Chez toi ce n'est pas correct de se déshabiller devant quelqu'un ? Tu veux que je cherche dans les archives ?
- Non non laisse, nous verrons ça plus tard. Pour répondre à comment les choses se passent chez moi, et bien ça dépend des personnes, mais assez généralement cette pratique ne se fait pas non. Ça arrive entre filles ou entre garçons dans des vestiaires, mais dans un cas comme nous sommes aujourd'hui, clairement ça ne se ferait pas.
- De toute façon n'oublie pas que j'ai mon bracelet, je lis en toi comme dans un livre ouvert. Je sais bien que je te plais. Mais je peux te paralyser au moindre geste suspect... Stressant, non ?
- Tu es cruelle...
- Allez montre moi tes fesses et enfile ta combi plutôt que te plaindre, gamin !
Je pourrais difficilement contester mon statut de jeunot vu son âge, il est vrai. Je me dépêche d'enfiler la combinaison, et nous sortons du bâtiment sur la place du village.
- Je vais piloter pour toi, ce n'est pas forcément évident dans un premier temps, je te donnerai des cours plus tard si tu veux.
- D'accord.
- Tu te laisses faire, tu ne fais pas de mouvements brusques, et ne t'inquiète pas même si tu ne me verras pas, je serai derrière. C'est parti ?
- C'est parti !... Houaaaaou !
Deux ailes se forment à l'arrière de ma combinaisons et se mettent en marche en quelques dixièmes de secondes. Je suis tiré vers le haut à une vitesse prodigieuse. J'entends le gros bourdonnement caractéristique. Je suis néanmoins surpris d'entendre la voix de Pénoplée.
- Je me suis branchée sur ta combinaison. Je ne peux pas t'entendre mais je peux déjà te décrire un peu le paysage. Je n'ai pas activé l'affichage de l'altitude et la vitesse en surimpression, étant donné la base six tu n'y comprendrais pas grand chose et je ne pense pas qu'il soit prévu de pouvoir changer de base, je demanderai au générateur s'il sait faire.
Nous sommes toujours en vol vertical, à quelques centaines de mètres au dessus du village.
- Comme tu avais déjà sans doute pu le remarquer, notre village se trouve presqu'à l'extrémité de la bande de terre surélevée par la chute de la météorite qui a formé ce cratère. Stycchia possède un paysage un peu atypique dû à son bombardement par des météores de glace pour apporter de l'eau à sa surface. Avant sa terraformation, Stycchia était une planète morte sans aucune trace d'activité, ni tectonique et encore moins biologique. D'immenses blocs de glace ont alors été projetés à sa surface pour créer les océans, cette opération a donné naissance à certaines formations très étranges. Auparavant Stycchia avait une période de rotation plus rapide, elle a été ralenti pour mieux correspondre au rythme humain. Mais cette rotation rapide avait tout de même, par force centrifuge, créé un volume ovoïde dont le diamètre équatorial est supérieur de plusieurs pourcent au diamètre polaire. Par conséquent la majeure partie des terres émergées se trouvent à l'équateur et recouvertes d'une épaisse forêt vierge. Il subsiste néanmoins deux continents en zones tempérées, un dans l'hémisphère Nord et un dans le Sud. C'est sur ces deux continents que se trouve quatre-vingt quinze pourcent de la population, la vie dans les zones humides n'étant guère agréable.
Nous nous déplaçons un peu et redescendons en nous dirigeant vers l'extrémité du cratère.
- Notre village fait parti des rares qui ne se trouvent pas sur ces deux continents, néanmoins il n'est pas complètement dans la zone équatoriale, et le climat y est très agréable, même si un peu chaud. Nous survolons sans doute l'endroit par lequel vous êtes arrivés.
Nous avançons jusqu'au niveau des parois puis remontons brutalement pour dépasser le sommet de la falaise. Pénoplée est un peu brusque dans ses changements de directions et je me demande si je vais pouvoir conserver mon déjeuner jusqu'au bout. Cette sensation pas très agréable mise à part c'est fantastique de voler comme une abeille.
- Je vais accélérer un peu, nous avons presque deux cent kilomètres à parcourir jusqu'au cratère, comme c'est juste de la mer, ce n'est pas très intéressant. Je vais activé l'ionisateur sur ta combinaison pour limiter le vent, ne t'inquiète pas.
Un petit bourdonnement supplémentaire se fait entendre, et simultanément nous accélérons considérablement. Nous volons à quelques dizaine de mètres de l'eau, et par moment j'y distingue quelques poissons. Une dizaine de minutes plus tard le cratère où nous sommes arrivés est en vue, mais il nous faut encore plus d'une demi-heure pour y arriver enfin. Dire qu'il nous à fallut plus de quarante jours pour faire le trajet avec Erik et Naoma ! Naoma...
- Ces cratères, avec la forêt à l'intérieur et l'eau à l'extérieur sont spécifiques à Stycchia. Quand certains météores de glace ont percuté le sol, l'eau qu'ils contenaient s'est vaporisée. À cet endroit de la planète la roche est particulièrement imperméable, ainsi bien que d'un niveau inférieur à celui de la mer environnante, il a pu subsister des cratères avec de la forêt à l'intérieur comme celui-ci et quelques autres.
Nous continuons à vitesse plus réduite jusqu'aux bâtiments, près desquels nous nous posons dix minutes plus tard. Pénoplée stoppe ma combinaison à un mètre du sol, et moi qui m'attendait à un atterrissage en douceur, je me retrouve les fesses par terre.
- Et oh, mais ça ne va pas ou bien !
- Excuse moi, je pensais que tu te rattraperais.
- Tu aurais pu au moins me prévenir !
- Tu as raison. Je suis désolée.
- Mouais.
- Cessons ces chamailleries, entrons. Pfff, regarde, il reste encore des traces de votre feu, bande de barbares !
- Tu aurais préféré qu'on se laissât mourir de faim ?
- Beaucoup d'entre nous aurait sans doute choisi cette solution dans votre situation, mais cette remarque ne tient pas compte du fait que pour vous cette décision aurait été une fin définitive, alors que nous pour nous la mort est toute relative.
- Franchement je n'en suis pas sûr. Tu n'as peut-être jamais eu ni vraiment faim ni vraiment soif, mais tu fais des choses que tu n'aurais pas faites dans nombres d'autres situations, crois-moi.
- C'est vrai que je n'ai jamais souffert de faim ou de soif. Mais si vous aviez été un peu plus malins, vous non plus je pense, suis-moi, il doit bien y avoir une cafétéria dans ces locaux.
Pénoplée fait le tour de la pièce principale et entre dans la pièce ou se trouvaient les trois tables. Elle se dirige alors vers la paroi, et une trappe s'ouvre avec à l'intérieur un plateau de nourriture.
- Oh ! Mais comment pouvait-on savoir ?
- C'est vrai que sans bracelet c'est impossible à trouver, je veux bien le reconnaître. Bon, retournons à nos affaires.
Nous nous dirigeons et entrons dans la pièce aux tubes.
- Quel était le tube de Naoma ?
- Celui-ci.
Pénoplée hésite.
- À vrai dire j'ai peur que si c'est moi qu'il l'ouvre il ne se réinitialise. Tu peux encore ouvrir le tien ?
Je pose ma main sur la petite trappe, elle s'ouvre. Je récupère le bracelet. Pénoplée pense tout haut.
- D'ailleurs cette histoire soulève d'autres questions dont je n'ai pas la réponse. Si vous n'êtes pas membres de la Congrégation, ce n'est pas normal que vous ayez pu d'une part utiliser le téléporteur et d'autre par avoir un bracelet. Il y a un mystère là-dessous. Fais voir ton bracelet ?
Je le tends à Pénoplée. Elle l'analyse.
- Pourtant il a l'air tout à fait normal, il me dit qu'il ne peut pas donner l'accès, il doit donc bien contenir des infos. C'est même un nouveau modèle. Tu peux le mettre s'il te plaît ?
J'enfile le bracelet, je n'ai plus vraiment d'appréhension désormais.
- Comment ça marche ?
- Pense juste à lui, regarde le éventuellement, ça devrait t'ouvrir le menu principal.
- C'est génial !
En regardant le bracelet et en pensant entrer en contact avec lui, trois sphères sont apparues. J'imagine qu'elles ne sont qu'une projection que le bracelet fait sur mon cerveau, mais c'est très impressionnant. L'une d'elle semble servir à avoir des informations sur mon corps, sur une autre j'interprète le petit pictogramme comme étant le symbole pour téléphoner, ou tout du moins l'équivalent local. Quant à la troisième, elle doit permettre de chercher des informations.
- Il fonctionne ?
- Oui !
Quand je vais sur les infos de mon corps, je ne comprends pas grand chose entre la langue et les chiffres, que je parle et comprends mais n'écris pas du tout. Mais il semble y avoir mon rythme cardiaque, mon état de fatigue, les points qui sont douloureux, mes ressources d'énergies... C'est fantastique !
- C'est étrange, très étrange. Tu ne devrais pas le garder sur toi toutefois, il pourrait t'attirer des problèmes s'il s'avère que c'est celui d'une autre personne, ou une forme de piratage.
- Vous connaissez ça vous, le piratage ?
- Dans le passé c'est arrivé je crois, ça fait longtemps cela dit. Quoiqu'il en soit je ne te le laisse pas, donne le moi.
- Non.
- Donne.
- Non.
- Allez, tu ne vas pas m'obliger à te forcer.
Je refuse de lui donner. Je suis curieux de savoir ce qu'elle peut faire. Elle est décontenancée. Elle hésite. Elle m'attaque mentalement, mon bracelet signale une tentative de la part de son bracelet, je choisis simplement ce qui me paraît être le mode de protection.
- Tu viens de m'attaquer, Pénoplée, alors que je ne t'ai rien fait.
- Tu n'as pas le droit d'avoir ce bracelet. C'est toi qui est en tord.
- Comment sais-tu que je n'ai pas le droit, comment le saurais-je, moi ? Puisqu'il m'a été offert à mon arrivée ?
Je m'approche d'un pas. Mon bracelet m'informe qu'elle tente de savoir ce que je pense. Mais je reste calme, essayant de penser à toute autre chose pour troubler son détecteur. Elle recule, elle a peur, mon bracelet me l'indique. J'avance d'un autre pas. Elle est prise au piège, si elle veut s'enfuir il lui faudra me bousculer. Elle a de plus en plus peur. Je ne voudrais pas la pousser à bout et la faire réagir trop violemment.
- Je te le donne à condition que tu m'embrasses.
Elle reste silencieuse, m'observant bizarrement. Je reste devant elle, immobile. Elle a toujours peur.
- Et qu'est ce qui me prouve que tu vas me le donner ?
- Est-ce que j'ai menti, en te le disant ?
- Non.
- Ça ne te suffit pas ?
- Je ne sais pas. Je...
Elle s'approche de moi, sa peur a diminué. Elle s'apprête à m'embrasser. Quand elle n'est plus qu'à quelques centimètres de ma bouche, je m'éloigne, retire mon bracelet et lui le tends.
- Je t'aurais cru plus téméraire, Pénoplée. De la d'où je viens dans ce genre de situation un bon coup de genoux dans les couilles et c'était réglé. Le bracelet te rend trouillarde.
Elle est décontenancée.
- Mais, comment as-tu fait ? Pourquoi je n'ai pas détecté ta colère, j'aurais eu la permission de te contrôler alors.
- Parce que je n'étais pas en colère.
- Mais... Tu... Tu voulais quoi ?
- J'étais curieux, simplement, curieux de savoir ce que tu ferais.
- C'était juste pour me tester ?
- Oui, mais j'ai vu que tu avais peur. Ça m'a étonné, intrigué.
Elle reste pensive un instant.
- Tu as raison. Je n'aurais jamais réagis de cette façon par le passé. Je ne sais pas pourquoi, mais tu m'as paralysée, mon bracelet ne me donnait rien, je ne savais pas quoi faire. Peut-être suis-je trop dépendante de lui, oui...
- Toutefois ce n'est pas vraiment un problème car je n'avais effectivement aucune animosité à ton égard, donc tu ne craignais bien rien. Je t'ai juste fait croire que tu craignais quelque chose, et peut-être qu'au contraire si tu avais vraiment écouté ton bracelet, tu aurais vu qu'il n'y avait pas de problème.
- Oui c'est vrai. Mais j'ai vraiment eu peur. J'ai... J'ai appelé à l'extérieur, je vais prévenir que ce n'était rien...
- Tu as même appelé, fichtre ! Quelle trouillarde !
- Que veux-tu, cela fait des centaines d'années que je n'ai pas vécu de situation dans laquelle je perdais le contrôle, c'est très dérangeant.
- Tu as bien de la chance, les situations dans lesquelles je ne contrôle que dalle c'est ma vie au quotidien depuis plus de six mois.
Pénoplée a l'air vraiment perturbée par cette expérience. Je l'a prend par la main, elle est surprise.
- Ne t'inquiète pas, je ne le dirai à personne.
Elle sourit.
- Quoi qu'il en soit, l'expérience semble concluante, mon bracelet à l'air correctement initialisé. Tentons d'ouvrir la trappe d'Erik, peut-être pourrons-nous ainsi tester si la même opération est envisageable avec celle de Naoma.
- Oui, bonne idée.
Mais il n'y a rien à faire, la trappe ne s'ouvre pas, pas plus avec les requêtes que Pénoplée fait avec son bracelet que moi en y allant à l'ancienne.
- Mais comment pourra-t-on l'ouvrir si seule elle peut le faire ! Nous faudra-t-il apporter une de ses mains en décomposition en espérant que les empreintes y sont toujours ?
- Non cela ne fonctionne pas avec les empreintes digitales, il faut l'empreinte électromagnétique du cerveau.
- C'est pas gagné quoi ?
- Non... Mais il doit bien y avoir un moyen. On doit pouvoir ouvrir cette trappe, par contre il doit sans doute prendre l'avis d'un comité plus important, comme je t'avais expliqué la téléportation est un sujet sensible.
- C'est foutu pour aujourd'hui quoi.
- Oui, il nous faudra sûrement en aviser le village, et j'ai peur que le Congrès lui-même ne doive statuer sur un tel cas.
- Bon, c'est rapé quoi. On rentre ? On va faire un jeu virtuel comme tu m'avais parlé ce matin ?
- Si tu veux, à condition que tu me promettes de ne plus faire ce que tu m'as fait tout à l'heure.
- Au contraire !
- Pfff... Allez rentrons.
Je me laisse emmener une fois de plus en abeille par Pénoplée, et moins de trois quarts d'heure plus tard nous sommes au village. Notre escapade matinale aura presque durée trois heures. Pénoplée va s'entretenir avec quelques villageois de notre aventure, j'en profite pendant ce temps pour faire un tour du village et dire bonjour. Je croise Erik qui vient semble-t-il tout juste de se lever.
- Ça va ?
- Mouais, j'ai eu ton message, vous êtes déjà rentré ?
- Oui.
- Vous êtes allé où ?
J'hésite un instant. Dois-je lui dire la vérité, dois-je l'éluder ? Je n'aime pas trop cacher des choses, surtout qu'Erik peut tout à fait comprendre. Il va sûrement me reprocher de ne pas l'avoir emmené avec lui, mais qu'importe.
- Pénoplée m'a fait faire un tour avec les combinaisons abeilles, elle m'a expliqué l'origine de ses cratères. Mais notre objectif était de retourner aux bâtiments.
- Pourquoi, vous avez du nouveau ?
- Pas vraiment, juste qu'en discutant avec Pénoplée, j'ai appris que le bracelet que l'on trouve en sortant d'un téléporteur contient une sauvegarde, et que même certains modèles contienne en permanence une sauvegarde de la personne. Et si tu te rappelles bien Naoma avait pris et enfilé le bracelet. Nous avons tenté de le récupérer, mais sans succès, car seule Naoma peut le faire. Pénoplée pense qu'avec l'accord de certaines personnes nous pourrions peut-être tout de même y parvenir, cela dit je ne veux pas te donner de faux espoirs car nous ne savons pas s'il contient toujours l'empreinte de Naoma.
- Et on peut le bloquer ce téléporteur, le désactiver, pour que personne ne puisse l'utiliser.
- Ha j'ai pas penser à ça... Toutefois selon Pénoplée il n'est plus utilisé d'une part, et d'autre part il ne contient aucune trace de notre passage, ce qui veut peut-être dire qu'il a un problème ou que l'on a effacé nos traces.
- Mouais, mais ce serait quand même plus prudent de le bloquer, ce serait pas de veine qu'on le perde à cause de ça. Pourquoi ne m'avez-vous emmené ?
- D'une part ce n'était qu'un intuition, d'autre part tu dormais. Et puis je ne voulais pas t'apporter de faux espoirs.
- Et oh ça va j'ai pas dix ans, j'ai déjà perdu des proches, j'étais un tueur avant, si jamais tu ne t'en souviens pas. La prochaine fois tu fais signe.
- Ça marche. Allons voir Pénoplée pour l'histoire du blocage.
Une personne nous interpelle :
- Hé ! Vous allez où ?
Guerd apparaît, elle se précipite vers Erik et me salue à peine qu'avec un petit signe de la tête. Elle a l'air complètement subjuguée par Erik. Guerd est une rousse superbe. Il faut toutefois relativiser car en effet Pénoplée a raison, tout le monde ou presque a un corps magnifique ici. Il est vrai que je trouve Pénoplée plus jolie, mais Guerd est aussi mignonne comme tout. Mais son caractère par contre ne me siérait pas du tout j'en ai peur. Guerd est trop collante, beaucoup trop dépendante je pense. Mais je ne la connais pas vraiment non plus alors je laisserai au temps le soin de m'infirmer ou pas sur ce point.
Nous nous dirigeons tout trois vers la salle du conseil où se trouve Pénoplée. Nous la trouvons en grande discussion avec cinq autres personnes. Nous les saluons.
- Moyoto, je suis désolé de vous déranger, mais Erik m'a fait remarquer que ce serait peut-être plus prudent de faire en sorte que le téléporteur soit désactivé le temps que nous résolvions cette affaire ?
- Oui c'est ce dont nous avons parlé entre autre, mais le centre est déjà désactivé. C'est un mystère de plus, vous n'auriez pas dû pouvoir arriver pas là. Ce soir nous aviserons Adama, il semble que l'affaire soit un peu plus complexe que nous ne l'imaginions, tant pis pour notre tranquillité.
Erik est pressé.
- Nous ne pouvons pas les aviser maintenant ? C'est quelle heure sur Adama en ce moment ?
Pénoplée rigole.
- Et bien ça dépend où, mais si ta question est de savoir si le congrès est disponible en ce moment, je te répondrais non. Même si les avis sont à même de résoudre pratiquement tous les problèmes, il n'en reste pas moins que trois cent soixante milliards de personnes créent quand même bon nombre de situations difficiles. Mais ne t'inquiète pas nous avons déjà exposé le problème à plusieurs personnes de Stycchia et une personne du Congrès. C'est elle qui nous mettra en contact ce soir.
Je propose à Erik :
- Vous mangez avec nous ?
- Oui pourquoi pas, je n'ai pas encore pris mon petit-déj de toute manière.
Erik demande :
- On va chez qui ?
Je réponds :
- Chez Guerd nous n'y sommes jamais allés.
Erik conteste :
- Moi j'y suis déjà allé.
- Euh, toi ça ne compte pas...
Je m'aperçois que je dois être en réalité le seul dans ce cas et je rectifie.
- Euh... Les autres non plus d'ailleurs ça ne compte pas... Bon, MOI je n'y suis jamais allé. C'est valable, non ?
Erik et Guerd rigolent et nous nous dirigeons vers le chalet de Guerd. Pénoplée ne dit pas un mot, elle a l'air soucieuse. Nous allons tous les quatre chez Guerd. Son appartement est sympa, il me file des trucs nouveaux à manger. Erik pose quelques questions sur notre matinée, sur le principe du bracelet, sur les avis et d'autres aspects que j'avais déjà abordés avec Pénoplée, puis nous dérivons sur des sujets moins importants, quoiqu'aussi intéressants. Je demande à Pénoplée et Guerd :
- A propose de vos corps et de la beauté, si tout le monde a un corps parfait, cela ne pose pas des problèmes pour la diversité ? Et même, tout le monde ne possède pas les mêmes critères de beauté, pourtant vous semblez tous appartenir au même type, au même physique ?
Guerd répond en premier lieu :
- Si chacun fait comme il veut c'est que finalement c'est ce que veulent les gens.
Pénoplée complète :
- C'est vrai que c'est une question que nous nous sommes souvent posée. Mais plusieurs éléments justifient le résultat. Premièrement nos enfants naissent obligatoirement de parents non modifiés. Deuxièmement si tu compares les corps des initiaux avec les clones, tu ne verras pas tant de différence que ça, car nos corps ne sont pas façonné par un désir quelconque, mais par un contrôle médical qui leur apporte une alimentation et des soins optimums, ensuite...
Je rétorque :
- Mais il doit bien y avoir des erreurs, des malformations, des problèmes génétiques ? Est-ce que vous interrompez certaines grossesses, par exemple ?
- Non, aucune. Toutefois les femmes ne sont pas obligées de suivre leur grossesse elle-même, des artificiels peuvent recueillir le foetus. Sur le plan des déformations génétiques et des erreurs, comme toujours ce sont les avis qui décident. Dès que le foetus a quelques jours seulement nous savons projeter son évolution et savoir à quoi il va ressembler plus tard. Ainsi quand un enfant aura une malformation, par exemple un seul bras au lieu de deux, alors un bras lui sera rajouté pendant son développement, mais ses gènes sont conservés. De la même façon, s'il possède des déformations osseuses, ou une prédisposition aux maladies, ou tout autre problème qui ne le rendra pas égal à ces concitoyens, il est artificiellement corrigé, mais l'intégrité de ces gènes est toujours préservée.
- Mais vous pouvez tout corriger ? Il n'y a pas des foetus qui ont des problèmes de développement tel qu'ils meurent avant la fin de la grossesse par exemple ? Et est-ce que cela n'est pas contraire à la nature. Par exemple il n'est pas normal qu'une personne n'est qu'un seul bras, est-ce que cette politique de mener même les grossesses les plus désespérée à terme n'est pas dangereux pour l'espèce au final ? De conserver ces gènes, ou même des prédispositions à certaines maladies ?
- Il y a effectivement des grossesses qui n'aboutissent pas. Notre limite se situe toujours au niveau des gènes. Si leur modification est nécessaire pour que la personne puisse vivre, c'est généralement reprouvé par les avis. Sur les problèmes de dégénérescence du patrimoine génétique de l'humanité, quand j'ai dis que les personnes devaient naître égales les unes aux autres, j'ai menti. Si nous devions tous être égaux les uns aux autres il faudrait partir d'un clone et rendre tout le monde identique. Il s'avère que l'apparence physique réelle est toujours présentée aux autres. Si une personne n'a qu'un bras tout le monde saura que génétiquement cette personne n'a qu'un bras. Nous ne cachons pas les choses. Et il y a effectivement des gens qui sont plus intelligents, ou plus habiles, plus forts... Mais seules deux personnes peuvent décider en connaissance de cause si elles veulent avoir un enfant ou pas, nous ne pouvons pas les forcer à le faire ou à ne pas le faire.
- Tiens en parlant de couple, vous avez une proportion d'homosexuels parmi vous ?
- Extrêmement faible, mais il y en a tout de même.
- Ils peuvent avoir des enfants ?
- S'ils y arrivent, oui, mais dans la pratique c'est assez dur pour eux. Les avis considèrent que la procréation doit rester naturelle. Sur l'homosexualité, il s'avèrent que la proportion était plus grande dans le passé, désormais tout le monde peut changer de sexe comme il l'entend, et de plus le changement de sexe conserve les gènes. Souvent les personnes indécises sur leur tendances sexuelles expérimentent les deux sexes, et choisissent celui qui leur convient le mieux. Certaines personnes vont même jusqu'à changer de sexe plusieurs fois pas an. Mais globalement tout le monde trouve son bonheur. Les seuls cas un peu étrange sont les couples homosexuels féminin qui sont des homosexuelles pures, c'est-à-dire qu'elles aiment les femmes, et qu'elles ne voudraient pas être un homme. Si ces couples décident d'avoir des enfants, et que l'une d'entre elles devient un homme quelques temps dans ce but, ils n'auront que des filles. Mais le problème se pose peu, le nombre d'enfants est de toute façon très faible.
- Tu as été un homme toi ?
- Oui pendant quelques années, mais ça ne m'a pas trop réussi. Pourtant, franchement je ne regrette pas l'expérience, c'était très instructif ne serait-ce que pour comprendre les problèmes du sexe opposé.
Erik prend la parole :
- Et pour revenir sur la beauté, tu n'as pas vraiment répondu sur les critères de la beauté, tout le monde a les mêmes ?
- À vrai dire je ne sais pas vraiment répondre, et je pense que la réponse de Guerd sera aussi la mienne. Nous ne forçons pas les gens, c'est eux qui décident, c'est eux qui ont leurs propres critères. Si la majorité des gens ont plus ou moins le même idéal féminin ou masculin, c'est que peut-être le concept de la beauté est effectivement une valeur partagée par tous les hommes. Nous ne forçons personne à faire quoi que se soit. Chacun décide, et si aujourd'hui le résultat est tel, c'est que c'est ainsi que les hommes en ont décidé.
Guerd s'intéresse à notre vision de la beauté :
- Pourquoi, vous n'avez pas les mêmes critères chez vous ?
Erik répond :
- Dans la partie du monde dans lequel je vis les critères ressemblent pas mal à ceux d'ici. Et ne t'inquiète pas je vous trouve très jolies, mais je ne suis pas sûr que toute ma planète soit complètement d'accord avec cette position. Je pense que Ylraw sera d'accord, c'est lui l'intellectuel.
- Et oh ! Assume.
- J'assume.
- C'est vrai qu'on peut se demander si votre notion de la beauté est celle qui a mis tout le monde d'accord, ou plutôt celle qui était le plus en avance et a effacé toutes les autres. Sur notre planète je dirais que c'est plutôt cette deuxième chose qui se passe.
La conversation continue sur des détails plus mineurs de notre monde à l'initiative de Guerd. Pénoplée s'est désintéressée de la conversation, elle semble toujours soucieuse. Le repas terminé, Guerd propose à Erik d'aller se baigner, je rappelle à Pénoplée sa proposition de virtuel. Nous nous séparons et sur le chemin du chalet de Pénoplée, je m'inquiète de ses préoccupations :
- Avant le repas et après notre conversation sur la beauté tu m'a apparu soucieuse, quelque chose ne va pas ? Vous avez appris une mauvaise nouvelle avec le conseil avant que nous n'arrivions Erik, Guerd et moi ?
Elle me regarde et sourit.
- Non non pas du tout.
Elle attends quelques secondes puis reprend :
- C'est bête mais je suis toujours perturbée par ce que tu m'as fait ce matin, je me rends compte que j'ai vieilli, que mon esprit a changé.
Je la prend par la main et tente de la rassurer.
- Ne soit pas si alarmée, cette sensation vient surtout du fait que tu étais surprise, en étant plus souvent face à ce genre de situations tu retrouverais ta fougue d'antan !
- Peut-être, mais je ne suis pas sûre, je me demande si le temps ne nous rend pas différents. Notre corps n'évolue pas, pourtant notre esprit semble changé, mais pas uniquement par l'accumulation de l'expérience. Je m'en rends d'autant compte que je t'ai fais mon récit il y a quelques jours, et qu'en le mettant en relation avec ma vie actuelle, je suis tellement méconnaissable...
- Nos idées changent, peut-on réellement l'éviter ? C'est salvateur même, ne crois-tu pas, d'évoluer ?
Elle sourit, comme si ma remarque lui paraissait si anodine.
- Évoluer ! Ah ! C'est le choix que nous n'avons pas fait, pourtant ! Mais l'humanité change oui, elle continue d'évoluer sans doute, mais pour aller où ? Crois-tu que nous dégénérons ?
- J'aurais bien du mal à te le dire, je connais si peu de votre Congrégation ! Peut-être, si je dois la parcourir de long en large pour retrouver ma maison, pourrai-je te répondre, plus tard ?
Nous sommes maintenant arrivés dans la maison de Pénoplée, c'est un chalet un peu comme tous les autres, si ce n'est qu'il est sur deux niveaux.
- Tu vois ce chalet par exemple, avec un étage, à l'époque c'était une forme de rébellion, personne d'autre n'a d'étage, hormis le chalet du conseil, mais c'est particulier.
- Rebelle d'avoir un étage ? Fichtre !
- Et encore plus rebelle d'être obligé d'y monter par les escaliers ! Les hommes n'ont jamais vraiment aimé les étages. Dans le passé sur les planètes surbondées cette architecture devint une nécessité, mais dans notre histoire ancienne nous vivions dans les grottes ou sous terre, alors l'altitude n'était pas vraiment notre fort. Mais c'était encore une forme de domination des reptiliens j'imagine.
- Il faudra que tu me racontes cette histoire de reptiliens, un jour.
- Oui, il le faudra.
- Montons et installons-nous, comme tu n'as pas de bracelet je vais...
- Si j'en ai un ! Où l'as-tu mis d'ailleurs ?
Elle reprend :
- Comme tu n'as PAS de bracelet, je l'ai rangé, oublie tu ne le trouveras jamais, je vais te donner un récepteur de virtuel uniquement. Et ne perds pas ton temps en t'énervant dessus, il ne sert qu'au virtuel.
- Vous pouvez faire du virtuel juste avec votre bracelet ?
- Non, il nous sert de récepteur, il faut un artificiel plus puissant pour le virtuel. Allongeons nous sur le lit, nous serons plus à l'aise et en sécurité, parfois nous faisons tout de même quelques mouvements.
L'étage, qui ne doit pas faire plus de trente mètres carrés, est constitué d'un grand lit, un canapé, une armoire, une petite table et quelques chaises. Quatre grandes fenêtres laissent entrer la lumière du jour mais il se dégage malgré tout une ambiance tamisée avec une petite odeur de pin et de résine. Pénoplée me donne un petit bracelet, plus fin que le sien, et nous nous allongeons sur le lit, côte à côte. J'espère que nous allons vite partir en virtuel parce que sinon je vais rapidement avoir quelques pulsions pour faire du réel !
- On y va ?
Je me détends, ferme les yeux et acquiesce :
- On y va !
Quelques secondes passent, rien de change. Pénoplée se redresse.
- Ah, je crois qu'il y a un problème, je n'arrive pas à lancer le module.
- C'est buggué votre truc !
- Me, il y a un problème ?
"Me" est sans doute le nom de son chalet.
- Désolé Pénoplée mais ne t'ayant pas servi du virtuel depuis longtemps, j'avais dérivé son entrée pour la gestion de la météo, qui est décidément très chaotique ici, veux-tu que je redérive à nouveau ?
- Oui s'il te plaît, combien de temps te faut-il ?
- Une vingtaine de minutes tout au plus.
- OK.
- C'est nul "Me" comme nom.
- Pas de commentaires ! "Chalet" c'est bien peut-être ? Appeler son chalet chalet, c'est stupide, et pourquoi pas fenêtre tant qu'on y est !
- Ne deviens pas insultante s'il te plait, j'ai un problème avec les fenêtres.
En attendant je lui explique ma remarque et nous redescendons au premier pour manger un pain d'eau aromatisé. Soudain un grand bruit se fait entendre au dehors.
- Qu'est ce que c'était ?
- Je ne sais pas, allons voir.
Nous sortons. La maison de Pénoplée est un peu en retrait derrière quelques autres habitations. Nous sommes en plein milieu de l'après-midi, il fait un grand Soleil, la chaleur est caniculaire. Rien ne paraît suspect. Mais un nouveau grand bruit se fait entendre, en provenance de la place du village. C'est un peu comme la chute d'une énorme pierre sur le sol. Je m'interroge même sur le fait que nous ressentions des vibrations dans le sol ou si ce n'est qu'une impression. Nous avançons d'un pas rapide vers la place du village, elle est déserte.
- Il n'y a pas foule, mais tu vois quelques chose d'anormal ?
- Non. C'est sans doute plus loin... Allez, bouge toi on va trouver ce que c'est.
Soudain Pénoplée me pousse. Je ne m'y attendais pas, je vascille et je tombe au sol, elle rigole.
- Mais tu vas pas bien ! Refais ça et je te fais bouffer tout le sable de la place !
Je me relève doucement, mais de nouveau elle me pousse. Elle rigole toujours.
- T'es pas très stable.
- Mais arrête ! Mais qu'est ce qu'il te prend, il faut que nous trouvions l'origine du bruit !
- Tu as raison, avançons.
Je suis un peu déboussolé par l'attitude de Pénoplée. De nouveau le bruit se fait entendre, mais cette fois-ci derrière nous !
- Mais qu'est ce que c'est que ces histoires, et où sont les autres, ils sont sourds ou quoi !
Je n'ai pas terminé ma phrase que Pénoplée me saute de nouveau dessus, mais par chance j'anticipe un peu et parviens en basculant en arrière à la faire passer par-dessus moi. Elle se relève aussitôt et me préviens :
- Et, mais ça ne va pas se passer comme ça !
Elle s'élance vers moi et sans que je puisse faire autre chose que de me protéger avec mes bras. Je reçois un puissant coup de poing dans le ventre, qui me fait décoller du sol de plusieurs centimètres et retomber lourdement dans le sable de la place. Mais le tout ne se termine pas là, avant même que je ne me redresse, elle morphe une épée avec son bracelet, et d'un seul coup me coupe le bras gauche, net. La douleur est immédiate et insupportable. Je hurle. Je ne comprends plus, que se passe-t-il. Est-ce que nous serions dans la simulation, m'a-t-elle dupé ? Mais comment le savoir, tout semble si vrai ! Je ne peux pas me laisser faire, si ce n'était pas le cas, si elle était folle, si c'était un piège depuis le début, un test ?
Je ne me pose pas plus de questions et pars en courant à toute vitesse, mon bras gauche en moins. Ma blessure saigne abondamment, je tente de contenir le sang en faisant pression avec ma main droite. Mais je reçois alors un sorte de boomerang métallique qui me tranche tout aussi net la jambe droite avant de retourner dans les mains de Pénoplée. Je m'écroule au sol. Oh mon Dieu faîte que ce soit une simulation ! Je suis allongé sur le dos. Elle s'approche. Je recule tant bien que mal pour éloigner le moment où elle sera à mon niveau. Mais bien sûr c'est peine perdue.
- Alors ? Tu t'avoues vaincu ?
- C'est une simulation, c'est ça, hein ?
- Pourquoi le serait-ce ? N'aurais-je pas des raisons de vouloir te tuer ?
Je ne sais pas quoi penser, la logique me pousserait à croire que c'est bien une simulation, mais c'est le seul élément. Tout le reste le contredit.
- Tu as peur je vois. Manque de pot, je n'ai pas de couilles.
Une référence à ce matin ! Elle a dû vouloir se venger. Dans ce cas c'est donc bien une simulation, j'avoue que je suis bluffé.
- Je suis impressionné. Je suis complètement incapable de faire la différence avec le réel. Mes blessures me font tellement mal. Le sable qui me brûle, la tête qui tourne, la chaleur qui m'étourdit. Tout semble si vrai !
- Tu vois, tu fais toi aussi trop confiance à tes sens...
- Basse vengeance.
- Ça me rassure toutefois.
- Et... On peut arrêter la douleur, parce que je ne vais pas tarder à tomber dans les vapes.
- Tu baisses les bras ?
- "Le" bras tu veux dire. Et bien j'avoue avoir peu d'idées pour m'en sortir.
Je suis coupé par un soupir, j'ai les yeux qui clignent, je pleure de douleur. C'est insupportable. Je n'entends plus vraiment ce qu'elle dit.
- Et si je meurs... Je meurs aussi en vrai ?
- Ben non, c'est virtuel, t'es bête.
Je pousse un gémissement, mais garde un peu d'humour...
- C'est nul Matrix...
- Quoi ?
- Non rien.
Ce sur quoi Pénoplée se morphe une sorte de pistolet et dans la seconde s'en sert pour me transpercer de toute part avec ses projectiles. Je suis plaqué contre le sol, ma respiration est saccadée, je ne peux plus bouger, je sens ma conscience partir. La mort serait donc ainsi, une délivrance...
Quelques secondes passent et un flash se produit. Je réapparais alors, entier, à ses côtés. Je cligne des yeux, reprends mes esprits, mes douleurs sont passées.
- Je suis impressionné. Mais ça ne cause pas des problèmes dans mon corps réel de subir toutes ses émotions.
- Il y a des effets effectivement. Mais le simulateur, qui a pris le relais de ton cerveau pour ton corps, lui transmet un état de sommeil. Toutefois ton cerveau va secréter pas mal d'adrénaline, et cette surdose peut avoir quelques conséquences. Mais tout est contrôlé, et en cas de problème, la simulation est coupée.
- Déjà sur notre planète certains sont dépendants des simulations bas de gamme que nous avons, alors être plongé dans un monde virtuel indiscernable de la réalité... Mais qui te dis alors que la réalité n'est pas elle-même une simulation ?
- Dans la réalité je ne peux pas morphé mon bracelet en pistolet-mitrailleur !
- Oui, parce que c'est toi qui contrôle, mais moi, par exemple dans le cas présent, quels moyens avais-je pour discerner la simulation, qui te dit que ta vie dans ton monde réel n'est pas une simulation ?
- C'en est sans doute une, dans le sens ou nous n'appréhendons que l'image que nous donne nos sens de la réalité. C'est ce que je crois qui compte, pas ce qui "est". Rien n'est vraiment, il y aura toujours un niveau que tu ne comprendras pas.
- Et il n'y a pas des gens qui croient que ces mondes virtuels sont leur réalité ?
- Ils le voudraient peut-être, mais ils savent en eux que ce n'est pas le cas, et c'est là toute la différence. Tu réagis complètement différemment quand tu sais que tu ne mets pas ta "vrai" vie en jeu, ou que tout peut-être effacé, recommencé. Et même s'ils tentent de se convaincre et peut-être y parviennent parfois, le bracelet ou leur méthode d'entrée est là pour le leur rappeler.
- Certains ne sont pas parvenus à bidouiller des versions qui contournent les limitations ?
- Oh c'est bien possible, mais c'est alors le contrôle des autres qui va donner l'alerte.
- Il doit bien pouvoir se faire contourner aussi, non ?
- C'est déjà sans doute beaucoup plus délicat, et quoiqu'il en soit la personne aura bien faim et soif à un moment ou à un autre. Et même encore dans ce cas, les avis trouveront à un moment ou à un autre que la personne a tricher, et à partir de là elle perdra pas mal de sa liberté vis-à-vis des autres. Enfin toujours est-il que le système a sans doute des failles, mais si personnes ne s'en plaint, c'est qu'elles ne doivent pas être très importantes.
- Vous avez peut-être tous l'illusion que votre vie est parfaite mais subissez en réalité de nombreuses injustices. Qui te dit que tes sauvegardes n'effacent pas de ton cerveau certaines parties gênantes pour ton illusion actuelle ?
- Oui nous sommes peut-être tous sous le joug d'une puissance maléfique qui contrôle nos vies, et même si cette hypothèse reste hautement improbable, dans la mesure où tout système a ses failles, qu'est ce que cette situation change ? Nous vivons dans un monde où personne ne travaille, ou personne n'a faim, ou tout le monde a accès à presque tout ce qu'il désire, que demander de plus ? Si l'enfer est le paradis, pourquoi s'en plaindre ?
- C'est vrai... Bon, que peut-on faire dans ton jeu ?
- Celui-ci n'est pas vraiment un jeu, c'est plus un terrain virtuel sous mon contrôle. Et je crois que les limites sont juste celles de mon imagination.
Ce sur quoi je lui décoche un puissant coup de poing dans la figure, qui la fait rouler en arrière. Mais elle se relève et sans même me toucher, juste d'un mouvement d'avant de la main, je suis propulsé dans les airs jusqu'à retomber lourdement et glisser dans le sable. Allongé sur le sol, je gémis :
- Aaaahhh... Tu triches...
Alors elle me saute dessus, et, assise sur moi, me bloquant les bras, me susurre à l'oreille.
- C'est moi qui domine, gamin, c'est moi la plus forte.
Mais cette proximité lui vaut tout de même un puissant coup de tête. Elle décolle du sol, enragée, alors que je me relève tant bien que mal. Je lui crie
- Je ne me laisserai pas faire !
- Insolent !
Elle vole alors vers moi, et m'attrapant le bras je me vois projeter de nouveau dans les airs, cette fois-ci beaucoup plus loin que la fois précédente. J'atterris en grand fracas dans le mur d'un chalet, ce qui me vaut sans doute quelques brisures d'os, car je retombe au sol le dos si douloureux que je ne peux bouger.
- Ça ne va pas se passer comme ça ! Je vais changer la matrice et te casser la figure.
J'ai la tête contre le sol et j'avale le sable qui virevolte près de mon visage emporté par la brise légère. Le rendu est vraiment superbe. Franchement je n'arrive pas à m'imaginer que je suis en fait en ce moment tranquillement allongé sur le lit à côté de Pénoplée. Elle relève le défi.
- Je t'attends...
Je ne peux vraiment plus bouger, et question de changer la matrice, c'est plus vite dit que fait, je ne dois pas être l'élu, somme toute.
- Euh.. Je n'y arribe pas...
- Tu n'es qu'un... Ah, j'ai un appel... Euh, on quitte ?
Toujours la tête dans le sable :
- J'édais pludôt bien instadé, mais tant pis, on levienda.
Un flash, j'ouvre les yeux. Je suis toujours allongé sur le lit, au côté de Pénoplée. Elle est déjà en conversation. Je me tourne vers elle. Elle est habillée de rubans blancs légers, enroulés plusieurs fois autour de la taille et des seins, masquant sa peau, alors qu'ils ne sont qu'un voile transparent sur ses épaules et son ventre. Elle semble toujours détachée, discutant mentalement avec je ne sais qui. J'approche ma main de son ventre, soulève ses rubans, laisse mes doigts l'effleurer. De sa main elle me repousse doucement. Je la lui saisis et la pose doucement sur son ventre, puis me penche pour l'embrasser dans le coup. Elle penche la tête et remonte l'épaule. Elle veut utiliser sa main mais je la tiens toujours fermement. Je la lâche enfin et fait glisser ma main le long de sa jambe. Je me rapproche encore. Elle se retire un peu et me parle enfin, sa communication doit être terminée.
- Eh ! Tu fais quoi là ?
Je me rallonge alors.
- Rien, je tentais de te distraire, simplement. Mais bon tu n'es plus en com, alors ce n'est plus intéressant.
- C'était un des gérants de Stycchia, qui demandait plus de précision sur votre cas et surtout celui de votre amie pour l'accès au bracelet. Il va intercéder auprès du Congrès pour expliquer la situation, si sa demande est acceptée, nous n'aurons pas besoin de réunir trop de monde d'ici pour faire appel, et nos craintes de voir débarquer la moitié de la planète seront en partie rassurées. C'est pour toi que je fais toute ces démarches, tu pourrais avoir un peu plus de respect !... Bon, pourquoi tu t'es arrêté ?
- Et bien, je te l'ai dis, tu n'es plus en com, il n'y a plus lieu de tenter de te distraire. Mais vous n'aviez pas un conseil ce soir ?
- Si justement nous devions réunir les avis de Stycchia pour avoir accès en urgence au Congrès, mais si ça se trouve nous aurons directement accès.
Elle se rapproche. C'est moi qui suis sur le dos et elle à mes côtés désormais. Elle parle plus doucement.
- Tu voulais juste m'embêter pendant ma com ?
- Et bien, oui, que croyais-tu ?
- J'avais vaguement l'impression que tu voulais m'embrasser.
Elle se rapproche encore, s'apprêtant à m'embrasser.
- Si je l'avais voulu je t'aurais laisser faire ce matin.
- Salaud !
Elle se redresse, me file une tape de la main et se tourne pour se lever du lit. Je l'attrape par le bras et la tire en arrière, elle tombe à la renverse sur le lit mais me repousse. Elle se débat mais je la maîtrise. Je l'embrasse dans le coup. Elle se calme mais me repousse et me maintient à distance les deux avant-bras contre mon torse.
- Qui te dis que j'ai envie de toi ?
- Ton bracelet.
- Comment ça ?
- Si tu n'avais vraiment pas envie de moi, tu m'aurais paralysé.
- Ça ne me fait pas forcément plaisir de te paralyser en permanence ! Si je peux m'en sortir toute seule, je n'hésite pas !
- Oui mais là tu ne peux pas t'en sortir.
- Prétentieux !
- Tu as raison, il ne faut pas être prétentieux. Fais ce que tu veux.
Je la lâche et me retourne, m'apprêtant à me lever, et c'est elle, alors, qui me tire de nouveau sur le lit et m'embrasse. Je lui passe ma main dans les cheveux, elle fait traîner la sienne sur mon torse. Je suis habillé avec une combinaison moulante bordeaux, d'un seul tenant, j'ai bien peur qu'elle aie quelques difficultés à me déshabiller. Pour ma part la tâche sera sans doute longue mais un véritable plaisir. Je commence en dégrafant l'attache de ses bandeaux, et les glissant tout doucement en lui caressant le dos. Elle descend sa main et sourit en constatant mon excitation.
- Ça te convient-il ?
- On va voir ça.
- Tu vas avoir quelques mal à me dénuder, alors que moi.
Je lui retire déjà un premier bandeau.
- Tu crois ça ?
Elle passe alors sa main doucement sur moi, et mes vêtements se déchirent, se rétractent, disparaissent. Je souris, stupéfait.
- Tu triches encore, tout ça parce que je n'ai pas de bracelet. Tu ferais sans doute moins la maligne si j'avais le mien.
- Oui mais tu ne l'as pas, et je n'ai pas envie de te le donner, alors il va falloir que tu me déshabilles à l'ancienne...
- Ce n'est pas spécifiquement un problème.
Pendant qu'elle termine de déchirer mes vêtements en m'effleurant de la main, je remonte avec ma main droite le long de sa cuisse et passe sous la jupe formée par les rubans. J'atteins sa fesse, aussi douce que la peau d'un bébé, tout comme sa jambe.
- Vous devez vous épiler les jambes ?
- Petite exception à la nature, nous pouvons contrôler notre pilosité. Tu n'as pas remarqué que ta barbe ne poussait pas ?
- Ah... Oui, j'avais relevé avec Erik et Naoma, c'est vrai que ça m'étais complètement sorti de la tête ce truc très bizarre... Et tu en as conservé un peu ?
- Tu verras...
Elle m'embrasse, m'arrache ce qui me reste d'habits et s'agenouille sur moi. Je m'emmêle dans ses rubans, les dérouler prend des heures. Elle s'arrête un instant, surprise par toutes mes traces de blessures, aux jambes, au ventre, à l'épaules, aux bras...
- Toutes ses blessures, elle date d'avant ?
- Ça dépend lesquelles, certaines de mon épopée sur mon monde d'origine, d'autres de notre passage dans la jungle sur Stycchia.
- Tu as dû tellement souffrir...
- Si nous parlions de ces choses un peu plus tard ?
Et impatient je tente de la retourner pour en finir avec ces fichus rubans. Elle résiste et finalement se lève du lit. Je suis nu et elle est loin de l'être. Elle recule un peu, j'avance et récupère deux ou trois rubans qui pendent pour la faire tourner doucement et enfin la plaquer le dos contre mon torse, en serrant un de ses seins dans chacune de mes mains. Elle se cambre et penche la tête en arrière, laissant échapper un petit gémissement.
- Ça te plait ?
Ils sont parfaits, à la fois fermes mais pourtant naturels, autant que son corps peut l'être. Il est toutefois difficile de se mettre en tête qu'il n'est pas purement naturel. C'est à la fois si beau et si vrai.
- Ils m'ont vraiment l'air pas mal, mais est-ce que le reste suivra ?
Elle me saisit mes deux mains, pendant quelques secondes elle se cambre un peu plus et appuie mes mains contre ses seins, puis les descend doucement sur son ventre, et quand elle passe sur son sexe, les rubans se désintègrent, comme le firent mes vêtements. Je remonte ma main gauche sur un sein, et doucement de la main droite je glisse vers son sexe et du bout des doigts exite son clitoris.
Je redescends doucement, embrassant son dos, glissant mes mains sur la courbe de ses hanches pour la saisir et la tourner. Son sexe est joliment coiffé, couvert de petits poils presque doux qui forment une amande autour de ses lèvres. Je souris en laissant deux de mes doigts commencer l'exploration de son vagin.
- Mes seuls poils sont-ils à ton goût ?
- Je te le dirais après y avoir eu goûté, en attendant je trouve ça très mignon.
- Mignon ? Ah ! Utilise donc ta langue à un autre usage, insolent !
Je m'exécute et tout en continuant de lents mouvements de haut-en-bas avec mon majeur et mon index dans son sexe, je maintiens fermement sa fesse droite avec mon autre main et suce doucement son clitoris. Elle pose ses mains sur ma tête et gémit doucement. Elle se laisse faire quelques instants puis me remonte vers elle. Je serre son corps, mon pénis tendu contre elle. Je l'embrasse puis tourne autour d'elle. Je la ressaisis un fois derrière, serre ses seins puis redescend et écarte ses lèvres. Je plie légèrement les genoux pour remonter mon sexe contre son vagin. Je la pénètre si aisément, son excitation me rendant la voie presque trop facile. Elle gémit, moi-aussi. Elle se penche en avant et avance légèrement, moi avec, pour s'appuyer contre la table.
Je lui saisis les hanches et commence alors le premier va-et-vient. D'abord doucement, puis mettant un peu de force par moments, ou un peu de vitesse. Je lui donne envie à d'autres encore en ne la pénétrant que légèrement. Cela l'énerve et elle se retourne pour me pousser vers le lit.
- Attends...
- Non non je n'attends pas, c'est moi qui décide on a dit.
- Tu as dis, n'est-on pas en démocratie parfaite dans cette Congrégation ?
- Eh ! J'ai huit cent quatre vingt neuf ans, tu veux m'apprendre la vie ? Tu as quel âge toi, rappelle moi ?
- En années d'Adama ça doit faire dans presque dans les dix-sept ans !
- Bah, j'ai plus de cinquante fois ton âge ! Tu n'es même pas majeur ! Gamin ! Alors laisse toi faire.
Je ne résiste pas plus, ayant bien peu d'antipathie à me laisser prendre en main, si je puis dire, par la belle. Elle m'allonge sur le lit et s'agenouille sur moi, puis avec des petits mouvements du bassin parvient à réintroduire mon sexe en elle.
- Me !?
L'ordinateur du chalet réponde de sa voix douce :
- Oui Pénoplée ?
- Insonorisation !
- Pas de problème, fais-toi plaisir.
Je souris :
- Il est cool ton chalet.
Elle ne répond même pas et se contente d'un long gémissement en frottant son sexe fort contre le mien.
- Tu aimes quand je fais rentrer ton sexe profondément ?
Je me laisse aller moi-aussi... Elle gémit :
- Oooh... Oui !!...
Elle accélère alors, jusqu'à ce que je saisisse sa taille pour accélérer encore la cadence. C'est alors qu'elle jouit, me griffant presque en contractant ses mains sur ma poitrine et justifiant l'usage de l'insonorisation. Je me retiens.
Quelques secondes passent, plus calmes, elle me demande :
- Pourquoi n'as-tu pas joui avec moi ?
- Ne t'inquiète pas ça va venir.
- Toujours aussi prétentieux.
Elle change alors de position, recroquevillée, elle monte et descend au dessus de moi, alors que je l'aide avec mes mains sous ses fesses. Quelques minutes encore et je la retourne sur le lit, et, elle allongée sur le ventre, je pénètre son vagin par derrière en jouant de ma main, passé devant sous son sexe.
- Tu aimes ?
- Mmm... Plutôt...
Quelques minutes encore, pour faire remonter son excitation, et la retournant de nouveau je m'immisce dans une position plus classique, la saisissant par les épaules pour faire profondément entrer mon sexe en exerçant une forte pression sur son pubis. Elle apprécie et gémis, crie presque. Je sens à mon tour monter l'excitation en moi et accélère d'autant, me plaquant toujours plus contre elle. Parvenant à la faire jouir de nouveau à grand cris, elle crispe ses mains sur mes fesses et je m'abandonne moi aussi, criant mon plaisir, relevant mon torse pour mettre mon pénis au plus profond alors que je jouis.
Je m'allonge alors doucement sur elle, lui faisant un bisou dans le cou. Une minutes ou deux s'écoulent. Je lui demande :
- Vous parlez après ?
- Comment ça ?
- Après l'amour, est-ce que vous restez côte-à-côte un moment en discutant doucement.
- Ça dépend... J'ai connu de tout...
- Tu prends encore vraiment du plaisir après tout ce temps ? Il te reste du désir, des envies ?
- Ah, le plaisir purement sexuel est toujours là oui, ou très souvent, mais le désir est moins fort. Ça faisait plus de trente ans que je n'avais pas fait l'amour, et ça ne me manquait pas vraiment. Je crois qu'avec le temps c'est plus la peur de l'ennui de se retrouver avec une personne qui vole un peu de notre indépendance qui prédomine.
- Comment ça ? Tu veux dire que tu n'as plus envie de construire quelque chose, une relation ?
- Oui c'est ça, je suis bien toute seule et je n'ai pas envie d'avoir quelqu'un. Ce n'est pas pour autant que je n'apprécie pas voir des gens, au contraire, mais j'aime bien choisir ces instants. Quand tu es avec quelqu'un, tu lui dois un peu une certaine disponibilité, pas quand ce sont juste des amis, ou pas pareil, en tous cas.
- Tu as dû avoir des centaines et des centaines de petits-amis ?
- Des centaines peut-être pas, beaucoup c'est sûr, c'est long presque neuf cent ans, enfin mille quatre cent ans pour toi. Peut-être cent, oui après tout, je n'ai pas compté je t'avouerais. Mais avec lesquels je sois restée plus d'un an ou deux, pas plus d'une dizaine.
- Je n'ai pas grand chose à t'apprendre, alors...
Je me retire d'elle et m'allonge sur le côté. Elle sourit et m'embrasse sur le front.
- Il reste toujours à apprendre, surtout de toi, qui vient sans doute de là où j'aurais dû aller.
- Il n'es pas trop tard, il n'est jamais trop tard pour vous.
Elle sourit encore, puis soupire.
- Oh, je ne sais pas si j'irais maintenant... Je crois que n'en aurai plus envie, plus le courage...
- C'est avec Ragal que tu aurais voulu y aller ?
Elle soupire, reste silencieuse un instant.
- C'est surtout véritablement jeune, quand je ne connaissais pas encore le monde et les hommes, quand tout était encore possible, que crois-tu qu'il soit possible de faire quand on a mille quatre cent ans ? Crois-tu qu'il y ait encore résolution qui tienne ? Non, non, on ne change plus après un certain temps, on connaît ses limites et ses peurs, et on les accepte...
Je reste pensif sur ces paroles. Me demandant ce que je pourrai devenir en vivant plus de mille ans. Qu'est ce qui peut résister à mille ans, y a-t-il combat que l'on puisse mener sur une aussi longue période ? Est-ce que linux aura supplanter windows dans mille ans ? À quoi bon vivre si tous nos combats sont morts ? Si tous nos combats sont devenus une anecdote du passé ?
- À quoi penses-tu ?
- Je me demandais s'ils pouvaient exister des combats qui durent si longtemps, et si par exemple sur la Terre ce pour quoi je travaille pourrait m'occuper mille ans.
- Pour quoi travailles-tu ?
- Dans le monde où je vis, notre technique est bien moindre que la votre, les gens travaillent encore, et ce que tu appelles les artificiels sont chez nous bien moins intelligents. Ils ne font guère que quelques tâches basiques et répétitives, même si leur évolution est tout de même fulgurante, mais il y a cinquante ans à peine ils existaient tout juste, et aujourd'hui des mondes virtuels, certes pas aussi avancés que celui dans lequel nous avons évolué tout à l'heure, existent déjà. Mais tout ces artificiels ne sont qu'un tas de composant électroniques agencés les uns avec les autres. Certains s'occupent de faire l'affichage, d'autre conservent et stockent les informations, et d'autres encore traitent ces données. Pour les faire fonctionner correctement, nous utilisons un "système d'exploitation", qui est constitué de programme de bas niveau qui permettent de lier et rendre cohérent le tout. L'entreprise dans laquelle je travaille fabrique un de ces systèmes d'exploitations. L'originalité de notre fonctionnement réside dans le fait que nous partageons avec tout le monde notre travail gratuitement. Dans notre monde nous vivons encore avec le système de points que vous aviez par le passé, et c'est vrai que certains en accumulent sans savoir qu'en faire, ou les utilisent comme un pouvoir. Toujours est-il que le but de beaucoup est d'accumuler le maximum de points, et ils le font en rendant le plus inaccessible possible leurs méthodes de fabrications, alors que nous pensons qu'il est meilleur pour tout le monde de partager pour avancer en même temps et plus vite.
- Et ton combat, c'est ça ? Faire changer les gens d'avis, faire que les gens acceptent de partager plus pour avancer plus vite et tous ensemblee ?
- Oui, c'est un peu ça.
- Tu penses que vous allez réussir ?
- Oui, nous réussirons, parce que notre combat utilise les bons côtés de l'homme, alors que le leur utilise son égoïsme et sa cupidité.
- Et si pourtant les mauvais côtés gagnent ?
- C'est que l'homme ne mérite pas plus que ce qu'il a, et peut-être alors, oui, je me retirerai dans quelque endroit comme Stycchia... Mais pour ça il faudrait que je puisse y retourner...
- Ton nouveau combat est peut-être de retrouver ton monde, et mille ans ne seront pas de trop, j'en ai peur...
Je soupire.
- Mon...
Je suis coupé, je ne sais pas comment dire "Dieu" dans leur langue :
- Croyez-vous en autre chose que le monde, en quelque chose de surnaturel, une ou plusieurs créatures au-dessus de tout qui ont créé l'univers et tout ce qui va avec, vous y compris ?
- Euh... Et bien non, pas que je sache.
- Vous n'avez jamais adoré ou prié pour quelque chose, pour que cet être vous protège ou vous aide ?
- Non, pas que je sache, nous croyons en la réalité, la création du monde a été expliqué voilà bien longtemps, nous n'avons pas de raison de croire à plus.
- Même dans le passé, vous n'avez jamais expliqué le monde autrement ?
- Pas que je sache. Je ne crois pas. Tu veux que je cherche ?
- Non, nous verrons plus tard, ce n'est pas très important...
- Ton monde te manque, tu penses que tu n'y retourneras pas ? Tu as ta famille là-bas ? Tu as une copine ?
- Pas vraiment de copine non, j'ai beaucoup de personne à qui je tiens et ça me fait de la peine de penser que peut-être je ne les reverrai plus...
- Je t'aiderai, si tu restes, je t'aiderai, je ne sais pas vraiment comment, mais bon. Ah ! Peut-être que les gens du Congrès sauront ? Ils sont sages et savent bien des choses que les artificiels ont du mal à trouver parfois. À ce propos nous pourrions aller discuter un peu avec le conseil avant d'être en relation avec Adama.
- Nous avons un peu de temps ?
Pénoplée m'embrasse et se relève. Elle ramasse les restes de ses vêtements et des miens.
- Un peu de temps pour quoi ?
Je me lève subrepticement et m'avance vers elle, l'attrape par derrière une main sur un sein et une sur son sexe et l'embrasse dans le cou.
- Pour recommencer !
- Recommencer, déjà ! Fichtre, ça ce voit que vous ne vivez pas vieux chez vous !
Et nous recommençons, sur le sol en bois lisse de l'étage, usant des rubans traînant pour nous enlacer un peu plus. Elle termine allonger sur moi, jouant avec les poils de mon torse.
- On prend un goûter ?
- Bonne idée !
- Me, tu nous prépares un bon petit goûter en bas ? Tu me trouves un truc à me mettre aussi ? Un truc noir et moulant s'il te plaît, et pour Ylraw, hum... Pareil !
- Mais, ils viennent d'où ces habits ?
- Ils sont générés par Me.
- Pratique.
Me voilà donc en complet moulant noir, tout comme Pénoplée. Nous mangeons l'appétissant goûter préparé, puis sortons et allons jusqu'à la maison d'Erik. Nous le trouvons, lui aussi, en train de goûter avec Guerd et deux autres villageois. Erik nous salue.
- Hello, vous goûtez avec nous ?
- Nous avons goûter déjà, mais je prendrai bien volontiers encore un petit gâteau comme vous avez là.
- Nous allons rejoindre le conseil pour discuter un peu avant la réunion de tout à l'heure. Ce serait bien que tu viennes, Erik.
- C'est bon. On y va tout de suite ?
- Prenez votre temps, je vais d'abord aller voir qui est disponible pour un conseil, j'appellerai Guerd pour vous prévenir quand nous serons prêts.
Pénoplée se dirige tranquillement, toujours avec sa démarche passablement langoureuse, vers la salle du conseil, appelant sans doute dans le même temps les personnes du village intéressées par l'affaire. Disparue de notre vue, Erik demande :
- Ça y est, vous êtes désormais comme deux gouttes d'eau ?
Erik fait référence à notre tenu quasi identique. Je lui réponds en anglais, ne sachant pas comment dire cela dans leur langue.
- L'habit ne fait pas le moine.
Ce qui donne "clothes do not make the man" en anglais. Guerd demande ce que j'ai dit. Erik explique que c'est un proverbe, une expression populaire signifiant qu'il ne faut pas juger une personne à la façon dont elle est habillée. Nous enchaînons alors sur l'existence de proverbes dans leur culture, en essayant de faire correspondre un équivalent des nôtres. Ils ont un proverbe qui dit en gros "plus malin que toi profitera de toi", et cette expression populaire me rappelle l'histoire de Pénoplée et l'aversion et les craintes que les gens ont envers les chercheurs, les personnes prétendument plus intelligentes. D'autant que cette peur semble dépasser le simple cadre de la méfiance envers le progrès et la nouveauté que l'on retrouve aussi sur Terre. Autant avons-nous une certaines motivations pour faire mieux que les autres, pour réussir, que ce soit socialement, intellectuellement, ou simplement déployer une certaine présence d'esprit, autant ici tout ceci semble être négativement perçu. Cette différence de perception explique sans doute leur choix, d'une évolution quasi nulle, d'un travail interdit, et peut-être aussi la lenteur apparente de leur évolution. Ceci dit il est difficile de juger où en sera la Terre dans dix ou vingt mille ans ; l'évolution, avec la complexification des recherches, des techniques, de l'ensemble du savoir à engranger pour pouvoir progresser, aura-t-elle tendance à aller de moins en moins vite ?
Je suis tiré de mes pensées par Guerd qui nous signifie que Pénoplée nous attend. Erik et Guerd termine leur gâteau et nous partons la rejoindre dans la salle du conseil. Une dizaine de personnes sont déjà présentes, je salue celles que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir dans la journée, en échangeant deux trois nouvelles. C'est Iurt, une des rares personnes à avoir un corps d'apparence âgé, je ne sais pas si c'est l'effet réel du temps ou un choix personnel, qui préside.
Jour 135
La maison du conseil est une demeure un peu plus grande que les autres habitations du village, constituée d'une première salle de taille moyenne en entrant, où cinq à six personnes peuvent se réunir, accolée sur sa droite et sa gauche par deux salles en demi-cercle beaucoup plus grande, pouvant accueillir dix à quinze personnes, et finalement la salle du conseil. C'est une grande salle circulaire, sans meuble, si ce n'est un banc sur son pourtour, pouvant être le lieu de discussion pour la cinquantaine d'habitants du village. La lumière encore chaude du soleil entre par six petites fenêtres disposées à intervalles réguliers, faisant ressortir la teinte marron-orangées du bois la constituant. Quand le nombre de participants est inférieur le banc peut être avancé par morceaux de façon à permettre la formation de cercle plus étroits. C'est le cas aujourd'hui, mais cette situation reste l'exception, car les villageois apprécient généralement les discussions interminables où se décident l'emplacement du prochain chalet, où la date de la prochain fête du village. Mais pour l'occasion le conseil pensait que limiter le nombre de participants rendrait la tâche plus aisée, d'autant que la décision du village avait déjà été prise, à savoir de nous autoriser à rester ici et devenir membre de la petite communauté à part entière, et que la discussion du jour était plus la soumission de cette décision aux autres représentants de la Congrégation, ou tout du moins à un médiateur dans un premier temps.
Iurt nous conseille, à Erik et moi, de nous installer côte à côte bien en vue de tout le monde, car n'ayant pas de bracelet c'est par leur yeux que les interlocuteurs nous verrons. D'autre part nous apprécions sa demande d'autorisation de nous projeter une image mentale pour voir leur ou leurs interlocuteurs, et ainsi pouvoir suivre la conversation, et répondre à d'éventuelles questions.
C'est Iurt qui initie la conversation, parlant seul dans un premier temps, puis une personne apparaît au milieu de cercle. Un homme âgé, debout, habillé de vêtements légers et amples bleus marines, il se présente comme Guewour. Iurt présente rapidement les personnes autour du cercle, puis laisse quelques secondes à Guewour pour nous observer. Iurt passe un long moment à détailler l'historique de notre présence ici, les débuts mystérieux où ils ne nous avaient que croisés dans le cratère, puis notre arrivée au village bien des jours plus tard, et l'ensemble de notre évolution parmi eux. Il ne cache rien, le fait qu'ils aient tenter de résoudre le problème par eux-mêmes pour éviter l'affluence, ainsi que leur conscience du caractère exceptionnel de l'événement. Guewour ne semble pas affichée d'humeur ni d'avis particulier, écoutant impassiblement le discours de Iurt.
Iurt ponctue son histoire de nombreuse images et scènes que mettent à sa disposition les autres personnes, Pénoplée entre autre me concernant, et Guerd pour Erik. Toujours dans le but de montrer notre intégration, la confiance qu'il nous portent, et notre capacité tout à fait avérée de vivre parmi eux. Iurt termine en exposant les questions qui restent en suspend, à savoir notre origine, le problème du bracelet de Naoma, et notre incorporation en tant que membre de la Congrégation.
Iurt a été très précis dans son discours, le rendant assez long, sans doute plus de quarante minutes, mais Guewour en semble satisfait et pose même de nombreuses questions pour compléter son point de vue. Guewour exprime sa stupéfaction sur notre arrivée par un téléporteur normalement hors d'usage, et d'autant que celui-ci ne conserve pas de trace de notre passage. Il s'exprime confiant quand à la récupération du bracelet, expliquant qu'il faudra tout de même en référer à un regroupement d'avis plus représentatif sur ce sujet sensible. Concernant notre intégration, ce cas ne s'étant pas présenté depuis bien des milliers d'années, il pense que celle-ci sera dépendante de l'élucidation du mystère de notre arrivée, de notre capacité, qui a l'air d'être déjà tout à fait convenable, à accepter les règles de la Congrégation, le tout devant être validé par les autres membres de la Congrégation, ou par leur représentant. Il pense donc que l'équivalent d'un référendum est nécessaire pour cette question, ce qui ne manque pas de m'étonner. Toutefois le cas ne s'étant pas produit depuis plusieurs milliers d'année, une telle disposition peut se justifier, et après tout chaque membre de la Congrégation peut avoir avis sur l'intégration de nouvelles personnes comme concitoyen.
Bref, Guewour explique que quoi qu'il en soit plusieurs avis sont nécessaires à différents niveaux. La première étape sera de prendre contact avec les artificiels responsables de la téléportation pour leurs explications et le déblocage du bracelet de Naoma, qui ne pose a priori pas de problème et devrait pouvoir se faire rapidement. Pour le dernier point, d'autres réunions du Conseil sont à prévoir, tout en sachant que si un référendum est considéré comme nécessaire, il faudra sans doute un certain temps avant que notre présence comme citoyen soit pleinement validée. Dans un premier temps néanmoins, Guewour pense que nous pouvons recevoir des bracelets de type enfants, et ainsi nous habituer à leur maniement, et pour rendre notre vie de tous les jours un peu plus simple. Iurt s'inquiète de l'avis que pourraient avoir les gens s'ils décident simplement au niveau du conseil du village de l'octroi de bracelet enfant, Guewour rétorque que ceux-ci étant plus une méthode de surveillance supplémentaire qu'un réel pouvoir, il n'y a absolument aucun problème. De plus cette mesure permettra plus facilement d'avoir l'historique de notre progression, qui sera un élément important quant à aider à la formulation d'un jugement à notre égard.
Guewour termine en détaillant qu'il ne sera pas disponible pendant deux ou trois jours, mais que ce temps nous sera nécessaire pour regrouper suffisamment d'avis pour prendre contact avec les artificiels et demander la libération du bracelet. D'autre part il en profitera lui-même pour trouver de nouveau avis et prendre recommendations sur les différents points auprès d'autres personnes du Conseil d'Adama, où il espère pouvoir exposer succinctement le problème avant une semaine, vue son caractère inhabituel. Tout le monde salue alors respectueusement Guewour, qui disparaît du milieu du cercle quelques secondes plus tard.
Nous restons encore quelques minutes à discuter, plutôt satisfait de cet entretien. Iurt nous prévient tout de même que tout risque de prendre du temps, et que nous devrons avoir de la patience avant d'être membre à part entière de la Congrégation. Les gens, après les recommandations de Guewour, discutent alors de la mise à notre disposition de bracelet enfant, et rendez-vous est pris pour le surlendemain et une discussion générale des villageois sur ce point. Nous nous quittons l'après-midi laissant petit à petit place au soir naissant. Guerd nous propose un balade et un pique-nique au bord de la mer, nous acceptons.
Bien malin qui pourrait dire que nous ne sommes pas sur Terre, alors que nous marchons dans le sable créé par les artificiels sur les dix kilomètres de plage faisant face au village, bercés par le remous de la mer sous le ciel bleu s'assombrissant à mesure qu'apparaissent les étoiles. Guerd brise les quelques minutes de silence que nous nous étions octroyés en contemplant les milles reflets du couchant.
- Le ciel est aussi beau, chez vous ?
Erik répond :
- Oui il est, en tous les cas en Australie, le pays d'où je viens, je trouve. Mais j'imagine que partout sur Terre on peu trouver un ciel aussi beau.
- Oui dans mon pays aussi le ciel est beau. Peut-être un peu moins pur, autour des grandes villes, à cause de la pollution de l'atmosphère.
Guerd est curieuse :
- Vous avez des problèmes de pollution ?
- Oui énormément, nos techniques sont loin d'être aussi avancées que les vôtres, et nos industries rejettent beaucoup de substances néfastes dans la nature.
Guerd a une expression de dégoût.
- Aarg...
Erik s'intéresse au débat :
- Vous n'avez pas ce genre de problème vous ? Comment ce fait-il d'ailleurs ? Vous produisez bien pourtant de nombreuses choses ?
C'est Pénoplée qui répond :
- La plupart de nos générateurs sont de petites unités indépendantes recyclant la majeure partie des choses. Un grande partie de nos biens sont fabriqués par fusion, dans la mesure où nous n'avons pratiquement pas de limites d'approvisionnement en énergie, nous nous passons souvent de la nature. Les chalets recyclent l'eau, les habits, tous nos rejets corporels, et complète par fusion.
- Mais toute cette énergie, d'où vient-elle.
Pénoplée cesse de marcher et pointe son doigt vers le ciel :
- Tu vois la légère traînée lumineuse qui traverse presque tout le ciel ?
- Oui, nous l'avions déjà vu sur le radeau.
- Et bien c'est une ceinture énergétique concentrant l'énergie de l'étoile et la mettant à disposition des différents artificiels.
Guerd semble étonnée :
- Vous n'avez pas ce genre de chose, chez vous, d'où tirez-vous votre énergie ?
Nous nous lançons alors dans une discussion prolongées sur nos différentes sources d'énergie, pétrole, nucléaire, hydroélectrique, solaire et toutes celles qui nous passent par la tête. La discussion est coupée par la faim qui nous pousse à nous installer pour le dîner. Nous avions emporté chacun de petits paniers mis à notre disposition par le chalet d'Erik. Après quelques minutes silencieuses pour déguster les fameux petits pains, Guerd reprend la discussion :
- Et si vous êtes acceptés dans la Congrégation, qu'allez-vous faire ? Rester ici, aller sur une autre planète ?
- Je ne sais pas pour Erik, mais en ce qui me concerne je ne me soucis pas vraiment de mon intégration à la Congrégation ou pas, ce qui m'intéresse en premier lieu, c'est retourner sur Terre.
- Mais si vous avec tellement de retard sur nous, pourquoi y retourner ? De plus vous serez obligés de travailler là-bas.
Je conteste :
- Oui mais c'est chez nous ! C'est là-bas que sont nos familles, nos amis, nos vies ! Et puis je ne supporterai pas de ne pas tenter de comprendre cette histoire, qu'est ce que nous faisons là...
Erik prend la parole :
- J'ai moins d'attaches qu'Ylraw sur Terre, mais j'aimerais moi aussi éclaircir cette histoire.
Guerd reste confiante :
- Peut-être que les artificiels s'occupant du téléporteur pourront donner des informations.
- J'espère.
Nous discutons encore plusieurs heures après dîner, de notre monde, du leur, de nos habitudes, cultures, style de vie... La nuit se faisant un peu plus fraîche avec le vent se levant, nous rentrons doucement vers le village, qui n'est qu'à quelques centaines de mètres. Guerd invite Erik à passer encore un moment chez elle, quand à moi je me dirige vers mon chalet. J'ai bien des questions dans mon esprit, et le fait même que j'ai fait l'amour avec Pénoplée m'est complètement sorti de l'esprit, et je n'ai pas le réflexe de lui proposer de dormir chez moi. Je la quitte sans remarquer qu'elle est très énervée de mon attitude.
C'est au milieu de l'excellente nuit que je passe que je me rends compte que je ne l'ai même pas embrassée le soir, pas plus qu'invitée à dormir avec moi. Il ne me faudra pas longtemps le lendemain matin pour m'apercevoir que cet oubli lui a moyennement plu, quand elle refuse de prendre le petit-déjeuner avec moi, prétextant qu'elle a d'autres choses de prévues pour la journée, et que je fais bien ce que je veux. Je suis étonné et amusé par un tel caprice à son âge. J'avoue que la situation me motive plus qu'autre chose de la savoir vexée par mon attitude, me laissant le loisir de trouver le moyen de la faire revenir sur sa décision.
La demi-heure plantée devant son chalet à l'appeler et formuler mes plus plates excuses reste infructueuse, et je ne vois pas le petit bout de son nez. Mais imaginant que tout ce qu'elle espère c'est justement de me faire patienter sans mot dire un bon moment, je lui signifie alors que je lui souhaite une bonne journée et que je vais pour ma part vaquer à des occupations plus productives. J'entreprends alors mon tour de salutation des habitants du village, discutant avec la plupart d'entre eux de choses et d'autres. Mon tour m'amène à être invité pour déjeuner avec une dizaine d'entre eux qui avaient organisé un petit buffet à l'occasion du nouveau morceau de musique composé par le compositeur du village. J'avoue ne pas être extrêmement séduit par les rythmes langoureux de sa musique, je suis néanmoins très intéressé par sa façon de composer, là encore uniquement par interaction avec le bracelet, en imaginant une mélodie dans sa tête dans un premier temps, puis en la travaillant et la structurant de manière progressive en l'enregistrant dans le bracelet.
La matinée s'écoule, et je la termine avec une petite balade avec deux autres personnes qui sont allées observer à quelques pas du village l'évolution d'un couple de petits oiseaux qui ont fait nichée dans un arbre bas. Ce n'est pas très intéressant, mais l'occupation me rappelle ma maman qui passe beaucoup de temps à observer autour de la maison de mes parents les différents animaux et oiseaux et leurs évolutions. En rentrant je vois enfin Pénoplée, qui marche seule en direction de son chalet. Je la rejoins sans faire de bruit. Bien sûr je me fais doubler par son bracelet qui lui signale mon arrivée.
- Si tu crois que je ne t'ai pas vu.
- Tu n'es pas très joueuse. Bonjour.
- Bonjour. Bien dormi ?
Je sens le piquant de sa remarque, qui me fait sourire.
- Ça t'amuse, c'est déjà ça, tu jouais, c'est ça ?
- Je suis vraiment désolé, Pénoplée, franchement je voulais tout sauf te faire du mal, quand je suis...
Elle me coupe :
- Tiens, mon bracelet dois avoir un problème, il ne dit pas que tu es en train de mentir...
Cette remarque m'énerve passablement :
- Et oh c'est qui qui est adulte là ? C'est pas toi qui es censée avoir mille ans et moi même pas vingt ?
- Ce n'est pas une question d'être adulte, c'est une question de respect.
- De respect ? Mais je te respecte bon sang ! C'est parce que par mégarde je suis trop préoccupé par le fait que je ne sais toujours pas si je vais revoir Naoma avant plusieurs semaines, pas plus si je vais pouvoir retourner chez moi, ou quand je pourrai enfin librement partir à la recherche d'indices que je te manque de respect ? Oui désolé je ne pense pas à toi en permanence. Si ça c'est te manquer de respect et bien soit !
Elle reste silencieuse, je continue :
- Je te respecte Pénoplée, vraiment, et je te suis extrêmement reconnaissant pour tout ce que tu as fait pour moi. Et je tiens aussi beaucoup à toi, et je ça me fait très plaisir que nous soyons devenu proches.
- Pourtant tu préfères encore dormir loin de moi.
- Tu sais très bien que ce n'est pas vrai, que...
- Comment pourrai-je le savoir, tu ne me dis rien.
- Tu pouvais demander aussi, ça m'aurait fait très plaisir de passer cette nuit en te serrant dans mes bras. Mais j'ai tellement de choses à quoi penser, je suis tellement perdu.
- J'ai l'impression que tu n'es pas si proche de moi.
- Pénoplée, je suis perdu dans un monde que je ne connais pas, sans savoir pourquoi ni comment, sans savoir si je vais rester là et combien de temps. Tu ne peux pas me reprocher de ne pas tomber follement amoureux de toi en cinq minutes !... Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ?
- Ici ?
- Oui.
Elle réfléchis un instant, surprise.
- Et bien, euh, si ça ne te dérange pas, j'aimerais plutôt que tu fasses ça chez moi. Pas que je ne veille pas dire aux autres que je sors avec toi, mais juste que je préfère de pas trop l'exposer à tous.
Je la prends par la main et la raccompagne jusqu'à son chalet. Une fois à l'intérieur, je la serre dans mes bras, lui demandant une fois de plus pardon de ne pas l'avoir invitée hier soir. Pour me faire excuser je lui propose de lui faire un massage :
- Tu veux dire faire une séance de massage ?
- Euh, non, moi, te faire un massage.
- Mais, comment ?
- Et bien, avec mes mains, te masser le dos, les jambes, le visage, la tête...
- Tu sais faire ça ?
- Ce n'est pas très compliqué, mais j'ai peur que ce ne soit moins bien que ce que propose vos artificiels.
- Bah ! Peu importe, c'est différent, je veux bien.
Me dit-elle en souriant. Je lui fait un bisou et l'invite alors à monter s'allonger sur le lit. Je demande à Me s'il aurait de l'huile de massage, j'ai un peu de mal a expliquer et Pénoplée m'aide. Finalement celui-ci me fournit des petits sphères d'huile avec lesquelles je peux me frotter les mains pour les induire, c'est parfait. J'ai toujours aimé faire des massages, peut-être parce que j'apprécie la découverte du corps que je masse, ses points sensibles, douloureux, ou tout simplement pour donner du plaisir à une personne que l'on apprécie.
Je prends le temps, doucement, de la déshabiller, en massant légèrement au passage ses bras, épaules, jambes, cuisses. Une fois nue, je tapote du bout des doigts tous les muscles apparents, principalement le dos, les cuisses, les fesses, les épaules et les bras. Je commence alors à utiliser l'huile de Me pour doucement lui en enduire le corps, et débuter le massage à proprement parler. Je m'attarde sur les mains et les pieds, puis les jambes et les bras. J'insiste longuement sur le dos, et graduellement intensifie aussi la force de mon massage. Régulièrement je fais une pause au niveau de la tête, pour masser le cou et le cuir chevelu. Je m'assure de manière répétée que je ne vais pas trop fort ou si je dois insister sur certaines parties plus douloureuses de son corps.
Son corps est vraiment parfait, et je ne me lasse pas de le caresser. Bien évidemment j'aurai difficilement pu ne pas être excité par cette séance, et, considérant ma pénitence accompli, je me déshabille et m'allonge nu sur son dos. Elle murmure :
- Hum, intéressant, c'est de me masser qui t'a mis dans cet état ?
- J'ai bien peur que oui, que va-t-on pouvoir faire ?
- Et bien ce serait idiot de ne pas en profiter, tu ne crois pas ?
J'acquiesce, et, lui écartant les jambes avec mes genoux, je me glisse doucement en arrière puis en avant, et, avec de petit mouvement du bassin, me fraye un chemin jusqu'à ce que mon sexe rentre doucement dans son vagin, puis petit à petit la pénètre à mesure que son excitation augmente. Elle se laissera faire, jusqu'à jouir en m'attrapant les fesses par derrière, puis se laissant doucement glisser vers une somnolence rafraîchissante.
- Tu vois, et bien je crois que tu dois être la première personne humaine qui me fait un vrai massage, et bien je trouve que c'est bien bête de systématiquement utiliser les artificiels pour ça.
- Ils ne font pas de bons massages ?
- Oh si ils font de très bons massages, d'autant plus qu'ils perçoivent plus justement les tensions de notre corps, mais ils en font rarement qui se terminent aussi bien...
Je souris et m'allonge près d'elle, elle se tourne et pose sa tête sur mon torse. Nous nous endormons ainsi pour une agréable sieste. Me diminue la température de la pièce et teinte légèrement les vitres, créant ainsi une pénombre propice à nos repos.
Nous nous endormons profondément, et ne sommes réveillés que lorsque Guerd et Erik passent pour savoir si nous serions d'accord pour aller nous baigner avec eux. Et c'est à la plage que nous terminons l'après-midi, avant de finir cette journée bien remplie par un dîner chez Iurt, qui est désireux de s'entretenir encore avec nous, ayant toujours mille questions sur d'où nous venons, comment nous vivons, qui sont les gens habitants notre planète...
En rentrant de chez Iurt, je ne manque pas de demander à Pénoplée si elle désire venir dormir à la maison, mais c'est finalement chez elle que nous passerons la nuit, terminant ce cent vint-deuxième jour.
Les deux jours suivant n'ont guère à envier à celui-ci, et nous profitons de la vie facile dans l'attente des différents conseils devant avoir lieu. C'est dans la soirée du cent ving-quatrième jour que nous est accordé le port d'un bracelet enfant. Ma soirée se consacre presque exclusivement à son étude. Il donne accès comme le bracelet que j'avais essayé dans le téléporteur à trois menus principaux, qui se subdivisent eux-mêmes en une multitude de choix et options. Il n'est pas déraisonnable que nous commencions avec ce modèle simplifié, car j'ai déjà du mal à me dépatouiller de toutes les fonctionnalités. Heureusement Guerd et Pénoplée nous expliquent et nous donne les raccourcis, les façons pour accéder directement à certaines fonctions clés. Moi qui est toujours été passionné par les appareils de mesure, rythme cardiaque, poids, énergie consommée et tout autre genre d'information comme l'altitude, la température et bien d'autres, je suis aux anges. Le plus extraordinaire c'est qu'allongé tranquillement dans mon lit je peux regarder en détail ce que j'ai fait dans la journée, car il y a une sauvegarde de tout ce que l'on voit, entend, bref, tout ce que l'on ressent.
Pénoplée doit même me retirer mon jouet de force, en usant du sien, pour que je daigne enfin la prendre dans mes bras et lui faire un câlin avant de nous endormir. C'est le lendemain, le cent vingt-cinquième jour, que j'apprends à grand-peine à me servir de la fonction de sauvegarde du bracelet, et où je débute succinctement le récit à partir de notre départ de chez Martin, en espérant pouvoir retrouver un jour la partie écrite avant cet épisode, sur Terre.
Le soir du cent vingt-cinquième jour, le conseil a enfin un entretien avec Guewour et plusieurs autres personnes du conseil. Nous n'y sommes pas conviés Erik et moi, mais nous apprenons avec joie que la libération du bracelet de Naoma est validée, et que dès le lendemain nous nous rendrons sur place pour le récupérer. Depuis notre dernière visite, Moln, la personne s'y connaissant le plus en téléportation du village, et dont m'avait déjà parlée Pénoplée, est revenu et sera la personne en charge de l'expédition. Pénoplée nous explique par contre que les artificiels n'ont absolument aucun trace de notre arrivée, et ne l'explique pas, allant même jusqu'à mettre en doute notre bonne foi. Pénoplée nous raconte que ce paradoxe a créé un fort remue-ménage, et que de nombreuses personnes sur Adama voudraient nous interroger plus en détail pour mettre ce mystère au clair. C'est ainsi qu'il a été décidé, à partir du moment où le résultat sur la reconstitution de Naoma sera connu, d'organiser un premier entretien avec de nombreuses personnes du Congrès, et sans doute de prévoir un voyage vers Adama de tout ce petit monde pour à la fois tenter d'élucider ce mystère et préparer notre premier entretien en vue de notre admission comme membre de la Congrégation.
Ce soir là, pour la première fois depuis plusieurs jours, j'ai une discussion seul à seul avec Erik :
- Ils ont l'air confiant sur le fait qu'ils vont pouvoir la faire revenir.
Erik n'a pas l'air aussi enthousiaste que je le pensais :
- Oui, c'est vrai. Mais j'avoue ne pas trop savoir à quoi m'attendre.
- C'est à dire ?
- Et bien ça fait maintenant plus de deux mois qu'elle est morte, il s'est passé tellement de choses ici, je ne sais pas vraiment ce que je voudrais.
- Quoi qu'il en soit elle ne se souviendra pas de ce qui s'est passé, pour elle se sera sans doute comme si elle arrivait tout à coup sur cette planète.
- Oui, mais... Nous allons sans doute lui raconter ce qu'il s'est passé, et... Si je peux te le demander, j'aimerais que tu ne parles pas du fait que je lui ai dis que je l'aimais, ça ne ferait compliquer les choses. Ou en tous les cas j'aimerais que ce soit moi qui lui apprenne.
- Bien sûr, je comprends. Tu es tombé amoureux de Guerd ?
- Amoureux je ne crois pas, mais il est vrai que je la trouve bien foutue.
- Vous couchez ensemble ?
- Oui, depuis presqu'un mois.
- Oh ! Je n'aurais pas dit autant.
- Je n'ai sûrement pas autant de remords que toi pour coucher avec une nana. Ça ne fait que quelques jours que vous êtes ensemble avec Pénoplée.
- Oui, même pas une semaine. Mais j'avoue que j'ai pas mal d'autres soucis qui me tournent dans la tête.
- Que fera-t-on une fois Naoma de retour, nous allons rester ici, partir, chercher la Terre, mais où, personne ici ne semble la connaître ni d'avoir d'idée où la trouver ?
- Je pense qu'il est important que nous puissions rentrer dans la Congrégation, cette première étape nous rendra libre d'aller où nous voulons. Pour la Terre Pénoplée pense que c'est un monde formé au delà des limites de la Congrégation où les hommes de l'Au-delà ont trouvé refuge.
- Ça ne nous avance pas beaucoup, combien de millions de planètes devrons nous visiter avant de la retrouver ? Et encore, si leurs téléporteurs déconnent autant que celui avec lequel nous sommes arrivés et que nous devons le faire en vaisseaux, autant prendre directement notre retraite ici, nous n'avons aucune chance.
- C'est vrai que je n'ai franchement aucune idée de comment procéder. Mais tout ça ne peut pas être qu'un hasard, il doit bien avoir une raison où un responsable.
- C'est ce que je me dis aussi, mais comme tu dis tant que l'on ne peut pas bouger par nous même, nous sommes un peu coincés. Depuis combien de temps sommes nous ici ?
- Ça fait plus de quatre mois que nous sommes partis de Sydney, d'ailleurs ça me fait penser que je n'ai pas compter le temps que prend une téléportation. d'après Pénoplée c'est de l'ordre de trois jours, ce qui porterait le nombre de jours à cent trente-un et pas cent vingt-six. Et ça fait un peu plus de deux mois que nous sommes dans le village.
- Plus de quatre mois !... Ce qui veut dire que nous serions vers le début du mois de mai 2003 sur Terre. Et encore, si nous considérons que les jours sont les mêmes et que tu ne te sois pas trop planter dans ton calcul.
- Les jours n'ont pas l'air trop différents, peut-être une heure ou deux de différence, mais pas plus, au max ça rajoute ou enlève une dizaine de jours au total, ce qui ne change pas beaucoup, vu le point où nous en sommes.
Nous sommes coupés par une douce voix féminine :
- Salut les garçons, on va manger un bout ?
Guerd nous rejoint et nous allons tous les trois chez elle pour le dîner. Pénoplée n'est pas disponible ce soir, mangeant avec une connaissance dans un village plus au Nord. Je passe une grande partie de la soirée à enregistrer notre histoire, arrivant jusqu'au soir ou j'avais regardé les étoiles du toit des bâtiments. Je me couche la nuit déjà bien avancée, Pénoplée me rejoindra dans la nuit, quelques heures plus tard, me réveillant juste un instant pour venir se blottir contre moi.
Cent trente-deuxième jours, inclus le petit ajustement pour tenir compte des temps de téléportation. C'est aujourd'hui que nous devons justement nous rendre au téléporteur pour chercher le bracelet de Naoma, et éventuellement d'autres indices avec l'aide de Moln. Je me réveille tôt, impatient. Je me lève sans bruit et demande à Chalet de me prévenir pour ne venir réveiller Pénoplée que lors du départ, qui se fera dans le milieu de la matinée. Mais elle se réveille avant et m'appelle pour savoir où je suis. J'accours presque et nous prenons un copieux petit déjeuner, en discutant de sa soirée du jour précédent. Nous allons être une petite expédition à aller là-bas, Moln, Ulri un autre villageois, Guerd, Erik, Pénoplée et moi. Le temps est maussade sur le village, et ceci jusqu'à plusieurs dizaine de kilomètres des côtes. Guerd pilote Erik et Pénoplée se charge de moi. Nous pourrions voler par nous-mêmes, mais l'apprentissage prend quelques temps, et nous sommes pressés. Le temps dans le cratère du village n'étant pas propice à un vol en altitude, avec un fort vent et beaucoup de pluie, nous ne volons qu'à quelques mètres au-dessus de la forêt, en suivant le chemin inverse que nous avons parcouru deux mois plus tôt. Le bruit de nos abeilles effraient les animaux, et, au détour d'un petite clairière, ironie du sort, trois petites bêtes noires partent en courant, effrayées, suivies par une beaucoup plus grosse, énorme même, qui les suit en boitant de la patte arrière...
Erik demande à ce que nous fassions une pause, et j'explique que c'est sans doute la bête qui a attaqué et tué Naoma. Nous attendons qu'elle quitte notre champ de vision, nous demandant sans doute Erik et moi si nous ressentons de la haine à son égard, si nous voudrions la tuer, si l'espoir que nous avons de retrouver Naoma pardonne à cette mère de nous l'avoir prise pour nourrir ses bébés. Nous repartons. Étant plus nombreux et le temps moins beau le voyage durera un peu plus que la fois précédente. Arrivés nous ne chômons pas et nous nous rendons directement dans le téléporteur. Moln prend contact avec les artificiels responsables et l'ouverture de la trappe pour récupérer le bracelet de Naoma ne pose pas de problème, ce qui est déjà un soulagement.
Moln tente ensuite de retrouver des informations sur notre passage. Nous ne comprenons pas grand chose à ce qu'il fait, et, hormis Ulri, qui s'y intéresse aussi, nous allons pour notre part grignoter un pain aromatiser dans la cuisine. Erik est dépité en découvrant ce qui m'avait moi-même très agacé lors de ma première visite avec Pénoplée. Nous consommes les petits gâteaux au goût sucré-salé en faisant un tour des locaux, et espérant de Pénoplée qu'elle nous fasse découvrir tout ce que nous avions manqué.
Les tours de magies commencent dans la cuisine par la génération de chaises autour des tables. En prenant de la main le rebord de la table, une tige métallique y prend croissance pour former un petit siège arrondi.
- Voilà pour la cuisine. Bien sûr à cela s'ajoute le contrôle de l'opacité des fenêtre, de la lumière, de la température...
Pénoplée illustre ses propos en faisant l'obscurité dans la pièce, puis en ramenant les vitres à une transparence parfaite. Nous ressortons pour rejoindre la pièce annulaire principale.
- Ici se trouve les postes de travail, de la même façon vous trouverez des chaises au niveau des tables, et de plus une connexion à l'intelligence des bâtiments. Cette connexion vous donne accès à la base de connaissance et les différents paramètres des locaux, ainsi que leur historique.
Pénoplée, une fois assise sur la chaise nouvellement créée, fait apparaître une console virtuelle comportant une représentation des bâtiments, et, en prenant de ses mains les différents paramètres, nous détaille en montrant des séquences vidéos en trois dimensions le rôle et le travail qui occupait les personnes présentes dans ces locaux ; ces épisodes remontant à près de mille cinq cent ans.
- Ceci était un poste d'étude de la faune et de la flore du cratère. Les personnes travaillant ici y passaient généralement une dizaine de jours.
- Où dormaient-ils ?
- Au sous-sol, vous n'y êtes pas allés ?
- Nous n'avons pas pu...
- Ah, oui... Je sais...
Pénoplée sourit et me caresse la joue avant de se diriger vers la petite salle couloir donnant sur toutes les autres.
- On ne peut pas descendre sans bracelet. Suivez-moi.
Nous grimpons avec elle sur la plaque, et descendons pour nous retrouver, enfin, dans ces fameux sous-sols.
- Et dire que j'avais peur d'y trouver je ne sais quoi...
- Pas de quoi s'affoler, effectivement, tu as raison Erik.
Le sous-sol est simplement constitué d'une dizaine de petite chambres indépendantes, comportant chacune un lit et une petite table, ainsi qu'une armoire.
- Il n'y a rien d'autre ?
- Non, cette endroit servait juste de dortoir, nous retournons en haut ?
Nous remontons cette fois-ci par les escaliers, la porte s'ouvrant sans manière devant la volonté de Pénoplée.
- Mais que peut-on faire sans bracelet chez vous, rien ?
- C'est ce qui permet de nous identifier, n'avez-vous pas vous aussi des systèmes d'identifications chez vous, qui vous sont nécessaire pour accéder à certaines choses ?
- Si, mais nous nous en servons moins souvent, c'est moins contraignant.
- Bah, ça le deviendra sans doute.
Pénoplée a sûrement raison, à partir du moment où une identification électronique efficace existera, elle sera déployée systématiquement. Mais comme c'est déjà un peu le cas, ça posera de nombreux problème de vie privé, toutefois.
- Mais, Pénoplée, des personnes ne se sont-elles pas opposés au port quasi-obligatoire de bracelet, c'est tout de même un peu embettant pour les libertés individuelles, la vie privée, non ? N'importe qui peut savoir ce que tu fais, où tu vas ?
- Certaines personnes le refusent oui, et vivent sans, mais très peu. Et pas n'importe qui peut accéder à tes données. Il faut faire confiance au système, bien sûr, mais si tu supposes que le système est fiable, seul toi est garant de tes données, par contre tu dois les dévoiler si tu désires quelques choses, ce qui est honnête. D'autre part avec un certain nombre d'avis on peut accéder à tes données.
- Ni a-t-il pas de l'abus, des personnes qui cherchent suffisamment d'avis juste pour pouvoir déjouer ou espionner ?
- Ce n'est pas si évident que ça de trouver des avis dans un but non honnête. Je te rappelle que les gens sont capables de savoir quand tu mens. D'autre part espionner pour quoi ? Par jalousie ? Dans la mesure où la notion de propriété est très abstraite, et où les gens ni ne travaillent pas ni ne dirigent, il ne reste guère que les histoires de coeur ou d'orgueil qui persistent. Les gens savent reconnaître l'orgueil, essaie au village de trouver suffisamment d'avis pour avoir accès à mes données quand je m'absente comme hier soir, je te souhaite bien du courage. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais je pense que c'est extrêmement difficile, d'autant qu'à ma connaissance personne ne s'en est jamais vraiment plaint à raison.
- Mais, pour avoir accès à tes données justement, combien faut-il d'avis ? Un, cinq, dix ? Comment est-ce calculé ?
- C'est une sorte de duel. Si tu veux accéder à mes données et que je m'y oppose, alors tu peux faire appel à une personne supplémentaire et lui exposer le problème. Si elle t'es favorable, à mon tour de chercher des personnes qui seraient en ma faveur.
- Mais quand cela s'arrête-t-il ? Le tout peut durer indéfiniment !
- C'est vrai que ça peut durer très longtemps en théorie, mais dans la pratique les gens s'impatientent assez vite, et dans l'exemple donné, au bout d'un jour ou deux soit toi soi moi aurions baisser les bras. De plus dans la majeure partie des cas une très nette majorité s'exprime en faveur de l'un ou de l'autre, et si au bout d'une semaine, par exemple, je n'avais que dix pourcent des avis, j'ai tout intérêt à céder, car ça pourrait m'être préjudiciable par la suite.
Cette discussion allant, nous nous étions rendus dans la salle comportant la table centrale, les cages, les barres métallique ainsi que la grande baie vitrée.
- Ce sont les barres que vous utilisiez, j'imagine que vous n'avez pas réussi à les faire fonctionner ?
- Pourquoi, c'est censé faire quoi ?
- Prends-en une et ouvre ton bracelet, ton bracelet doit pouvoir de montrer les fonctions.
Je comprends que Pénoplée me demande de me concentrer sur mon bracelet pour en ouvrir le menu. Et, surprise, dans le menu principal, sur la petite sphère représentant mon corps, se trouve la barre dans ma main. En allant consulter le menu, j'accède effectivement à une partie spécifique à la barre. Erik fait de même et sous restons tout deux silencieux en explorant les différentes possibilité. Erik s'exclame :
- Eh ! Il y a un menu pour définir les facteurs de répulsion ou d'attraction sur les animaux, la mienne est configurée sur une répulsion pour tous les gros animaux et ceux qui sont dangereux, et une attraction pour les petits !
- Ah mais ça explique pourquoi nous avions ici tellement d'aisance à chasser alors que c'était une vrai galère là-bas dans l'autre cratère quand nous avions perdu les barres !
- Si seulement nous avions gardé ces barres, Naoma ne se serait sans doute pas faîte attaquée...
- Oui...
Je me trouvais pour ma part dans un menu laissant penser que la barre peut se transformer, changer son aspect. Je sélectionne l'aspect d'un épée, mais ça ne semble pas fonctionner.
- J'ai tenté de la métamorphoser en épée, mais ça ne marche pas...
Pénoplée touche la barre de sa main :
- Étrange, tu ne devrais pas avoir accès aux menus restreints avec ton bracelet.
Pénoplée saisit alors la barre, et, surprise, la barre se métamorphose en une digne épée de Conan le Barbare ! Elle me l'a tend.
- Ce doit être un ancien modèle...
- Mais c'est génial !
Je sors de la salle pour aller au dehors et tester mon jouet sur diverses brindilles.
- Eh ! Tu vas où avec ton épée ?!
Je comprends mon erreur
- Ah... Euh... Je vais couper... Euh... Tester... Euh...
- Je te rappelle que tout ce que tu fais en ce moment sera pris en compte lors de votre audience pour devenir membre de la Congrégation, alors tu ferais mieux de restreindre un peu tes pulsions guerrières !
Pénoplée reprend la barre et lui redonne sa forme originale. Je la repose, penaud, contre la paroi.
- OK, OK... Ça craint le paradis...
Pénoplée ne dis rien, mais j'imagine ce qu'elle se dit, que je ne suis encore qu'un gamin effronté et désireux de découvrir le monde, alors qu'elle n'aspire plus qu'à une vie tranquille. Je m'approche d'elle et l'embrasse doucement dans le cou, en lui murmurant à l'oreille.
- Mais non tu n'es pas si vieille que ça...
Elle sourit et me rend mon baiser. Nous retournons voir où en est Moln et son compère. Mais la situation ne semble pas évoluée de manière notable pour eux, nous les retrouvons tous deux assis sur les sièges contre la paroi, en train de discuter de choses sans rapport avec leur problème actuel. Pénoplée demande :
- Alors, du nouveau ?
- Non, absolument rien, je certifierai sur tout ce que tu veux que ce téléporteur est hors service et que rien ne s'est passé ici depuis plusieurs centaines d'années.
Je ne comprends pas, il doit bien y avoir moyen de prouver que nous sommes apparue.
- Mais, il y a pas des méthodes détournées pour savoir ce qu'il s'est passé, un niveau d'énergie, une trace de génération d'un clone, où sont-ils, d'ailleurs, les clones qui servent au téléportage ?
- Ils sont soit générés soit crées à partir de clones stockés en dessus, dans le générateur.
Moln indique de son doigt la pièce au dessus de nous.
- Et on ne peut pas faire des prélèvements, voir la date de la dernière génération, voir la courbe d'utilisation d'énergie ?
- Si, et la dernière activité remonte à trois cent cinquante trois ans et des poussières, un peu avant la désactivation du centre.
- Mais c'est faux, c'est manifestement faux ! Les trucs qui vous ont donné ces informations mentent ! C'est évident, il ne faut pas les croire, il faut vérifier par nous-mêmes ! Il nous faut péter ce putain de téléporteur de mes couilles et lui sonder sa race en profondeur sacrebleu !
Moln est décontenancé en plus de ne sans doute pas tout comprendre à mon argot approximatif, Pénoplée me calme.
- Calme-toi, ça ne sert à rien de s'énerver.
- Je ne suis pas énervé, je fais juste comprendre que vos artificiels sont des menteurs, qu'on ne peut pas leur faire confiance et qu'il faut trouver par d'autres moyens ce que nous cherchons.
- Mais... Les artificiels ne peuvent pas mentir.
- Bien, soit, et je viens d'où alors ?
- Je... Peut-être que... Je ne sais pas.
- On peut causer à cette maison ?
Pénoplée répond :
- Oui, mais uniquement avec un bracelet adulte.
- Dis lui que c'est un menteur, que je suis arrivé là il y a deux mois, et qu'il ferait bien de m'expliquer comment s'il ne veut pas que je démonte pièce par pièce.
- Il dit qu'il n'y a eu personne de téléporté ici depuis...
- Demande-lui qu'elles sont les dernières personnes venues ici avant nous aujourd'hui.
- C'est toi et moi il y a...
- Oui avant, bon ! Tu aurais pu rectifier par toi-même !
Et Bingo ! Pénoplée se vexe.
- Oh mais ça suffit, comporte-toi autrement ! Je suis là pour t'aider alors pas besoin de me traiter comme une demeurée.
- Excuse-moi... Je suis désolé. N'y a-t-il pas un moyen que je discute avec lui ?
- Les dernières personnes avant nous, c'étaient notre petit groupe la première fois que nous sommes entrés en contact avec vous, le jour où nous avions éteint votre feu.
- Et qui avait fait ce feu, a-t-il des images.
- Non, il ne sait pas, aucune image.
- Comment peut-on accéder à la salle du dessus ?
- On ne peut pas.
- Comment ça on ne peut pas ! Il y a bien moyen de le démonter ce bâtiment !
- J'aimerais que tu changes de ton, c'est la dernière fois que je te le fais remarquer, tout ça servira pour acceptation dans la congrégation.
Cette dernière remarque est la goutte qui fait déborder le vase, c'en est trop, ils ne sont tous que des incompétents complètement aseptisés par leur vie d'amorphe, je préfère en rester là. Je retiens ma colère.
- Bon OK on se casse, c'est bon.
Et je sors de la pièce et me dirige dehors. Erik me rejoint quelques minutes plus tard. Le voyant, j'enlève mon bracelet et le pose près de l'entrée. Erik fait de même et nous nous éloignons un peu.
- J'étais bien d'accord avec toi de lui démonter la tronche, moi, à ce téléporteur, mais ce ne sont qu'une bandes de lavettes.
- Ils sont complètement affolés à l'idée que leur monde parfait puisse avoir une faille...
- Tu penses que nous pourrions revenir plus tard pour trouver des réponses ?
- Pas avant d'avoir leur foutu bracelet en tous les cas, de plus il nous faudra des outils et des choses dans ce genre, et nous ne comprenons rien à leur technologie, il faudrait savoir comment c'est construit pour pouvoir extraire des informations à la main.
- Cela doit bien se trouver dans leur base de données.
- Peut-être, mais faut-il encore qu'ils ne nous mettent pas des bâtons dans les roues avec les avis qu'ils nous faudra.
- Bah, une fois qu'on aura quelques entrées, on se trouvera bien le moyen de se dénicher quelques bons vieux rayons lasers ou autre, tous les systèmes ont leur circuit parallèle. Peut-être pas ici, mais sur Adama ou je ne sais, ce devrait le faire.
- Je ne sais pas, nous verrons en temps utiles, mais c'est clair que s'il nous faut attendre qu'ils se bougent les fesses eux-mêmes, c'est pas gagné, ils vivent à deux à l'heure, c'est terrible.
- D'un autre côté, s'il ne se passe jamais rien, c'est un peu normal qu'ils soient décontenancés.
- Mouais, enfin, il faudra encore qu'on se débrouille quoi.
Ils sortent à ce moment du bâtiment, en discutant entre eux. Pénoplée demande :
- Nous pouvons partir.
Je tente de réponde avec la voix la plus neutre possible :
- Oui.
Nous allons récupérer nos bracelets. Pénoplée nous regarde d'un air très énervé.
- Pourquoi aviez-vous enlevé vos bracelets ? Vous savez que c'est encore plus grave pour vous que de dire des bêtises ?
Je me contente d'un sourire forcé en la regardant, et je me place droit dans l'attente du départ.
- Je suis prêt.
Erik répond de même. Le voyage ne me déçoit pas, il est brutal et rapide, comme je pouvais m'y attendre. Pénoplée est partie de l'avant, laissant à Moln et les autres le soin de voyager plus tranquillement. Une fois arrivée, Pénoplée ne dis pas un mot et s'en va vers son chalet. Elle est vexée mais qu'importe, j'ai d'autres choses en tête. C'est elle qui est censée être adulte, après tout. Je rejoins mon chalet, et tente infructueusement de l'interroger pour avoir plus d'informations sur les téléporteurs. Je me fais préparer alors un copieux pique-nique, que je vais manger sous la pluie fine au bord de la mer.
Je suis triste bien plus que je ne suis énervé. L'énervement n'est rien, il n'est qu'un moyen pour faire avancer les choses. Mais qu'est ce que je fais ici, et qu'est ce que je fais faire ? Ce n'est pas chez moi... Ah, mon Dieu... Règnes-tu sur ces contrées éloignées ? Toi que j'ai oublié depuis si longtemps, c'est si loin que parfois je me demande... Je devrais être heureux, Naoma va peut-être revenir. Mais après, qu'allons nous devenir, combien de mois, d'années nous faudra-t-il attendre dans leur système avant de pouvoir espérer faire quelque chose ? Ils ne sont pas plus dynamiques que s'ils étaient morts. Ce qu'ils sont déjà tous, d'ailleurs... Je repense à la Terre, à ma famille, à Deborah... ? Ils me croient sans doute tous mort là-bas... Les larmes me montent aux yeux, je pleure. C'est paradoxalement réconfortant parfois, d'exhumer sa peine, de faire s'évacuer les sanglots... J'aimerais tant revenir avant que vous ne soyez tous morts et enterrés depuis des siècles...
Il pleut toujours, je n'ai pas encore touché mon déjeuner. Soudain je suis surpris par une personne s'asseyant à côté de moi. C'est Pénoplée, je ne l'avais pas entendue, à moins qu'elle ait utilisé sont bracelet.
- J'ai vu que tu pleurais, je... Je suis désolé d'avoir été sèche. Je ne me rends pas compte que pour toi notre tentative représente l'espoir de pouvoir retourner chez toi, de comprendre cette histoire.
- Ce n'est pas si grave, je trouverai bien un moyen.
- Je comprends que tu puisses nous en vouloir, de ne pas tout tenter, mais... Nous sommes tellement désorientés. Il ne nous ait jamais arrivé un truc pareil, que les artificiels mentent, ou soient défaillant, même après une contre analyse. Tout marche toujours sans problème... D'habitude.
- Je comprends, c'est moi qui suis désolé d'avoir été impatient et méchant. Tu as déjà beaucoup fait pour moi, et je t'en suis reconnaissant.
Je redeviens silencieux, et pousse un long soupir.
- Tu... Tu veux que je te laisse seul ?
Je me retourne vers elle, elle est craquante avec les petites gouttes d'eau qui perlent au bout de son nez. Je me lève et me place derrière elle, je la tiens dans mes bras, entre mes jambes. Je lui fais un bisou dans le cou.
- Non reste, j'ai assez à manger pour deux, ça te dérange de manger sous la pluie ?
- Avec toi non...
Je souris et me relève, car sans dossier cette position n'est pas très facile à tenir. Je prends alors mon petit panier et lui propose les différentes portions que Chalet avaient préparées pour moi. Pénoplée s'installe ensuite allongée sa tête sur ma jambe, et nous parlons de ce que je faisais pour m'amuser sur Terre. Elle m'interrompts pour me dire que Guerd nous cherche pour savoir si nous sommes prêt pour rejoindre Moln qui a terminé d'étudier le bracelet ramené ce matin. Nous les rejoignons après un nettoyage express dans le chalet, pour retirer le sable et nous sécher les cheveux.
Mais quoiqu'il en soit, comme l'explique Moln, même si l'enregistrement semble cohérent et complet, nous n'aurons pas le plaisir ou la déception de savoir le résultat avant les trois jours nécessaires à la synthèse d'un nouveau corps pour Naoma, son corps précédent étant trop endommagé pour être remis à niveau. Nous n'en saurons pas beaucoup plus pour aujourd'hui, et il nous faudra maintenant patienter quelques jours.
Il pleut toujours, rendant l'atmosphère un peu triste, malgré la température qui reste élevée. Je repars avec Pénoplée et la suis chez elle. Nous nous apprêtons à faire une sieste. Elle se permet de me demander un massage, j'accepte. Il se finit bien, encore...
- Quels étaient tes liens avec Naoma ?
- Je t'avais déjà raconté, je l'ai connue en Australie, la partie du monde où nous nous trouvions avant d'être téléportés une première fois, je ne la connaissais là-bas que depuis un mois environ.
- Oui, mais, en Australie, justement, vous travailliez ensemble, est-ce que tu es sortie avec elle ?
- Non. Mais...
- Mais ?
- Mais je pense qu'elle s'était attachée à moi, et j'en ai eu confirmation quelques heures seulement avant qu'elle meure, quand elle m'a demandé ce que je ressentais pour elle, un peu après qu'Erik lui ait dit qu'il l'aimait.
- Mais Erik sort avec Guerd, ça ne va pas poser problème ?
- Pas vraiment dans la mesure où elle ne se rappellera pas de cet épisode, pour elle ce sera comme au moment de notre arrivée sur cette planète. D'ailleurs peut-être que nous devrions ne pas trop nous voir au début, j'ai peur que ça la blesse.
- Tu penses ? Mais... Si tu n'as pas envie de sortir avec elle, elle peut comprendre, non ?
- Oui, c'est vrai. Mais dans les premiers jours je pense qu'elle sera toujours avec moi, et ça l'embêtera si elle sait que par conséquent ça m'empêche de te voir, en plus Erik ne sait lui non plus pas trop où il en est, alors je pense que ce sera mieux pour elle que pendant quelques jours, le temps qu'elle fasse connaissance, nous nous retrouvions un peu tous les trois.
- Oui c'est une bonne idée.
- Tu vas lui raconter ce qu'il s'est passé ?
- Pas la partie concernant Erik, il me l'a demandé, le reste je pense que oui, je lui dois bien ces explications.
- Tu m'en veux toujours pour ce matin ?
- Non, non. C'est à moi que j'en veux. Je suis trop impatient, je ne comprend pas toujours votre façon de voir les choses.
- Tu sais pour le bracelet, j'étais sérieuse, il ne faut pas trop que tu l'enlèves n'importe quand, ça pourrait rendre ton adhésion difficile.
- Et que feriez-vous de nous alors, vous nous désintégreriez ?
- Non, vous seriez mis en gardiennage chez des artificiels sur une planète quelconque
- Quelle différence avec ici ?
- Et bien... Euh, c'est différent, vous ne seriez pas libres de vous téléportez où vous voudriez, vous ne pourriez pas communiquer avec n'importe qui, ce serait un peu comme vous êtes maintenant. Tu penses que nous sommes soumis à ces artificiels, que nous ne pouvons vivre sans, que nous nous croyons libres mais qu'en fait ils nous manipulent ?
- Je ne crois rien, je constate juste que personne n'explique comment nous sommes là, pourtant nous sommes bien là.
- Oui c'est vrai, et je ne le comprends pas non plus, mais peut-être sur Adama trouveront-ils plus de réponses.
- Pourquoi en trouveraient-ils plus que nous, vous avez accès aux même données, non ? Aux mêmes sources d'informations ?
- Oui, mais, ils ont plus d'expérience, sans doute, sans doute ne savons-nous pas où chercher.
- Mais vos artificiels, eux, ils sont beaucoup plus intelligents que vous, ils doivent savoir ou chercher, non ?
- Et bien, habituellement oui, mais là...
- Mais là ils vous dupent, et ce n'est peut-être pas la première fois, où alors est-ce le prémices de gros soucis pour vous.
- Comment ça ?
- Si vous perdez le contrôle de vos artificiels, vous êtes finis. Si des hommes de l'Au-delà, qui doivent bien rechercher une vengeance, j'imagine, si les hommes que nous avons vu sur cette lune où nous étions téléportés, si ces hommes qui fabriquent des vaisseaux et des armes vous attaquent, s'ils piratent vos téléporteurs et vous envahissent, que feriez-vous ?
- Avec des "si" on fait beaucoup de choses, pour l'instant rien de tout ce que tu dis ne s'est produit, et nos barrières de protections, nos flottes spatiales, nos détecteurs, rien n'indique qu'une attaque quelconque se prépare, en tous les cas pas que je sache. Quant à savoir si certains téléporteurs ont été piratés, peut-être, mais je pense plutôt que c'est une défaillance, peut-être êtes-vous bien arrivés sur Stycchia il y a trois cent ans après tout, et que vous êtes restés en sommeil là-bas tout ce temps. Peut-être sortez-vous d'une simulation de la Congrégation qui nous a fait perdre la mémoire et la remplacé par ce que tu crois. C'est arrivé, par le passé, que lors de téléportation des personnes soient incorrectement initialisées.
- C'est possible ? C'est possible que nous ayons pu resté si longtemps dans le téléporteur ? Ou que ce n'était qu'un virtuel ? Mais comment aurions-nous pu inventer tout ça, notre nouvelle langue, elle devrait être connu de vous si elle sortait d'un virtuel, non ?
- Oui, pour la langue tu as raison, c'est peu probable que vous sortiez d'un virtuel, mais de rester si longtemps dans le téléporteur, à partir du moment où celui-ci a eu un problème, on ne peut pas savoir.
- Si c'est le cas il n'y a pas grand besoin de nous presser pour retourner chez nous, nous n'y retrouverons rien. Mais comment savoir ?...
- J'ai peur qu'il ne soit pas possible de savoir...
Trois cent ans... Et si nous étions arrivés il y a trois cent ans... À quoi bon se battre alors ? À part la curiosité et la nostalgie qu'est-ce qui pourrait bien me ramener sur Terre ? Je préfère ne pas plus y penser et m'endormir en caressant doucement Pénoplée serrée contre moi...
Après la sieste, je quitte Pénoplée pour la laisser accueillir un cousin ou en tous les cas un membre de sa famille ; je n'ai pas encore saisi toutes les variantes des noms consacrés à leur statut familial, dans la mesure où les familles ici comportent plusieurs dizaines de générations entretenant des liens plus ou moins étroits. Cette fin d'après-midi de libre me permet de continuer mon récit dans mon bracelet, j'y consacre plusieurs heures, jusqu'au dîner, que je vais prendre chez un habitant du village avec qui j'avais sympathisé.
Comme la nuit précédente, Pénoplée me rejoindra tard pour se glisser dans mes bras. Nous nous accordons le lendemain matin, cent trente-troisième jour, un petit déjeuner au lit servi par un artificiel. Je découvre à cette occasion la présence de ceux-ci dans l'appartement. Ils sont en fait cachés dans le décors, ou dans un placard, et en sortent au besoin pour accomplir diverses tâches.
- Mais, il y en a beaucoup du même genre dans l'appartement ?
- Non, assez peu, en fait la plupart sont générés si besoin, et détruits s'ils ne servent pas pendant un certains temps. Toutefois ils sont présents en permanence. N'as-tu pas remarqué que ton appartement était toujours propre ?
- Et bien, euh, non, je n'ai pas vraiment fait attention, je pensais être suffisamment précautionneux pour ne pas le salir.
Pénoplée sourit.
- Et bien non, les cheveux que tu perds, les peaux mortes, les saletés, tout est récupéré par de tous petits robots qui recyclent tout ce qui traîne. Je ne veux pas te dégoûter, mais toute la nourriture que tu consommes vient presque exclusivement d'un cercle fermé.
- Tu veux dire que Chalet recycle mes besoins, mes cheveux, mes peaux mortes, tout mes déchets et avec produit la nourriture ? Mais, je consomme de l'énergie pourtant, ça ne peut pas être un cercle complètement fermé ?
- Non ce n'est complètement fermé car justement le chalet reçoit de l'énergie de la ceinture planétaire, et avec cette énergie et les déchets, resynthétise de la nourriture, de l'eau, des habits, tout ce dont tu as besoin !
- C'est pas mal...
- Vous ne recyclez pas chez vous ? Ici nous tenons en horreur tout déplacement de matière, car c'est très coûteux.
- Nous recyclons de manière insignifiante, et de plus pas sur place, pour être recyclées les choses doivent parcourir d'énormes distances, ce n'est pas efficace du tout. C'est d'ailleurs un des problème majeur de mon monde, l'utilisation des ressources naturelles.
- C'est bizarre que votre technologie soit si éloignée de la notre. J'ai dû mal à comprendre comment votre civilisation est apparue.
- De ce que j'en sais nous avons évolué à partir du singe pour petit à petite nous différencier et devenir des hommes. Et vous ?
- Naturellement ?
- Comment ça ?
- Vous avez évolué à partir du singe de manière naturelle ? Vous avez les traces de cette évolution ?
- Et bien oui, nous avons des fossiles, des traces de civilisations anciennes, d'outils... Nous ne sommes toutefois pas complètement sûr du cheminement exact de nos ancêtres, mais nous avons les grandes lignes.
- Je ne peux pas croire que l'homme soit apparu à deux endroits différents. Ton corps, sur Terre, c'est le même que celui-ci, tu n'as pas de différences ?
- Comment ça ? Si, j'ai remarqué quelques petites différences, mes cicatrices ne sont pas les mêmes, et il ne réagit pas tout à fait pareil.
- Oui ça c'est parce que ce n'est pas vraiment ton corps, c'est un clone standard, mais tu n'as pas de différences physiques importantes, pas de bras plus longs, de capacité respiratoire complètement différente...
- Non, ce n'est pas très différent, d'ailleurs il m'a fallu plusieurs jours pour réaliser que ce n'était pas vraiment mon corps.
- C'est incroyable, dans tous les mondes que nous avons découverts, le plus infime changement, une planète un tout petit peu plus éloignée, la présence d'une lune ou pas, un écart d'un pourcent de la concentration d'oxygène, et l'évolution conduit à des espèces vivantes qui n'ont rien à voir, pas la même structure, des formes d'ADN complètement différentes, pas le même code génétique, ce n'est pas possible que vous soyez apparus là-bas.
- Comment l'expliques-tu alors ?
- Ça je ne sais pas, mais il est possible comme nous l'avions déjà dit que votre Terre soit un colonie très ancienne d'hommes partis d'Adama... Ils remontent à combien vos fossiles ?
- Plusieurs millions d'années.
- Et ils ont l'air réels ?
- Dans la mesure où nous n'avons que ça sous la main, nous pouvons difficilement les mettre en doute.
- Oui c'est vrai. Vous avez eu des reptiles ?
- Euh, nous avons toujours des reptiles.
- Vous avez toujours des reptiliens avec vous !
- Mais, euh, qu'appelles-tu reptiliens ?
- Ce sont comme des lézards, mais se tenant debout, trois ou quatre mètres de haut, pas très malins, mais suffisamment pour nous avoir élevés et mis en esclavage.
- Ah non, nous n'avons pas du tout ce genre de reptiles. Les reptiles qui pouvaient peut-être s'apparenter à ce que tu dis, nous appelions cela les "dinosaures", et ils ont disparu il y a soixante-cinq millions de nos années, environ quarante millions des vôtres, à la suite d'une chute de météorite. Et de plus je crois qu'ils n'étaient pas malins du tout du tout.
- Je ne comprends pas.
- C'est quoi cette histoire de reptiliens ?
Jour 139
- C'est un des épisode les plus noir de notre histoire, il faudra que je te le raconte.
- OK... Et pour revenir sur le virtuel, je ne pourrais vraiment pas sortir d'une version clandestine, inconnue, une sorte d'expérience secrète ? Resté confiné à l'intérieur depuis mon enfance ?
- Si, je pense que ça n'est pas impossible, pourtant nous n'avons pas eu de problème de ce genre depuis des millénaires. Normalement les artificiels veillent à tout ça. Mais c'est difficile à dire.
- C'est pas gagné que je rentre chez moi, quoi...
Pénoplée me fait un câlin, devinant ma mélancolie.
- Aller, un peu d'espoir, en attendant je prendrai soin de toi.
Nous nous embrassons et je glisse doucement ma main sur son corps, m'apprêtant à lui faire l'amour. Elle est étonnée, encore, de tant de vivacité, leur éternité rendant les choses moins précipités, sans doute. Nous nous levons ensuite pour aller faire un tour dans le village et passer le bonjour.
Ce jour-ci et le suivant ne sont guère différents, nous profitons de la vie facile d'ici. Balades, discussions interminables, il y a tant de choses que je voudrais savoir et apprendre. Pour satisfaire ma curiosité bien sûr, comment ne pourrais-je pas être comme un enfant découvrant le monde face à cet univers qui se dévoile sous mes yeux, ces technologies, cette humanité vivant dans une harmonie et un bonheur semble-t-il quasi parfait, mais pour tenter, aussi et surtout, de comprendre. Comprendre d'où je viens, quels liens nous avons avec tous ces hommes, et pourquoi, pourquoi cette histoire m'est tombée dessus, pourquoi encore et toujours ce bracelet, pourquoi ensuite cette organisation, cette fille qui m'a sauvé, puis le kidnapping avec Erik et Naoma, cette Lune, ma mort, mon assassinat plutôt. Et ce monstre bleu, qui pouvait-il être, que voulait-il, que cherchait-il ? Les mystères ne se sont pas vraiment amoindris depuis mon départ, à peine ai-je l'impression de trouver un élément explicatif que tout s'emmêle à nouveau dans un réalité toujours plus complexe. Le bracelet, puis les hommes qui me poursuivent, le pentagone, l'armée américaine, l'organisation, l'interrogatoire à Sydney, cette étrange fille, le désert, Melbourne... J'en ai fait du chemin, et de là où je suis il se mesure en année-lumières...
Pourtant pour rien au monde je ne préférerais ma petit vie morose d'avant, dans ce monde que je croyais tellement décadent que rien qu'une révolution pouvait le sauver. Mais il m'est aujourd'hui presque aussi inconnu que tout le reste, avec l'implication probable de personnes venues d'ici, avec cette histoire nouvelle qui explique peut-être beaucoup de choses. Je tente de décrire tous ces détails de manière la plus précise possible dans le bracelet, pour pouvoir, peut-être un jour, pouvoir démêler tous ces fils. Sauver des idées n'est pas chose aisée, et dans un premier temps je me servais surtout d'un enregistrement pur de phrases dictées dans ma tête. Mais cette procédure n'est pas très simple, car autant si je les dis dans la langue de Pénoplée, le bracelet peut-il les transcrire en écriture, que je ne comprends pas, autant si je les exprime en français, elles restent sous forme vocale et leur restitution ou leur consultation n'est pas des plus évidente non plus. Quoi qu'il en soit je rajoute désormais en plus des images mentales au récit, cette technique permettant d'accélérer les recherches en situant rapidement à quelle moment ce passe la partie associée. Je ne suis pas encore très au point sur toutes les techniques mises à ma disposition, elles sont pourtant pour la plupart complètement naturelles et transparentes.
Cent trente-cinquième jour. J'ai dormi chez Pénoplée, et je me réveille seul, étonné de ne pas la trouver à mes côtés. Me m'indique qu'elle n'a pas très bien dormi et qu'elle s'est levée un peu plus tôt, me demandant de l'appeler quand je serai disposé à prendre mon petit-déjeuner avec elle. Je l'appelle donc, et un quart d'heure plus tard nous sommes attablés autour d'un sans doute appétissant petit-déjeuner préparé par Me. Sans doute car j'ai encore un peu de mal à oublier toutes mes références culinaires pour me consacrer à ces petits pains multicolores sans réels rapport avec une quelconque nourriture plus naturelle.
- Tu n'as pas bien dormi m'a dit Me, quelque chose ne vas pas ?
- Décidément on ne peut rien cacher dans cette maison !
Me intervient.
- Je suis désolé, je ne pensais pas que cette information devait rester confidentielle.
- Non ne t'inquiète pas Me, je plaisantais, tu peux nous laissr déjeuner sans te faire de soucis.
Me comprend alors la sommation polie de ne plus nous interrompre.
- Oui je n'ai pas très bien dormi, mais rien de grave, je suis allée faire un petit tour en attendant.
- Tu es un peu malade où quelque chose comme ça ?
- Non non tout va bien, ne t'inquiète pas, oublions ça. Profitons de ce petit-déjeuner ensemble.
Je crois comprendre à cette dernière expression :
- Ah... C'est Naoma ? C'est le retour de Naoma qui t'inquiète ?
- Non non, je suis contente que vous retrouviez enfin votre amie, ça fait des mois que vous attendez ce moment. C'est juste que...
- C'est bien ça, c'est bien le retour de Naoma. Tu as peur que nous ayons moins de temps pour tous les deux.
- Peut-être oui, je ne sais pas trop à vrai dire. J'ai toujours été assez solitaire, mais, après tout, nous n'étions pas si mal tous les deux... Enfin, moi au moins...
Je me lève et me place derrière elle pour la prendre dans mes bras et l'embrasser sur la joue :
- C'est vrai que je vais passer du temps avec elle je pense, surtout au début, mais que ça ne nous empêche pas de nous voir, et puis tu pourras toi aussi rester avec nous, je n'y vois pas d'inconvénient, après tout tu connais mieux la langue que nous et ça rendra son intégration d'autant plus rapide. Toi et d'autres d'ailleurs, il faut qu'elle rencontre le maximum de personnes pour ne pas se sentir isolée.
- Je ne sais pas trop si j'ai vraiment envie de rester avec vous, je pense que c'est mieux si nous nous voyons séparément, et puis j'ai des tonnes de gens à qui je dois rendre visite, j'en profiterai.
- Comme tu veux, mais n'hésite pas une seule seconde si tu veux qu'on passe un moment ensemble.
- Ne t'inquiète pas, c'est bien que tu t'occupes d'elle.
Erik se présente au chalet avant même que nous n'ayons terminé notre déjeuner, lui-même n'ayant que peu manger, il s'attable avec nous, et Guerd nous rejoint quelques minutes plus tard. Tout le monde rassasié, nous nous rendons chez Moln, que nous dérangeons d'une partie de je ne sais quel jeu de réflexion, sans doute une sorte d'échec ou de go, qu'il menait avec son éternel collègue Ulri. Il est étonné de nous voir si pressés, il est vrai que tout se passe si tranquillement dans ce monde. Après vérification, il s'avère toutefois que la reconstitution corporelle s'est correctement terminée :
- J'avais indiqué de ne pas procéder à l'empreinte cérébrale, de façon à nous donner le temps de vérifier que tout est bon. Nous pouvons nous rendre au téléporteur et, si tout va bien, transférer l'image du bracelet.
Nous suivons Moln et quelques minutes plus tard nous contemplons, par l'intermédiaire d'images virtuelles, le nouveau corps magnifique de Naoma. Mais si celui-ci doit être sans doute plus parfait, son ancien corps terrestre, d'après mon souvenir, n'a que bien peu à lui envier. Elle était déjà très belle.
- Vous ne le remarquerez peut-être pas, mais les données complètes sur l'apparence physique n'était pas disponible, uniquement la version sommaire.
- Qu'est ce que ça signifie, qu'elle ne sera pas complète ? Qu'elle ne sera pas vraiment elle-même ?
- Oh, à partir du moment où nous sommes clonés nous ne sommes pas vraiment nous-mêmes, mais je ne parlais pas de son empreinte cérébrale, qui est toujours la partie sauvegardée en premier lieu, car la plus importante. Mais le téléporteur n'a semble-t-il pas procédé à la sauvegarde du scan détaillé de son corps. Son visage sera très ressemblant, mais le reste de son corps est assez générique, si elle avait des petites marques caractéristiques, il se peut qu'elle ne les retrouve pas.
Je regarde alors mon poignet droit, réalisant que la marque de la brûlure imprimée dessus n'est qu'une sorte de tatouage amélioré. Pénoplée le remarque et me prends par la main.
- C'est bon ? Vous trouvez que cette apparence est suffisamment ressemblante malgré tout, nous pouvons rajouter quelques détails si vous les connaissez.
Erik répond :
- En ce qui me concerne je me serais laissé berner entre ce corps et son précédent, donc je n'ai pas d'objections. Peut-être Ylraw la connaissait-il mieux ?
- Non, tel quel il me va à moi aussi, et puis j'imagine qu'elle pourra elle-même arranger ces détails par la suite si quelque chose ne va pas ?
Moln répond.
- Oui, enfin pas d'elle-même tant qu'elle n'a pas de bracelet, mais je ne pense pas que ça pose un problème pour nous de lui permettre de le faire si besoin.
Pénoplée et Guerd confirme que ce point ne soulève aucune inquiétude. Moln indique donc au téléporteur qu'il peut procéder.
- Combien l'opération prend-elle de temps ?
Moln me répond qu'il faut compter quelques minutes, puis une fois l'image validée, encore quelques minutes pour que le téléporteur vérifie que toutes les fonctions de l'organisme sont correctement initialisées. L'intervention se termine par le temps de réveil, qui est variable suivant les cas. Moln nous transmet les graphiques indiquant la progression des opérations jusqu'à l'ouverture du tube. Nous restons alors silencieux, regardant le corps nu de Naoma, parfaitement sec et propre malgré son séjour dans le liquide jaunâtre, sans doute nourricier et protecteur, mais néanmoins jaunâtre.
Un vingtaine de minutes doivent s'écouler, Moln discute avec Ulri de choses et d'autres, et Guerd avec Pénoplée. Erik et moi restons silencieux, regardant avec sans doute un petit serrement au ventre le retour de notre compagnon de route, cette autre personne qui nous rend un peu moins seul si loin de chez nous.
Un froncement de sourcils, sa bouche qui s'entrouvre, un léger mouvement de la main. Puis ses yeux qui s'ouvrent à peine, et en quelques secondes le réveil brutal et l'affolement. Elle crie en anglais :
- Mon Dieu ! Le bracelet ! Quand je l'ai mis j'ai eu un flash ! Mais Qu'est ce qu'il se passe ? Où...
Elle regarde autour d'elle, s'aperçoit qu'elle est nue.
- Tout va bien Naoma, ne t'inquiète pas.
Je m'approche et la prend par la main. Elle jette des regards affolés.
- Mais que s'est-il passé, qui sont ces gens, d'où viennent-ils ? Mais ? Nous ne sommes plus au même endroit ?
- Ne t'affole pas.
Erik demande à Pénoplée :
- On peut lui filer des habits ?
- Oui, je vais en chercher.
Naoma ne comprends pas :
- Mais, c'est quoi cette langue, vous la comprenez ? Qu'est ce qu'il s'est passé ?
Mais elle comprend vite, toute seule, la réalité...
- Oh ! Mon Dieu ! Je suis morte c'est ça ? Je suis morte et vous venez de me recréer dans un autre téléporteur ! C'est la même chose que ce qu'il t'es arrivé, c'est ça ? Mais pourquoi est-ce que je me rappelle de mon arrivée alors ?
- Oui tu as deviné, tu es morte, mais nous avons réussi à récupérer une sauvegarde de ton état qui date du moment où tu as enfilé le bracelet.
- Et ? Nous sommes sur une autre planète ? Ça fait combien de temps que je suis morte ?
- Non nous sommes toujours sur la même planète. Voilà environ quatre-vingts jours que tu es morte.
- Quatre-vingt jours ! Presque trois mois ! Mon Dieu, oh mon Dieu.
Pénoplée revient avec des vêtements amples que Naoma enfile rapidement, se sentant tout de suite plus à l'aise. Je n'ai même pas encore eu le temps de la prendre dans mes bras, mais je ne tarde pas plus. Naoma commence à pleurer, mais nous savons Erik et moi que ce n'est pas très inquiétant venant d'elle. Nous sourions tous les deux.
- Ça me fait tellement plaisir de te retrouver, pendant si longtemps j'ai cru que c'était fini...
Erik s'impatiente et l'a prend aussi dans ses bras. Elle semble surprise de tant d'engouement de sa part et revient vite me prendre par le bras.
- Je te présente Pénoplée, Guerd, Moln et Ulri. C'est surtout grâce à Moln que tu es de retour.
Ils la saluent et leur fait un signe de la main. Elle salue plus longuement Moln pour le remercier.
- Dis leur que je suis enchantée de les connaître, et que je remercie beaucoup Moln de m'avoir sauvée.
Je transmets le message, puis je propose que nous allions faire un tour dehors avant d'aller déjeuner. Pénoplée et Guerd préfèrent ne pas se joindre à nous, dans la mesure où nous allons parler anglais et que les retrouvailles seront plus faciles pour Naoma si nous restons tous les trois.
- Ça fait combien de temps que vous êtes arrivés dans ce village ?
- Ça fait un peu plus de soixante-dix jours, à vrai dire un peu moins d'une semaine après ton décès.
- Je... Je suis morte comment ?
- Si tu veux je peux te raconter plus en détail tout depuis le début ?
- Oui, je voudrais, mais est-ce que je pourrais juste savoir d'abord comment je suis morte ? Est-ce que j'ai souffert ?
- Tu as été tué par une bête féroce.
- Oh ! Mon Dieu ! J'ai été dévorée ? C'est horrible ! Ah ! Je crois que j'aurais préféré ne pas le savoir finalement.
- Non tu n'as pas été dévorée, elle t'a mordue au cou, puis nous l'avons mis en déroute, mais tu es morte quelques minutes plus tard, ta mort fut sans doute douloureuse mais rapide.
- Aaah ! C'est horrible. Mais c'était loin d'ici ? Vous avez transporté mon corps sur tout le chemin ? Non, c'est un nouveau corps, n'est-ce pas?
- Oui c'est un nouveau corps, mais nous avons bien transporté ton corps sur des dizaines de kilomètres, dans l'espoir de te soigner. C'est pour cette raison que nous sommes venus dans ce village. Mais tu étais morte depuis trop longtemps et nous avons dû trouver un autre moyen. Mais tu ne préfères pas que je reprenne depuis le début ?
- Si, si, mais tu peux me faire visiter en même temps aussi, vous habitez où ?
Erik prend la parole :
- Juste à côté, nous avons chacun un chalet, celui-ci et celui-là.
Erik indique du doigt les deux chalets côte à côte.
- Vous avez chacun votre propre maison ? Mais ces gens, ils sont avec nous ?
- En tous les cas ils n'ont pas l'air contre, mais Ylraw va te raconter.
Pendant plus de deux heures, soit en marchant lentement, soit assis dans l'herbe à l'ombre des arbres, je raconte l'histoire depuis ce fameux jour où Erik a découvert les bracelets. Erik qui ponctue l'histoire de diverses précision et commentaires. J'essaie de garder le maximum de détails pour redonner à Naoma le plus d'information sur ses souvenirs manquants. Je me réfère à l'histoire que j'ai moi-même stockée dans le bracelet pour ne rien oublier. Nous sommes interrompus par Guerd qui appelle Erik pour lui proposer de déjeuner, alors que j'avais terminé nos premiers jours dans les bâtiments et notre départ précipité dans la jungle. Nous retournons doucement au village pour rejoindre Guerd. Pénoplée ne souhaite pas se joindre à nous, elle me prend juste en aparté un moment pour m'indiquer qu'elle profite que je sois occupé pour aller rendre visite à sa mère pour les trois jours suivant. Elle me quitte sur un baiser, que je fais prolongé en la retenant un instant. Elle sourit et s'en va, me faisant un dernier signe de la main. Nous étions à l'écart et Naoma n'a pas assisté à la scène, mais elle se pose déjà des questions :
- C'est qui cette nana, pourquoi elle te parle en privé ?
- C'est Pénoplée, c'est elle que nous avons vue en premier en arrivant ici, et ensuite nous sommes restés proches.
- Proche comment ?
- Je te raconterai toute l'histoire, mais pour l'instant, je pense qu'il est temps que tu prennes tes premiers cours de langue.
Le repas est consacré aux premiers mots de vocabulaire de Naoma. Elle est curieuse d'apprendre, et le repas se prolongeant, elle connaît déjà les formules de politesse principales et deux trois phrases quand, sans doute presque trois heures plus tard, nous quittons la table pour une balade sur le bord de mer. Le temps est couvert et il ne fait ainsi pas très chaud, à cela s'ajoutant une petite brise rafraîchissante.
L'après-midi est de nouveau consacrée au récit, ponctuée par quelques baignades et autres batailles dans l'eau chaude de la mer. Arrivée au bout de la plage de sable, nous nous asseyons pour continuer l'histoire, jusqu'au soir naissant où nous reprenons la route du village. Le soir Naoma est presqu'au fait de toute la partie où elle était encore là. J'ai volontairement occulté la discussion que nous avions eu en nageant elle et moi quand nous avions rejoint la mer la première fois. Et sur un accord via une communication privée avec Erik, je lui ai expliqué que je détaillerai la discussion que j'avais eu avec elle avant notre départ un peu plus tard, sans mentionner comme il me l'avait demandé sa déclaration à Naoma.
Pour le dîner, que nous prenons chez Erik, en compagnie de Guerd et deux autres villageois que nous avons invités au passage, Naoma récite ce qu'elle a retenu de son cours du midi, mais elle s'emmêle un peu, ce qui est plus que compréhensible après cette journée quelque peu dense en information.
Nous nous quittons à une heure somme toute correcte, Naoma laissant entrevoir des signes de fatigue. Nous laissons tout ce beau monde et traversons les dix mètres qui nous séparent de mon chalet.
- Dis moi, Guerd et Erik, il y a quelque chose entre eux ?
Je feinte la surprise et passe pendant ce temps un coup de fil à Erik.
- Et bien j'ai l'impression que Guerd, en tous les cas, elle est assez proche de lui, et il m'a semblé qu'ils se sont pris par la main à un moment avant le repas.
Erik n'est pas opposé à ce que je dise la vérité à Naoma, il ne veut pas se cacher de toute façon. Je reste néanmoins assez flou.
- Oui je crois qu'ils sortent ensemble, mais c'est plutôt du ressort de Guerd qui tourne autour d'Erik depuis que nous sommes arrivés.
- On voit qu'elle ne le connaît pas vraiment, franchement je ne sentirais pas de sortir avec un voyou pareil.
Ah, ironie du sort, voilà donc à quel point nos avis peuvent changer du tout au tout en quelques jours... Sa remarque me fait sourire.
- Pourquoi est-ce que tu souris ?
- Et bien, je ne sais pas... Ta méfiance à son égard, vous avez tout de même partagé beaucoup sur la Lune, et puis il ne t'a jamais laissée tomber.
- Mouais, il n'a pas non plus fait grand chose pour essayer de t'aider quand tu es mort là-haut. Et puis je ne sais pas, je crois que je ne lui fais pas confiance.
Je préfère ne pas continuer dans cette discussion, et je profite de la présentation de Chalet à Naoma pour changer de sujet.
- Je te présente Chalet, c'est l'intelligence artificielle qui contrôle la maison, tu peux lui demander dès que tu as une question ou un problème.
- Bonsoir Naoam, j'espère que vous allez vous plaire ici, allez-vous habiter avec Ylraw ?
Naoma ne comprends pas ce qu'il dit, mais elle a tout de même compris son nom. Elle me glisse à l'oreille :
- Comment il connaît mon nom ? Et qu'est ce qu'il a dit.
Je lui traduis et rajoute :
- Oh tu sais par ici tout est relié, même si on ne le voit pas.
Je m'adresse ensuite à Chalet :
- Chalet pour l'instant elle ne parle pas encore la langue, donc ne t'étonne pas si elle ne te répond pas. Je pense qu'elle va rester ici quelques jours, le temps que le village lui trouve sa propre maison.
De nouveau à Naoma :
- Voilà, je lui ai dis que tu allais rester quelques jours ici, le temps que tu ais ta propre maison.
- Ça ne me dérange pas de rester habiter avec toi tu sais.
- Oui oui, on verra à l'usage.
Je sens que le tout va être sportif, entre Erik, Guerd, Pénoplée, Naoma et moi, je n'ose même pas imaginer l'imbroglio... En attendant, il faut au plus vite que je lui raconte l'explication que nous avions eu peu avant sa mort, de manière à déjà éclaircir les choses de ce côté là.
- On dort où ?
- Je vais demander à Chalet de te préparer un lit.
- Oh, je peux pas dormir avec toi ? S'il te plaît, je n'ai pas envie de rester toute seule. Juste comme la nuit que tu avais passé chez moi ?
Comment pourrai-je refuser...
- Si tu veux.
- Merci.
Elle m'embrasse sur la joue.
- Est-ce que je peux avoir une chemise de nuit, où un truc dans ce style ?
- Chalet, tu lui trouve une robe de chambre légère, et à moi un caleçon ?
- Ils vous attendent sur le lit.
- Merci t'es cool.
Nous nous couchons, Naoma se glisse doucement contre moi. Elle me demande de continuer à lui raconter l'histoire, mais elle n'en saura pas beaucoup plus, un petit bruit charmant me faisant comprendre qu'elle s'est endormie. Un peu plus tard dans la nuit je la repousserai doucement... Je dormirais mal cette nuit là, sans doute gêné par la présence de Naoma, peut-être un peu inquiet aussi qu'elle ne se rapproche trop.
Au matin, en ce cent trente-sixième jour depuis notre départ de Sydney, je me réveille un peu tard, m'étant endormi que la nuit bien avancée. Naoma n'est pas dans le lit, mais me voyant réveillé elle y revient et m'apporte deux petits pains.
- Où as-tu trouvé ces pains ?
- C'est Chalet qui me les a donnés. J'ai commencé à lui apprendre l'anglais.
- C'est vrai que je n'avais jamais pensé lui apprendre notre langue.
- J'en ai déjà mangé deux, c'est vachement bon ces petits trucs, tu sais avec quoi c'est fait ?
- Il ne vaut mieux pas que tu le saches.
- Oh non ! Ne me dis pas que c'est le même principe que la machine de Bakorel !
- J'en ai peur.
- Oh... Pfff... Enfin, après tout c'est plutôt une bonne chose de recycler. Et de toute façon sur Terre c'est un peu pareil, nos déchets servent au final à faire pousser les plantes et tout revient toujours à un moment ou un autre. Et puis en plus ils ont bon goût alors....
Je mors aussi dans le petit pain bleu vert, à la pâte légèrement croustillante, à peine sucré, ressemblant un peu aux pâtisseries arabes, l'huile en moins.
- Tu as bien dormi ?
- Oui génial, je crois que je n'ai même pas tenu plus d'une phrase de ton histoire hier soir, j'ai peur qu'il ne faille que tu recommences.
Je pense que c'est le moment opportun pour que nous abordions le sujet délicat de notre dernière conversation avant sa mort.
- Quand je t'ai raconté l'histoire, hier sur la plage, j'ai omis quelques parties.
- Ah ?
- Oui, après notre arrivée au bord de la mer, à la sortie de la cuvette, nous sommes allés nager tous les deux, et nous avons un peu parlé. Tu m'as proposé de rejoindre le petit cratère qui se trouvait à environ un kilomètre de celui où nous nous trouvions.
- Et, nous y sommes allés ?
- Non, j'ai refusé.
Naoma prend une voix un peu triste :
- Tu ne voulais toujours pas de moi, c'est ça ?
- Je ne voulais surtout pas compliquer la situation avec Erik, nous étions perdus tous les trois, et je pensais que ce n'était pas sain que nous commencions une relation qui aurait pu le faire se sentir un peu à l'écart.
- Je comprends, mais bon, nous n'aurions pas été obligés de le montrer au grand jour.
- Peu importe, il n'y a pas eu de suite jusqu'à une discussion que nous avons eu quelques heures avant que tu ne disparaisses.
Naoma reste silencieuse, inquiète et curieuse de savoir la suite, j'imagine.
- Un moment que nous étions seul, tu m'as demandé quels sentiments j'avais pour toi, et si je t'avais tout dit. Je t'ai dit que j'éprouvais de l'amitié, mais tu n'as pas semblé convaincue, me demandant si c'était tout. Tu m'as rappelé que j'avais dit ne pas vouloir faire l'amour avec toi, et tu as insisté pour savoir pourquoi j'étais aussi sûr de moi en disant que nous ne ferions jamais l'amour. Je savais que quoi que je dise j'allais te blesser. Je le savais et je ne savais pas comment dire. J'ai simplement dit que je ne voulais pas te blesser, et que ce n'était pas raisonnable que nous couchions ensemble, que nous ne nous connaissions pas assez. Mais tu m'as fait justement remarquer qu'il ne m'avait fallu que trois jours pour coucher avec Deborah. Et ce que tu en as déduis c'est que je ne voulais pas de toi parce que je te considérais pas assez bien pour moi. Que je cherchais quelqu'un à conquérir, et pas à aimer. Quelqu'un comme Deborah, oui. Je n'ai pas dit non, sans doute parce qu'il y avait une part de vérité dans ce que tu disais. Tu t'es fâchée et tu es partie, et tu ne m'as plus adressé la parole. Quelques heures plus tard tu étais morte, et j'étais désespéré que ç'ait été sur un désaccord que nous nous fussions quittés.
- Je suis désolée de m'être fâchée, ça a dû être dur pour toi.
- Tu n'as pas à être désolée, c'était ma faute. C'est moi qui suis tellement désolé de t'avoir fait de la peine. Et je suis désolé de t'en faire encore en te racontant cette histoire, mais je préférais que tu le saches.
- Oui, c'est mieux, je te remercie de me l'avoir raconté. Mais qu'y puis-je si je me suis attachée à toi ? Mais je comprends, j'ai déjà eu des amis qui voulaient sortir avec moi et qui ne me plaisaient pas, et c'est pas facile de dire non sans blesser un peu la personne. Mais c'est la vie, qu'est ce qu'on peut y faire, tu ne vas pas te forcer non plus. Je ne t'en veux pas, je suis contente d'être avec toi déjà.
Je la prends dans mes bras.
- Moi aussi Naoma, mois aussi je suis si content de te retrouver après tout ce temps.
- Tu sais pour moi nous n'avons été séparés qu'une fraction de seconde.
- Tu as de la chance, pour moi ça a été beaucoup plus long.
- Je vais chercher d'autres petits gâteaux, ils sont vachement bons. Chalet !
Naoma se lève et fait signe à Chalet qu'elle veut de la nourriture. Chalet s'exécute et Naoma revient deux minutes plus tard avec un petit panier rempli.
- Je dois te dire une autre chose, au sujet de Pénoplée.
- Tu as couché avec elle ?
- Oui, enfin, nous sortons ensemble.
- Elle est rebelle, c'est ça ? J'ai cru le remarquer.
Elle me fait sourire.
- Tu es dure. C'est vrai qu'elle a un certain caractère.
- Ça fait combien de temps ?
- Quinze jours, à peu près.
- Cela ne fait pas très longtemps, et ça se passe bien ? Elle a quel âge ?
- Ça se passe pas trop mal pour l'instant. Elle à un peu plus de mille quatre cent ans.
Naoma s'écrie :
- Combien ?!
Je ne lui avais pas encore expliqué beaucoup de chose sur ce monde, m'étant principalement consacré au récit de notre arrivée. Je lui détaille plus la Congrégation, en expliquant le principe du téléporteur, et rapidement le parcours de Pénoplée.
- Et ça te fait quoi de coucher avec une nana qui pourrait être ta grand-mère puissance vingt-deux ? Pas trop ridée ?
- T'es pas très gentille, tu vois bien qu'avec leur clonage ils ont toujours un corps de vingt ans, comment faire la différence ? D'ailleurs je ne la fais pas. Seul le caractère laisserait entrevoir qu'elle n'est pas toute jeune, et encore, par moment elle a des réactions bien puériles.
- Tu l'aimes ?
- Je ne crois pas non. Je ne sais pas trop, je crois que je ne sais plus trop ce qu'est l'amour, après tout ce temps...
- Et Deborah, tu l'aimais ? Si tu devais choisir entre Deborah et Pénoplée ?
- Oh... Ça ne sert à rien ces questions, je ne sais pas. Je suis trop perdu pour savoir. Peut-être que j'aimais Deborah...
- Et ça ne te gêne pas de coucher avec Pénoplée, ce n'est pas très honnête envers elle.
- Peut-être oui. Mais les chances pour que je revois Deborah sont tellement faibles ! Et puis je ne sais même pas si je l'aime, peut-être que j'avais besoin de quelqu'un, quand j'étais perdu, et qu'elle était un peu mon réconfort.
- Et moi ? Je ne pouvais pas l'être ? C'est parce que tu penses que je ne suis pas assez forte c'est ça ?
Elle m'a eu...
- S'il te plaît Naoma... Je ne sais pas tout ça. Peut-être que je le crois, peut-être que je le croyais, mais je ne veux pas qu'on se fâche, s'il te plaît.
- Je ne suis pas fâchée, je ne t'en veux pas, je veux juste essayer de te comprendre, mais si tu veux j'arrête.
- Peut-être que le fait que j'ai tenté de t'aider, au début, peut-être que cette partie a fait que je t'ai considérée plus comme quelqu'un que je prenais sous ma protection, et que part la suite dans mon esprit tu es restée la petite fille fragile que j'ai tentée de consoler.
- Tu te prends un peu comme mon père quoi. C'est vrai que je n'allais pas très bien quand on s'est rencontré, mais est-ce une raison pour cataloguer tout de suite dans les filles qui ne t'intéressent pas ? Nous nous serions rencontrés une semaine plus tôt tu aurais eu un avis complètement différent et nous aurions couché ensemble dès le premier soir, c'est ça ?
- Tu t'acharnes hein ? Mais tu as peut-être raison, c'est peut-être juste ça. Peut-être que je me prends un peu comme ton père, ou ton grand frère tout au moins...
Je la regarde avec des yeux de chiens battus, elle me prend dans ses bras.
- Je t'embête hein ? Je suis désolée, mais j'avais envie de comprendre. Mais c'est pas grave, je t'aime quand même tu sais, même si tu veux être mon grand frère. Et si tu es bien avec Pénoplée, après tout, tant mieux, je ne voudrais pas que tu aies de la peine à cause de moi.
- On se lève ?
- OK.
Nous nous trouvons quelques tenues légères pour la journée qui, d'après Chalet, s'annonce chaude, puis nous allons toquer à la porte voisine. Guerd et Erik nous accueillent, et nous prenons un conséquent petit-déjeuner ensemble. Nous partons ensuite tous les quatre en direction de la mer. Je continue à raconter les deux mois et demi de présence au village, le conseil, le fonctionnement de la Congrégation, le problème du bracelet... Naoma fait beaucoup d'efforts pour apprendre la langue, et Guerd est son principal professeur.
Le midi nous déjeunons chez Iurt, auprès de qui nous nous informons de la suite des événements. Iurt nous apprend justement la tenue d'un conseil le lendemain, après le retour de Pénoplée. D'après lui la logique voudrait que Naoma soit intégrée au village jusqu'à obtenir un bracelet, puis se poserait pour nous trois le problème de notre admission comme membres à part entière de la Congrégation. Au dernière nouvelle le dysfonctionnement du téléporteur a fait beaucoup de bruit dans le Conseil d'Adama, et Guewour avait transmis la volonté du Congrès de lever le voile sur cette histoire au plus vite. Au plus vite étant une notion relative dans la Congrégation et signifiant une période pouvant tout de même s'étendre sur plusieurs mois.
Quoi qu'il en soit la première phase consiste à faire rencontrer le plus de monde à Naoma, pour lui donner son indépendance à l'intérieur du village. Nous passons donc l'après-midi avec cinq villageois à discuter de notre monde. Nous parlons dans leur langue et je traduis seulement quelques mots à Naoma pour la forcer à tendre l'oreille et tenter de reconstituer le discours. Elle fait beaucoup d'effort mais tout ce travail est épuisant pour elle et peu après le goûter elle me fait savoir son envie de faire un break pour cette journée. Nous passons alors la fin de l'après-midi et la soirée avec Erik et elle à bavarder sur notre vie ici, sur ce que nous avons compris de leur mode de vie et d'autres considérations d'ordre pratique.
Nous nous couchons alors qu'il est assez tard, Erik et Naoma ne trouvant sans doute pas de fatigue dans nos journées calmes et tranquilles. Pour ma part je n'avais pas si bien dormi la nuit précédente et ce sont mes signes d'endormissement qui mettent un terme à la soirée. Aussitôt rentré avant même que Naoma de soit couchée je m'endors comme une masse. Elle me reprochera plus tard de ne même pas lui avoir souhaité bonne nuit.
Un peu plus tard dans la nuit j'ai la sensation vague que quelqu'un me caresse. D'abord le sentiment de me trouver dans un rêve, puis la perception grandissante de la réalité. Naoma glisse doucement sa main sur moi, elle se presse contre moi. Elle m'embrasse doucement sur la joue puis me glisse un "j'ai envie de toi" à l'oreille. Je peux difficilement ne pas réagir, et je la repousse calmement.
- Non Naoma, dors.
- Mais... Pourquoi ?
- Chuuut, parce que ce n'est pas raisonnable, je suis avec Pénoplée.
La nuit se terminera sans incident. Au matin elle s'excuse, qu'après tout je lui avais dit ne pas aimer Pénoplée, et que celle-ci revenant aujourd'hui, elle s'était dit, peut-être, pour une fois, une seule fois... Mais non, Naoma, non, ne te méprends pas sur moi, je ne peux pas la trahir. Et ne pas aimer d'amour ne veut pas dire ne pas aimer, apprécier, ou être fidèle. D'autant que je l'aime sans doute un peu, mais que si loin, si perdu, si seul, comment savoir...
Pénoplée, justement, arrive dans la matinée, et je laisse Naoma aux mains d'Erik le temps du déjeuner pour le prendre avec elle. Elle refuse dans un premier temps mon invitation, puis se laisse dompter par mon insistance. Elle m'avouera finalement que la présence féminine chez moi la gêne un peu, et que celle-ci aurait tendance à la faire s'éloigner, prendre du recul. Je lui raconte mes discussions avec Naoma, mais lui témoigne de ma fidélité, et, un peu avant la tenue du conseil, retrouve avec plaisir ses cris de jouissance caractéristiques.
Je n'assisterais pas au conseil, pas plus que Naoma et Erik, mais la substance n'en est pas formidable, si ce n'est le statu quo dans l'attente de la mise à niveau de Naoma. Celle-ci habitera chez moi pendant encore quelques temps, dans la mesure où la construction d'un chalet ne se justifie pas tant que nous n'avons pas définitivement pris résidence dans le village. Cette décision n'enchante pas outre mesure Pénoplée, mais nous aurons toute latitude de nous retrouver chez elle.
Jour 146
Il faudra une dizaine de jours avant que Naoma n'ait son bracelet, même si alors sa maîtrise de la langue est encore loin d'être parfaite. Nous passons beaucoup plus de temps ensemble, avec Erik et elle, et si Pénoplée et Guerd ne s'en plaignent pas ouvertement, cet état de fait a sans doute créé une petite tension. Mais hormis ce point la vie est plus que paisible, et si le paradis existe nous n'en sommes pas très loin. J'ai terminé de raconté mon récit, et me retrouve, comme au moment du départ de chez Martin, à raconter au jour jour. Est-ce un signe qu'il va être temps au sort de nous faire repartir ?
Les journées sont tranquilles, je dors la plupart du temps chez Pénoplée et nous nous retrouvons dans la matinée avec Erik, Naoma et qui le veut pour les activités de la journée. Souvent consacrées à des balades, des virtuels ou d'interminables pique-niques au bord de la mer.
Si Naoma a reçu son bracelet en ce cent quarante-sixième jour, alors qu'elle ne maîtrise pas encore totalement la langue, c'est aussi parce que le Congrès semble plus pressé encore que ne l'avait suspecté Iurt ; et Guewour lui-même incitait les villageois à accélérer notre intégration pour prévoir au plus vite une session sur Adama, sans même faire de premier passage par virtuel interposé d'ici même.
Pénoplée trouve cette précipitation suspecte, quant à moi je la trouve salutaire, signifiant sans doute qu'il y a des intérêts dans cette histoire, nous garantissant une certaine aide dans la résolution de ces énigmes.
Cent quarante-sixième jour donc, bientôt cinq mois depuis notre départ... Cinq mois... C'est assez pour que le monde change, c'est assez pour avoir un noyau linux 2.6, quoique... C'est assez, par contre, pour que nous ne soyons plus que des souvenirs à notre retour, si retour. Cent quarante-sixième jour, Naoma découvre les joies de la communication et du contrôle de son corps. Cent quarate-sixième jour, nous serions presque satisfaits que quelques uns passent encore, dans la tranquillité d'une vie d'insouciance, de facilité, de perfection...
Cent quarante-sixième jour, j'ai passé une bonne partie de la journée seul à jouer avec Chalet, ou plus exactement perfectionner sa pratique du français. Il parle désormais très corectement ma langue, Naoma avait abandonné son apprentissage de l'anglais. Le soleil baisse sur l'horizon, pas mon Soleil, cependant... Naoma, Erick et Guerd sont allés se promener pour un pique-nique au bord de la mer, je n'ai pas souhaité m'y rendre, d'une part parce que j'aprécie de me retrouver un peu seul de temps en temps, et aussi parce que je dois voir Pénoplée ce soir, et qu'entre tous mes efforts pour apprendre sur ce monde, ma curiosité et mon amusement face à l'intelligence impressionante de Chalet, et le temps passé avec Naoma que je sens un peu seule, je ne la vois plus beaucoup.
Pénoplée a passé les deux jours chez un ancien ami à elle de passage sur Stycchia, un ancien amant sans doute même si elle ne me l'a pas avoué, mais je ne suis pas de nature jalouse et je lui voue un entière confiance. Alors que je commence à m'inquiéter, Pénoplée m'appelle.
- Ah, je commençais à me faire du soucis, tout va bien, où es-tu ?
- Je suis toujours à Bankor.
Je reste silencieux un instant.
- Ah mais, euh, on ne devait pas se voir ce soir ?
- Oui je sais, mais... Je pense que je vais rester quelques temps ici, encore.
- Ah, je, bon... Tout va bien au moins ?
- Oui oui ne t'inquiète pas. Bon, je dois te laisser.
Pénoplée coupe la communication et disparait de devant moi. Même pas un baiser, même pas un geste... Je m'assois... Chalet me fait remarquer qu'il a repéré un changement anormal de mon état biologique, je lui dis que je suis au courant... J'ai mal. Je ne sais pas si c'est mon orgueil qui est blessé ou mon coeur. Après tout peut-être qu'elle ne pouvait pas parler, peut-être qu'elle était de mauvaise humeur, peut-être que je me fais des idées.
Pourtant il faudrait être idiot pour ne pas comprendre... Mais que pouvais-je espérer ? Je ne suis pas de ce monde, je dois sans doute lui paraître immature et barbare...
Quelques jours s'écoulent où je reste principalement seul. Naoma s'inquiète un peu de mon moral, je lui dis simplement que j'ai un peu de nostalgie mais qu'elle passera en quelques jours, juste que j'ai envie de me retrouver un peu seul. Pénoplée revient finalement. Je ne lui ai pas donné de nouvelles depuis cette froide discussion. Elle ne me prévient même pas de son retour je la croise simplement sur la place du village. Je ne sais pas trop comment me comporter. Je me dirige vers elle et lui demande si elle va bien.
- Oui et toi ?
Je réponds d'un air pas très enjoué.
- Ça va.
- Tu n'es pas avec Naoma ?
- Non, je reste plutôt seul ces derniers jours.
- Pourquoi, vous vous êtes disputés ?
Je comprends pas à quoi elle joue, qu'est-ce qu'elle veut me faire dire ?
- Mais, pourquoi... C'est avec toi que je suis, pas avec Naoma, pourquoi tu te comportes comme ça ?
- Non François.
Elle avait pris l'habitude de m'appeler par mon vrai prénom.
- Comment ça ?
- Tu n'es pas avec moi, tu n'es avec personnes, tu n'es qu'avec toi... Tu sais j'en ai connu des amants, et je sais comment tu es. Je sais à quelle race d'hommes tu appartiens ; tu ne seras jamais avec personne, pas plus avec moi qu'avec Naoma ou une autre. Alors il vaut mieux que nous en restions là. Je pensais vraiment que je ne souffrirait plus avec ce genre de chose, apparemment on ne guéri jamais...
Je ne sais pas quoi dire.
- Mais... Pourquoi, c'est parce que je ne t'ai pas dit que je t'aimais, que j'étais bien avec toi... Pourquoi ?
- Je... Je pense que c'est mieux si on ne se voit pas trop les jours qui viennent. Excuse-moi, j'ai rendez-vous avec Samrn pour déjeuner, bonne journée.
Et je reste comme un imbécile...
C'est toujours pareil ces histoires, j'ai beau allé au fin fond de la galaxie je me fais toujours larguer de la même façons, c'est vraiment pas marrant... Mais... Pourquoi ça ne peut pas être simple, pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas être clair ? Je ne sais même pas les raisons de son choix... Je suis toujours aussi seul...
Je crie de rage.
- Y'en a marre ! C'est nul ! C'est la loose ! On se fait larguer comme avant et en plus ya même pas de vaisseaux spaciaux ni de super-pouvoirs !
Je finis sur un hurlement. J'éclate de rire devant mes propres pitreries... Et je redeviens triste... Je me dirige vers mon chalet, en pestant et donnant des coups de pieds qui soulèvent des nuées de poussières.
- Ça craint !
Je ne m'en aperçois qu'à l'instant, mais j'ai en fait fait sortir tout le monde sur la place. Iurt me recommande mentalement de me calmer et me rappelle que tout ce que je fais et dis sera pris lors de ma comparution devant le Congrés.
J'emmerde le Congré, si c'est pour se retrouver dans un monde parfait où on ne peut même plus être triste, c'est nul. Je rentre dans Chalet et lui demande de baisser la température et diminuer la luminosité. Je me laisse glisser le long d'une paroi pour me retrouver assis par-terre. Chalet me conseille de manger ce qu'il m'a préparé pour reprendre le moral. Je lui réponds que j'ai pas envie d'avoir le moral pour l'instant.
Je ne sais pas trop ce que j'espère. Je ne sais pas trop ce que je voulais avec Pénoplée. C'est vrai que je me préoccupais plus de tenter de comprendre ce qu'il se passait, d'apprendre cette langue, cette nouvelle vie. Je ne sais même pas si j'ai envie d'aller de l'avant, de découvrir ce qu'il se passe, d'où je viens, où est la Terre...
Je ne comprends pas... Pourtant... Je ne crois pas que j'étais amoureux de Pénoplée, pourquoi est-ce que j'ai mal, pourquoi tout s'embrouille ? Pénoplée, Deborah... Je crois que j'aime Deborah, pourtant... Pourant je la connais si peu... Tout ce temps passé avec Pénoplée, je sais tant de chose de sa vie... Et je ne reverrai sans doute jamais Deborah...
Oh et puis mince ! Je vais pas me laisser embêter par ces sentiments stupides, je vais me tirer de cette planète pourrie et je vais allé pêter la gueule à tous ces zonards qui m'ont envoyé dans ce pétrin !
Je me relève bien décidé à ne pas me laisser abattre et je rejoins Erik, Guerd et Naoma au bord de la plage. Les choses ne sont pas simples non plus pour le pauvre Erik. Depuis le retour de Naoma il tente de s'éloigner un peu de Guerd pour passer plus de temps avec elle. Mais Guerd le sent et ne veut pas lâcher son Beau. Je crois qu'Erik avait dit à Guerd que c'était terminé entre eux, mais la chair est faible et la belle Guerd sait faire tourner quand il faut la tête d'Erik. J'oublie un peu mes propres problèmes en le voyant tant bien que mal tenter de séduire Naoma tout en tenant Guerd à distance. Mais à croire que tout n'est pas si voué au hasard qu'on le pense, car je sens que Naoma laisse transparaître quelques signes qui pourraient indiquer qu'elle n'est pas totalement imperméable aux avances d'Erik... Bref je passe une soirée tranquille entre leur chamaillerie et où chacun raconte les diverses bétises qu'il a pu faire étant jeune...
Quelques jours s'écoulent où je ne vois pas Pénoplée, mais je n'en peux plus, je n'en peux plus de rester comme ça. Je dois la voir. J'aimerai lui écrire, une lettre, un poème, mais je ne peux pas, je n'ai ni papier ni crayon et je ne sais même pas écrire cette maudite langue...
C'est elle qui me contactera, finalment, pour prendre des nouvelles. Je lui dis qu'elle me manque, que j'ai des sentiments pour elle et que j'ai envie de la voir. Elle n'est pas au village mais revient le lendemain, nous convenons de nous voir. J'irai chez elle. Bien sûr je tenterai de la retrouver.
- Ah quoi bon François ? À quoi bon ? De toute façon tu vas partir, je sais très bien que tu vas partir. Et je ne suis plus prête pour ça.
Je me rapproche d'elle, la prend par la main.
- Pourtant je crois que je t'aime Pénoplée. C'est un peu tout mélangé dans ma tête, avec toutes ces questions, avec tout qui s'entremêle... Mais je suis bien quand tu es près de moi.
- Mais ça ne nous mènera à rien, tu le sais bien, tu sais bien que nous n'aurons jamais les mêmes envies, jamais les mêmes ambitions... Tu ne le vois pas mais je suis vieille, François. Je suis vieille et fatiguée. J'ai plus de mille quatre cent ans. Te rends-tu compte du nombre de désillusions que j'ai eues ? Te rends-tu compte du nombre de rêves brisés ? Du nombre de fois où mon coeur a souffert ? Non François, mon coeur est froid désormais, et je veux qu'il le reste, je ne veux plus de ces souffrances, je veux juste voir le jour se lever chaque matin et se coucher chaque soir, jusqu'à ce que tout s'effondre...
Elle pleure... Je me lève pour la prendre dans mes bras, mais elle me repousse.
- Non François, non...
Elle arrête de pleurer. Je me rassois.
- Je ne crois pas ce que tu dis, je ne crois pas que tu sois vieille, tu peux toujours avancer Pénoplée, rien n'est jamais fini. Pourquoi tu veux me laisser ? Pourquoi tu veux m'abandonner ? Je sais que je ne t'ai pas assez montré que je t'aimais, mais pourquoi ne pourrait-on pas rester ensemble, pourquoi ne pourrait-on pas être bien tous les deux, ne l'avons-nous pas été jusqu'alors ?
Il me semble qu'elle a peur, simplement, il me semble qu'elle a peur de notre relation, qu'elle a peur de s'attacher, peur de retrouver des sentiments qu'elle croyait perdus. Elle ne dit rien.
- Qu'est-ce que tu risques ?
Elle ne dit toujours rien.
- Mais je ne veux pas te forcer. C'est vrai que je ne sais pas où je vais, c'est vrai que je ne resterai pas pour une petite vie tranquille sur Stycchia, et que le reste de ma vie s'il le faut je le passerai à cherche ma maison, mais pourquoi toujours parler du futur, pourquoi toujours ne penser qu'à l'éternité ? Ne peut-on pas être bien tous les deux pendant tout le temps qui...
- Qu'il te faudra avant de trouver quelque chose de plus intéressant à faire ou quelqu'un de mieux ? Non merci !
- Merde ! Je dois quoi, te jurer fidélité jusqu'à la fin de mes jours, tu crois que c'est facile pour moi de savoir où je vais ? Je suis complètement paumé !... J'ai besoin de toi.
Elle m'énerve, tu n'as pas besoin d'elle... Je crois que si... Mais non ! Tu t'en ais bien passée jusqu'alors !
Quelques minutes de silence s'écoulent.
- Il vaut mieux que je m'en aille alors. J'imagine que tu préfères ne plus me voir d'un moment.
Elle ne répond pas. Je me lève et me dirige vers la porte. Elle me laisse partir. J'avais espoir qu'elle me retînt.
Quelques jours s'écoulent où je n'ai pas de nouvelles, je ne la croise même pas, elle ne doit pas être là. Je passe mes journées à discuter avec les habitants du villages, à me promener avec eux. Je passe beaucoup de temps seul ou avec Chalet. Je suis triste je crois. Triste comme on l'est à chaque fois. De toute façon je ne peux guère faire qu'attendre notre départ pour Adama, alors je profite un peu d'une vie de calme.
Je croise Pénoplée quelques jours plus tard. Nous restons émus un instant. Je la prends par la main, elle se laisse faire. Nous marchons vers mon Chalet. Une fois rentré je la plaque contre le mur et lui fais l'amour.
- Qu'est-ce qu'on va devenir, François ?
- Restons, juste, c'est déjà bien, non ?...
Jour 182
Et voilà, sans doute plus de six mois... Jour cent quatre-vingt-deux.
En phase pour une nouvelle étape. J'attends, patiemment, allongé dans le tube du téléporteur. Première téléportation volontaire, dans quelques jours je me réveillerai sur Adama, avec un corps neuf.
Plus de six mois dont la totalité presque furent passés ici, Stycchia. Deuxième planète autre que la Terre que je foule, avec cette Lune dont je ne souviens pas. Ah Stycchia, te reverrai-je ? Tu resteras en tous les cas ce que je considère comme le plus proche du paradis. Certes Naoma perdit la vie chez toi, mais elle est revenue, désormais, et peut se vanter de parler comme nous la langue de cette nouvelle humanité, immense, gigantesque, trois cent soixante milliards de personnes, qui vivent dans le calme et le bonheur. Paradis oui, dès que nous rejoignîmes le village. Pas sans heurts, toutefois, j'ai encore le bleu de la bosse de ce fichu jour où nous décidâmes d'apprendre à voler par nous même avec ces combinaisons-abeilles. Ces maudits appareils réagissent au quart de tour ! Il ne m'a pas fallu longtemps, pour que, à peine enfilée et orgueilleux de ne pas vouloir me servir du stabilisateur, la moindre pensée de travers me fit virevolter en tout sens, sous les fous-rires de Naoma et d'Erik, et terminer ma course comme une vulgaire mouche s'écrasant nonchalamment sur le sommet de la salle du Conseil, restant accroché comme un malheureux jusqu'à ce que ma belle, qui ne l'était pas à l'époque, viennent me délivrer.
Ah Pénoplée... Nous eûmes quelques altercations suite à notre première séparation, ces remous lui rappelant sans doute sa houleuse relation avec Ragal... Les raisons en étaient différentes, sans doute, plus liées, littéralement, aux mondes qui nous séparent, autant ces milliers d'années de temps que ces probables milliers d'années-lumière de distance. Autant de distance que de temps entre nous, il fut bien dur, la phase de la découverte s'estompant, de trouver passion commune. La sérénité mêlée d'indifférence de son âge à ma curiosité sans limite, sa vie tranquille et indépendante à ma soif de bouger, de lui faire l'amour, encore et encore, ma soif de révolte, de réponses.
Si différents et pourtant, si nous nous séparâmes, décidant que l'amitié serait sans doute plus appropriée à notre relation, nos résolutions ne duraient rarement que plus de quelques jours, et puis de nouveau nos corps s'entremêlaient, trop désespérés sans doute que nous ne puissions trouver quoi d'autre pourrait nous unir.
Je laisse mon corps petit à petit sombrer dans le sommeil, bientôt accompagné de mes sept camarades que je retrouverai sur Adama. Naoma et Erik, bien sûr, Guerd et Pénoplée, difficile de faire sans, Moln et Ulri pour leur implication dans l'étude du téléporteur à l'origine de la polémique, et Iurt, nommé par les villageois pour les représenter.
Le tube refermé, plongeant dans un profond sommeil, mes pensées s'envolent en quelques secondes... Au revoir, Corps, adieu peut-être...
Ort - Machiann - Terr - Émi - Ourstanove - Érianos Sydney 22 décembre 2002
Quand le tube de Ort s'ouvrit, il fut surpris que la salle soit sombre et calme. Il s'attendait à un accueil, mais il était seul. Rapidement il se leva et bougea pour ne pas perdre la chaleur emmagasinée dans le tube. Mais il fut de nouveau surpris de ne trouver aucun habit à disposition. Il fit rapidement le tour de la grande pièce et sortit sans crainte dans le couloir, mais il faisait si noir qu'il ne voyait absolument rien. Il chercha un moyen d'allumer la lumière, mais les boutons qu'il trouva ne fonctionnaient pas. Il commença à s'interroger sur la validité de leur destination, et eut un frisson dans le dos en se disant qu'il n'était peut-être pas où il pensait.
Il ne connaissait rien de la planète où ils étaient censés se trouver. Il savait simplement qu'il avait été sélectionné, comme Machiann, Terr, Émi, son petit frère Ourstanove et Érianos, pour accomplir cette mission, retrouver ce jeune et le ramener. Il espérait d'ailleurs qu'ils ne seraient pas long à arriver. Ils avaient normalement sélectionner un transport rapide, avec clone indifférencié, mais il ne savait pas trop ce que les technologies de ce monde permettaient.
Il ne faisait pas beaucoup plus froid que de là où il venait, mais il était nu et il savait qu'il devait bouger continuellement pour ne pas s'engourdir. Il entreprit donc de courir autour de la pièce en ponctuant son footing par d'autres exercices physiques.
Il dut attendre plus d'une heure avant que coup sur coup Machiann et Terr n'arrivassent. Il les accueillit avec joie et tous trois s'aventurèrent un peu plus en avant autour de leur pièce d'arrivée, mais tout était désert et froid.
"Nous n'étions pas censés être accueilli ?" Demanda Terr
"Si", confirma Ort, "mais je n'avais pas plus d'info, peut-être que notre transfert a duré plus que prévu, ou peut-être ne sommes nous pas là où nous devions être."
"Glent s'est peut-être planté, le téléporteur ne sert pas souvent, et puis stressé comme il est, il a peut-être fait une mauvaise manipulation." Réfléchit tout haut Machiann.
"Quoi qu'il en soit j'espère que les autres vont arrivé en vitesse car j'aimerai finir cette mission en vitesse, pour moi c'est une perte de temps, les reptiliens avancent, pendant que nous sommes là à attendre." Marmonna Ort.
"C'est vrai chef, mais c'est Lui qui veut." Dit Terr, à voix basse.
"Je sais, j'espère juste qu'Il sait ce qu'Il fait."
"Mouais, nous ne savons toujours pas ce qu'il est et ce qu'il veut", fit remarquer Machiann.
"Mais Il nous a toujours aidé, jusqu'à présent, même s'Il est dur avec nous ; c'est grâce à lui que nous avons pris de nouveau du terrain aux reptiliens." Compléta Terr.
"Toujours aidé ? Et il y a un grand dixième Édennien, quand il a daigné se montrer, quand il nous est enfin apparu pour la première fois, tu oublies vite que nombre d'entre nous périrent." Dit Ort avec un regret dans la voix. Il se rappela ses deux autres frères.
"Oui, chef, je sais que vous avez perdu vos frères sous sa colère, mais il nous affligea nous comme eux, et peut-être ne voulait-il que nous prouver sa force", répondit Terr.
"C'est bien ça le problème, Terr, j'ai parfois peur qu'il ne soit pas plus avec nous qu'avec eux", lui fit remarquer Ort.
"Peut-être alors qu'il voulait nous faire relever la tête, qu'il voulait nous faire subir une épreuve ?" lui répondit Terr.
"C'est vrai qu'il faut parfois savoir couper les branches pourries, ce que nous ne faisons pas assez souvent", marmonna Machiann.
"J'en sais rien, mais j'espère que ses intérêts ne sont pas trop antithétiques aux nôtres...", soupira Ort.
Une voix coupa leur discussion.
"C'est Émi, retournons à la salle", dit Ort.
Un quatrième homme, semblable aux premiers, se leva du dernier tubes ouvert.
"Alors, Émi ! Ça te fait quoi d'être dans un corps blanc !" Lui dit Machiann en le frappant dans le dos.
"Bah ça me fait un peu peur maintenant que je vais être aussi con que toi", lui répondit le nouvel arrivant, Émi.
"Nous ne sommes pas là pour rigoler, je vous le rappelle", les coupa Ort d'un ton autoritaire.
"Pardon, chef", s'excusa Machiann.
"Maintenant que nous sommes quatre, Machiann et Emi partez chercher de quoi nous habiller et des armes, je reste avec Terr pour l'arrivée d'Ourstanove et d'Érianos. Mais ne partez pas trop loin, au moindre doute revenez, et quoi qu'il en soit soyez de retour dans un demi dixième", ordonna Ort.
Ort parlait en unités de temps spécifiques à Oriagoth, la lune d'Éden 2. La journée d'Éden 2 était divisée en dix périodes, représentant environ deux heures chacune. Ils avaient dans leur langue cinq ou si façon de dire "dixième", suivant qu'ils en référaient aux dixième de l'année, du mois, du jours, de l'heure... Mais ce n'était que le penchant des sixièmes du passé. Certains parlaient encore en unité de temps Adamienne, les trente-sixièmes de l'ancienne planète mère, mais Ort ne voulait plus entendre parler d'Adama, ce n'était pour lui qu'une légende, que le poids d'un passé oublié depuis maintes générations, que le début de la longue fuite de ses ancêtres expulsés de l'Éden par ces autres hommes jaloux. Ces autres hommes qu'il haïssait plus que tout au monde, plus encore que ce Démon Bleu.
"Oui, chef." Répondirent Machiann et Émi, qui partirent sur le champ.
Quand ils revinrent bredouilles, Ourstanove, le jeune frère de Ort, était arrivé, il ne manquait plus qu'Érianos.
"Nous n'avons trouvé aucun habit ni aucune arme." Dit Machiann. "Les lieux sont déserts, nous avons marché du plus vite que nous avions pu dans le noir, mais pas trouvé d'issue, mais pour sur nous ne sommes pas sur Oriagoth, je me sens plus lourd, et l'air est plus dense."
"Oui nous ne sommes pas sur Oriagoth." Répéta Ort. "D'après Omos, nous devions trouvé sur place des hommes d'ici pour nous donner armes et habits, et nous mener à Ylraw."
"Mais, comment allons-nous faire si nous sommes livrés à nous-mêmes ici ? Nous ne connaissons rien de ce monde, ni s'il est hostile, ni qui sont nos ennemis, ou nos alliés." S'inquiéta Terr.
"T'as peur ?" Lui demanda Ourstanove avec un regard de défi.
"Terr a toujours été une poule-mouillée, non ? Déjà il y a un demi dixième sur Éden 2 j'ai cru qu'il allait crever de peur quand on s'est crashé." Rigola Émi.
"Tu rigoleras moins quand on sera dehors, à mon avis." Lui répondit Terr. "D'autant que tu ne faisais pas le fier toi non plus quand les trois reptiliens nous sont tombés dessus, et si je n'avais pas réparé le canon juste avant, tu servirais déjà d'engrais aux Galphomes."
"Ça suffit ! On n'a qu'une journée pour cette mission, et nous sommes déjà dans une sale situation." Cria Ort.
"Bah faut pas vous en faire, chef", dit Émi, "au pire on repart direct en disant qu'on a rien trouvé."
"Ah ouais, et Lui, qu'est-ce que tu lui diras quand il sondera ton esprit ?" lui lança Terr.
"Que je l'emmerde ?" suggéra Ourstanove.
"La ferme les pipelettes, Érianos arrive, nous allons partir" dit Machiann en les coupant.
"C'est pas trop tôt, je commençais à me les peler" dit Ourstanove en sautant sur place.
"Bah, tu dis ça pour faire croire que c'est pas sa grandeur normale, mais tout le monde sait que t'as pas encore fait ta puberté, gamin" lui répondit Émi.
"Ta gueule Émi", lui lança Ourstanove énervé, "on a des clones quasi indifférenciés, je te signale que la tienne n'est pas beaucoup plus longue."
"Oh mais c'est qu'il est toujours aussi susceptible !" lui dit Érianos en sortant de son tube.
"Toi l'intello la ferme" rajouta Ourstanove.
"Silence, on n'y va, je ne veux entendre personne jusqu'à ce qu'on sorte d'ici !" ordonna Ort.
Érianos s'enquérit tout de même de savoir pourquoi personne ne les avait accueilli, et pourquoi ils n'avaient ni arme ni habit. Ils sortirent rapidement de la pièce et avancèrent dans le couloir. Emi marchait en éclaireur, Ort et Macchian le suivait à une vingtaine de mètres, puis encore vingt mètre plus loin allaient Ourstanove, Terr et Érianos.
Ils progressèrent sans bruit, attentifs, montant promptement dans le noir les escaliers qu'ils rencontraient, habitués au noir de par leurs vies dans les sombres couloirs des mines d'Oriagoth. Ils connaissaient la guerre depuis leur enfance, ils avaient tous une soeur ou une mère aux mains des reptiliens, et ils avaient perdu tellement qu'ils riaient souvent de la mort. Mais ils savaient se battre, et maintes fois ils avaient avancé en silence dans les forêts sombres d'Éden 2 à la recherche d'un ami à délivrer, ou pour échapper à leurs ennemis, ou pour les chasser.
La première porte ne les arrêta qu'un instant, ils n'eurent aucun mal à l'ouvrir, tout comme la seconde et la troisième. Ils prirent tout de même soin de la refermer presque complètement, pour laisser le moins d'indices de leur passage.
Ils arrivèrent sans encombre, après avoir montée encore deux étages, devant la porte donnant dans le hall d'un grand bâtiment. Émi toujours en éclaireur s'avança. Ils étaient toujours silencieux et ordonnés.
Soudain un bruit assourdissant retentit. Émi courut et sauta derrière une sorte de comptoir, les autres refermèrent la porte.
"Merde, c'est quoi ?", chuchota Terr.
"Une alarme, sans doute, mais il nous faudrait sortir avant que les renforts n'arrivent, nous n'avons aucune arme", répondit Ort.
Ils se turent de nouveau quand ils entendirent un homme parler dans une langue qu'ils ne connaissait pas. Quelque seconde plus tard ils entendirent de nouveau le même homme criait de douleur.
"Émi a dut l'avoir, allon-y !", ordonna Ort.
Au même moment ils entendirent effectivement leur chuchoter de venir. Ils s'aventurèrent dans la pièce, Ourstanove retint un cri d'étonnement en voyant l'extérieur au travers des vitres. Le matin se levait.
"Je crois qu'il est seul", dit Émi, qui tenait l'homme plaqué au sol, lui tordant le bras un peu plus chaque fois que ce dernier haussait un peu trop la voix. "Il avait ça, ça doit être une arme."
Émi donna le bout de métal noir qui ressemblait un peu à leur pistolet à Ort.
"Oui c'est une arme manuelle sans assistance, je crois qu'ils ne sont pas encore très évolué par ici", expliqua Érianos.
"On pourrait lui prendre ses vêtements", fit remarquer Macchiann.
"Le problème c'est qu'on a pas de nain avec nous... Sauf toi peut-être Terr" rigola Ourstanove.
"Bien sûr ! Je dois mesurer deux centimètres de moins que toi !" s'énerva Terr.
"Suffit ! On le prends avec nous et on sort d'ici, il y aura peut-être des renforts, ne traînons pas" dit Ort en se dirigeant vers la sortit.
Ils redevinrent tous sérieux et Émi porta littéralement l'homme jusqu'à la porte, où il lui fit comprendre d'ouvrir. Il ne fit pas d'embrouille et ouvrit la porte en tremblant.
"Il doit peut-être croire qu'on va l'emmener dans un coin pour abuser de lui", dit doucement Ourstanove à Machiann.
"Oui, peut-être", rigola Machiann.
Machiann s'approcha alors de l'homme et lui mis une main aux fesses en faisant un petit gémissement. L'homme hurla en se débattant. Tellement que Émi le dut le lâcher, il prit la fuite, Émi partit à ses trousses et Ort lui cria de l'assommer, car ils n'avaient pas le temps de s'encombrer de lui. Ils firent vite, traînèrent l'homme derrière le bâtiment, l'attachèrent avec les menottes qu'ils avaient trouver sur lui, et Ort donna l'ordre de partir sans même prendre lui prendre ses habits, de peur que les renforts n'arrivassent plus vite que prévu.
Ils s'élancèrent rapidement vers ce qu'ils estimaient être la sortie du parc entourant l'endroit d'où ils sortaient. Érianos ne put retenir un cri de stupéfaction.
"Vous avez vu de quoi nous somme sortis ! C'est incroyable ! Je n'ai jamais vu de chose pareille, c'est vraiment splendide !"
"Mouais" marmonna Émi, "mais ça ne nous aide pas trop sur l'endroit où nous sommes et où nous devons aller..."
"Qu'est-ce que qu'on va faire, chef, si personne ne nous indique ?", demanda Terr, alors qu'ils trottinaient tous vers l'extérieur du parc dans lequel ils se trouvaient.
"Dans un premier temps, il nous faut trouver des habits pour passer inaperçu, normalement cette planète n'est pas en conflit ouvert, et nous devons être en temps de paix apparent, habillé en simple citoyens nous ne devrions rien craindre. Ensuite, nous reviendrons tourner autour d'ici à la recherche de notre contact, et si nous ne le trouvons pas d'ici ce soir, nous repartirons."
Ils acceptèrent tous positivement le plan de Ort, particulièrement Terr qui n'appréciait déjà guère la tournure que prenaient les événements.
Le jour se levait à peine, il n'y avait encore presque personne dans les rues, quelques personnes les regardèrent de travers.
"C'est dingue toutes ces maisons en hauteur", s'étonna Érianos.
"Oui, ils doivent être bizzare les gens par ici", lui répondit Émi.
"Dépêchons-nous, les gens se réveillent, il nous faut des vêtements rapidement, séparons-nous ici et deux par deux dans ces trois directions, de retour ici dans un dixième de dixième."
Ort partit avec Machiann vers le nord-est, Émi avec Terr vers l'est, et Ourstanove avec Érianos vers le sud. Ort et Machiann arrivèrent rapidement en face du port, et durent prendre vers l'est. Ourstanove et Érianos n'eurent pas beaucoup plus de chance au sud, ne trouvant rien de convenable. C'est Émi qui défonça la devanture d'un magasin d'habit, déclenchant au passage l'alarme. Les quatre autres eurent le même réflexe de se diriger vers le son d l'alarme quand ils l'entendirent, s'imaginant bien que l'un d'eux devait bien en être à l'origine.
Il trouvèrent Érianos et Émi habillé en short et chemise, et ne purent s'empêcher de rire.
"Ça va les mecs, eh, vos gueules ! C'est tout ce qu'il y a, si vous voulez rester tout nu c'est votre problème" s'énerva Émi.
"Et regardez, j'ai un pur short à fleur, trop classe, je prends", rigola Ourstanove.
"On se MAGNE !", hurla Ort, "et prenez le max d'habit, il nous faudra cacher des armes à l'intérieur."
Les six hommes amassèrent en quelques dizaines de secondes tous les habits qu'ils purent, Machiann montait la garde. Quand il vit un peu trop d'animation dehors, il les avertit et ils s'apprêtèrent tous à partir. Ils durent attendre Érianos.
"Érianos ! Magne-toi !" lui hurlèrent-ils.
Ils furent tout à fait paniqué quand ils entendirent au loin des sirènes.
"Bordel, ça doit être pour nous, Émi, Machiann, Terr, venez avec moi, Ourstanove, va chercher Érianos et magnez-vous de nous rejoindre" hurla Ort qui finissait d'enfiler un short trop petit pour lui.
Ourstanove dut aller chercher Érianos dans l'arrière boutique alors qu'il revenait les bras chargés de couvertures.
"Mais qu'est-ce que tu fous, grouille, il y a des sirènes, c'est peut-être pour nous ! Et qu'est-ce que tu fous avec ces couvertures !"
"Aide-moi ! Elle nous serviront si nous devons dissimuler des armes !"
Il partirent rapidement en courant, et trois minutes plus tard couraient aux côtés de leurs compagnons. Ils coururent pendant dix minutes à un rythme soutenu, transportant dans leur bras tous les habits qu'ils avaient récupéré, puis s'arrêtèrent enfin dans une rue plus calme, pour finir de s'habiller et se mettre correctement.
"Bien joué pour les couvertures, Érianos", félicita Ort.
"Eh ! Mais ce ne sont pas des couvertures ! Regardez ! C'est un peu comme une robe !", s'exclama Terr en enfilant la couverture qui avait une ouverture pour passer la tête, et tombait un peu comme une toge.
"Ça me rappelle les tenues des prêtres reptiliens primitifs", remarqua Ourstanove.
"C'est vrai, avec un peu les couleurs, ça ressemble", acquiesça Érianos.
"Bon, enfilez-en un chacun, combien en a-t-on ?", demanda Ort.
"Huit", lui répondit Émi, et que fait-on des habits qu'il reste ?
"Débarassons-nous-en", recommanda Ort, "il ne faudrait pas qu'on nous reconnaisse si nous les transportons avec nous."
Ort garda l'arme qu'il avait prise sur l'homme sous son nouvel apparat. Ils s'arrangèrent tous, puis repartirent en formation, Émi devant, suivi de Ort et Érianos, puis Terr, Ourstanove et Macchiann en arrière. Ils retournaient en direction de leur point d'arrivée, en espérant trouvé là-bas le contact qui devait les indiquer pour leur mission. D'une certaine façon, Ort espérait qu'il ne le trouverait pas, et qu'ils pourrait repartir au plus vite sans d'autre formalité.
Ils évitèrent soigneusement les environs du quartiers où ils avaient volé les habits, et espacèrent encore plus les trois groupes, pour limiter les chances que tous se fassent attraper. Ils marchaient sans bruit, toujours à l'affût d'un signe de leurs camarades.
La rue devenait plus vivante, des passants les regardaient d'un air un peu curieux, des véhicules circulaient dans la rue, ils regardaient d'un air ébahi ce monde qu'ils ne connaissaient pas, ce calme apparent, cette paix qu'ils n'avaient jamais connue.
Ort l'avait repéré, il savait qu'il allait les aborder. Ce fut le cas, un homme, jeune, s'approcha de lui et lui parla dans une langue qu'il comprenait. Il parlait dans la langue d'Adama, qui restait assez proche de sa propre langue.
"Depuis quand êtes-vous arrivés", demanda l'homme.
"Depuis ce matin", lui répondit Ort.
"Vous avez fait bon voyage ?"
"Réveil un peu frisquet mais sinon tout s'est bien passé. Nous étions juste étonné de ne trouver personne sur les lieux."
"Oui nous avons eu quelques soucis. Nous avons dû évacuer complètement, nous avons failli être découvert. Votre arrivée a même failli être compromise, mais sur Son insistance, n'ayant pas d'autre centre en Australie, c'est le nom du pays où nous nous trouvons, nous avons dû faire avec. Par contre vous ne deviez être réveillé que ce soir, c'est pour cela que je n'étais pas présent, mais sans doute les appareils ne doivent pas avoir correctement fonctionner. Il faut dire que nous ne les utilisons guère que pour nous reposer, certaines fonctions sont sans doute à revoir. Pourtant un technicien y a jeter un oeil il n'y a pas si longtemps, enfin..."
"Où allons-nous ?"
"Dans une ville plus au sud", lui répondit le jeune, "je suis garé à deux pas d'ici, vous n'êtes que deux ? Où sont les autres ?"
"Devant et derrière", lui répondit Ort, même pas spécialement fier que l'homme ne les ait pas vus.
"Bien, mais, comment communiquez-vous avec eux ? Nous devons tous prendre le fourgon, maintenant, il nous faut aller à l'aéroport."
Ort ne comprit pas tout les mots que lui disait son interlocuteur, mais il fit un signe de la main, Émi, qui observait la scène de loin, prêt à intervenir, tout comme les trois autres, derrière, s'approchèrent alors. Ils restèrent à quelques distance jusqu'au moment où ils durent se regrouper pour monter dans le petit car.
"Où va-t-on ?", demanda Terr, pas vraiment détendu.
"Dans une ville plus au sud, nous devons prendre un avion pour nous y rendre, nous allons donc à l'aéroport", lui expliqua le jeune.
"Ça sera long", demanda Ort qui coupa Érianos qui voulait avoir plus d'information sur ce qu'il appelait "avion" et son fonctionnement.
"Non, si tout ce passe bien il faut compter deux heures pour arriver à Melbourne, c'est le nom de la ville où nous nous rendons. Nous avons localiser Ylraw, il est retenu prisonnier, nous ne devrions pas avoir trop d'encombres."
Ort se renseigna pour savoir ce que le jeune appelait "heure" ; celui-ci lui donna l'équivalent en temps d'Adama.
"Avez-vous des armes ?", lui demanda Émi.
"Oui, mais vous les aurez après notre arrivée, il est plus prudent de ne pas en avoir pendant le trajet, pour éviter tout ennui avec la police."
"Vous n'avez pas le pouvoir, ici ?", demanda Érianos, "il me semblait que vous dirigiez, non ? Vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez ?"
"Non, nous dirigeons, mais dans l'ombre, nous devons rester discrets. Personnes ne connaît notre présence, les gens d'ici vivent tranquillement, et nous gérons l'ensemble par derrière. Nous sommes les seuls à avoir accès au téléporteur, les gens d'ici meurent généralement bien avant 60 années d'Adama."
"Nous mourrons aussi bien avant 60 ants", rétorqua Terr, "souvent au combat, d'ailleurs, mais même nous n'avons pas accès au téléporteur. Enfin en tous les cas pas nous."
"Personne n'y a accès", dit Érianos, "nous n'en avons qu'un seul gérer principalement par lui, qui s'en sert d'intermédiaire pour ses desseins. Mais notre problématique est très différente de celle de ce monde, nous sommes beaucoup moins nombreux, beaucoup plus avancé, et en guerre."
"Vous connaissez notre monde", s'étonna le jeune. Ils avaient maintenant quitté le centre ville et rouler en direction de l'aéroport.
"Un peu, j'avais discuté un moment avec la fille qui était passé, il y a deux dixièmes et quelques, elle semblait très au courant."
"La fille, quelle fille ?", interrogea le jeune, en se tournant vers lui et en ralentissant.
"Il y a deux dixième une fille est passé par Oriagoth pour se rendre ici, elle affirmait qu'elle était en mission d'observation pour Lui, elle ne m'en a pas dit plus sur elle, nous avons principalement parler des différences entre la Congrégation, ici et chez nous."
"Deux grands dixièmes ? Cela fait environ quatre petits sixièmes, non ?", demanda le jeune.
"Oui, pas loin."
"Très intéressant, et c'est Lui qui l'envoyé ?"
"C'est ce qu'elle a dit."
"Et Ylraw ?"
"Ylraw ?", ne comprit pas Érianos.
"C'est le nom du gars qu'on doit ramener", précisa Ort.
"Ah, et bien ?", demanda Érianos au jeune.
"Quand est-il passé par chez vous ?"
"Aucune idée, en tous cas je n'en ai jamais entendu parlé".
"Il vient d'Adama cet enfoiré", s'étonna Ourstanove.
"Nous le pensons", dit le jeune, "mais nous n'en sommes pas sûr... À vrai dire nous ne savons pas vraiment qui il est. Nous savons qu'Il s'intéresse à lui, et qu'il nous a causé beaucoup de soucis, mais son rôle reste mystérieux."
"Qu'a-t-il donc fait ?", demanda Émi.
"Il a mis en péril notre organisation, et a priori nous avons des suspicions sur le fait qu'il ait fait venir une fille du labo."
"Du labo ?" questionna Terr, toujours aussi inquiet en regardant défiler les paysages.
"Le centre d'observation d'Adama, qui se trouve en observation derrière la ceinture électromagnétique."
"Vous êtes contrôlés par Adama ?", s'exclama Ort.
"Oui, bien sûr, c'est notre plus gros soucis, d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle nous devons être très prudents."
"Et ce Ylraw, il est dangereux ?", interrompit Terr pour revenir dans un sujet qui le préoccupait plus.
"Pas directement, il semble que ce soit surtout cette fille du labo qui lui vienne en aide, c'est ce qui nous ennui d'autant plus, nous ne savons pas vraiment pourquoi elle intervient. Cela faisait des siècles avant cela que personne du labo n'était venu, nous nous demandions même s'il y en avait encore, nous n'avons aucun moyen de le savoir."
"Lui ne le sait pas ?", demanda Terr.
"Nous avons très peu de contact avec lui, hormis qu'il nous a permit d'arriver ici, nous évitons de nous mêler de ses affaires et Lui des nôtres, d'autant que nous ne savons presque rien de Lui. Il vous a dit plus de choses ?"
"Pas vraiment, la raison officielle de la mission est que ce Ylraw serait la clé dans la prochai... Dans notre guerre actuelle", balbutia Ort, en espérant que le jeune ne remarquât pas son lapsus.
"La clé ? C'est très étrange. Toutefois nous avons constaté que ce Ylraw a une résistance physique assez hors du commun, mais de là à faire de lui une arme."
"Je crois plutôt qu'il veut le détruire", précisa Érianos.
"Oui, c'est ce que j'ai compris", confirma Émi.
"Mais pourquoi ne pas le tuer ici, alors ?", demanda Machiann.
"En ce qui nous concerne nous avons eu ordre formel de ne pas le tuer, et de vous le laisser, j'imagine qu'il ne veut pas uniquement s'en débarasser, mais j'avoue que cette histoire me dépasse", dit le jeune en haussant les épaules. "Nous arrivons", ajouta-t-il.
Il arrêta le fourgon sur le grand parking proche de l'aéroport, et expliqua la suite des opérations.
"Ok, je vais vous conduire jusqu'au jet qui vous emmènera à Melbourne. Laissez ici tout ce qui pourrait être considéré comme une arme. Voilà des papiers, si jamais une personne vous demande, montrez-lui simplement ces documents, si elle vous pose des questions, faîtes croire que vous êtes muets. Et pour vous déplacez faîtes comme ce matin, par petit groupe, c'est une bonne idée. J'avais des habits pour vous mais ce que vous avez trouvés sont parfaits. Et puis je ne me rappelais pas que le grand gabarit était aussi énorme, ils ne vous seraient pas allés de toute façon.
"Vous ne venez pas avec nous ?", s'inquiéta Terr.
"Non"
"Mais comment allons-nous nous retrouver une fois là-bas ?"
"À l'arrivée une personne viendra vous cherchez, elle vous fournira des armes et vous conduira jusqu'à destination."
Ort laissa son arme, à regret, dans le petit car, et ils suivirent, toujours en formation dégroupée, le jeune jusqu'au jet. Le pilote ne comprenait pas leur langue, ils s'installèrent confortablement dans l'attente du départ. Le jeune les prévint que cela pourrait prendre un certain temps. Il leur souhaita bonne chance, et leur expliqua qu'il serait accueilli le soir à leur retour pour leur départ, mais peut-être serait-ce une autre personne qui s'en chargera.
Une fois installé dans l'attente du départ, ils se détendirent un peu.
"Vous avez vu ces sièges", siffla Émi, "c'est du grand luxe, le jour où on aura des trucs pareils dans nous vaisseaux !"
"La guerre sera finit...", soupira Ort.
"Vous avez vu le monde ? Et vous avez vu toutes ces femmes, comme elle sont belles !", continua Émi.
"Oui, franchement, je crois que je resterai bien ici, je me demande si on ne pourrait pas laisser tomber la mission et nous installé dans un coin de ce paradis, comment pourraient-ils nous retrouver ?", suggéra Ourstanove.
"C'est moi qui te retrouve et te tue, si tu fais ça", dit Ort autoritairement, "tu oublies vite nos femmes et nos enfants. Nous ne sommes pas d'ici, nous n'avons rien à faire ici, et nous serions ici comme des voleurs."
"Oui, je refuse de vivre caché, même au paradis", lança Machiann.
"Oh ça va stressez pas je plaisantais, et puis c'était juste l'histoire de deux trois jours, pour découvrir un peu les filles d'ici", rigola Ourstanove.
"Il te faudrait déjà découvrir les filles tout court", lui rétorqua Émi en rigolant.
"T'as gueule toi, je l'ai déjà fait !", répondit Ourstanove énervé.
"Ah oui, avec quelle main ?", s'exclama Érianos en rigolant.
"Connards ! Vous n'êtes qu'une bande de jaloux ! Vous savez très bien que j'ai passé une nuit avec Ramanelle sur Éden 2, le soir du nouvel an."
"Ah c'est vrai ! La petit Ramanelle, c'est vrai qu'elle est jolie, cela dit il ne vaut mieux pas que son père l'apprenne, je crois qu'il l'a déjà destinée", lui dit Terr.
"Destinée ? À qui ça ?", s'inquiéta Ourstanove.
"À son Prince, petit idiot, Molot", dit Émi.
"C'est qui ce naze ? Elle ne m'en a pas parlé ?", rajoute Ourstanove.
"Le jour où tu lui arriveras à la cheville, ce que je doute qui arrive, tu pourras peut-être te permettre de parler de lui en ces termes, en attendant, ne t'avise pas d'être injurieux envers lui", dit Ort d'une voix forte qui ramena le silence.
"C'est celui qui a repris Elzaor aux reptiliens, et qui a réussi à libérer Éma de leur griffe, seul", lui souffla Terr, assis près d'Ourstanove.
L'atmosphère se détendit de nouveau quand l'avion décolla, et ils restèrent tous les yeux écarquillés collés aux hublots à contempler le paysage. C'était moins beau que les paysages verdoyants d'Éden 2, mais ces derniers étaient souvent parsemés de la marque de la guerre. Éden 2 avait un climat beaucoup plus homogène que la Terre car les zones les plus chaudes étaient presque exclusivement recouvertes d'océans, créant une grande quantité d'évaporation qui profitaient, au grès des vents, à l'ensemble des deux hémisphères.
Ils arrivèrent sur Melbourne vers le moment le plus chaud de la journée. Une personne parlant leur langue vint les rejoindre. Ils le saluèrent, il leur expliqua la suite des opérations.
"Nous avons un petit soucis, nous l'avions repéré mais il a pris la fuite, toutefois nous avons un mouchard sur une personne qui devrait être avec lui, et nous devrions avoir confirmation dans une petite demi-heure", dit l'homme, jeune, habillé décontracté, en les guidant vers les bâtiments principaux de l'aéroport pour sortir.
"Nous avons parcouru combien de distance ?", demanda Érianos.
"Depuis Sydney ? Environ 600 miles je dirais".
"Euh, ça fait quoi 600 miles ?", s'interrogea Terr.
"900 kilomè... Euh... Un peu moins que quatre cent mille pierres d'Adama", rectifia le jeune.
Il parla en base adamiène, en base six, soit quatre fois six puissance cinq pierres d'Adama. L'unité de distance d'Adama remontait à la lointaine période de vie dans les grottes des hommes. La pierre d'Adama était la distance de solidification d'une roche sur une plaque de fer, sous un feu de hêtre, à une certaine période de l'année. Cela représentait environ quatre-vingt centimètres.
"Ça ne me parle pas beaucoup plus", se plaignit Terr.
"Dans les six cent mille barres", convertit Érianos.
Les hommes de l'Au-delà avaient voulu marquer leur séparation lors de leur départ de la Congrégation, ils étaient passés en base dix, et leur nouvelle unité de longueur était la taille de la toute première barre de métal forgé par les nouveaux hommes, environ un mètre cinquante.
"Oui ces engins ne vont vraiment pas très vite", confirma Érianos avant que Terr n'ait pu s'en rendre compte par ses propres calculs.
"Ouahou ! Regarde la fille là-bas, elle a presque pas d'habit !", s'écria Ourstanove quand ils arrivèrent dans le hall de l'aéroport.
"Moi je suis plutôt fan de celle-là", siffla Émi en s'émerveillant devant une superbe noire.
"Quand je vous disais que c'était le paradis !", gloussa Ourstanove.
"On se calme les mecs, je ne crois pas qu'on est permissions de tirer notre coup, de toute façons", dit Machiann d'un ton un peu énervé.
"Oh la la ! Toi et tes préceptes militaires, on peut bien profiter un peu des à-côtés !", lui répondit Émi en lui filant une tape dans le dos.
"Machiann a raison", s'énerva Ort, "nous ne sommes pas ici pour le plaisir, et le moins nous voyons de ce monde, le moins nous serons distrait de notre mission. Notre monde a nous est en guerre, et nos femmes sont dignes !"
Ils se turent tous, le jeune les écoutait, amusé. Ils sortirent de l'aéroport et finalement arrivèrent, après un petit quart d'heure de marche, à la fourgonnette. Le jeune leur présenta le chauffeur, qui ne parlait pas leur langue, il leur assura toutefois de la confiance qu'il pouvait lui faire. Il leur indiqua ensuite un petit radar.
"C'est un modèle sommaire des anciens localiseurs des combinaisons de combat Adamiène, ce modèle fait partie des rares modèles qui avait été amené ici. Ce n'est pas Ylraw qui porte l'émetteur mais nous avons de bonnes chances de penser qu'il n'en est pas loin."
"Mais ça date de quand cet appareil ?", demanda Érianos, intrigué.
"De la dernière venu des gens du labo, environ, il y a quelques siècles", lui répondit le jeune.
"Dis donc, c'était du bon matos, et c'est pas trop naze comparé à nos modèles", siffla Émi.
"La Congrégation est toujours en avance sur nous, Émi", lui dit Érianos d'un voix presque triste.
"Pas en matériel de combat", précisa Machiann alors qu'ils montaient dans le petit bus et qu'ils partaient.
"Je ne parierais pas", dit Érianos, "ils n'ont peut-être plus aucune culture militaire depuis des millénaires, mais ils n'ont pas pour autant aucune défense, leurs artificiels gardent efficacement l'espace de la Congrégation."
"Pourquoi veut-il attaquer maintenant, alors, si nous ne sommes pas encore prêts ?", demanda Ourstanove
"Nous ne sommes qu'un pièce sur l'échiquier, il contrôle bien d'autres mondes, il doit sans doute sentir le moment propice", rajouta Érianos en haussant les épaules.
"Nous avons déjà une guerre", coupa Ort.
"Oui, tous ces vaisseaux nous serviraient sans doute plus sur Éden 2", dit Émi.
"Pourtant cette guerre est de leur faute, et si nous pouvions reprendre notre dû, nous pourrions laisser Éden 2", suggéra Terr.
"Laisser Éden 2 ? Toutes les planètes de la Congrégation de remplacerait jamais Éden 2, et j'y mourrai, que ce soit, je l'espère, de vieillesse, ou en combattant !", s'écria Machiann. Ses paroles jetèrent un froid, et tous pensèrent à leur famille, à leurs amis tombaient aux mains des reptiliens.
Ils avaient rejoint l'autoroute qui les conduiraient vers le centre de Melbourne. Ort s'inquiéta de ne pas voir d'armes dans le car.
"Oui j'avais juger plus prudent de ne les prendre qu'au dernier moment, les contrôles de police ne sont pas si rares. Je pensais que cela nous retarderait beaucoup trop si nous étions pris avec des armes à feu dans le car. Mais désormais qu'Ylraw bouge, nous allons allé directement le récupérer, ce serait risquer de perdre du temps", détailla le jeune, qui se présenta finalement comme Glendaeur.
"Sans armes, mais y parviendrons-nous ? S'il vous donne tant de mal ?", lui demanda Ort.
"Il n'est pas directement dangereux, il est par contre malin et très résistant, et il a beaucoup de chance, mais je ne crois pas que six d'entre vous puissent avoir le moindre mal à le maîtriser", lui répondit Glendaeur.
"Depuis combien de temps le recherchez-vous ?", posa Ourstanove.
"Et bien, à vrai dire cela fait un bout de temps qu'il nous cause des soucis", répondit embarrassé Glendaeur.
"Combien de temps, combien d'hommes avez-vous perdu ?", demanda Ort, intrigué.
"S'il est vraiment la clé comme Il le dit, ça ne peut pas être aussi simple", rajouta Terr.
"Nous l'avons repéré il y a environs deux... Soixante jours, depuis nous l'avons capturé deux fois, mais il s'est évadé. Il ne nous a pas directement causé de perte, c'est cette fille du labo, en lui venant en aide, qui nous a fait perdre six personnes, au cours d'une explosion, mais elles avaient des sauvegardes, rien de grave", explica enfin Glendaeur.
"Des sauvegardes ?", demanda Ourstanove.
"Les gens de la Congrégation, tout comme certains ici je suppose, utilise les téléporteurs comme moyen pour sauver leurs esprits et pouvoir revenir dans un nouveau corps si besoin, c'est ce qui explique aussi leur énorme longévité", lui expliqua Érianos ; "quel âge avez-vous, Glendaeur ?"
"Je ne sais pas exactement, j'ai vécu vingt-quatre années d'Adama sur Ève avant de partir, lors du Libre Choix. Ensuite j'ai vécu trois cents ans d'une planète intermédiaire, Éthioque, dans l'Au-delà, qui servait de relais avec la Terre, et enfin je suis venu ici, il y a tout juste huit cents années terrestres. Donc au total, en années d'Adama, cela doit faire dans les mille ans. Les années sur Éthioque étaient plus longues, et celles d'ici sont plus courtes, mais je ne sais pas exactement de combien."
"Et ça fait combien pour chez nous, ça, Érianos ?", demanda Ourstanove.
"Je ne sais pas trop, je crois que l'année d'Éden 2 est un peu plus courte que l'année d'Adama, mais je ne sais pas de combien, ça doit faire dans les mille deux cents ans, peut-être..."
"OuaH, c'est dingue, dire que nous on dépasse rarement les quatre-vingt ans, pourquoi on ne fait pas pareil ?", s'étonna Ourstanove.
"C'est contre nos règles", dit Ort autoritairement.
"C'est Lui, en partie, ce sont ces règles qui nous on permis d'évoluer aussi vite, sans pression du temps, nous aurions sans doute été écrasés par les reptiliens depuis longtemps...", rajouta Érianos, pas entièrement convaincu de ce qu'il disait.
Ils furent interrompus par une sirène de police. Le chauffeur parla au Glendaeur dans une langue que Ort ne comprit pas. De toutes évidences il y avait un soucis. Ils roulaient depuis un petit moment à vive allure en direction de Melbourne. Ils durent s'arrêter sur le bord de la route. Glendaeur descendit immédiatement et alla voir les quatre personnes en uniforme qui s'approchaient de leur véhicules.
Glendaeur discuta une dizaine de minutes avec l'agent, puis revient vers le car. Il s'entretint avec le chauffeur, puis expliqua la situation à Ort.
"Nous devons les suivre", dit-il d'un ton de déception.
"Qu'est-ce que cela signifie ?", demanda Ort inquiet.
"C'est un manoeuvre de ma hiérarchie, nous avons un conflit avec Lui, et j'avais initialement reçu l'ordre de ne pas vous aider. J'ai été dénoncé", énonça Glendaeur d'une voix calme.
"Je ne comprends pas", répondit Ort, "en quoi seriez-vous opposé à l'arrestation d'Ylraw, et d'autre par pourquoi trahissez-vous votre direction ?"
"Disons que notre direction a un compte en souffrance avec Lui, et par conséquent a décidé de ne plus collaborer", dit Glendaeur. "Quant à pourquoi je tente tout de même de vous aider, c'est que je pense que cet état de fait est stupide et nous sera préjudiciable dans le futur."
"Mais que va-t-il se passer alors ?", demanda Émi, "notre mission est foutue ?"
"Je n'en sais rien. Je vais tenter d'en savoir un peu plus une fois au poste de police, sinon il faudra passer en force", analysa Glendaeur.
"Passer en force ? Mais nous n'avons aucune arme, et si vous êtes majoritairement contre nous nous n'aurons aucune chance", s'étonna Ort.
"C'est risqué, certes, mais nous ne pouvons agir à découvert, et devant le fait accompli nous ne réagirons pas", précisa Glendaeur.
"Quand devra-t-on agir, alors ?", demanda Machiann, impatient qu'il se passât enfin quelque chose.
"Pas pour l'instant, il y a trois voitures de police qui nous escortent nous n'aurions aucune chance, il vous faudra sans doute tenter votre chance quand nous arriverons, et qu'ils baisseront peut-être leur garde, une chance que nous n'ayons pas d'armes. Je pense qu'ils ont peu d'info sur vous, ils seront sans doute plus prudent à mon égard, mais si vous jouez les idiots, ils pourraient vous relâcher rapidement. Pour l'instant Ylraw ne bouge pas, nous avons un peu de temps."
"Mais, où nous emmènent-ils ?", demanda Émi.
"Au poste de police pour nous interroger. Mais si vous ne faîtes aucune action, ils ne peuvent rien vous faire. Ne vous inquiétez pas, ici par défaut vous serez considérez comme innocents. Est-ce Marti vous a donné des papeirs ?"
"Oui", répondit Ort en sortant un portefeuille de sa poche.
"Parfait, vous êtes des touristes israéliens, six frères, des sextuplés, c'est trop gros pour ne pas passer. Une fois au poste, prenez l'air inquiet, posez plein de question en montrant vos papiers, ils ne seront pas quoi faire de vous et en une heure ou deux ils devraient vous laisser. Ils feront de même avec le chauffeur et vous pourrez repartir. Je vous laisse le localiseur."
Jour 187
Ah, les réveils ne sont pas encore un pur bonheur ; leur resterait-il encore quelques marges d'évolution ?
D'autant moins un moment agréable qu'une représentation virtuelle, après un rapide message de bienvenue, me presse de me dépêcher à sortir du téléporteur pour laisser ma place. Un vêtement blanc-crême simple et ample, toujours avec une couche-culotte intégrée, est mis à ma disposition dans la petite capsule où je me trouve. J'ai à peine le temps de regarder par le minuscule hublot et de comprendre que je me trouve dans un vaisseau en orbite, vraissemblablement autour de la planète Adama qui, magestueuse, défile avec la rotation du vaisseau.
Ressentant une pesanteur, j'en déduis que celle-ci doit être artificiellement crée par le mouvement de rotation rapide de la station orbitale. Je m'aprête à sortir quand la même charmante personne réapparaît pour me signifier l'oubli de mon bracelet. Je le récupère rapidement et sors de la petite capsule.
Je me retrouve dans un large couloir donnant sur d'immense baies vitrées qui me permettent vraiment de contempler Adama. Je me sens plus léger que d'accoutumée, la pesanteur artificielle ne doit pas être aussi forte que celle à laquelle je suis habitué. Pourtant la rotation de la station semble très rapide. Je reste quelques minutes accoudé sur le petit rebord le nez presque collé à la vitre admirant la vue magnifique.
Une voix, sans doute l'artificiel du vaisseau, se présente, "Samrane", me souhaite la bienvenue et m'indique que Pénoplée, déjà arrivée, m'invite à la rejoindre à la surface. Samrane m'explique comment rejoindre cette surface, j'en profite pour lui demander quelques renseignements sur la station. Celle-ci existe depuis plus de 2200 années d'Adama, soit plus de 3500 années terrestres ! C'est un immense cylindre de plus de dix kilomètres de rayon, qui tourne sur lui-même en un peu moins de six minutes et crée par ce biais l'équivalent d'un tiers de la pesanteur de la surface d'Adama. Ceci au niveau qu'il appelle la "surface" du vaisseau. La pesanteur étant un peu plus élevée au niveau des téléporteurs, situé à la périphérie. À mon niveau ma vitesse est de près de sept cents kilomètres par heure.
Samrane me conduit jusqu'à un ascenseur qui est en fait un immense tube qui traverse l'intégralité de la station. Je m'approche de l'extrémité du tube et quand je pose un pied à l'intérieur, une plaque mettalique, un peu le même principe que pour accéder aux sous-sol des bâtiments sur Stycchia, apparaît sous mes pieds. Ensuite des bras sortent de cette plaque pour venir formé autour de moi une petite barrière métallique ; une mesure de sécurité j'imagine. Samrane m'explique que ce tube est baigné dans plusieurs puissants champs magnétiques qui lui permettent de piloter indépendamment les nacelles. Une fois la nacelle en route, ma position à l'intérieur du tube m'apparaît virtuellement, et je peux commander mes déplacement. Cette représentation virtuelle me donne aussi l'occasion de voir la station dans son ensemble. Et, comme j'en aurai la confirmation quelques secondes plus tard, d'enfin comprendre que la "surface" de la station est en réalité la partie interne d'un cylindre qui représente le niveau supérieur.
Je suis étonné alors de découvrir que cette "surface" est une immense bande de presque cinq kilomètres de large qui fait tout le tour de la station, et est composée d'herbe, d'arbres, de maisons... Le rayon de la station étant d'un peu plus de neuf kilomètres à ce niveau là, cette bande de terre a donc une surface de presque trois cent kilomètres carrés. Samrane m'explique que des personnes restent souvent plusieurs jours ou semaines ici avant de partir chez eux ou sur Adama. La population de la station est composée de cent cinquante mille personnes qui sont là depuis plus de trois mois, et de deux cent à quatre cent mille personnes qui ne sont là que de passage. Actuellement la population est de quatre cent quatre-vingt mille personnes.
Je suis à peine impressionné par ces chiffres, que je n'ai écoutés qu'à moitié, plus sidéré par le bleu du ciel. Je viens de sortir du tube et je marche dans une petite allée pavée où des passants traînent tandis que d'autres discutent assis sur les divers bancs disposés ça et là, ou encore sur les petites terrasses devant les maisons. Le ciel est bleu, il y a des petits nuages. Samrane m'explique que la surface se trouve sous une immense bulle filtrante de trois kilomètres de haut qui transforme les rayons du Soleil de la même façon que le fait l'atmosphère d'Adama. Ainsi le ciel apparaît bleu comme si on se trouvait réellement sous plusieurs centaines de kilomètres d'atmosphère planétaire. De plus la station crée artificiellement un cycle de jours et de nuits, et la nuit la surface de la bulle devient quasi-transparente pour avoir vu sur les étoiles, Adama et le soleil du système.
Samrane m'invite à prendre un abeille pour rejoindre Pénoplée. J'en profite pour avoir une vue d'ensemble sur le joli paysage boisé et tranquille. On se croirait vraiment sur une petite planète tranquille, si ce n'était l'impression bizarre que donne l'horizon coupé à quelques kilomètres de là et la surface cylindrique pas très naturelle, d'autant plus visible à mon altitude, je vole à une centaine de mètres au-dessus du sol. Pénoplée m'attendait en se promenant dans un superbe parc rempli de fleurs de toutes les couleurs. À vrai dire je ne sais pas trop l'accueil qu'elle va me donner, nous vivons un peu notre relation au jour le jour ces derniers temps.
- Ah te voilà enfin ! Ça fait des heures que je t'attends !
Elle a l'air plutôt détendue, c'est une bonne nouvelle.
- Écoute je fais ce que je peux, je ne contrôle pas ces téléporteurs, sinon tu imagines bien que j'aurais fait mon possible pour venir t'accueillir directement à la sortie de ta capsule.
- Oh c'est gentil, je n'y ai même pas pensé pour toi...
- J'ai vue... Les autres sont arrivés ?
- Je crois que Iurt et Guerd sont là, mais je ne les ai pas vue, mais il y a un monde fou, apparemment il se prépare une confrontation important au congrès.
- Tu penses que c'est pour nous ?
- Non, c'est un problème avec une gamine des planètes rebelles.
- Les planètes rebelles ?
- Oui c'est un groupe de planètes près des limites de la congrégation ou pratiquement tous les jeunes vont se retrouver. Ils revendiquent pas mal de choses et sont souvent la cause de débats enflammés au congrès. Enfin, quoi qu'il en soit les autres ne seront pas là avant un jour ou deux voire plus, alors nous allons devoir nous occuper entre temps...
Je dis avec un sourire au coin des lèvres :
- Hum, tu penses à quelque chose en particulier ?
Elle sourit :
- Non je ne pensais pas à ça... Mais maintenant que tu le dis... Mais cela dit j'ai mieux à te proposer.
- Vraiment ? Tu m'intéresses.
- Il est encore tôt, le jour s'est levé il y a peine quelques heures et j'irais bien faire un tour en vaisseau, c'est le moment ou jamais.
- Ah, mais tu peux en emprunter ?
- Bien sûr... Ça te dirait que je t'emmène en ballade pour la journée ? Accessoirement on pourrait faire une pause pour s'adonner à ce à quoi tu pensais.
Je souris de nouveau. Saloperie de bracelet enfant.
- Ben oui ce serait bien, d'autant que ça te fera plaisir de retrouver les joies du pilotage. Tu crois que je pourrais prendre un vaisseau moi-aussi ?
- Non ça serait trop compliqué, comme tu n'as qu'un bracelet enfant on ne pourrait pas faire grand chose, c'est mieux que tu montes avec moi.
- Bon d'accord.
- Tu préfère manger un bout avant de partir ou alors nous déjeunerons dans un moment ?
- Non nous pouvons y aller tout de suite, sauf si tu as faim, mais moi je n'ai pas du tout faim.
- Oui c'est normal tu viens d'arriver, et moi j'ai déjà mangé un peu en attendant, allons-y alors.
Je suis Pénoplée avec laquelle nous prenons deux abeilles pour rejoindre un tube, puis nous remontons vers le centre de la station. Pénoplée m'explique en effet que c'est là où la force d'inertie est la moindre, et donc permet de dépenser moins d'énergie pour maintenir les vaisseaux. En quasi apesanteur nous traversons quelques couloirs pour arriver finalement dans en face d'un vaisseau disponible. C'est un vaisseau ressemblant à un gros avions de combat, dont on voit les deux proéminents réacteurs sur le côté. Pénoplée m'explique que c'est loin d'être le top du top, mais qu'elle aime bien un peu de rusticité d'autant que ce vaisseau à un caractère comme elle les aime.
C'est un petit vaisseau trois places qui peut transporter quelques marchandises mais sert principalement à des petites sorties. Dans le passé il avait servi comme vaisseau de combat, mais depuis la fin du travail obligatoire et le remplacement par des drones artificiels, tous ces vaisseaux étaient désormais utilisés à des fin ludiques. Mais c'est son passé militaire qui rendait l'artificiel du vaisseau un peu plus agressif que les gentils vaisseaux tout confort que préfére la majeure partie des gens.
Aussi faible soit son confort, j'étais tout de même très confortablement installé, sans combinaison, dans un siège épousant ma forme et m'enlaçant au niveau des jambes, du ventre et des épaules pour me maintenir en position. Les deux petits hublots de part et d'autre de mon siège étaient minuscules, mais rapidement, une fois le vaisseau en route, la surimpression artificielle rendait transparente l'ensemble de la structure du vaisseau, et je pouvais ainsi voir Pénoplée et l'extérieur sans aucune gêne.
Le vaisseau bougea doucement pour se décoller du sol et sortir dans un sas intermédiaire avant de quitter la station d'où arrivaient et partaient des centaines de vaisseaux, grands et petits, larges ou fins. Voilà enfin une vision du futur ! Je n'avais jusqu'alors vu que des petits villages tranquilles ou rien ne laisse supposer la présence de technologies avancées. Je retrouve là un décors plus conforme à ma vision de l'avenir avec ces milliers de petits vaisseaux tournant autour de cette immense station orbitale.
Nous nous éloignons doucement de la station, et je peux enfin en appréhender toute la structure, gigantesque tore tournant sur lui-même avec en fond la surface bleutée d'Adama, la vision est superbe.
- Tu es prêt ?
Pénoplée me sort de mes rêves ?
- Prêt pour quoi ?
- Pour ça !
Je n'ai même pas la force de crier. Je me retrouve plaquer contre mon siège, le vaisseau prenant en quelques secondes une vitesse formidable. En quelques instants la station ne devient plus qu'un point brillant derrière nous. Adama elle-même diminue à vue d'oeil, et quelques minutes plus tard, nous sommes en orbite autour de la lune naturelle de la planète, qui ressemble a si méprendre à notre bonne vielle Lune. Si ce n'est que celle-ci est recouverte ça et là par des bulle argentée. Je demande à Pénoplée ce qu'elles sont :
- Que sont ces petite bulles réfléchissantes qu'on voit a la surface ?
Le vaisseau s'est stabilisé et survolle, sans doute à quelques milliers de kilomètres, la surface de la lune.
- Ce sont des villes, il y en a quelques milliers à la surface, qui datent surtout du temps de l'exploration minière de la lune, de nos jours il y a encore quelques villes touristiques, mais l'endroit n'est plaisant que quelques jours pour la vue sur Adama. Elles servent surtout de station de téléportage, car Adama n'en a que quelques unes, bien insuffisantes comparées au flux de population. En effet plus de cent millions de personnes par jours quittent ou arrivent aux environs d'Adama.
- Oh ! Cent millions ! Il y a combien d'habitants sur Adama déjà ?
- De l'ordre de vingt-deux milliards.
- À quelle distance se trouve la lune de d'Adama ?
- Environ six cent mille kilomètres, elle a un diamètre de quatre mille kilomètres.
Pénoplée me parle toujours avec leur propre unités de distance, mais j'ai réussi à programmer le bracelet pour qu'il me transforme les nombres en base décimale d'une part, et les distances en mètres. Je crois bien de toute façon qu'avec leur unité bizarre et leur base six, je ne pourrai m'habituer à leur système.
- Nous sommes allés très vite avec le vaisseau, à quelle vitesse va-t-il ?
- Entre la station et ici nous avons fait une petite pointe à un peu plus de mille kilomètres par seconde. Il nous a fallut environ quinze minutes pour venir de la station à ici. La station est sur une orbite à seulement cinq mille kilomètres de la surface d'Adama.
- Il y a beaucoup de ses stations ?
- Oh oui des centaines, des milliers même !
- Des plus grandes ?
- Bien sûr, une des plus grande est la station océan dont je t'avais déjà parlée, elle fait deux cent cinquante kilomètres de diamètre. Elle est elle en orbite autour du soleil du système, pas autour d'Adama, et c'est presque une petite planète artificielle et autonome. Toutefois la plupart reste entre dix et trente kilomètres de diamètre, et sont à moins d'un million de kilomètres autour d'Adama..
Je reste rêveur face à cette approriation de l'espace qui le rend presque aussi accéssible que ne l'était le supermarché du coin rue Crillon.
- C'est impressionnant...
- On va faire du rase-motte sur Adama ?
- Si tu veux, mais on peut y aller comme ça ? Il ne faut pas attendre les autres ?
- Bah on peut pas vraiment faire du rase-motte, mais je peux déjà te faire faire un tour à basse altitude.
- C'est interdit ?
- Il faut demander oui, mais c'est surtout que ce vaisseau n'est pas vraiment fait pour entrer dans l'atmosphère, on peut le faire en cas d'urgence, mais c'est pas spécialement recommandé.
- OK
Encore une vingtaine de minutes et nous traversons les couches hautes de l'atmosphère d'Adama.
- Voilà le continent principal, c'est ici que nous avons les plus anciens signes de l'existence des hommes sur Adama, avec celle des reptiles, bien-sûr.
- Tiens à propos tu ne voudrais pas me raconter cette histoire de reptile ?
- Si, bonne idée ! Je peux te raconter l'histoire de l'homme sur Adama, et des reptiles, par la même occasion.
Pénoplée, qui laisse le vaisseau survolée lentement la surface de la planète, reste silencieuse un moment, sans doute cherche-t-elle des renseignements dans son bracelet.
- Ah, je vais utiliser l'artificiel du vaisseau pour te raconter l'histoire, ce sera moins décousu que si je dois vérifier au fur et à mesure tout ce que je te dis, parce que je ne connais pas tout par coeur. Ça te va ?
- Euh, oui...
Je suis surpris de voir apparaître une jeune fille, vêtue de blanc, qui nous salue et se présente, Antara. Elle se lance dans la description de l'évolution d'Adama, le pourtour du vaisseau est quasi invisible, et des images illustrant ses propos sont projetées dans nos cerveau pour nous donner l'illusion que tout se passe sous nos yeux, c'est vraiment formidable :
" La planète Adama s'est formée il y a environ trois milliards deux cent millions de tes années. Je vais convertir de façon à ce que cela soit plus simple. Dans le premier milliard d'années, rien de notable, évolution classique d'une planète recouverte d'eau à une distance propice d'une étoile moyenne. La vie apparaît il y a de cela environ deux milliards d'années, formes bactériologiques simples dans un premier temps, puis, l'évolution faisant son chemin, au gré des bouleversements climatiques et autres catastrophes naturelles, des formes de vie de plus en plus complexes font leur apparition, dans l'eau tout d'abord, microbactérie rejetant de l'oxygène, puis plancton, algues, poissons, puis sur terre, plantes, arbres...
Il y a quatre cent millions d'années, une forme dérivée d'un vulgaire poisson préférant avoir les pieds au sec commence la longue lignée qui, environ cent millions d'année plus tard, donne naissance aux premiers représentants de ce que nous pouvons appeler "les reptiles". Tout ce beau monde évolue dans de multiples directions, et encore deux cents millions d'années plus tard nous retrouvons des formes les plus gigantesques, plusieurs dizaines de mètres de long, aux formes les plus minuscules, les plus élancées, les plus ravageuses... S'ensuit alors une longue période de plus de cent millions d'années sans réel changement. Des reptiles géants dominent la planète, l'évolution est quasiment au point mort, les conditions de vie idéales, rien qui ne pousse la vie à innover.
Et puis, voilà vingt-quatre millions d'années un chamboulement climatique, suite sans doute à une chute de météorite, ou le passage d'une étoile à proximité de notre soleil, change tout. Les conditions de vie deviennent tout autres, une multitude de nouvelles formes de vie apparaissent, les mammifères, principalement, mais aussi de nouvelles maladies, de nouveau virus, des formes très développées de bactéries, peut-être venues de l'espace. Les formes de vie existantes doivent s'adapter ou mourir. Mais une forme évoluée de reptiles, qui s'est adaptée au changement climatique, et a développé une première forme d'intelligence, survit et prospère. Une autre forme, dérivée des mammifères, une forme de singe, s'adapte aussi rapidement et facilement aux nouvelles conditions.
Débute alors la longue est cruelle compétition entre deux espèces qui aspirent à la domination de la planète. Mais les reptiles ont de l'avance, et ils ont l'intelligence, voilà environ deux millions d'années, de prendre certains de ces singes en élevage et de les dresser pour exécuter certaines tâches. Les reptiles sont d'énormes monstres à côté d'eux, et les singes ne peuvent guère que se soumettre. À partir de ce moment là les reptiles évoluerons peu, ayant atteints, à peu de chose près, leur forme physique définitive. De grands monstres de deux à quatre mètres de haut, homnivores à large préférence carnivores, reproduction sexuée, pondant des oeufs, pourvus de deux puissantes pattes leur permettant de faire des pointes à plus de soixante dix kilomètres par heure, et de deux bras plus frêles, même si suffisants pour te briser le cou, et munis de trois gros doigts maladroits. Animaux à sang chaud contrairement à beaucoup de leurs cousins, ils sont munis d'une peau épaisse et protectrice qui leur permet de résister au chaux comme au froid. Leur morphologie est très diversifiée, tout comme leur couleur de peau, leur taille qui va du simple au double et leur capacité physique. Leur organisation en caste est uniquement basée sur la force physique. Ils sont friands de combats, lutte et divers jeux meurtriers et cruels. Leur semblant de socialisation date aussi de cette période, il y a deux millions d'années. Ils vivent par groupes d'une centaine d'individus et sont nomades. S'ils sont présents sur tous les continents, ils sont majoritairement sur le grand continent que nous survolons. Celui-ci, comme tu peux le voir, est placé idéalement dans une zone tempéré, et sa forme très étendues, plus de dix mille kilomètres, pas très larges, de l'ordre de deux milles kilomètres, quatre mille au plus large, avec de nombreux bras dans la mer, et la présence de deux mers intérieures, qui ne sont plus qu'à peine visibles aujourd'hui. On les devine quand même avec quelques reflets plus argentés juste en dessous de nous, et surtout là-bas, vers le soleil.
Bref, les reptiles, dans leur nomadisme à travers les continents, emporte avec eux ces quelques singes à qui ils font faire les tâches ingrates. Mais les conditions terribles infligées par les reptiles, les stimulent, leur permet de s'organiser, de s'entraider, d'apprendre plus vite, car les reptiliens pratiquent depuis longtemps le maniement des outils, la fabrication des huttes, la chasse, et la taille de la pierre. Les singes sont habiles de leurs mains, beaucoup plus que les trois doigts grossiers des reptiles. Les reptiliens le comprennent vite et assignent aux singes toutes les tâches requérant l'habileté qu'eux n'ont encore su développer, et ne développeront jamais, car justement les singes, presques les hommes, seront, en quelques sortes, "leurs mains". Les techniques de chasse et de pêche s'améliorant, certains groupes reptiliens s'établissent de manière permanente et ainsi les premières villes font leur apparitions. Les reptiliens se chargent de la chasse et de l'approvisionnement en général, les singes dociles de la confection des habits, des armes.
Les centaines de milliers d'années s'écoulent encore, et le partenariat quelques peu ingrat entre les reptiles et les singes se maintient et se renforce. Les reptiliens changent peu, évoluant lentement, les singes énormément, et nous situons à environ un million trois cent mille à un million cinq cent mille ans en arrière l'apparition d'une forme primitive d'homme. Ceux-ci se tenaient debout, utiliser les outils et savent exécuter de nombreuses tâches. Ce sont encore sans doute les reptiliens qui tirent l'évolution à ce moment, et ce sont les reptiliens, sans doute suite à une période climatique difficile, il y a environ un million d'années, qui découvrent l'agriculture. À partir de ce moment là les regroupement en villes, qui étaient l'exception auparavant, deviennent plutôt la règle, et ne subsistent que quelques tribus nomades dans les zones climatiques difficiles, où l'agriculture n'est pas envisageable. Toutefois le nomadisme reste très fortement inscrit dans les traditions reptiliennes, et la selection forte dans les tribus reptilienne entrainant l'exclusion fréquente de membres avait depuis longtemps permis une uniformisation de leur dialecte, à quelques exceptions près, notamment sur les deux continents plus équatoriaux sans doute peuplé à un moment ou le bras de mer le séparant du continent principal était asséché. La mise en place de l'agriculture provoque le fleurissement de nombreux petits villages sur toutes les rives des principaux fleuves. Tu ne les vois pas ici mais le continent, qui possède trois barres montagneuse principales, est traversé par des centaines de fleuve et rivières, aujourd'hui masquée par les constructions. La forme de commerce primitive existant auparavant entre les tribus nomade se fortifie avec cette sédentarisation, notamment le commerces d'esclaves humains. Les plus doués d'entre eux se vendent au prix forr, et sont utilisés comme mâles reproducteurs. Ainsi les reptiliens accélèrent l'inévitable, le surpassement de leur intelligence par les hommes.
Il y a un millions d'années nous estimons la population d'Adama à quatre cent milles reptiliens et cent milles hommes. L'agriculture va rapidement tout chambouler, avec l'apparition des premiers villages et des premières communautés, qui font passer les tribus de quelques dizaines voire cent ou deux cents d'individus à des gros villages de plusieurs centaines, jusqu'à deux ou trois milles individus. C'est il y a environ cinq cent mille ans que l'intelligence des hommes a dû dépasser celle des reptiles. Mais les hommes restent soumis, car les reptiles, en plus d'être des dizaines de fois plus forts que les hommes, qui rivalisent difficilement du haut de leur mètre cinquante avec des molosses de plus de trois mètres, ne sont pas complètement stupides. Ils savent diviser les hommes, pour toujours pouvoir les exploiter à leur profit et casser toutes tentatives d'évasions ou de rebellions. Ils utilisent pernicieusement certains hommes en leur offrant des privilèges en échange de leur coopération.
Il y en a eu, pourtant, des communautés indépendantes humaines échappées du joug reptiliens, mais elles n'étaient que le terrain de chasse favori de ceux-ci, qui les massacraient allègrement dès qu'ils les repéraient. Ils avaient en plus la mauvaise gourmandise de la chair humaine, et, il va sans dire, et ceux qui n'avaient pas la chance d'être utiles, parce qu'ils s'étaient blessés ou pas assez intelligents ou adroits, ou au contraire un peu trop rebelle pour les tâches qu'on leur confiait, constituaient la nourriture de luxe de ces carnivores sans pitié. Toutefois il semble que l'homme n'est jamais été purement élevé dans l'optique de constituer une source de nourriture, même s'il existait sans doute quelques élevages dans ce but. Les reptiliens consommaient plusieurs kilos de viande par jour, et l'homme de satisfaisait pas à cette nécessité. Il constituait plus la main d'oeuvre de luxe des reptiliens, qui basaient tout leur développement sur lui, ayant eux depuis longtemps mis une croix sur l'exécution de tâches minutieuses.
Puis, il y a quatre cent mille ans, certains reptiliens vont plus loin et tentent d'apprendre leur langue aux hommes. Les reptiliens avait une langue simple et basique, mais ceci va bouleverser et accélérer une fois de plus le développement humain. Les reptiliens prospérant, atteignant il y a deux cent mille ans une population supérieure à un millions d'individu pour trois cent mille hommes, les échangent se multiplient et certaines tribus de reptiliens utilisent les hommes comme valeur de référence. L'homme devient donc en quelque sorte la monnaie locale. Mais les reptiliens remarquent et développent la capacité surprenante de l'homme à manier les chiffres, et, il y a environ cent mille ans, les hommes commencent à mettre sur des bouts de bois ou de pierre des signes pour se rappeler des résultats de calculs fastidieux que leur font faire les reptiliens.
L'invention de l'écriture ne tarde pas, mais elle est du fait des reptiliens qui ont pris modèle sur les hommes. L'évolution se fait toutefois de concert et il y a environ cinquante mille an se crée une véritable première langue écrite et parlée commune aux reptiliens et aux hommes, les hommes étant alors leurs scribes.
On comprend alors pourquoi les reptiliens gardaient avec tant d'attention l'étreinte autour des hommes. Ils en étaient devenus dépendants, complètement. Toute leur économie de l'époque, leurs outils, leur style de vie, la transmission de leur savoir même par l'écriture étaient complètement architecturés autour de l'asservissement des hommes. Et bientôt, leur évolution technologique même le serait.
Jusqu'à l'invention de l'écriture, les reptiliens les plus doués menaient encore le chemin de la découverte, la création de nouveaux outils, nouvelles techniques de fabrication et de culture, mais à partir du moment ou l'homme devint scribe en plus d'ouvrier, alors tout changea, et les reptiliens utilisèrent à leur profit la créativité des hommes.
Il y a quarante mille ans les reptiliens découvrent l'utilisation du cuivre, un métal meuble. Rapidement les hommes en étendent l'usage par l'utilisation du feu et de la forge, puis démultiplient les possibilités en élargissant son champ d'action à d'autres métaux. La population d'alors est estimée à soixante millions de reptiliens et une dizaine de millions d'hommes. Elle reste principalement limitée au continent principal. Nous avons assez peu d'information sur les cultures existant sur les autres continents, principalement parce que celles-ci ont été complètement anéanti par les hordes de reptiles quand leurs navires leur permirent d'y accéder.
Les reptiliens ont compris la menace de l'homme depuis déjà longtemps, mais ils ont su savamment le diviser. Les hommes n'arrivent pas à s'organiser, les reptiliens jouant habilement sur son orgueil pour en privilégier certains au détriment d'autres. Les plus doués et intelligents sont comblés et deviennent presque égaux aux reptiliens, ils participent au développement et n'ont pas de tâches difficiles. Les autres sont soumis aux travaux d'ouvriers et de manoeuvres, et séparés en différentes castes en compétitions les unes avec les autres. Toute tentative de révolte voit l'élimination complète de la communauté. Les femmes et les enfants sont souvent pris en otages, les hommes travaillant ne pouvant les voir qu'un jour de temps en temps, et plus jamais au moindre faux-pas de leur part. C'est malheureusement ce qui rendra la sociabilité de l'homme un tel échec pendant des millénaires. Les reptiliens ont façonné dans l'esprit humain la notion de compétition, de domination et de soif de pouvoir pendant des centaines de milliers d'années. Et nous en souffrons toujours, pourquoi les hommes de l'au-delà sont-ils partis ? Sans doute un peu car il ne toléraient pas un monde égalitaire, un monde où tout le monde est identique à son voisin et où personne ne domine personne. "
Antara fait une pause, après un bref instant, j'imagine qu'elle a demandé l'autorisation à Pénoplée, elle prends les commandes du vaisseau, s'éloigne d'Adama pour la contourner et se rapproche de nouveau ensuite en dessus d'un autre grand continent. Pénoplée me demande si je vais bien, s'inquiète de savoir si l'histoire ne m'ennuie pas trop. C'est tout le contraire. Je lui fais un bisou virtuel et Antara reprend son récit :
" L'évolution conjointe progresse, l'invention de la monnaie, le travail du fer, l'amélioration des forges. Les reptiliens sont une race très soudées, même si régis par une hierarchie stricte, contrairement aux hommes, sans cesse déchirées par des rebellions internes, sans parler de celles attisées par les reptiliens. Il y a trente mille ans, la population totale des reptiliens dépasse les trois cent millions, et ils limitent par tous les moyens celle des hommes, de peur de leur insurrection. Ceux-ci sont pourtant près de trente millions. Mais de plus en plus divisé, les élites sont choyés par les reptiliens, qui voient en eux leur évolution technologique, et maudit par leurs concitoyens, pour qui ils ne sont que des traîtres.
Mais les hommes sont eux-mêmes les garants de leur soumission, les plus intelligents étant au service des reptiliens pour créer des instrument de pouvoir toujours plus efficaces. Mais la progression des techniques donnent aussi aux hommes la chance de pouvoir communiquer plus facilement entre eux. La première grande révolte s'est déroulée sur ce continent, il y a vingt-sept mille ans, juste en-dessous de nous. Elle a débuté dans une ville proche de la mer, sur la petite pointe que tu aperçois. Les reptiliens avaient fait l'erreur de laisser les hommes seuls sur les petites îles qui se trouvent dans la baies, pour profiter au mieux des emplacements côtiers. Les hommes y avaient fabriqué et caché des centaines d'armes et mise en place un plan de rebellion. Ils avaient réussi à développer un code qui leur permettaient de démasquer les espions, et leur machination était restée secrète jusqu'à la nuit fatidique, suite à la fête de nouvelle année des reptiliens. Les hommes étaient tous partis sur la côte pour tuer les reptiliens dans le sommeil. En quelques jours les hommes avaient pris le contrôle de toute la bande de terre que nous survolons. Malheureusement les villages voisins, bien qu'informés de cette victoire, n'ont pas suivi, et en trois semaines tous les hommes ou presque furent massacrés sans pitié par les assauts reptiliens. Certains hommes s'en sortirent pourtant, et c'est la raison pour laquelle nous savons si bien les détails de cette première révolte, car pendant longtemps elle s'est transmise de génération en génération comme l'espoir que la liberté n'était pas une mythe, mais pouvait être une réalité, si tous les hommes s'unissaient. Mais les hommes ne s'unissaient pas, et les autres grandes révoltes postérieures à celle-ci finirent de la même façon, par l'écrasante victoire des reptiliens, quand elles n'étaient pas déjoués à la base par ceux-ci et les traîtres qu'ils soudoyaient dans les communauté humaines.
Ces premières grandes révoltent marquent aussi le signe de bon technologique considérable. La condition de vie des reptiliens s'améliorent grandement, tandis que les conditions de vie humaines restent excécrables. Les populations croient très rapidement, et il y a environ vingt mille ans, la population reptilienne dépasse les deux milliards, et les hommes sont près de trois cent millions.
Mais les révoltes n'aboutissent pas, elles permettent tout au plus à quelques milliers d'hommes d'être libres pendant les quelques mois de siège des places fortes dans lesquelles ils se sont réfugiés. Mais que vaut la liberté si c'est pour vivre dans la guerre, la faim, les massacres et le sang ? Beaucoup d'hommes, séparés volontairement de leur famille, ne veulent pas prendre le risque de les voir massacrées en cas de rebellion de leur part. Et d'une certaine façon les reptiliens n'ont fait que renforcer leur contrôle et leur pouvoir sur les hommes.
C'est un homme un seul qui changera tout.
Guerroïk est né en 31 avant le MoyotoKomo, soit environ cinquante de tes années. Il a la chance d'avoir un père et une mère scientifiques et choyés par les reptiliens. Il fait des études brillantes en biologie et en chimie, alliant la science de son père et celle de sa mère. Mais à dix-huit ans il refuse la place qu'on lui offre dans un des plus prestigieux centre de recherche d'Adama de l'époque pour suivre une vie de miséreux dans les porcheries reptiliennes. Les reptiles en consommaient en effet des quantité astronomique, certain pouvaient dévorer un porc entier par jour ! Toutefois même si la consommation moyenne d'un reptilien était bien inférieure à cette quantité, il n'en fallait pas moins élever par centaine de millions pour satisfaire leur appétit. Guerroïk connaît alors la misère et la détresse des populations humaines opprimées, au milieu des maladies, des épidémies de peste et de grippes qui provoquent de véritables hécatombes, et bien loin de la vie de luxe et de profusion de son enfance.
Si les hommes qu'ils côtoient ont une haine farouche envers tous ceux d'entre eux qui les trahissent, comme les parents de Guerroïk, ils ont tout de même du mal à comprendre pourquoi quitter le privilège d'une vie facile pour leur conditions déplorables.
Mais au bout de trois ans de peine et de labeur, il attrape une maladie infectieuse, et n'est sauvé in extremis que par un recours de ses parents qui le ramènent près d'eux. Après un rétablissement difficile, pendant lequel il reprend ses études, il occupe alors un poste dans ce même centre de recherche qu'il avait fui de nombreuses années auparavant. Il mène des travaux très prometteurs sur les croisement génétiques, et consacrera plus de dix ans de sa vie à la sélection et la création d'une espèce de porc à la croissance plus rapide, la viande de meilleure qualité et beaucoup plus grosse que la normale. Encensé par les reptiliens, il parcourt Adama pour promouvoir et faire accepter cette révolution dans les habitudes alimentaires reptiliennes.
C'est un succès, et, trois ans plus tard, il se retire de sa vie de scientifique pour profiter d'une retraite grassement payée par les reptiliens. Pendant une nouvelle période de dix ans, il se fait oublié, son statut lui permet de voyager librement, et il parcourt le monde. Il écrit beaucoup et garde de bon contact avec les reptiliens, qui apprécient ses oeuvres, qui leur sont principalement consacrées. Il a acquis une fine connaissance de la psychologie reptilienne, et certain vont jusqu'à dire qu'il n'a rien d'humain. Il écrira néanmoins deux oeuvres à destinations des hommes, mais dans un but servant les reptiles. Les reptiliens ont toujours, et de plus en plus, une peur bleu d'une révolte humaine, et luttent tant bien que mal pour conserver les divisions et les guerres de clans dans la communauté humaine. Guerroïk, par ces deux oeuvres, apporte une réponse à leur problème.
La première, le Moyoto, est une longue liste d'actions que doivent faire les hommes en guise de vénération de leur maître les reptiles. "Moyoto" est un acte de politesse signifiant la soumission. Nous l'utilisons encore aujourd'hui pour dire bonjour. Ce livre décrit dans des détails souvent pompeux et répétitif, avec un style ampoulé, les diverses façons de se prosterner au passage des reptiliens, par exemple, pour rendre plus difficile une attaque ou une rébellion. Le Moyoto rend aussi interdite la consommation de porc pour les hommes, aliment sacré exclusivement destiné aux reptiles. Les reptiles font apprendre par coeur et réciter ces passages, petit à petit, à toutes les communautés humaines, et se satisfont du nombre de rebellions en forte diminution.
La seconde oeuvre, le MoKo, est une oeuvre directement destiner à promouvoir et augmenter les rivalités internes des communauté humaines, en exacerbant leur velléité, leur divisions en classes, leurs combats de chefs. "MoKo" signifie "la lutte". Tant que les hommes se battent entre eux, ils restent inoffensif pour les reptiles, et les codes décrit dans le MoKo, tout comme ceux détailler dans le Moyoto, sont rapidement instaurés dans toutes les communauté humaines par les reptiliens.
Six ans plus tard le Moyoto et le MoKo sont connus par coeur par presque tous les hommes, et les reptiliens satisfaits d'un climat de sérénité et amusés par toutes les rivalités ainsi crées entre les hommes.
Mais toujours six ans plus tard, Guerroïk retourne dans les porcheries, pas pour y travailler, mais pour y prêcher. Et si une grande partie de sa vie fut glorifiée par les reptiliens, celle-ci les dérangent beaucoup plus. Guerroïk prêche l'union, il prêche l'avenue de la fin du règne des reptiliens, il prêche un événement sans précédent, qui rendra à l'homme sa liberté.
Pendant deux ans, il répandra l'espoir parmi les hommes, il répandra l'idée que les reptiliens vont disparaître, et que le moment est proche, de la grande révolte, du renversement, de la gloire de l'homme.
Deux ans de fuite, de paroles échangées sous le manteau. Deux ans d'oppression encore plus forte des reptiliens, et enfin, sa capture, et son martyr. Les reptiliens affichaient toujours avec grande fierté leur force. Et Guerroïk sera cloué sur une grande croix sur la place publique d'Eryas, un des plus grande ville reptilienne, siège de leur pouvoir.
Mais il était déjà trop tard, et Guerroïk, quelques jours plus tôt, se sentant pris au piège, avait lancé les deux mots qui allaient changer notre destinée : le MoyotoKomo. "Komo" signifie "mort" dans le langage reptilien. Et il le répétera sur la croix, autant de fois qu'il le pourra avant de mourir de faim et de soif, et que sa dépouille ne tombe en lambeaux :
- Écoutez-moi mes frères le jour est venu, assemblez le Moyoto et le Komo, et vous serez libres !
Ce même jour, jour zéro de l'an zéro de notre ère, Antara, dont je suis la représentation, jeune fille de dix-huit ans dont les doigts fins et habiles servaient à la fabrication des barillets pour les fusils de chasse des reptiliens, comprit. Je compris les paroles prophétiques de Guerroïk, je compris car je savais, je savais par coeur, depuis bien longtemps, le Moyoto et le Moko, je les connaissais et je récitai, je récitai tout haut le Moyoto et le Moko, mais, comme conseillé par Guerroïk, je récitai le Moko à l'envers, en partant de la fin.
Et chaque ligne du Moyoto se coupla à chacune du Moko, devenu Komo, et tous comprirent les paroles. Le jour était venu.
Les porcs, les porcs que mangeaient les reptiles, et que eux ne mangeaient pas, ces porcs, en plus d'avoir une meilleure viande et d'être plus gros, ces porcs rendaient les enfants des personnes qui en consommaient stériles, tout comme ils les rendaient dépendantes.
L'association du Moyoto et du Komo partit plus vite encore que les traînées de poudres de la révolte à l'intérieur même de mon usine. Spontanément ou par bouche à oreilles, en quelques jours les humains de la planète entière surent, ils surent que leur gloire était proche, et que quelque soit le temps que cela prendrait, les reptiliens étaient condamnés.
Une fois qu'ils eurent compris, et plus encore quand ils purent voir qu'au bout d'une semaine sans porc ils agonisaient, la rage des reptiliens fut immense, et un massacre sans précédent débuta alors. Mais si les hommes étaient bien faibles face aux masses des reptiliens, ils tuèrent sans tarder tous les porcs qu'il purent, défiant l'autorité des reptiles, les rendant fous.
Je pris le commandement de la révolte dans mon usine, en nous réussîment à détourner les armes fabriquées là à notre profit, et elle devint le premier bastion de résistance humaine. Très vite, sous nos balles, le territoire conquis augmenta, et avec l'aide de toujours plus d'hommes la ville entière d'Estroi fut sous leur contrôle. J'ai dirigeais la révolte pendant de nombreuses années, avant d'être capturée et martyrisée par les reptiles. Ma fin fut sans doute atroce, mais je resterai dans les mémoires, aux côtés de Guerroïk, comme la libératrice de notre peuple.
Mais la partie n'était pas terminée, et autant les hommes avaient un atout de leur côté, autant les reptiles étaient beaucoup plus nombreux, plus forts, et habitués à les mater. Mais cette fois-ci les hommes ne pouvaient pas abandonnés, et même s'ils ne pourraient être sûr que la descendance des reptiles fut bien fertiles que bien des années plus tard, et même si les forces vives de ceux-ci étaient encore bien sur pattes, bien que durement affectée par leur dépendance au porc, cet événement leur donna le courage et l'espoir ne serait-ce que de tenir le siège.
Très vite les deux communautés, auparavant intimement mêlée aux seins de leurs villes et de leurs villages, se séparèrent à grand fracas et de multiples villages forteresses humains furent mis en place pour résister à la fureur dévastatrice des reptiliens.
Mais ceux-ci, en plus des deux fléaux, étaient fortement affectés d'une dépendance encore plus grande, la dépendance envers les hommes, ceux-ci rebellés tout leur appareil de production, leur science, leur intelligence presque, disparurent. Les hommes, eux, mettaient à profit tout appareil de production capturé, et rapidement améliorèrent la technique des armes, pour créer le pistolet, la mitraillette, les bombes et même les armes chimiques, car les reptiles étaient sensibles à de nombreuses maladies qu'eux ne craignaient pas.
Un an et demi après le MoyotoKomo, les reptiliens comme les hommes avaient des pertes égales, cinquante millions de morts dans chaque camps, mais les reptiliens étaient plus de deux milliards et les hommes seulement trois cent millions. Les hommes entreprirent une politique nataliste très forte, et les hommes se relayaient au front pour pouvoir rentrer dans leur famille et procréer, car si les reptiliens auraient peut-être une descendance fertile, eux-mêmes ne l'étaient pas, et continuaient à avoir des enfants. D'autant qu'à dix ans un reptile était tout à fait apte à se battre, alors que cela était difficile avant quinze voire vingt ans pour un homme.
Les années qui suivirent, les reptiliens, petit à petit, confinaient les hommes dans des zones plus petites. Ces derniers avaient mis en place des forteresses très résistantes mais avaient beaucoup de mal à en sortir pour gagner du terrain. Les reptiliens étaient devenus plus organisés, et la plupart ne ressentaient plus depuis longtemps les effets de leur dépendance. Ils avaient toutefois une confirmation, c'est qu'une grande partie de leur procréation était bien stérile. Toutefois si la majorité ne pouvait se reproduire, quelques exceptions subsistaient, leur laissant espoir qu'ils pourraient encore renverser la balance.
Les hommes savaient que leur atout n'étaient pas leur force ou leur nombre, mais leur intelligence, c'est pour cette raison qu'ils perdirent beaucoup d'énergie dans les premières années de lutte à construire de puissantes places fortes à l'abri des assauts reptiliens. Ces derniers n'avaient pas évolués depuis le début du conflit, et n'avaient guère plus que des fusils sommaires comme armes.
Huit ans après le début du conflit, les reptiliens étaient toujours aussi nombreux, près de deux milliards, les hommes, eux, n'étaient plus que deux cent trente millions, regroupées dans environ trois cent villes fortifiées. Mais ils possédaient désormais des armes à feu bien supérieures et efficaces à celles des reptiliens, et leur problématique n'étaient plus de comment conserver leur places fortes, mais comment les étendre. S'ils voulaient s'accroître, il leur fallait plus de culture, plus d'espace, plus de ressources premières.
Une des interrogations des hommes étaient les moyens de coordination avec les autres places fortes. Autant ceux-ci étaient imprenables dans leurs bastions, autant les alentours étaient complètement suicidaires pour n'importe quel messager. Pour véhiculer des messages, il leur fallait partir en escorte puissamment armées, sachant que ses chances d'arriver à destination étaient plus que dérisoires. Pour les cités qui n'étaient qu'à quelques kilomètres les unes des autres, ils utilisaient de grands signes en bois ou en tissus pour transmettre des messages, en développant un alphabet simplifier. Et ainsi de cités en cités pouvaient faire circuler des informations, de nouvelle découvertes, de nouvelles techniques.
Mais ce mode n'étaient pas très efficace, et toutes leurs obstinations pour créer un appareil volant avaient échoué. Mais huit ans après le début du conflit, une invention commença a changer tout cet isolement, le ballon gonflée à l'air chaud. Si dans un premier temps les tentatives, au gré des vents et à portée des fusils reptiliens, furent plus que des échecs, dès l'avènement de du moteur à vapeur, des engins beaucoup plus conséquents, volant beaucoup plus haut, dirigeables, permirent des échanges entre les cités. En parallèle les hommes conquéraient de nouveaux espaces autour de leurs villes. Ceci petit à petit, en récupérant pas plus que quelques centaines de mètre à chaque tentative, tout en perdant des milliers d'hommes, mais ils agrandissaient leur territoire, récupéraient des cultures, des mines, des forêts.
Seize ans après le début du conflit, les reptiliens étaient toujours près de deux milliards, mais n'avaient pas évolué, et si leur nombre leur permettaient d'empêcher une progression trop rapide des hommes, elle ne pouvaient l'empêcher. Et la politique nataliste et expansionniste des hommes portait ses fruits, leur population était repartie à la hausse, frisant avec les deux cent soixante-dix millions, et ils avaient pratiquement multiplié par trois les territoires occupés. Plusieurs cités s'étaient regroupées et des régions entières étaient sous leur contrôles, protégée par de nombreux renforts et postes de garde, avec des mitrailleuses toujours plus puissantes et meurtrières. Ils utilisaient des machines à vapeur pour se déplacer, et les premiers engins roulant blindés et surarmés, ancêtre des chars d'assaut, commençaient à faire des carnages dans les villes reptiliennes. Les reptiliens qui commençaient à avoir du mal en endiguer le fléau de leurs enfants infertiles à quatre-vingt quinze pourcent.
Pourtant ces derniers savaient que leur seul espoir résidaient dans leur capacité à se reproduire, et les enfant fertiles étaient rapidement déportés loin des fronts, pour servir de mâles reproducteurs, car seuls les mâles étaient touchés d'infertilité.
Vingt-quatre ans après le début du conflit, la tendance était inversée, la population reptilienne commençait à diminuer. Les hommes pouvaient atteindre facilement leur ville très en amont des fronts grâce à leur dirigeable, et y lançaient d'énormes bombes qui faisaient d'innombrables victimes.
En l'an vingt, soit trente-deux ans après le MoyotoKomo, les hommes, même si leur trois cent vingt millions ne rivalisaient pas encore avec les un milliard huit cent millions de reptiles, étaient confiant dans leur victoire. L'évolution technique de leur adversaire était quasi nulle, alors qu'eux venaient de découvrir une supériorité technologique de taille, la maîtrise et la production de l'électricité. Celle-ci ne servit pas dans un premier temps à éclairer ou faire marcher des machines, mais à transmettre des informations le long d'un fil. Ce fut un nouvelle essor des communication et de la transmission du savoir.
La progression fut lente, mais constante, les hommes gagnaient du terrain, inventaient toujours plus, le moteur à explosion, l'éclairage par l'électricité, le vaccin, qui leur permit de diffuser de nombreuses maladies virales parmi les reptiliens, mais aussi des inventions servant leur propre qualité de vie, le réfrigérateur, le caoutchouc, le béton, la photographie, et bien d'autre.
Pourtant, malgré tous ces progrès, les hommes étaient encore reclus dans leurs forteresses. Bien sûr ils dominaient, presque cent soixante ans après le début du conflit, presque vingt pourcent de la surface terrestre d'Adama, en plus des mers, ou leurs bateaux à vapeur et leur sous-marins étaient les maîtres absolus. Bien sûr leur aviation naissante faisait des ravages dans les villes reptiliennes, bien sûr ils communiquaient maintenant par onde radio, ils roulaient en voitures à essence, ils avaient doublé leur espérance de vie. Bien sûr leur population de huit cent millions d'alors s'approchaient du milliard deux cent millions de reptiliens. Mais il n'étaient pas libres, et les reptiliens n'étaient toujours pas soumis, et parvenaient toujours à maintenir la pression malgré leur infériorité technologique.
Certains hommes poussaient alors depuis longtemps pour un règlement pacifique du conflit, pour une collaboration avec les reptiliens, un partage équitable du monde, et une évolution de concert. Mais si beaucoup d'hommes ne supportaient pas cette idée, c'est plus encore les reptiliens qui refusaient toute soumission, et qui s'entêtaient au point de laisser détruire nombre de leurs villes et massacrer leur habitants plutôt que de les fuir pour les laisser aux mains des hommes.
Les années passèrent encore, les reptiliens avaient appris des techniques des hommes, et avaient complètement restructuré leur industrie pour eux-mêmes produire. Ils possédaient des machines à vapeurs primaires, savaient communiquer par télégraphe et leur fusils pouvaient mettre à rude épreuve les fin blindage des avions humains. La guerre continuaient. Les effets du fléau du porc lancé par Guerroïk deux cent ans auparavant ne se faisaient plus sentir, tous étaient de nouveau fertiles, et ils avaient plus que jamais une politique nataliste forte. Ils occupaient encore de nombreux territoires bien loin des régions dominées par les hommes, et savaient se protéger de leur raids meurtriers.
Mais l'homme avançait plus vite. Nous situons en l'an cent vingt environ, soit un peu plus de cent quatre-vingt dix ans après le MoyotoKomo, l'égalité entre la population reptilienne et la population humaine, soit neuf cent cinquante millions. Alors l'homme avait reconquis de l'ordre de quarante pourcent des terres émergées, et il progressait rapidement. Mais les reptiliens ne se rendaient pas, et les théoriciens de l'époque pensaient en grande majorité qu'ils ne se rendraient jamais. Dans tous les combats, les reptiliens se battaient férocement jusqu'au dernier, et jamais à quelques rares exceptions ils ne se rendaient. Les traîtres étaient rares parmi eux, beaucoup plus rares que ne l'avaient étaient les hommes en d'autres temps.
Mais les reptiles ne baissaient pas les bras, et si chacune de leur profonde incursions en territoire humain, qui visaient presque systématiquement la vie de femmes et d'enfants, étaient punis par des villes entières rasées par les bombardements, cela ne faisaient que les rendre encore plus hargneux.
L'issue semblait inévitable, seule leur extermination mettrait enfin fin à ce conflit séculaire. Mais exterminer neuf cent millions d'individus n'est pas chose facile, même avec une supériorité technologique, même en propageant des virus, même en détruisant leurs cultures et leurs centres stratégiques, même en les renvoyant vivre comme des misérables aux fin fonds des forêts, ils en restaient toujours.
Les populations humaines étaient exténuées de vivre dans un monde en guerre depuis tant d'années, dont le seul objectif n'était que de créer des armes toujours plus puissantes, toujours plus destructrices. Elles n'aspiraient qu'à une chose, tirer enfin un trait sur cette guerre, en finir une fois pour toute, renvoyer au passé tout ces calamités.
En cent quatre vingt-trois après le MoyotoKomo, soit un peu plus de deux cent quatre-vingt dix ans de tes années, l'humanité prit, à une courte majorité, une des décisions les moins glorieuse de son histoire. Les hommes votèrent la grande battue, la multiplication des engins de guerre, la formation de chacun à leur maniement, pour repousser les reptiliens de trois des quatre continents d'Adama. Les hommes voulaient les reclurent au petit continent Chorkomar. Chorkomar signifiait "La corne du Dekar", nommé ainsi à cause de sa côte volcanique en forme d'arc de cercle. Chez les reptiliens, le Dekar était une forme de démon, d'être fantastique vivant dans un lointain passé, depuis longtemps réfugié dans les profondeurs de la terre et responsable de toutes les catastrophes naturelles.
La combinaison de toutes les puissances de feu des hommes permis en moins de douze ans l'extermination de presque tous les reptiles des trois continents. Mais les hommes vivant sur le Chorkomar ne l'entendirent pas de cette oreille, et refusèrent de quitter leur terre. Alors que le reste de l'humanité les suppliaient d'avoir un peu de pitié, ils se chargèrent de mettre un terme définitif à la race des reptiliens, en l'an 202 après le MoyotoKomo, trois cent vingt-trois de vos années.
Ce fut dur, et aussitôt les hommes rejetèrent plein de dégoût leur armes, leur technologie, et ces trois cent années de guerre, de massacre. Trois cent années de guerre, un monde dévasté, deux milliards trois cent millions de reptiliens tués pour deux cent soixante millions de vies humaines.
Tout changea après cette époque de ténèbres, la vision de la vie, de la nature, de l'évolution. Tout se ralentit, énormément, et la reconstruction et le respect de la nature et des espèces animales fut exacerbé.
Nous ne savons pas aujourd'hui si l'homme aurait pu devenir ce qu'il était sans l'intervention des reptiliens. Ce sont eux qui nous ont encadré en quelque sorte, et les conditions favorables lors de l'apparition des premiers singes ne semblaient pas propices à une évolution de ceux-ci, alors bien adaptés à leur environnement. Les reptiliens nous ont donné les moyens d'évoluer, de les surpasser, mais ils ont aussi complètement décuplé la compétition et les divisions. La soif de pouvoir, la jalousie, l'ambition, toute ces choses qui nous ont poursuivis depuis lors, et qui nous ont encore frappés au moment du LibreChoix. Aujourd'hui les citoyens de la congrégation n'aiment pas parlé du passé, et je les comprends, car notre passé est dur et triste. Depuis le LibreChoix tout est tellement plus calme, plus serein, plus juste. Pourtant beaucoup comme moi regrette de ne pas être partie... "
Antara reste silencieuse un instant, regardant l'ocean bleu qui brille sous le vaisseau, plusieurs centaines de kilomètres en dessous de nous. Elle est tellement réelle. Je suis vraiment sidérée autant par l'histoire que par la conteuse, elle respire tellement l'humanité... Elle reprend :
- Voilà en quelques mot ce qui se cache derrière le MoyotoKomo. C'est une libération, mais c'est aussi de la peine, de la souffrance, et le début d'une nouvelle ère.
Antara termine sont récit, puis elle nous salue et disparait. Je reste moi-aussi bouche bée.
- Je... C'est... C'est incroyable.
- Pourtant, notre histoire en témoigne...
- Tu sais sur Terre, nous en avons déjà parlé, il existe ce que nous appelons des "religions". Une "religion" est un ensemble de croyance en êtres ou forces supérieures qui expliquent, surveillent ou contrôlent le monde.
- Oui, et ?
- De plus, toutes ces religions comportent un nombre important de règles à respecter, de façon à rester pur, à s'attirer les bonnes grâces des puissances supérieures. Deux religions à ma connaissance, peut-être plus, considère la viande de porc comme impure, et interdisent sa consommation.
- Étrange en effet...
Pénoplée reste silencieuse un moment, consultant sans doute son bracelet :
- il est vrai qu'en souvenir du MoyotoKomo, l'humanité n'a plus jamais vraiment ni élevé ni mangé de porc, même s'il n'y avait pas vraiment d'interdiction formelle. Le porc était plutôt utilisé comme petit animal de compagnie.
- D'autre part, sur le jour du MoyotoKomo, une autre religion débute par le martyr par "crucifixion", c'est-à-dire comme Guerroïk cloué ou attaché à une croix jusque mort s'en suive, de celui qu'elle considère comme le fils de Dieu.
- Quand cela se passa-t-il ?
- Oh, tu étais presque né, il y a deux milles de nos années.
- Mais ? Il y a à peine deux milles ans de telles chose se passaient encore sur votre monde, ne m'as-tu pas dis pourtant que vous avait un niveau technologique assez avancé ?
- Oui, aujourd'hui, mais il y a deux milles ans les connaissances scientifiques étaient très limitées. Nous n'utilisons l'électricité que depuis deux siècles tout au plus. L'avion n'existe lui que depuis cent cinquante ans environ, et encore, il n'y a que depuis cent ans qu'il se développe vraiment. Et 1notre première sortie dans l'espace ne date que d'une cinquantaine d'années.
- Votre évolution me semble rapide, mais c'est difficile de comparer, de toute façon, nos évolutions étant tellement différentes. C'est vrai que suite à la guerre contre les reptiliens, tout s'est presque stoppé, et le progrès ne s'est fait sentir que sur des milliers d'années.
- C'était quand, déjà, votre MoyotoKomo ?
- Cela fait environ vingt mille ans pour toi.
- Vingt mille ans... C'est vrai que par rapport à ton récit, je dirai que le début du MoyotoKomo correspond à ce que nous avions il y a deux cent ans, et la fin à il y a cent ans. Nous aurions donc une vitesse de découverte de l'ordre de trois fois plus vite.
- C'est difficile de juger, j'imagine que les découvertes ne sont pas toujours si facilement comparables, mais quoi qu'il en soit ce fut notre rythme pendant la très rapide évolution de la période de conflit, ensuite nous avons ralenti considérablement.
- En ce qui nous concerne j'ai l'impression que tout accélère.
- Si vous continuez, il est bien possible que nous nous rattrapiez sous peu, quelques siècles peut-être. Mais à un moment il devient plus dur d'évoluer. Vous le rencontrerez sans doute, pour au moins deux raisons. D'une part les populations ne comprennent plus vraiment l'intérêt d'aller de l'avant quand elles ont tout ce qu'elles désirent, et de plus il devient aussi de plus en plus difficile de trouver de nouvelle chose, car la recherche et de plus en plus complexe et de plus en plus longue.
- Un peu comme si l'homme atteignait une limite à son intelligence ?
- Oui, nous n'avons ensuite vraiment progressé que grâce aux artificiels, ou tout du moins en partenariat avec eux.
- Je comprends... Enfin toujours est-il que ton histoire de porc et de crucifixion me paraît très surprenante, elle laisserait quand même de fortes suspicions sur votre implication dans la colonisation de notre monde.
- Ces éléments sont troublants en effet, mais ce ne sont sans doute pas des preuves irréfutables, le porc peut très bien avoir véhiculé plusieurs types de maladies ou d'autres éléments qui ont conduit les religions à en proscrire la consommation. Et attacher un homme sur une croix pour le laisser agoniser ne me semble pas une idée si unique que ça, malheureusement...
- Oui c'est vrai, mais ça laisse tout de même planer le doute, en plus de ta remarque sur le fait que deux formes de vie identiques n'ont jamais été trouvées sur deux planètes différentes.
- À l'exception des Menochéens cependant, tu sais une des trois formes de vie intelligentes que nous connaissons, ceux restant depuis toujours dans leur système médiéval. Nous ne savons pas comment elle a migré entre les planètes qu'elle habite. Mais c'est notre seul exemple et nous sommes quasi-certains que sa migration est partie d'un même point. Hormis ce contre-exemple, nous n'avons jamais vu deux espèces identiques si éloignées l'une de l'autre..
- Mais c'est quand même incroyable, la naissance de la Terre date de bien avant le départ des hommes de l'au-delà, comme l'expliquer alors ? Se pourrait-il qu'il y a des millions d'années les deux sytèmes étaient suffisamment proche pour que la même forme de vie soit apparues sur les deux ?
- Des formes de vies voisines pourquoi pas, mais la même c'est difficilement plausible, la plus infimes variations des paramêtres de l'environnement conduit à des formes qui s'opposent du tout au tout...
- Peut-être que l'homme n'est pas apparu sur Adama alors ? Sur Terre il y a des mythes, comme celui de l'Atlantide, qui racontent que dans un lointain passé existait une civilisation très avancée. Peut-être n'est-ce pas un mythe et peut-être cette ancienne civilisation maîtrisait les voyages interplanétaire et à quitter la Terre pour Adama ?
- L'explication la plus logique n'est sans doute pas très loin de ça, pourtant sur Adama les différents stades de l'évolution humaines sont tellement visibles qu'il est difficile de remettre en question son origine locale.
- Nous avons le même sentiment sur la Terre...
- Hum... Bref, nous ne résoudrons pas ce mystère aujourd'hui... Il est déjà tard, je n'ai pas vu le temps passé, si nous rentrions ?
- Oui, nous n'avons même pas eu le temps de faire des choses dans ton vaisseau.
- Bah ce n'est que partie remise, et puis l'apesanteur c'est beaucoup moins exitant que ce que l'on croit, ça donne des sensations de perdre l'équilibre pas toujours très propice au milieu de l'action.
- Ah, je m'en remets à ton expérience séculaire, rentrons, peut-être que les autres sont arrivés.
- Non, pas encore, Samrane ne m'a pas prévenue, mais nous pouvons déjà aller rejoindre Iurt et Guerd.
Pénoplée relance le vaisseau en direction de la station orbitable, et trente minutes plus tard, si tant est que j'ai toujours une vague idée de ce que représente une minute, nous marchons tranquillement main dans la main sur une petite allée pavées au milieu d'une forêt en direction d'une clairière où sont Guerd et Iurt.
Iurt, qui a près de quatre mille ans, nous raconte son passé d'explorateur aux confins de la Congrégation. Il a visité des milliers de planètes toutes plus étranges les unes que les autres, observé des formes de vie aussi extraordinaires que dangereuses.
- Mais pourquoi ne continuez-vous pas à explorer, il doit toujours y avoir à découvrir ?
Iurt soupire :
- Oh... Depuis le libre choix j'avoue que j'ai un peu perdu de ma motivation. Les artificiels font ça très bien, et puis de temps en temps je me remets à jour en parcourant les dernières archives.
Pénoplée nous coupe :
- On mange ici ou on retourne aux niveau inférieur ?
Guerd et moi sommes plutôt d'avis de rester tranquillement ici, Iurt et Pénoplée s'incline. Guerd demande à Samrane de nous apporter un repas :
- Samrane, peux-tu nous faire livrer quatre repas s'il te plait ?
Samrane, toujours présenten arrière-plan, répond :
- Vous avez des désiderata particuliers ?
Chacun donne ses préférences, et cinq minutes plus tard une petite abeilles nous apporte nos paniers-repas. Nous commençons le repas avec appétit. Je m'inquiète de savoir quand vont arriver les autres :
- Nous pouvons savoir quand sont sensé arriver les autres ?
Pénoplée répond :
- C'est Iurt qui a les données normalement.
Iurt confirme. Il reste silencieux un instant, puis, donne les informations à mesure que Samrane lui les communique:
- Ulri est arrivé et sera disponible dans quelques heures, Erik sera là demain matin, Moln un peu plus tard dans la matinée et...
Il reste silencieux un long moment. Je demande finalement :
- Quelque chose ne va pas ?
Il pose son pain, s'essuie les mains sur ses habits, les marques disparaissent aussitôt, et il change de posture, soucieux :
- Je ne trouve pas les informations concernant Naoma.
Pénoplée, intriguée, pose aussi sa nourriture et sans doute consulte Samrane de son côté. Elle confirme
- Oui il y a un problème. Samrane confirme que Pénoplée est bien partie de Stycchia, mais il a perdu sa trace.
Guerd manque de s'étouffer en entendant Pénoplée et s'exclame :
- Il a perdu sa trace ! Mais, c'est impossible !
Iurt se lève, apparemment très décontenancé :
- Oui, elle n'est nulle part, le téléporteur du village confirme qu'elle est bien partie, mais il ne sait pas où.
C'est vraiment n'importe quoi :
- M'ont pas l'air très au point vos machins, déjà celui par lequel nous sommes arrivés déconnait complètement, maintenant celui-là...
Guerd me coupe :
- Mais non ! Ça n'arrive jamais ! C'est pas normal !
- Sans blague ?
Iurt s'était un peu éloigné, sans doute pour appeler quelqu'un, il revient :
- Les gens du village m'ont bien confirmé que le téléporteur était vide et Naoma partie. J'ai consulté Meetr, il s'est entretenu avec Guewour et il n'y a aucune trace de Naoma, il y a bien eu un disfonctionnement. C'est le deuxième dont vous êtes victimes, et il devient de moins en moins probable que ce soit le fruit du hasard.
Je demande discrètement à Guerd :
- C'est qui Meetr et Guewour ?
Guerd me répond virtuellement, c'est vrai que c'est plus efficace comme messe basse, et plus discret :
- Meetr c'est plus ou moins la personne qui représente Stycchia auprès du Congrès, et Guewour c'est la personne du Congrés que tu avais déjà rencontrée lors du conseil sur Stycchia.
Je me remémore cette séance ou Guewour avait eu connaissance de notre existence, puis je reviens dans la conversation et me lève :
- Il y a un truc louche, comment peut-on faire pour la retrouver ?
Ils restent silencieux. Pénoplée répond finalement.
- Je ne sais pas, je ne crois pas qu'il y ait de moyen.
Je m'écrie :
- Quoi ! C'est quoi encore votre truc, c'est vraiment minable ! Alors on fait quoi, comme si on avait rien vu et on oublie Naoma ?
Pénoplée reste calme :
- Rien ne sert de t'énerver, ce qui se passe n'est pas normal, ça n'arrive jamais, ça ne fait que confirmer que l'affaire vous concernant est étrange et complexe.
Je reste silencieux un instant.
- Mais qui contrôle les artificiels qui dirigent ces téléporteurs, il doit y avoir moyen de pister leur activité.
Iurt confirme :
- Oui bien sûr, et je peux retrouver sans problème l'intégralité de mes déplacement depuis ma naissance. Mais dans le cas présent les données sont manquantes.
- Ce n'est jamais arrivé que ça plante ?
Pénoplée consulte les archives, Iurt répond directement :
- Si bien-sûr, mais la faute est généralement facilement rectifiable, car si le téléporteur d'entrée se trompe, le téléporteur de sortie reste connue. Les artificiels transportent les données au travers de leur infrastructure de transmission de données, à partir du moment où il ont transmis quelque chose, ils savent où...
Je déduis :
- Donc quelqu'un a détruit ou caché ces données.
Iurt reste silencieux un instant puis répond :
- Oui.
- Bon et bien au moins c'est clair, et qui peut faire ça ?
Iurt reste indécis, il écarte les bras et soupire :
- C'est tellement difficile à croire que ça remet en question l'ensemble même de notre structure...
- C'est le bordel quoi !
Pénoplée est d'accord avec moi.
- Ça résume assez bien oui...
Je m'inquiète de savoir quelles sont nos alternatives :
- Et qu'est ce qu'on peut faire ?
Ils restent silencieux. Iurt finalement prend la parole :
- À notre niveau j'ai bien peur que nous ne soyons demunis, mais nous sommes justement ici pour présenter cette énigme au Congrès, espérons que nous y trouverons des réponses. En attendant, je vais m'entretenir avec Guewour et tenter d'accélérer notre comparution. Je vous laisse terminer de manger, nous nous retrouverons pour partir sur Adama dès que possible.
Iurt appelle une abeille et disparaît rapidement de notre horizon. Le ciel s'assombrit et petit à petit nous voyon apparaître par transparence de multiple étoiles, et surtout Adama, belle et immense.
Nous nous rasseyons, je reprends un petit pain bleu que je trouve délicieux, je reste pensif. Pénoplée me demande :
- Comment tu interprètes tout ça, François ?
Je réfléchis un instant puis réponds :
- C'est difficile à dire. Une chose est sûre c'est que quelqu'un a piraté vos téléporteurs, ça explique pourquoi nous sommes arrivés sans laisser de traces sur Stycchia, et pourquoi Naoma disparait aussi mystérieusement.
Pénoplée acquiesce :
- C'est vrai qu'il faut nous rendre à l'évidence, d'autant que nous n'avions rien trouvé sur votre étape intermédiaire, cette Lune où des hommes fabriquaient des vaisseaux, laissant penser qu'il existe des connections externes à notre réseau de téléporteurs.
- Oui, tout à fait. Mais maintenant pourquoi ? Qui peut bien m'en vouloir du fin fond de la galaxie ? Et pourquoi ? Qu'est ce que j'ai bien pu faire à part du pain au micro-onde et des milliers de tractions, c'est quand même pas "blasphématoire" à ce point !
Je ne sais pas comment se dit blasphématoire dans leur langue, Guerd ne comprend pas :
- "Blasphématoire" ?
Pénoplée lui explique, elle avait pris sur son bracelet mon travail d'apprentissage du français à Chalet.
- Faire quelque chose contrainre à une puissance supérieure qui est sensée tout avoir créée et tout contrôler, mais Ylraw plaisante.
- Ah, ok.
Je reprends :
- Plus sérieusement je veux bien que sur Terre mes pérégrinations aient dérangé quelques personnes qui ont alors décidé de m'envoyé en prison sur je ne sais quelle planète, avant que Bleuman me ratatine. Ensuite on peut concevoir que Bakorel, en situation de panique, nous ait téléporté au hasard, et que nous soyons arrivé sur Stycchia.
Pénoplée continue :
- Et à partir de là, les personnes très en colère on tenté de vous retrouver, et comme elles ont un certain accès aux téléporteurs, elles ont tenté de vous dévier lors de votre voyage vers Adama. On peut penser que ce n'est pas forcément évident pour eux, et il n'ont eu que Naoma.
- Ça se tient.
Guerd conlue :
- Mais alors nous ne sommes plus à l'abri lors de nos déplacement ? Ça veut dire que nous ne pourront pas rentré sur Stycchia l'esprit tranquille ?
Pénoplée relativise :
- A priori ils n'en veulent qu'à François, et ils n'ont qu'un contrôle partiel des artificiels, mais sans savoir nous sommes complètement à leur merci, comment savoir si Samrane n'est pas dans le coup, par exemple ?
Samrane répond sur le champ :
- Voyons, Pénoplée, vous savez bien que je suis votre dévoué.
Pénoplée le prend en exemple :
- Tu vois, tout ce que nous disons ou faisons est connu des artificiels, si ce sont eux notre point faible, nous sommes à leur merci.
Guerd rétorque :
- Mais les avis ! Les avis peuvent empêcher ça, on peut les contrôler.
Pénoplée rigole :
- Et les avis c'est quoi, c'est les bracelets, c'est eux ! Si on doit vraiment se débarrasser des artificiels, nous devons tout mettre par terre, tout, notre énergie, c'est eux, nos moyens de communication, c'est eux, notre source de nourriture, c'est eux, tout ! Et quand tu appelles ta mère sur Forz, qui te dit que ce n'est pas un virtuel fait par les artificiels et que ta mère n'est pas morte depuis longtemps ?
- Mais c'est affreux !
Je temporise :
- Rien ne sert de devenir paranoïaque non plus, si vous n'avez jamais eu de problème depuis plusieurs millers d'années, c'est quand même que votre sytème doit à peut près marcher. De plus la cible semble être uniquement moi, vous n'avez donc pas grand chose à craindre.
Guerd n'est que moyennement rassurée.
- Oui mais comme maintenant on t'aide, peut-être qu'on va être poursuivi aussi.
Pénoplée est énervée par la remarque de Guerd :
- Tu peux rentrer sur Stycchia si tu ne veux pas venir avec nous.
- Non, non, ce n'est pas ce que je voulais dire, juste qu'on ferait quand même mieux de se méfier, peut-être devrait-on retirer les bracelets ?
- Moi j'ai jamais été pour ces machins, de toute façon, c'est à cause d'un truc pareil que je me suis retrouvé dans un pétrin pareil perdu je ne sais où.
Pénoplée rajoute :
- ...et que tu me connais.
Aille ! Je m'approche d'elle pour lui faire un bisou, elle me repousse en tombant en arrière :
- François ! Arrête ! Je sais bien que tu aurais voulu ne jamais venir ici...
- C'est faux ! Tu sais bien que je très content d'être avec toi, mais quand même, je ne sais pas pourquoi je suis là, je perds mes amis un à un, je me fais tuer par un géant bleu à l'autre bout de la "Voie Lactée", j'ai le droit d'être un peu énervé !
Pénoplée devient moins farouche.
- La "Voie Lactée" ?
- J'ai traduit littéralement le nom que nous donnons à la Galaxie, à cause de l'aspect dans le ciel.
- C'est joli... Embrasse-moi.
Guerd se plaint :
- Eh ! Arrêtez, j'ai pas mon Erik moi...
Je me retourne :
- Je croyais que vous étiez séparés ?
- Oui, enfin, un peu, enfin, c'est pas très clair...
Nous nous relevons et nous asseyons correctement, la situation n'est pas spécialement l'occasion de s'amuser. Pénoplée reprend :
- Pour revenir au bracelet Guerd je pense que ça ne sert à rien de paniquer tant que nous n'avons pas l'avis du Congrès. De toute façon Iurt essaie d'accélérer les choses, peut-être que nous pourrons passer d'ici à quelques jours. D'ici là, nous ne pouvons guère rien faire qu'attendre...
Nous terminons silencieusement notre repas, puis nous nous laissons guider par Samrane vers nos lits. Nous dormons dans les étages inférieurs. Samrane demande si nous désirons dormir ensemble Pénoplée et moi, je la prends par la main, elle réponds par l'affirmative. Nous ne faisons pas l'amour cette nuit là, je suis trop préoccupé par ce nouveau coup du sort ; Pénoplée le sent et reste dans mes bras toute la nuit.
Jour 188
Je me réveille tôt. Je laisse Pénoplée profondément endormie et quitte discrètement la petite chambre après avoir enfilé un vêtement commandé à Samrane par bracelet interposé. Je me laisse ensuite guidé vers celui-ci jusqu'à une grande salle donnant sur une immense baie vitrée et largement fournie en fauteuil très confortables. Samrane me propose quelque chose à grignoter mais je refuse, ayant toujours quelques remords à céder à la facilité. Il est vrai que je ne fais plus aussi consciencieusement mon sport quotidien depuis que je suis arrivé au village. Sur Terre pas plus de trois jours sans sport et mon moral faisait une chute libre. Le sentiment d'avoir un corps interchangeable est étrange. Un peu comme si on pouvait tout se permettre, plus de problème de maladie, de poids, de toutes ces choses qui pourtant nous occupaient une bonne partie du temps auparavant.
Adama... Tu passes devant moi... Si ce n'est la forme particulière de tes continents je te prendrais pour ma bonne vieille Terre...
Je suis dans une station orbitale autour d'une planète inconnue ou vivent vingt-deux milliards de personnes... Mon Dieu... C'est tellement invraisemblable... Mais où donc cela me mènera-t-il ?
Je suis sortie de mes rêve par quelqu'un me mettant la main sur l'épaule. Pénoplée va pour s'asseoir dans le fauteuil voisin mais je lui attrape la main à temps et la tire doucement pour qu'elle s'installe sur moi. Elle se laisse faire et se tourne pour appuyer sa tête sur mon épaule. Elle me parle doucement.
- Tu n'arrivais pas à dormir ? J'étais trop près ?
Je l'embrasse sur le front.
- Non pas du tout, je n'avais plus sommeil je crois, nous nous sommes couchés tôt. Je ne voulais pas te réveiller en bougeant trop dans le lit alors je me suis levé.
- Tu es triste ?
- Tu sais je me sens un peu responsable si Erik et Naoma sont arrivés dans cette galère avec moi, alors je culpabilise qu'il arrive tous ces malheurs à Naoma.
- Pourtant tu n'y peux pas grand chose...
- Oui je sais bien... Mais c'est toujours plus facile de s'en remettre au sort. J'aurai pu me débrouiller tout seul sur Terre, et au moins si j'étais seul je n'aurais peur de rien.
- Tu n'as pas peur de mourir ?
- Non...
- Moi je suis déjà morte une fois, j'avais pas peur à l'époque, mais maintenant j'ai peur. Avant je ne savais pas, maintenant je me dis que peut-être personne ne remettrait mon bracelet en route, peut-être qu'on m'abandonnerait... J'ai peur de partir sans que personne ne s'en aperçoive... Alors je ne me laisse plus vieillir...
Nous restons silencieux quelques instants...
- Adama ressemble à ta planète ?
- Oui, beaucoup...
- Tu étais déjà allé dans l'espace avant ?
- Non jamais, sur Terre seul les scientifiques et quelques personnes très riches peuvent se le permettre.
Encore quelques instants...
- Dis-moi que tu m'aimes...
- Je t'aime Pénoplée... Je viendrai te faire revivre, moi, encore et encore, si jamais tu meurs.
Elle se blotit un peu plus contre moi.
- Ça fait longtemps que tu n'es pas venue sur Adama ?
- Non, pas très longtemps, j'y suis venue il y a une dizaine d'année, seize ans pour toi, pour fêter la nouvelle année avec Phamb.
- Phamb ! Tu le revois toujours ?
- Pas depuis cette fois-là. On dois se croiser une fois tous les vingt ou trente ans sinon, oui... La nouvelle année Adamienne est dans quarante jours d'Adama. Peut-être qu'on pourra y assister.
- C'est quelle année ?
Elle reste silencieuse un instant, consultant sans doute son bracelet.
- 12624, je vais avoir 890 ans cette année.
- Tiens c'est bizarre, ça me rappelle les dates inscrites sur les cahiers que j'avais trouvé sur Terre.
- C'était la même année ?
- Non il me semble que c'était 13000 et quelques. Mais peut-être que c'était bien en année d'Adama. Peut-être que c'est la date où ils sont arrivés sur Terre.
- Ça m'étonnerait, il serait arrivé avant le MoyotoKomo, et à cette époque là il n'y avait pas du tout de vaisseaux spaciaux.
- Ah oui... Mais d'un autre côté peut-être que le calendrier a divergé. Comme la durée de l'année sur la Terre est plus courte, les années passent plus vite.
- On peut retrouver la date à partir de laquelle ça a divergé, puisque une année d'Adama fait environ 1,6 années de ta planète ?
- Oui, oui, puisque l'orgine est à 12624 année d'Adama, cela veut dire que X années d'Adama, plus 12624 moins X multiplié par 1,6 donne 13000. C'était 13100 quelque chose pour être plus précis, il me semble.
- 11830 et quelques.
Je suis impressionné par la rapidité de calcul de Pénoplée.
- Whaou ! T'es forte en calcul mental.
- Si on veut, disons que le module calcul est pratique...
Je souris.
- OK, donc ils seraient partie d'Adama en 11830.
- Le Libre Choix c'est en 11749. Ça fait quatre-vingts ans plus tard. C'est bizarre on devrait avoir une trace si c'est si récent.
- Ça fait combien de temps en années de chez moi ?
Je suis un peu perdu avec toutes ces dates astronomiques.
- 794 annnées d'Adama, 1480 ans environs.
- Ok. C'est cohérent avec le contenu des cahiers mais à mon avis il y avait déjà des hommes sur Terre à ce moment. Nous avons des contructions humaines bien plus anciennes que ça.
- C'est peut-être des faux ?
- Il existe des monuments qui datent de plus de quatre mille ans, de grandes pyramides, qui pèsent plusieurs millions de tonnes et dont l'âge a été déterminé par de nombreuses méthodes. C'est difficile de croire que de tels monuments on été crée a postériori juste pour le plaisir.
- Pas vraiment pour le plaisir, pour rendre l'opération plus crédible.
- Mais c'est immense, comment auraient-ils pu faire ?
- Tu es prêt à croire que des hommes sans aucune technologie aurait été capables de leurs mains de les ériger, et tu n'es pas disposé à admettre que les artificiels l'aient pu, eux qui sont capables de déplacer une planète sur son orbite, de transformer une monde désolée comme Stycchia en paradis verdoyant, ou encore de créer des stations orbitales de plusieurs centaines de kilomètres, et qui pèsent elles des milliers de milliards de tonnes !
- Oui tu as raison, après tout...
Elle reste dans mes bras, et nous nous endormons doucement en regardant Adama défilée...
- Alors, vous avez pas trouvé ou dormir dans cette cage à poule !
Nous sommes réveillés en sursaut. Pénoplée se lève, apparemment gênée qu'on l'ai surprise dans cette position. Erik nous salue chaleureusement.
- Erik, mince, je voulais allé te recevoir, j'avais demandé à Samarane de me réveiller.
Erik rigole :
- Oui il m'a dit. Mais comme tu étais endormi il n'a pas osé te réveiller, il a bien fait. Les autres sont arrivés ?
Je m'étire et reprends mes esprits, je m'étais vraiment bien rendormi. Je reprends un air grave.
- On a un problème, Naoma a disparu.
Erik fronce les sourcils, il parle en anglais :
- Disparu ?
Je poursuis en anglais.
- Oui, elles est bien partie de Stycchia mais ils sont incapables de dire où elle est atterrie. Apparemment leur système à été piratée et ils n'ont pas de moyens de savoir où elle se trouve.
- Qu'est-ce que c'est encore que ces histoire, c'est pas croyable ! Mais ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?
- Bah tu sais dès qu'il s'agit de leur artificiels ils ne sont pas très dégourdis. Iurt essaie d'accélérer les choses pour qu'on passe devant le Congrès au plus vite, en espérant qu'il puisse en dire plus. Mais c'est pas super bien barré, ils n'ont jamais eu trop de soucis avec leur téléporteur et font une confiance aveugle aux artificiels, et comme personne n'est au courant de comment ils fonctionnent, c'est un peu le flou total.
Erik parle de nouveau dans la langue de Pénoplée.
- Quand va-t-on voir le Congrès ?
Pénoplée répond :
- Nous devions exposer le problème dans deux semaines, puis ensuite y retourner au gré des évolutions. Peut-être que Iurt pourra nous faire passer plus tôt s'il arrive à convaincre Guewour.
Erik fait la moue :
- On peut rien faire quoi... Mais ils sont où ces artificiels, il y a bien des machines, des composants ?
C'est Samrane qui répond :
- Nous sommes répartis dans l'ensemble des téléporteurs d'une part, l'ensemble des bracelets, et sur de nombreuses planètes non habitables où nous trouvons les matières premières nécessaires à notre fonctionnement et notre entretien. Mais nous ne sommes que de la puissance de calcul, depuis le début nous n'avons évolué que pour servir les hommes, nous n'avons d'autre but que celui-ci.
Je reste perplexe :
- De toutes façons je te vois mal dire le contraire...
Pénoplée semble curieuse.
- Mais Samrane pourtant chaque vaiseaux par exemple a sa propre conscience, or tu sembles dire que vous n'êtes qu'une seule et même machine ?
- Il y a beaucoup de conscience artificielle indépendante. Chaque bracelet en est une, mais quand la connexion le permet, nous pouvons réfléchir comme un tout, nous sommes plusieurs et un seul à la fois.
C'est encore buggué ces machines :
- Mouais, mais en ce qui concerne retrouver Naoma, vous êtes autant incapables à plusieurs que tout seul.
Samrane ne répond pas. J'ai faim.
- En attendant déjeunons, Erik t'a sûrement pas très faim mais moi j'ai une faim de loup.
Pénoplée reste silencieuse un instant puis nous confirme qu'Ulri va se joindre à nous, Guerd dort encore, et Moln sera là d'ici à la mi-journée.
- Et Iurt ?
- Il est déjà partie sur Adama ce matin. Nous le rejoindrons dès que Moln arrive.
Ulri arrive quelques minutes plus tard, nous le saluons tous. Pour se saluer la règle ici c'est de se faire une accolade, plus ou moins longue suivant le degrès de relation entre les deux personnes. Nous mangeons des petits batonnets salés, souvenir d'une forme de mets que mangeaient les hommes d'Adama il y a bien des millénaires.
C'est vraiment frustrant de devoir rester là impuissant. Mais qui donc peut bien m'en vouloir. Et pourquoi prendre Naoma ? Pour me tendre un piège, pour me provoquer, pour me forcer à faire quelque chose ? Comment saurai-je, en plus, la prochaine fois que je la vois si ce n'est pas un virtuel, un guet-apens ?...
Suite au petit-déjeuner, nous prenons tout de même le temps de faire visiter la station à Erik, dans l'attente de Moln. Avec des abeilles nous faisons le tour complet de la surface, ce qui fait tout de même une ballade de plus de cinquante kilomètres. Erik est comme moi impressionné de trouver un tel paysage campagnard dans une station spaciale.
Finalement Moln arrive et Iurt, qui avait déjà prévu avec Samrane notre départ pour Adama, lui laisse tout juste le temps d'arriver et de nous rejoindre dans le vaisseau qui nous emmène vers la planète-mère. Nous montons tous dans des petites bulles ou nous sommes confortablement assis et attachés. Ensuite ces bulles sont toutes récupérées sur une sorte de grappe géante qui part avec les bulles pleines du moment, c'est un peu comme un métro, si on arrive trop tard il faut prendre le suivant. Dans la bulle j'ai une surpimpression virtuelle du paysage, et la rentrée dans l'atmosphère est impressiante, même si un peu chaotique.
La descente vers Adama est pourtant assez longue, il nous faudra bien deux de leur heures, enfin l'équivalent, ce qui fait environ une heure trente de chez nous. Nous arrivons finalement, et les petites bulles sont déchargées pour glisser jusqu'à s'ouvrir dans un large couloir en haut d'une immense pyramide qui surplombe une ville immense. Des milliers de petits vaisseaux et surtout d'abeilles virevoltent dans tous les sens, sans doute sous le contrôle d'un artificiel bienveillant s'assurant qu'il n'arrive aucun accident.
Je suis un peu perdu et je prèfère rester là en attendant que Pénoplée me rejoingne. Elle arrive cinq minutes plus tard avec Erik, nous retrouvons rapidement Moln, Guerd et Ulri et Pénoplée nous dirige vers l'endroit où nous allons résider, une sorte d'hotel réservé généralement aux personnes qui vont parler au Congrès. Il y a un monde fou, pour la première fois depuis notre arrivée dans la Congrégation je ressens ma légendaire agoraphobie. Il y a des gens de partout, qui bougent dans tous les sens, des abeilles, des vaisseaux, des gens qui marchent... Par trois fois je reste curieux devant des sortes de magasins étranges et je manque de perdre le groupe. Tellement que Pénoplée, énervée, me prends par la main et m'interdit d'aller à droite à gauche.
Nous prenons trois abeilles bi-places et en trente minutes nous sommes déjà dans notre suite royale à l'hotel. L'hôtel n'est pas si démesuré, et il est beaucoup plus calme que la frénésie extérieure. Je choisi une chambre avec Pénoplée, Guerd arrive à convaincre Erik d'aller avec lui, et Moln et Ulri prennent chacun une chambre. Quelques minutes plus tard Iurt arrive, et nous nous installons tous dans les confortables sièges pour écouter son compte-rendu. Malheureusement il n'a pas beaucoup progressé. Nous ne passerons pas plus tôt devant le Congrès, à savoir dans une dizaine de jours, et Guewour pas plus que les autres personnes à qui il en a parlé n'ont d'idées claires sur les tenants et les aboutissants de cette affaires.
Iurt continue en expliquant diverse conversations qu'il a eu avec des personnes que je ne connais pas du tout mais qui sans doute doivent être importantes ou au moins connues. Je le coupe finalement, lassé par leurs histoires interminables :
- Bon, comme apparemment on ne peut rien faire, je vais aller faire un tour. Tu viens Erik ?
Pénoplée me lance des regards noirs, Erik acquiesce et se lève, nous partons avant même que Guerd n'ait pu faire le dur choix de rester avec eux ou de venir avec nous.
Pénoplée ne bouge pas, sans doute hors d'elle de mon manque de politesse, elle crie :
- Et vous allez où ?
- Boah, nous ballader, de toute façon on a nos bracelet enfant, alors vous n'aurez pas de mal à nous retrouver, et puis c'est vous qui gérez l'affaire, pas vrai ?
Nous prenons rapidement le couloir avec Erik pour nous diriger vers une plate-forme où nous voulons emprunter deux abeilles. Je lui fait part de mon énervement :
- Ils commencent à me prendre un peu la tête avec leur fatalisme à deux balles.
- Oui, c'est vrai que question initiative c'est pas des flèches
Nous arrivons sur la terrasse, mais nos bracelets ne nous le permettent pas d'emprunter des abeilles, alors nous descendons jusqu'à pouvoir sortir dehors. Mais il y a pas vraiment de dehors, tout n'est qu'un enchevêtrement de bâtiments les uns sur les autres, il n'y a même pas vraiment de sol, il semble que l'on puisse toujours descendre plus bas. Il y a vraiment des gens de partout, principalement qui discutent entre eux. Adama doit être une sorte de point de rencontre géant où les gens se donne rendez-vous pour se voir.
Toutefois si notre intention d'essayer de trouver quelque chose est louable, il est assez difficile de savoir par où commencer. Finalement je prends la décision de demander à deux personnes qui discutent :
- Bonjour, excusez-moi, pourriez-vous me dire où siège le Congrès ?
La personne me regarde d'un air interrogatif, puis regarde mon bras :
- Euh, oui, mais ? Votre bracelet ne marche pas ? Mais, c'est un modèle enfant ?
Ah j'avais oublié ce détail.
- Et bien oui, à vrai dire nous n'avons pas encore de modèle adulte.
Soudain la personne se recule de quelques pas.
- Mais, qui êtes-vous, je ne comprends pas ? Je n'ai pas de données sur vous ?
Erik prend la parole :
- Nous ne faisons pas partie de la Congrégation, nous devons justement passer devant le Congrès à ce sujet.
L'homme semble devenir moins méfiant.
- Ah oui très juste, mais vous ne devez comparaître que dans dix jours, pourquoi voulez-vous y aller tout de suite ?
Erik poursuit :
- À vrai dire ce n'est pas notre seul problème, une de nos amie a disparu lors d'une téléportation, et nous cherchions qui pourrait nous renseigner plus sur le sujet.
- Mais, Iurt, Pénoplée et Guerd ne peuvent-ils pas vous aider ?
Je suis surpris :
- Vous les connaissez ?
- Non pas du tout mais ils sont indiqués comme étant vos responsables.
Erik marmone en anglais.
- Décidément, c'est vraiment de la saloperie ces trucs.
Je continue :
- Oui mais ils sont un peu occupé et stressé, et nous voulions juste allez voir où se trouve le Congrès, et peut-être discuter avec des personnes qui pourraient nous en apprendre un peu plus.
- Ah oui ça les bracelets enfants c'est pas pratique, toujours obligé de demander aux adultes de l'aide, mais après tout c'est l'objectif souhaité. Je peux vous y accompagner, qu'est-ce que tu en penses, Hur, ça nous fera une balade.
Son compagnon, silencieux jusqu'alors, approuve. Nous marchons avec eux et ils commencent à nous poser de multiples questions, d'où nous venons, comme est notre monde, où trouve-t-il... Nous arrivons finalement à une extrémité du bâtiment, d'où je me rends compte qu'en contrebas il y a encore des centaines de mètres d'immeuble, de parcs, jusqu'à un hypthètique sol invisible. Ils prennent chacun une abeille biplace et nous nous séparons Erik et moi. La personne que j'ai interrogée s'appelle Rono, Erik est avec elle, quant à moi je suis avec Hur. Rono nous parle à tous les trois via notre bracelet pour nous expliquer les différents monuments et endroits que nous survolons.
Une dizaine de minutes, puis nous arrivons en vue d'une grande zone ou le ciel est dégagé, quelques minutes plus tard je decrouvre que cette zone est un immense parc. Nous nous posons à l'entrée. Rono poursuit ses explications :
- Voilà le Congrès.
Erik est surpris :
- C'est un parc ?
Rono précise :
- Pas exactement, au centre se trouve l'amphithéâtre ou les membres du Congrès discutent. L'emplacement est entouré par un très grand parc où ils peuvent se promener pour réfléchir. La zone est protégée et on ne peut pas la survolée. De la même façon on ne peut entrer dans la zone sauf si suffisament d'avis nous en donnent l'autorisation.
Hur précise :
- Je ne sais pas si vous connaissez un peu l'histoire d'Adama, mais le Congrès a lieu sur l'emplacement de l'ancienne place d'Eryas.
Je me remémore le récit de Pénoplée :
- La place où a été crucifié Guerroïk !
- Exactement.
Erik ne comprends pas ?
- C'est qui Guerroïk ?
Je prends cinq minutes pour lui raconter l'histoire des reptiliens et de Guerroïk, lui promettant de lui faire une version plus détaillée un peu plus tard. Nous marchons ensuite sur le pourtour du parc, Rono détaille les différentes étapes de la contruction et de la mise en place du Congrès, mais je suis plus intéressé par savoir comment allé interroger les personnes à l'intérieur ?
- Vous y serez dans dix jours, en attendant vous ne pouvez pas faire grand chose pour accélérer les choses. Ici se règlent les problèmes de trois cent soixante milliards de personnes, ne soyez pas aussi impatient.
Erik marmone toujours en anglais :
- Toujours le même merdier quoi...
Rono est étonné de ne pas avoir les références de la langue employée par Erik, je lui explique succintement que notre monde ne fait pas partie du tout de la Congrégation et que par conséquent il est normal qu'il n'ait aucune information au sujet de nos langues. Rono pensait simplement que nous venions de l'une des rares planètes qui avaient refusé l'intégration dans la Congrégation et qui continuaient à avoir un fonctionnement autonome.
Nous passons ensuite quelques heures à nous promener autour du congrès, l'endroit est agréable et moins mouvementé que les environs de l'hôtel. Nous nous arrêtons sur un banc pour manger une sorte de pain au chocolat du coin, tout en racontant à Rono et Hur le détail de nos aventures. Ils n'ont pas beaucoup plus d'idées sur l'origine du problème et d'éventuels moyens d'en trouver un éclaircissement. Tout marche tellement bien ici, il y a vraiment aucune raison de savoir les détails des engrenages. Toutefois je ne comprends pas bien l'utilité du Congrès si tout marche si parfaitement :
- Mais quel genre de problèmes sont présentés au Congrès, alors ?
Hur répond :
- Les principaux débats du Congrès sont souvent des débats conceptuels, qui a le droit de quoi, où sont les limites de la citoyeneté, l'analyse des différentes périodes du passé, les idées et recommendations pour le pouvoir et le contrôle sur les artificiels, les comptes-rendus des dernières découvertes techniques...
Erik rétorque :
- Ce ne sont pas vraiment des problèmes.
- Non, très juste, mais il arrive aussi fréquemment que des litiges ne trouvent pas de solution avec les avis locaux, et nécessitent une réflexion plus globale...
Je le coupe :
- Un peu comme notre cas.
- Votre cas est un peu extrème, souvent les problèmes restent des situations banales internes à la Congrégation qui n'ont pas de solution simple. Le cas des planètes rebelles est un autre exemple.
Je me rappelle ce dont m'avait parlé Pénoplée.
- Ah oui ces planètes où vont les jeunes et qui veulent leurs propres règles ?
- Oui, pour être plus précis c'est un peu plus complexe que ça. Voilà des dizaines si ce n'est des centaines d'années que le groupe des planètes rebelles existent. Elles ont toujours déclenchées des débats enflammées au Congrès, mais la situation s'était un peu calmée depuis que Gwenoléa était devenue leur représentante. Sa diplomatie et son calme avait rendu les choses beaucoup plus raisonnables. Mais dernièrement il semble qu'une personne des planètes rebelles ait enfrain de manière étrange plusieurs règles, et c'est pour éclaircir cette affaire qu'elle comparait devant le Congrès ces jours-ci.
Rono complète :
- Oui cette affaire, plus par son caractère exceptionnel et un peu hors du commun que par son réel fondement j'imagine, est une des raisons de toute l'agitation d'Adama ces derniers jours. Et l'affaire se poursuivant par votre cas, peu commun lui aussi, ca suffit à mettre la planète en effervescen...
Rono s'arrête un instant, puis reprends :
- Je viens d'avoir un appel de Pénoplée, elle vous demande de rentrer si possible rapidement à l'hôtel, car Guewour ainsi que plusieurs autres membres du Congrès voudraient s'entretenir avec vous.
Hur semble satisfait :
- Oui ce serait une bonne idée que nous rentrions, nous avions donné rendez-vous à Mathi en fin d'après-midi, et elle m'a laissé un asym tout à l'heure pour me dire qu'elle ne tarderait pas.
Rono confirme :
- Parfait, repartons alors. J'imagine que vous souhaitez que nous vous ramenions ?
Je confirme :
- Dans la mesure où nous ne pouvons pas emprunter d'abeilles, ce serait très gentil à vous, oui.
Quelques secondes plus tard, deux abeilles biplaces vides viennent se poser à quelques mètres de nous. Comme pour l'aller, je monte avec Hur et Erik avec Rono. Rono vole doucement à une dizaine de mètres du sol devant nous, Hur le suit tranquillement à une quinzaine de mètres derrière. Nous volons en-dessus d'une immense allée bondée de monde, en contrebas se distinguent d'autres allées tout aussi fréquentées. Les alentours plats et calmes du Congrès sont vraiment l'exception car rapidement se dressent des pyramides et des immeubles de verre immenses et innombrables.
L'atmosphère n'est pourtant pas celle d'une grande ville comme nous les connaissons. Il n'y a pas de pollution, beaucoup moins de bruit, juste le brouhaha de la foule et des abeilles qui virevoltent. Tout est plus lumineux, il y a des arbres et des plantes de partout, c'est un peu comme un village en trois dimensions, avec plein d'allées sympathiques sur tous les niveaux. Mais il y a du monde, tellement de monde, des gens qui promènent de partout, ou qui discutent assis sur un banc ou dans l'herbe. C'est vraiment toujours impressionnant de ne voir presque que des personnes jeunes et belles. On se croirait à l'intérieur d'un campus universitaire géant, ou tout le monde vit d'insouciance et n'a d'autre soucis que de planifier sa soirée ou son après-midi de libre avec ses amis...
Je me demande bien ce qui motive tous ces gens, ces deux jeunes filles pulpeuses et superbes qui ont peut-être cent fois mon âge, ou encore ce groupe en train de jouer à je ne sais quoi dans l'herbe, ou bien cette brune qui...
Je m'écrie :
- Bordel ! Arrêtez-vous ! Posez-vous ! Posez-vous !
J'empoigne Hur, il crie :
- Non mais ça va pas ! Calmez-vous ! Vous perdez la tête ou quoi, cessez ou je vous...
Il n'a pas le temps de faire quoi que ce soit, avant qu'il ne puisse utiliser son bracelet pour m'immobiliser, je lui attrape le bras et lui retire rapidement.
Il hurle :
- Mais vous êtes complètement fou ! À l'aide !
En lui retirant son bracelet, l'abeille est passée en mode automatique et s'est stabilisée en vol stationnaire. Hur se débat, mais il n'est pas bien incisif, j'enfile son bracelet mais son accès ne m'est pas autorisé. J'ordonne à l'artificiel de l'abeille de nous poser. Pendant ce temps Rono a eu le temps de faire demi tour. Notre abeille descend lentement, à quelques mètres du sol je tente de me détacher mais trop tard, je suis paralysé, je ne sais pas si c'est l'abeille ou Rono, ou encore des membres de la foule de personnes qui s'est formée au sol pour nous regarder. Je rage intérieurement. Si seulement... Mais impossible, je ne peux plus bouger.
De toute évidence c'est l'abeille qui m'a immobilisé, elle me rend l'usage de mes jambes pour l'atterrisage de façon à ce que je ne tombe pas brutalement par-terre. C'est ma chance dès que l'attache se dématérialise je pars en courant tout de suite vers la brune que je n'ai pas lâchée des yeux. Elle était un peu plus loin et s'était rapprochée pour voir ce qu'il se passait. Quand elle me reconnait elle part sur le champ en courant. Mais je suis terriblement handicappé je ne peux pas bougé tout le haut de mon torse, mes bras y compris. Heureusement de m'éloigner de l'abeille son effet doit diminuer et je retrouve progressivement l'usage de mes membres en courant à toute vitesse en bousculant les gens.
Elle court vite la brougresse, c'est vrai que j'avais oublié qu'ils avaient quelques aptitudes au sprint dans le coin. Toutefois j'ai moi-aussi un de leurs corps améliorés, et il n'y a pas de raison qu'elle me distance. Je DOIS la rattraper !
Peine perdue, je m'étale lamentablement par terre quelques secondes après cette bonne parole, complètement immobilisé, j'ai juste eu le réflexe de me protéger avec mes avant-bras quand j'ai senti que je perdais le contrôle. Ils sont tous deux en sang. J'aperçois les pieds de Rono et d'Erik qui se posent à un mètre de moi. Je ne peux pas tourner la tête.
Putain de putain de PUTAIN !
Je soupire en moi...
Erik est le premier à parler :
- Je ne la vois plus, je ne pourrais pas la rattraper, c'était qui ?
Rono m'informe qu'il m'a rendu l'usage de la parole.
- C'est la nana qui m'a sauvé plusieurs fois sur la Terre.
Erik est surpris, il s'exclame :
- Ah oui ! Enfin un indice ! Ça veut dire que...
Rono le coupe :
- Ça veut dire que vous êtes dans de sales draps, mon jeune Ylraw, je ne crois pas que vous ayez la moindre chance d'être admis dans la Congrégation avec de tels comportement, en tout cas moi, je m'y opposerai !
Hur arrive à ce moment là :
- Mais qu'est ce qu'il vous a pris ? Pourquoi ne pas m'avoir expliqué calmement que vous vouliez voir une personne, je vous aurez laisser descendre, votre comportement est vraiment brutal et irréfléchi !
Je sens Erik bouillonner :
- OK d'accord il a été très méchant, on peut rentrer maintenant ?
Rono proteste :
- Mais vous ne vous rendez vraiment pas compte, ce qu'il a fait est inconcevable, c'est de la barbarie à l'état pur.
Moralité, je me fais sermoner pendant dix bonnes minutes, Erik tout autant pour avoir pris ma défense. Une personne nous coupe.
- Laissez, je m'occupe d'eux.
Aille... Pénoplée, je pense que ça va mal se passer...
Dans la chambre de l'hôtel...
- Mais tu es complètement DÉBILE ! Et inconscient ! Qu'est-ce que tu as dans la tête bon sang !
Elle hurle.
- Je reconnais que j'aurai dû être plus tendre avec Hur, mais il n'y a pas mort d'homme, et puis ça lui a donné l'occasion d'avoir quelques sécrétions d'adrénaline, ça doit faire bien longtemps que ça ne lui est pas arri...
- Tais-toi ! Tu dis n'importe quoi ! Ici les choses ne se passent pas comme ça ! Il y a des règles de respect envers les gens, pas comme dans ton monde de brutes où tout le monde tue tout le monde ! Ici il n'y a PAS de violence !
- Mais c'était la fille qui était sur la Terre ! C'est quand même extraordinaire ! Ça veut dire qu'il y a un lien, quelque chose !
- Et c'est une raison pour provoquer un scandale et ton cloisonnement ici ? C'est sûr que maintenant tu vas aller beaucoup plus loin, bloqué ici jusqu'à ta comparution, bravo ! Belle initiative !
Pénoplée a raison, ce n'est pas très malin.
- Je suis désolé Pénoplée, mais j'étais tellement content d'enfin trouver un indice, j'ai pas réfléchi, c'est vrai, j'ai... Je... Tu m'en veux ?
Elle retient un cri :
- Mrrr... Si je t'en veux ?! Non pas du tout, pas du tout DU TOUT ! Je suis d'ailleurs très contente que tu n'aies plus qu'une chance infime d'intégrer correctement la congrégation, de toute façon je te déteste alors ça tombe bien, tout comme je suis ravie de te voir bloquer ici avec les avant-bras en sang... Mais regarde-toi...
Elle est désolé. Elle ouvre une petite trappe dans le mur et sort une sorte de serviette qu'elle me jette. Elle prend une voix toute fluette :
- Je peux même pas te soigner tellement je t'en veux...
Je prends la serviette et je m'essuie les bras avec, c'est vraiment magique, la serviette est recouverte d'une sorte de pâte un peu gluante qui reste sur la peau, calme la blessure et régénère l'épiderme. Il me suffit en fait simplement de laisser mes deux bras posés dessus pour sentir la serviette me guérir. En queqlues minutes mes deux balafres ne sont plus qu'un souvenir. Elle me regarde avec un air triste :
- Mais pourquoi tu as fait ça, pourquoi t'es si impulsif... Ah François...
Je relativise :
- Ça va c'est pas la mort non plus, il a rien eu Hur, je suis encore jeune après tout...
Pénoplée se remet dans une colère noire :
- Le pire c'est que tu te rends pas compte. Ce que tu as fait est TRÈS TRÈS grave ici !
- Bien, je tâcherai de réfléchir un peu plus la prochaine fois.
- Contente de te l'entendre dire.
- Mais ils ne sont pas très efficaces vos artificiels, pourquoi ne m'a-t-il pas immobilisé avant même que je fasse quoi que ce soit. J'aurais eu le temps dix fois d'étrangler Hur ?
- Tu ne le voulais sans doute pas. L'arficiel de l'abeille ne voit pas directement. Il voit par tes yeux et ton esprit. Tu ne devais pas avoir d'animosité envers Hur, tu voulais juste te poser. Je pense qu'il a fallut que Hur soit pris de panique pour qu'il comprenne qu'il devait intervenir.
- Mouais.
- Mais ne change pas de conversation. Tu crois que ça me fait plaisir de te savoir coincé là pendant dix jours, moi qui voulait te balader sur Adama ? T'es vraiment pas sympa...
Je me lève et m'approche doucement de Pénoplée, elle résiste un peu mais se laisse prendre dans mes bras.
- Je suis désolé, Pénoplée, je ne voulais vraiment pas te faire de la peine, j'étais tellement exité à l'idée de pouvoir attraper cette fille.
- Il y a d'autres moyens tu sais, tu n'es pas obliger de courir après quelqu'un pour avoir des info sur lui ici.
Je me retire un peu, intrigué :
- Ah ? Comment peut-on faire ?
- On peut tout simplement interrogé le bracelet pour savoir qui est la personne, en pensant à elle.
- Je peux faire ça, moi ?
- Non, mais moi je peux le faire pour toi.
- Mais tu ne l'as pas vue ?
- Sauve l'image dans ton bracelet et donne la moi.
Je pense à cette fille, transmets les différentes images d'elle que j'ai, ainsi que mes souvenirs d'elle sur Terre, et stocke tout ça dans le bracelet. En les regardant de nouveau, je m'aperçois qu'il est très dur d'avoir une image nette du visage, la silhouette et les traits sont à peu près là, mais je suis incapable de me rappeler correctement de la forme de la bouche, du nez, c'est plus une image floue qu'une réelle photo. Pénoplée me rassure que c'est la forme que prenne la plupart des représentations mentale de personnes, et que les artificiels arrivent souvent à reconstituer l'image réelle rien qu'avec ces informations. Elle se connecte à mon bracelet et les récupère, puis reste silencieuse quelques minutes.
- Non, je ne trouve rien, je vais récupéré la mémoire de ton bracelet, pour avoir l'image exacte lorsque tu l'as vue tout à l'heure.
Je vois virtuellement Pénoplée rechercher dans les archives de mon bracelet, et faire défilée les images que j'ai vue par mes yeux à l'envers à partir de l'instant présent. C'est vraiment formidable, je reste toujours sidéré devant cette incroyable prouesse. Tout le monde doit avoir une mémoire parfaite avec de telles fonctionnalités. Elle s'arrête au moment ou j'aperçois la fille après mon atterrisage, Mais l'image est vraiment aussi suscinte. Je lui conseille d'aller un peu plus en arrière au moment où le l'apercois de l'abeille. L'image est un peu mieux mais reste assez rapide.
- Non, pas mieux. Pourtant les images étaient quand même pas trop mauvaises. Pas suffisantes on dirait. Désolé... J'ai parlé trop vite...
- Je ne peux vraiment pas sortir ?
Je me dirige vers la porte de la chambre, mais je reste immobilisé à quelques mètres. Un voix intérieure me previens que je ne dois pas tenter de sortir jusqu'à nouvel ordre. Une force me fait ensuite reculer et faire demi-tour.
- C'est mieux foutu que dans les chalets, là-bas à chaque fois on se retrouvait les fesses par terre.
- On évolue toujours, tu sais.
- "Ils" évoluent.
- Oui si tu veux. Erik vient.
Quelques secondes plus tard la porte devient transparente et Erik la traverse. Il me parle en anglais :
- Bon alors, t'as eu ta fessée ?
- M'en parle pas, je suis bloqué ici.
- Tu veux dire que tu n'as pas le droit de sortir, oh c'est con. Ils sont vraiment paranos.
Pénoplée intervient, elle parle dans sa langue :
- De toutes façons Guewour et deux autres personnes du Congrès veulent s'entretenir avec lui, alors il ne bougera pas jusque là.
Je suis surpris :
- Depuis quand tu comprends l'anglais toi ?
- Je ne le comprends pas, mais j'ai lu vos images mentales pendant votre conversation.
Erik ronchonne, toujours en anglais :
- Putain quelle merde ces trucs.
Pénoplée, écoeurée :
- Aaaah, Berk.
Erik sourit. Je comprends qu'il a dû penser à quelque chose de bien immonde pour se venger de Pénoplée. Il redevient sérieux.
- Et quand est-ce qu'il doit les voir les charlots ?
Pénoplée répond :
- Ce soir ou demain matin.
- C'est con que tu n'es pas de photos de cette nana, j'aurai pu aller parcourir les rues en attendant. Retrouver des gens, je sais faire.
Pénoplée hausse le ton :
- Il a des images mentales d'elle, mais il est hors de question que tu fasses quoi que ce soit. Ça suffit désormais, tu n'es pas assigné à résidence mais tu restes ici. Personne ne sort de cet appartement sans mon autorisation.
Guerd entre à ce moment là.
- Même pas pour m'accompagner faire une promenade ?
Pénoplée la regarde avec un regard noir :
- Oui, même pas.
Erik et moi avons le même réflexe, et nous disons tous les deux "oui maman", avant de nous apercevoir que nous avons eu la même idée au même moment et nous éclatons de rire. Pénoplée est désespérée.
- Vous êtes vraiment des gamins !
J'ai envie d'en rigoler mais en même temps je suis blessé qu'elle s'accroche tellement aux procédures alors que j'ai enfin trouver un espoir de faire le lien. Je dis d'une voix calme :
- Finalement ce qui t'intéresse c'est qu'on reste sage pour que tu n'ais pas d'histoire, qu'on trouve enfin l'espoir de retrouver d'où nous venons tu t'en fous...
Elle se retourne vers moi et me regarde un instant sans rien dire, puis finalement :
- Tu comprends vraiment rien...
- Non effectivement, je ne comprends pas pourquoi tu t'acharnes sur des détails alors que cette fille est pour l'instant la seule personne qui peut nous apporter des réponses.
Guerd tire doucement Erik qui résiste un instant puis se laisse finalement faire, nous nous retrouvons de nouveau seul. Je suis assis sur le lit, Pénoplée debout devant moi. Elle se recule et s'assoit dans un fauteuil, me regarde d'un air désolé :
- Tu m'écoutes pas. Tu crois que je suis là à te sermoner pour le plaisir ? Tu crois que je suis satisfaite de voir bloquer ici, tu crois que je suis contente de savoir que le Congrès va prendre ce que tu as fait comme un signe flagrant d'immaturité et d'associalité ? Tu crois que ne n'ai pas envie de t'aider, de parcourir les rues à la recherche de cette fille ? Tu ne comprends pas que j'essaie juste de faire en sorte que tu puisses continuer à chercher des indices, sans être pieds et poings liés ?
Elle a un sursaut dans la voix. Elle reste silencieuse, retient une larme. Je n'ose pas me lever pour aller la réconforter. Elle se contrôle et reprends une voix grave :
- Tu penses que j'aprécie que des dizaines de membres du Congrès soient en train de me regarder tenter de te raisonner, tu crois que ça me fait plaisir d'être là comme un pantin ridicule ? Tu crois pas plutôt que je devrais me barrer devant tes conneries stupides !
- Ils nous regardent ?
Elle éclate en sanglot :
- Bien sûr qu'ils nous regardent, bien sûr que depuis que tu as fait ton héros ils ont les yeux rivés sur toi, et sur moi, alors que je voudrais juste pouvoir te soigner et te prendre dans mes bras. Mais non tu t'obstines, tu comprends pas qu'avec un peu de bonne volonté ils auraient pu relâcher leur attention...
Finalement elle se lève et se dirige vers la sortie :
- Débrouille-toi.
Je me lève rapidement pour essayer de la retenir avant qu'elle ne passe la porte, mais trop tard. Pourtant dans mon élan je la passe moi aussi et l'attrape par le bras dans la pièce principale. Je ne comprends pas, je me regarde et me tourne vers la porte, étonné.
- Il est buggué leur truc.
- Comment tu as fait ça !
Pénoplée est paniquée et très énervée :
- Qu'est-ce que tu as fait ? Comment tu as fait ? Pourquoi es-tu sorti !
- Eh calme-toi ! J'ai rien fait moi, c'est votre machin qui marche plus !
Erik sort de sa chambre, suivi quelques instant plus tard par Guerd, de toute évidence ils profitaient de leur temps libre. Erik est surpris de me voir :
- Tu peux sortir ?
- Oui on dirait.
- Et est-ce que je peux sortir de l'appart ?
Je me dirige alors d'un pas décidé vers la porte de l'appartement. Pénoplée m'interpelle de ne pas le faire, mais je suis coupé par six personnes qui rentrent. Je reconnais Guewour en tête, suivi de deux autres personnes que je ne connais pas, puis de Moln, Ulri et Iurt :
- Nous ne vous le conseillons pas, pour l'instant en tout cas. Nous aimerions nous entretenir avec vous.
Pénoplée demande :
- Pourquoi vous l'avez laissé sortir de la chambre ?
Une autre personne, sans doute un membre comme Guewour du Congrès, lui répond :
- Nous avons besoin de nous entretenir avec lui en toute discrétion.
Guewour interroge Iurt :
- Est-ce que nous pouvons utiliser votre chambre ?
Iurt acquiesce. Guewour me demande alors de retirer mon bracelet. Je m'exécute et le pose sur la table basse. Lui et un de ses deux collègues font de même, ils m'invitent ensuite à aller dans la chambre de Iurt. Pénoplée commence à me suivre, mais la personne restée la retient :
- Nous préférons limiter le nombre d'intervenants, si vous pouviez rester ici.
Jour 198
Elle est très décontenancée. Erik ne demande même pas et s'installe dans un fauteuil, Guerd fait de même. Pénoplée questionne Iurt alors que je rentre finalement dans sa chambre en suivant Guewour et l'autre homme. Ils m'invitent à m'asseoir dans un fauteueil, se contentant eux de s'asseoir sur le lit. Guewour est d'apparence un peu âgé, son camarade, Yamwreq, est un jeune homme noir qui ressemble un peu à Erik, un peu plus grand encore peut-être, Erik l'étant déjà pas mal. Mais je sais très bien que leurs âges peuvent être déjà de plusieurs millénaires. Ils restent silencieux un instant. Puis Guewour parle enfin :
- C'est bon Iurt a sécurisé.
Je suis étonné de la procédure :
- Mais, on peut de cette façon avoir des conversations secrètes en enlevant le bracelet, celui-ci ne va pas tout récupérer quand je vais le remettre ?
Yamwreq m'explique :
- Enlever le bracelet n'est en effet pas suffisant pour bloquer une conversation. Toutefois traditionnellement deux personnes voulant avoir une discussion importante souvent retire leur bracelet par marque de respect vis-à-vis de leur interlocuteur, sous-entendant qu'elle se consacre exclusivement à la discussion. Dans le cas présent, nous avons récupéré suffisamment d'avis, à grande peine d'ailleurs, pour effectivement pouvoir garder cette conversation secrète.
Guewour reprend la parole :
- De nombreux éléments nous laissent à croire que certaines informations importantes pour la Congrègation sont tenues secrètes par des membres du Congrès qui ont des accords tacites avec les artificiels. À vrai dire c'est suite à notre premire entretien, sur Stycchia, que j'ai tenté de comprendre l'impossible problème de votre arrivée non répertoriée, et que j'ai buté à des incohérences et des des réticences nouvelles. J'en ai alors parlé à Yamwreq, en qui j'ai entière confiance, et nous avons tenter, vainement, de trouver l'origine de cette défaillance. Il y a quelques jours, avec la disparition de votre ami, nous avons pu de nouveau mettre à l'épreuve notre confiance vis-à-vis des artificiels, alors nous étions une dizaine à mener notre enquête.
Yamwreq continue :
- Tout a réellement basculer quand vous avez rencontré cette fille en dessus de Mirinas, ce matin.
Guewour confirme :
- En effet cette fille n'a aucune référence, d'autre part, encore plus troublant, certains de nos collègues sont persuadés de l'avoir déjà vue en compagnie de personnes importantes du Congrès, mais, chose encore plus étrange, personne n'est capable d'en donner une image claire, systématiquement son image est comme floue et impossible à identifier.
Je m'interroge :
- Mais Pénoplée m'a dit qu'il était normal que les images mentales des gens soient flou, et que les artificiels parvenaient généralement à retrouver la personne.
Yamwreq précise :
- Oui il est vrai que souvent l'image mentale n'est pas directement discernable, et en nous arrêtant à ce simple fait nous n'aurions rien pu conclure, mais nous avons chercher un peu plue en profondeur. Nous avons tenté d'utiliser des images d'artificiels, qui ont pu voir des scènes où elle se trouve, et dans ce cas cette fille est bien présente et référencée, mais nous avons de forte suspiscion que c'est un faux, que ce n'est pas la vrai personne, que les images des artificiels ont été manipulées.
- Comment pouvez-vous en être sûr ?
Guewour m'explique :
- Notre certitude tient à peu de chose. Une fois l'identité de cette personne trouvée, nous l'avons contactée pour vérifier qu'elle confirmait bien être la personne en question. Elle se trouvait bien sur Adama, elle était même à proximité du Congrès, à côté des restaurant magiques. Enfin vous ne connaissez peut-être pas, c'est une des allées les plus passante des environs, les gens s'y donnent souvent rendez-vous. Bref elle a confirmé qu'elle avait bien pour connaissance certaines personnes du Congrès. Nous avons pu la localiser et tous les capteurs confirmaient son emplacement.
Yamwreq continue :
- Nous aurions pu en rester là, tout semblait cohérent, si ce n'est que j'ai reconnu dans les environs de la jeune fille un très vieil ami à moi, un explorateur déçu du Libre Choix qui continuait à voyager à droite à gauche, et qui n'avait pas du venir sur Adama depuis des siècles et des siècles. Guewour terminant la conversation avec la jeune fille, pour vérifier si ses dire étaient cohérents avec les images que nous avions, mais tout semblait coincider, je le laissai faire seul et tentai de contacter mon ami. Il était assis dans l'herbe en face de la jeune fille, il semblait la regarder fixement, sans doute encore en train de se demander comment l'aborder pour lui proposer de l'accompagner au fin fond de l'espace. Il n'avait pas son bracelet, habitude courante chez ce rebelle qui se méfie des artificiels comme de la peste, et je ne pouvais donc pas le joindre.
Yamwreq fait une courte pause, Guewour reprend :
- Comme tout semblait logique, nous remîmes à demain matin notre intention de vous rendre visite, et Yamwreq profita alors d'aller justement retrouver son ami, qu'il n'avait pas vu depuis des lustres.
Yamwreq précise :
- Je pris une abeille et le retrouvai encore assis dans l'herbe au même endroit, il ne se trouvait qu'à cinq ou dix minutes de vol du Congrès. Comme à chacune de nos précédentes rencontres je retirai mon bracelet en signe de confiance pour le saluer, puis je lui expliquais que je l'avais vu alors en communication avec la fille brune en blanc devant lui quelques minutes plus tôt. Mais il me rétorqua qu'il n'avait pas vu cette fille. Je la lui décris, confirmant que j'avais eu l'impression qu'il la regardait fixement, mais non. J'insistai alors pour remettre mon bracelet et lui transmettre une image mentale de la scène. Quand je le fis il réfléchit un instant puis finalement confirma alors que si, en fait il l'avait bien vue, mais qu'il avait compris auparavant que la fille se tenait juste devant lui, alors qu'elle était devant l'allée. Puis il s'excusa en se rappelant qu'il avant rendez-vous, nous convenâmes de nous voir un peu plus tard, et il partit. Mais subitement il réapparut comme par magie devant mes yeux. Il était devant moi et tenait mon bracelet à la main. Mon ami me l'avait retiré lui-même et me demanda ce qu'il m'arrivait, que je parlais de manière incohérente en répondant complètement à côté de ses questions. Il me confirma que l'image ne lui disait absolument rien, et insista lourdement qu'il n'y avait pas cette fille devant lui dix minutes plus tôt. L'évidence m'apparut alors. Je décidai de rentrer au Congrès rapidement pour m'entretenir avec Guewour, ne prenant pas le risque de l'appeler et de voir notre communication de nouveau piratée.
Guewour reprend :
- Rapidement nous réunirent le plus grand nombre possible de nos amis pour diffuser cette information, et limiter le risque que chacun de nous se fasse petit à petit dupé par le bracelet et oublie tout de cet incident. Nous tentâmes tout de même de n'en parler qu'à des personnes de confiance, et loin de l'influence de tout bracelet.
Je l'interromps pour avoir plus de précision sur le pouvoir du bracelet :
- Pourtant vous les aviez quand vous êtes arrivés ici, le simple fait de le porter ne peut pas reformatter vos esprits ?
Yamwreq m'explique :
- Oui nous les avions car il est difficile de faire quoi que ce soit sans bracelet de toute manière, mais celui-ci n'a pas le pouvoir de changer nos souvenirs, il peut tout au plus duper nos esprits face à une situation, en changeant les détails ou ce que nous croyons voir, mais il n'a pas la puissance nécessaire pour reformatter l'esprit, cette opération n'est possible, que je sache, qu'à l'intérieur des téléporteur, et nécessite une énergie considérable.
Guewour termine :
- Une fois toutes les personnes susceptibles de nous aider mises au courant, nous avons fait notre possible pour avoir l'autorisation de nous entretenir avec vous de manière privée. Cela n'a pas été rendu facile par les réticences naturelles qu'ont les gens vis-à-vis d'un manque de transparence ; toutefois, en divulguant notre découverte à quelques personnes supplémentaires, nous avons finalement eu le feu vert.
Yamwreq se relève et va regarder à travers la fenêtre :
- Il est d'ailleurs à craindre que désormais le Congrès entier soit au courant.
Je suis flatté par leurs confidences, mais je ne situe pas bien mon rôle dans leurs démêlés :
- Et moi ?
Yamwreq se retourne, Guewour prend la parole :
- De toute évidence vous avez un lien avec cette histoire, ne serait-ce que par le fait que vous connaissez cette fille et les données manquantes quant à votre arrivée, tout comme l'incompréhensible disparition de votre amie. Ce que nous aimerions, c'est que vous nous racontiez en détails les éléments que vous avez, de façons à ce que nous tentions d'y voir un peu plus clair.
- Vous voulez que je vous raconte toute mon histoire ?
- Toute les parties que nous ne connaissons pas et qui pourraient nous être utiles. Vous m'aviez sommairement décrit votre aventure sur Stycchia, mais alors je n'accordais pas une importance démesurée à votre cas, aujourd'hui il semble remettre en question la confiance que nous avons envers les artificiels et certains membres du Congrès, les enjeux sont donc tout autres.
- Bon très bien, mais je vous préviens, ça commence à être long maintenant.
Et voilà, je me relance de nouveau dans la description de mes aventures. La tâche est d'autant plus ardue que je dois au passage leur expliquer beaucoup de détails sur la Terre, la notion de pays, les technologies utilisées, nos limites, nos coutumes... J'essaie de m'apeusantir sur les parties que je juge plus prépondérantes, l'organisation, les cahiers, cette fille qui me vient en aide. Je détaille un peu plus l'histoire que m'avait racontée Naoma pour notre passage sur cette Lune, que nous n'avions que succintement abordée lors de notre première audition, puis je passe plus rapidement sur le récit depuis notre arrivée sur Stycchia. Entre temps Yamwreq était allé chercher de quoi nous désaltérer. À la fin de mon récit, Guewour et Yamwreq restent silencieux plusieurs minutes. Je leur demande comment ils interprêteraient toute cette histoire, Guewour donne enfin son analyse :
- À mes yeux l'hypothèse la plus probable est que la Terre soit une planète de l'Au-delà colonisée tardivement ou bien berceau d'une civilisation crée par les hommes de l'Au-delà après leur départ que les artificiels ont finalement récupéré pour l'étudier, ou peut-être faire certaines expériences. Peut-être aussi a-t-elle été crée de toute pièce pour qu'ils puissent étudier certaines caractéristique de l'espèce humaine de façon cachée, ou clandestine. Peut-être même que certaines personnes du Congrès était au courant ou pire, à l'initiative de telle expérience, avec l'aide de certains anciens chercheurs, comme le pouvait être cette fille, et qu'à un moment donné, comme pour tout secret, il y a eut une fuite qui vous a valu votre périple.
Yamwreq est plus prudent :
- Les hypothèses sont nombreuses dans cette affaire, et s'il est certains que certains personnes du Congrès ainsi que les artificiels ont certaines connexions avec cette planète, les raisons et les objectifs de son existence sont plus périlleux à déterminer. Il est tout à fait possible que cette planète n'ait été découverte que tardivement, et que son existence n'ait pas encore été révélée pour éviter des interactions néfastes avec ses habitants. C'est peut-être simplement enfin une première trace des hommes de l'Au-delà, et cette fille devait rendre compte de l'état de leur civilisation pour que le Congrès puisse statuer sur les actions à prévoir.
Guewour est dubitatif :
- Pourquoi le faire de manière secrète ? Rien n'a jamais été secret ici. Toute les questions sur l'intégration ou pas de nouvelles planètes ont toujours été débattues de manière publique. Le fait que ce puissent être des hommes de l'Au-delà ne change pas le débat. Non je pense qu'il y a quelque chose de définitivement plus grave pour que les artificiels cachent ou falsifient des informations. Tu oublies vite qu'ils t'ont trompé pour tenter de te faire croire que nous avons bien parlé avec cette fille tout à l'heure, alors que nous étions devant une de leurs illusions !
- Oui toutefois nous aurons beaucoup de mal à prouver nos dire, puisque tous les éléments que nous pourrons apporter pour les confirmer seront susceptibles d'être interceptés et piratés. Avons-nous réellement les moyens de faire quelque chose ?
Guewour est aussi assez perplexe :
- Oui nous avons pu être trompé depuis des années sans même nous en rendre compte, et nous sommes tellement liés aux artificiels que nous ne pouvons guère entreprendre quoi que ce soit sans être facilement mis sur la touche.
Yamwreq enfonce le clou :
- Oui et il nous suffira d'une seule téléportation pour que notre cerveau soit reformaté et que nous oublions tout cette histoire. Peut-être même n'est-ce pas la première fois que nous décrouvrons de telles énigmes !
Ils restent tous les deux silencieux. Je prends la parole :
- Tout n'est pas forcément si négatif, et vos artificiels n'ont pas l'air tout puissants, par exemple moi, qui suis sans doute un des éléments les plus dérangeant, je n'ai pas l'impression d'avoir perdu la mémoire lors de ma téléportation. En tout cas je me rapelle toujours de mon aventure, de cette fille, de Naoma... Ensuite j'ai quand même pu voir cette fille dans la rue, et à moins que ce soit une volonté de leur part, c'est plutôt le signe qu'ils n'ont qu'une influence partielle. D'autre part vous avez quand même réussi à détourner leurs illusions, preuvent qu'ils n'ont pas un pouvoir absolu, et pour terminer si un nombre conséquent de personnes sont maintenant au courant de l'affaire, il sera encore plus difficile pour eux d'endiguer le processus, sauf à détruire la planète entière, mais est-ce vraiment leur but ?
Yamwreq acquiesce et s'interroge aussi :
- Oui. Et quel peut-il être d'ailleurs ?
Guewour emet une simple hypothèse :
- Peut-être rien de plus que garder cette Terre secrète, peut-être oui faisons-nous d'une souris une montagne, et l'affaire n'est-elle pas aussi dramatique.
Yamwreq n'est pas tout à fait d'accord :
- À partir du moment où il y a manipulation je trouve l'affaire déjà suffisament dramatique, même sans y rajouter des plans de destructions de l'humanité divers et variés.
Discuter c'est sympa, mais agir c'est pas mal non plus :
- Bien, et qu'est-ce qu'on fait ?
Ils restent pensifs. Je continue :
- Moi je suis un peu les pieds et les poings liés si je ne peux pas sortir d'ici, en plus avec mon bracelet enfant c'est la croix et la bannière pour pouvoir faire quelque chose tranquillement. Je pourrais parcourir la ville pour voir si je retrouve cette fille. Le problème c'est que si désormais ils se méfient et qu'ils trompent la vision des gens, ça ne va pas être une paire de manches. Mais elle doit tout de même bien dormir quelque part, à moins qu'elle n'ait quittée Adama suite à ma rencontre. Pour le reste c'est plus à vous, faire en sorte que notre autition au Congrès tente de faire bouger les choses. Peut-être que je devrais ne pas remettre de bracelet, pour ne pas prendre le risque d'être manipulé, vous de même ?
Guewour est sceptique :
- Votre audition au Congrès sera déterminante, c'est vrai. Nous pourrions vous donnez plus de marge de manoeuvre, mais c'est peut-être un peu dangereux après vos agissements de cette après-midi. Votre altercation dans l'abeille est assez mal passée. Certes notre problème est autre, mais le but de votre audition reste tout de même votre intégration dans la Congrègation, et vous ne serez pas écoutés sérieusement sans ça. C'est plus à nous de faire le nécessaire.
Yamwreq poursuit :
- Et demain débute l'audition de Gwenolea, elle est prévue depuis tellement longtemps que j'ai peur que nous ne pourrions y changer quoi que ce soit. Ici rien ne se fait de manière précipitée, et même si nous avons de nombreux éléments qui pourraient nous laisser penser à une manipulation, il nous faudra sans doute des semaines avant de persuader suffisament de monde que nous n'avons pas rêvé et qu'il y a effectivement un problème grave.
Je ne sais toujours pas ce qu'ils attendraient de moi :
- Et moi je fais quoi alors ?
Yamwreq donne son point de vue :
- Je pense qu'il est plus sage que vous restiez ici, nous n'aurons ainsi pas la pression de vous avoir libéré, et nous pourrons plus librement continuer à enquêter sur cette mystérieuse fille. Je suis vraiment désolé de ce cloisonnement, mais comme vous l'a fait remarquer Pénoplée, votre acte est vraiment quelque chose de très grave ici, même si nous nous imaginons combien cette situation peut être difficile pour vous.
- Bien, je vais donc devoir rester ici jusqu'à notre audition, c'est bien ça, dans dix jours ?
Yamwreq prend un voix grave :
- Oui, mais nous ne manquerons pas de vous informer des diverses évolutions de cette affaire. Je vous remercie en tout cas d'avoir accepté cette entretien, j'espère comme vous que nous trouverons bientôt quel est donc le lien avec la Terre, et que vous pourrez regagner votre planète rapidement.
- Je l'espère aussi.
Nous nous levons pour sortir de la chambre, Guewour me donne une dernière recommendation :
- Il serait préférable que vous ne parliez de cette conversation à personne, notamment ne la référencez pas dans votre bracelet, et si vous voulez réfléchir dessus, retirez-le. C'est sans doute insuffisant pour empécher les artificiels de sonder votre esprit s'ils le désire, mais autant ne pas leur faciliter la tâche.
Yamwreq complète :
- De toute façon nous espérons que le voile se lèvera sur cette affaire le plus rapidement possible, et que la Congrégation retrouve son habitude de transparence quoi qu'il arrive.
Il me laisse sortir le premier, nous ne retrouvons que Pénoplée et leur troisième collègue dans la pièce principale. Celui-ci précise que notre conversation se prolongeant, ils étaient aller faire un tour dans les jardins de l'hôtel, mais que si nécessaire ils pouvaient les rappeler. Yamwreq rassure son ami que ce n'est pas la peine de les déranger, que Guewour ferait un compte-rendu à Iurt plus tard dans la soirée. Notre discussion s'est en effet prolongée assez tardivement car le jour décline et les premières lumières d'Adama se laissent deviner à travers la grande baie vitrée. Yamwreq et Guewour récupèrent leur bracelet, je laisse le mien, et ils s'en vont tous trois, en nous ayant préalablement salués. Je reste avec Pénoplée. Je suis plutôt content d'avoir trouver des alliers. Je me place derrière elle alors qu'elle s'est rassise sur un fauteuil sans rien dire. Je m'apprête à lui masser les épaules.
- Alors, tu n'es pas allée avec les autres ?
Elle se relève et me repousse :
- Pourquoi Yamwreq en personne vient te parler, c'est quoi ces histoires ?
Je suis surpris :
- Pourquoi, c'est qui ce Yamwreq, et qu'est-ce qu'il t'arrive, t'es jalouse ou quoi ?
Elle semble très énervée. Je m'approche d'elle, et, en la forçant un peu, la prend dans mes bras.
- Je ne suis pas contre toi, Pénoplée, je ne comprends pas beaucoup plus que toi ce qu'il m'arrive. Ces gens ont l'air d'être dans mon camp, alors je tente de les aider aussi. Ne soit pas contre moi, Pénoplée, je n'aurai pas la force de me battre contre toi en plus du reste...
Elle se radoucit et pose sa tête sur mon épaule :
- J'ai peur, tu sais, j'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez forte pour t'aider, de ne pas comprendre, d'être mise de côté...
Je l'écarte un peu et l'embrasse doucement :
- Nous sommes ensemble Pénoplée, je comprends que ce soit très frustrant d'être à part, mais il se passe des choses très étranges et ...
Une voix grave prend le relais.
- Quelles choses ? Tu veux dire que quand tu la prends dans tes bras tu as un réaction physique bizarre ? T'inquiète, gamin, c'est normal !
Erik et les autres rentrent dans la pièce et je suis bien-sûr le seul à rigoler à la boutade en anglais d'Erik. Pénoplée se dégage, toujours gênée d'être aperçue dans une position de faiblesse. Je mets tout le monde au courant :
- Guewour et Yamwreq m'ont conseillé de ne pas trop parler de cette conversation, mais en gros ils sont de notre côté et il se passe des trucs louches avec cette fille. De toute façon je n'en sais pas beaucoup plus, si ce n'est que je suis toujours bloqué ici à cause de ma conduite cette après-midi. C'est qui ce Yamwreq, d'ailleurs, Pénoplée avait l'air de dire qu'il était important.
Iurt répond :
- Oui c'est une jeune personne influente du Congrès, il n'a que trente-quatre ans et pourtant il est déjà écouté par de nombreuses personnes, c'est une des personnes clé dans la résolution du conflit entre les planètes rebelles et la Congrégation.
Guerd l'interrompt :
- Oui d'ailleurs Gwenoléa est dans cet hôtel, nous l'avons croisée dans les jardins.
Pénoplée ironise :
- Décidément, on se croirait presque importants...
Guerd emet une autre hypothèse :
- Et mais c'est peut-être pour ça que Yamwreq est venu, il sortait avec Gwenoléa avant. Il espérait peut-être la voir ?
Pénoplée confirme :
- À oui c'est vrai qu'il y avait eu une histoire entre eux, ça s'était mal fini d'ailleurs, Gwenoléa l'avait viré, non ?
Guerd semble toute exitée par ces ragots :
- Oui, oui, il avait complètement déprimé, il n'était pas encore adulte à l'époque, d'ailleurs beaucoup disait que si Gwenoléa avait autant de succès auprès du Congrès, c'était grâce à ses conseils, et que depuis ça se passe beaucoup moins bien.
Des éléments m'échappent :
- Mais il continue à défendre la cause des planètes rebelles pourtant, non ?
Iurt, Ulri et Moln sont dans leur propre discussion, Erik déguste un pain sucré en écoutant vaguement notre conversation, Pénoplée fait semblant de ne pas trop s'y intéresser et Guerd cherche par tous les moyens à nous faire accepter que sa théorie est la bonne :
- Oui, oui, il continue à défendre les planètes rebelles pour que Gwenoléa lui soit redevable, et ainsi accepte de nouveau à ce qu'ils se remettent ensemble :
Pénoplée est plus mitigée :
- Je pense surtout qu'il a toujours défendu cette cause et que Gwenoléa ou pas il reste fidèle à ses engagements.
Guerd n'est pas très satisfaite de la réponse de Pénoplée :
- Mais non ! C'est pas du tout romantique comme ça !
Erik en a vite marre :
- Bon c'est bien joli toute vos histoires, mais j'ai l'impression que nous restons toujours aussi impuissants, il n'y a vraiment rien que nous puission faire ? Ylraw ?
- Je me posais la même question, mais Yamwreq m'a conseillé de ne pas faire de vagues jusqu'à notre audition, pour qu'ils puissent tenter de trouver des alliers ou des informations pouvant nous aider.
Erik tente quand même d'en savoir plus, il me parle en anglais :
- Mais pour la Terre, ils savent quelque chose.
Je lui réponds en anglais également :
- Non, en tout cas ils ne m'ont rien dit.
Pénoplée intervient aussi, elle semble avoir un peu mise de côté sa rancoeur :
- Je comprends votre impatience, surtout quand certains éléments vous redonnent de l'espoir, je comprends aussi que c'est frustrant pour vous de rester ici alors que peut-être cette fille dehors pourrait vous dire comment rentrer chez vous, mais à mon avis ça ne serait que rendre les choses encore plus difficiles de tenter quelque chose.
Moln, Ulri et Iurt arrêtent de discuter à part et se joignent à la conversation. Iurt intervient :
- Pénoplée a raison, la précipitation n'a jamais rien résolu ici.
Erik et moi haussons les épaules et poussons un soupir :
- Je crois que nous l'avons compris, oui... Il ne nous reste plus qu'à dîner, alors ?
Moln acquiesce :
- Oui bonne idée, mangeons, nous pourrions peut-être aller dehors, pour nous détendre un peu ?
Je lui rappelle que je suis bloquer dans l'appartement :
- Ne vous gênez surtout pas pour moi si vous voulez sortir, je ne vais pas tarder à me coucher, de toute manière.
Moln est embarrassé :
- Oh excuse moi Ylraw, c'est vrai que tu es retenu ici. Non et bien faisons un bon repas dans l'appartement, après tout nous sommes sur Adama, fêtons tous l'événement ici !
Erik se permet de mettre un bémol :
- Nous ne sommes pas tous là.
Guerd lance un regard triste vers Erik. Moln ne relève pas. Iurt demande à l'appartement d'apporter le repas. Pendant ce temps tout le monde s'installe autour de la table plus conséquente qui donne sur la baie vitrée. Le soir est vraiment tombé et les lumières douces donnent au paysage l'apparence d'un tapis multicolore soupoudré de millier de lucioles virevoltant. La lune d'Adama, à son premier quartier, illumine le ciel. Sa taille est presque la même que notre vrai Lune et si ce n'est sa surface qui ne ressemble pas du tout à la mer de la Tranquilité tout terrien pourrait se faire prendre au piège. Quelques lumières des bases présentes à sa surface attirent tout de même l'attention sur sa partie ombragée. La centure énergétique d'Adama, plus conséquente que celle de Stycchia, laisse cinq trainées lumineuses dans le ciel étoilé.
En un sens je suis étonné de ne pas être plus émerveillé, de ne pas chercher à comprendre comment marche leur technologie, quelles sont leur connaisances en science, leurs théories ont dû depuis longtemps expliquer toute les interrogations que nous avons toujours, l'unification de la relativité générale et de la mécanique quantique, les origines de l'univers, la nature profonde de la matière... Mais je suis tellement préoccupé par Naoma et le fait de ne pas comprendre, ne pas comprendre pourquoi je suis ici, pourquoi moi... Peut-être devrai-je réellement prendre le temps de me détendre en portant ma confiance dans le Congrès, mais comment le faire maintenant que Yamwreq et Guewour eux-mêmes m'ont fait part de leurs inquiétudes ? Comment puis-je rester là à attendre quand dehors cette fille peut-être nous échappe ? Comment puis-je laisser Naoma sans aide. Par ma faute elle est déjà morte une fois... Oh mon Dieu si loin de toi que suis-je donc ? Oh mon Soleil tu me manques tant...
- Ylraw ?
Pénoplée pose doucement sa main sur ma jambe, le repas est servi. J'étais dans mes rêves. Je me retourne de devant la vitre et lui souris. Je lui fais un bisou sur la joue et prends un petit pain multicolore. Je n'ai pas très faim. Je ne parle pas beaucoup du repas, Erik non plus. Je suis sans doute un peu fatigué.
Iurt, Moln et Ulri animent le repas de leur discussion sur les changements notable d'Adama depuis qu'ils connaissent la planète. Mais somme toute de ce que j'en ai retenu, Adama n'a pas vraiment changée depuis plusieurs milliers d'années. À vrai dire je me demande si la Congrégation a elle-même changé depuis tous ces siècles. Je n'ai pas la force de demander, aspirant d'avantage à me glisser au plus vite dans un lit chaud en serrant Deborah dans mes bras. Oh ! Lapsus ! Je le conserve dans le récit... Oh mon Dieu, je ne sais plus où j'en suis...
Je ne m'attarde pas trop à table. Je me sentais en forme après la discussion pour repartir à la recherche de cette fille, mais le fait de m'asseoir et le manque de moyens sont venus à bout de moi. Iurt propose une rétrospective virtuelle de l'histoire d'Adama, mais je n'ai pas la tête à ça et je vais me coucher. Il doit être encore tôt, mais je n'ai pas vraiment encore une notion claire de leur heures, jours, rythmes de sommeil et d'éveil. Pour être franc je n'ai jamais trop fait l'effort de m'y plier, prenant plus simplement l'habitude de dormir quand j'ai sommeil...
Je passe par les toilettes, je portais aujourd'hui comme souvent un vêtement assez ample sans couche intégrée, puis je vais dans notre chambre à Pénoplée et à moi, je me déshabille et m'enveloppe dans la couverture, je me bouge un peu et me tourne pour me nettoyer, me passe un coup dans les cheveux, et, une fois propre, je m'allonge sur le dos pour m'endormir. Mais je ne m'endors pas, tout tourne dans ma tête. Naoma, cette fille, le Congrès, Yamwreq, Deborah, Pénoplée...
Sans doute plus d'une heure s'écoule, où je vogue entre somnolence et rêve, avant que Pénoplée n'arrive. Elle se déshabille, et dans la faible lueur de la pièce je contemple ses douces formes avant qu'elle ne se nettoie elle aussi puis s'avance doucement pour se mettre sur mon épaule. Elle remonte un peu pour me faire un baiser et se retient quand elle voit que je ne dors pas.
- Je t'ai réveillé ? Je suis désolée...
- Non je ne dormais pas, je n'ai pas réussi encore à m'endormir...
- Tu es soucieux, oui je l'ai remarqué depuis que tu es sortie de l'entretien... Qu'ont-ils dit pour t'inquiéter autant ?
- Ce n'est pas vraiment ce qu'ils m'ont dit, il n'y avait rien d'extraordinaire, c'est plus que je ne vois pas comment faire pour m'en sortir.
- Tu n'as pas confiance dans le Congrès ?
- C'est plus que je ne sais pas comment réagir dans votre monde. Je me sens tellement incapable, tellement stupide face à vos règles. Je ne contrôle rien, je suis comme un enfant qui ne comprends rien du jeu dans lequel il se trouve.
- Je suis là pour t'aider...
J'ai peur de la blesser. Je reste silencieux un instant, mais je parle avant qu'elle ne le prenne mal.
- Je me demande si finalement tous vos avis ne sont pas la plus formidable façon de provoquer l'immobilisme.
- Comment ça ?
- Et bien dans la mesure où chacun doit se livrer un peu pour avoir quelque chose, j'imagine que les écarts ne sont pas permis, il faut rester dans le moule, avoir sa petite vie comme tout le monde pour pouvoir rester tranquille, ou alors affronter l'incompréhension populaire...
- Je ne suis pas d'accord, j'ai fait tant de choses qui n'étaient pas dans la normale, et les gens, même si parfois j'ai dû affronter quelques réticences, les gens comprennent. Ils comprennent que tu veuilles tracer ta voie, faire tes propres erreurs. Mais ce n'est pas pour autant que ça doit être facile.
- Peut-être, je ne connais pas assez pour dire, peut-être ai-je juste cette impression parce que je ne comprends pas encore assez bien votre organisation.
- Prends mon cas, c'est diffifile pour moi de te laisser aller dans une voie que je sais sans issue. Je connais la marche à suivre, pourtant si je te l'impose tu le prendras mal, et si je te laisse faire, je te retrouve comme aujourd'hui instigateur d'un scandale et bloqué ici. Qu'aurai-je dû faire ?
- Je comprends ce que tu veux dire, mais je pense tout de même que le système d'avis empêche la création en un sens, mais je peux me tromper...
- Je ne sais pas, chacun apréciera, mais... Je pense que ce système est tout de même profondément juste.
- Oui, juste c'est certain, mais libre ?
- C'est un peu vrai oui, chacun est sous le contrôle de tous, et par conséquent cloisonné dans les valeurs de morale et de bien du plus grand nombre, mais c'est aussi ce qui rend le système si stable, si efficace depuis le Libre Choix.
- Ce n'était pas la même chose avant ?
- Je suis né à la limite, donc je n'ai qu'un peu connu la période précédente, mais le travail obligatoire me semblait plus injuste. Certains faisant un travail très influent possédaient plus de pouvoir sur les autres, les gens me semblaient encore moins libres qu'aujourd'hui. Mais c'est vrai que les chercheurs ont été très frustrés après le Libre Choix. Certain sont partis, et les autres n'avaient plus vraiment de motivation. Ils se moquaient de ne pas travailler, ils ne vivaient que pour ça avant...
- Vous n'avez plus du tout de recherche ?
- Si si comme je te l'avais déjà dit, ce sont maintenant les artificiels qui font avancer la science, mais ils le font en accords avec les attentes du peuple, ils n'apportent qu'à hauteur de ses besoins des nouveautés. Je pense qu'ils sont bien plus avancés que nous le croyons, mais qu'ils distillent lentement leur savoir pour que tout un chacun l'accepte et le comprenne.
- Mais vous devez savoir énormément de chose. Je me posais la question car nous n'avons qu'un niveau très partiel de compréhension du monde sur Terre, en ce qui concerne la nature de la matière, des forces, les origines de l'Univers...
- Nous sommes sans doute plus avancés que vous, mais nous buttons sur un problème nous aussi. Après la découverte de tout un ensemble de particules, rapidement nous sommes arrivés à un niveau beaucoup plus diffu, une sorte de fluctuation de champ d'énergie.
- Nous avons un peu ce genre de vision nous aussi, peut-être à un niveau moindre. Nous appelons cela la mécanique quantique, car basé sur des notions de niveau d'énergie et de répartition probabiliste de la matière.
- Peut-être commencez-vous alors déjà à arriver au même niveau que nous. Enfin je te dis ça de mémoire, mais je sais qu'à un certain niveau, il y a une ambivalence matière/énergie/force. Tout ce que tu vois n'est que la représentation sous une forme ou sous une autre de cette même chose. Les forces qui attire les charges électriques, la gravité, la matière, la lumière, tout n'est issu que de la fluctuation de ce composant de base et nous donne l'illusion d'une forme ou d'une autre. Toutefois cette propriété nous l'observons et l'expliquons assez facilement je crois, et les expériences des artificiels ont montré que nous pouvons nous-aussi créer par influence de ce composant une forme ou l'autre de ses représentations. La limite sur laquelle nous buttons, c'est qu'il semble qu'il y ait des "types" un peu différents de ce composant, qui ne se mélangent pas.
- Mais ces types ne sont-ils pas justement ce qui donne ensuite soit des forces soit de la matière ou toute autre chose ?
- Non non ces types sont indépendants de leurs représentations dans le monde classique, enfin ils ont un certain degrés d'indépendance. C'est plus comme des variétés d'un même composant qui s'entre-mêlent et interagissent les uns avec les autres. Le plus étrange c'est que même si l'univers proche semble assez homogène, avec des étoiles et des planètes sur des milliers d'années-lumière à la ronde, et bien les types sous-jacents peuvent être très différents. Par exemple dans notre congrégation existe un type en très grande quantité qui est presque absent des régions périphériques étudiées par les artificiels. Régions périphériques, elles, riches en de multiples types qui sont parfois absents du centre de la Congrégation. Pourtant les étoiles, les planètes et les lois physiques que l'on trouve là-bas ne sont pas très différentes de celle que nous avons ici...
- Peut-être que certains types n'ont pas vraiment de représentation simple. Peut-être que ces régions diffèrent sur certains points que vous n'avez pas encore trouvé ?
- Oui peut-être. Mais peut-être aussi que cette vision à changé. Je m'y étais intéressée quand j'étais au labo, sur Eve, et depuis je prenais des nouvelles de temps en temps pour savoir si notre connaissance progressait, mais je n'ai pas dû regarder depuis plusieurs dizaines d'années. Si tu veux je peux vérifier.
Elle se dégage un peu, sans doute pour aller chercher son bracelet, je la retiens et la serre contre moi.
- Non, reste là...
Je devine un sourire. Elle me fait un baiser dans le coup.
- Je t'aiderai, François, peut-être que je t'ai paru bornée et méchante aujourd'hui, mais j'essaie de te mettre en garde...
- Je sais, je comprends. Je m'excuse de t'avoir causé tous ces embarras. Je suis tellement perdu...
- Cette histoire est sans doute très compliquée, moi aussi je suis frustrée de ne rien pouvoir faire pour t'aider, de paraître plus comme un bourreau qu'autre chose. Je sais que tu tiens à Naoma, même si c'est vrai que j'en suis sans doute un peu jalouse. Je sais aussi que ta planète te manque, ta famille, tes amis... Déborah... À qui tu penses si souvent...
- C'est vrai que je ne peux rien te cacher...
- Je ne le prends pas mal, ne t'inquiète pas, l'inaccessible est toujours plus facile à aimer, car jamais il ne nous déçois... Je pense encore à Ragal, tu sais, encore, trop souvent...
- Pourtant je t'aime toi aussi, mais je ne sais pas qu'espérer, je ne sais pas ce que je vais devenir...
- Oui je connais cette confusion en toi, tous ces élémemts qui se bousculent, cette incertitude. Après la réunion, j'étais très énervée, frustrée de ne pas y avoir assistée, et blessée que tu ne m'en dises pas plus... Et... J'avoue, tu n'avais pas ton bracelet, avant le repas je t'ai sondé... Quand tu étais si silencieux. J'ai vue ta tristesse, ton désaroi, j'ai vue que tu étais si seul... Si perdu...
- Oui, c'est sans doute pour ça que je ne me suis pas endormi, je tente de mettre en ordre tous ces événements mais il me manque trop d'éléments... Je suis sans doute trop impatient... Je devrais peut-être penser à autre chose, faire un peu le vide, demain nous y verrons sans doute plus clair...
Pénoplée monte doucement vers mon oreille et me chuchotte en me mordillant un peu.
- Je peux t'aider à de détendre un peu si tu veux...
- Ah oui ? Comment ça ?
Elle m'embrasse dans le cou, puis, en descendant doucement, laisse glisser sa langue jusqu'à quelques endroits sensibles. Ma réaction est presqu'immédiate tant ses lèvres et sa bouche savent provoquer. Doucement elle m'enlèvera de l'esprit toutes mes questions pour me pousser à ne penser qu'à une seule chose... L'esprit humain est bien faible parfois...
Je tente de la remonter mais elle resiste :
- Laisse-toi faire...
Je me laisse à ses soins, elle s'attarde un peu avant de se redresser pour s'agenouiller au-dessus de moi, me faire un baiser au passage et se laisser doucement pénétrer avec quelques déhanchements. Déhanchements qui se poursuivent accompagnés de ses gémissements auquels je fais écho.
- Raaaaaahhhh !
Un cri ! Mais pas de Pénoplée. J'ouvre les yeux, cherche à en voir l'origine.
Pénoplée se retire et se retourne, mais n'évite pas un coup qui la projette au sol. Un cri de rage, une ombre de saute dessus à la gorge. Je ne peux plus respirer, son étreinte est puissante. Je tente d'écarter ses bras, mais sans succès.
- Je vais te crever !
C'est une voie de femme, Je frappe alors, des deux poings. Pénoplée se relève, commande la lumière et donne un puissant coup de pied. La fille me lâche et roule sur le côté. Je sors rapidement du lit et me prépare à parer.
Stupeur ! C'est la fille qui m'a donné le bracelet !
Son attaque ne se fait pas attendre, elle se relève, saute sur le lit et plus vite que l'éclair me donne un si puissant coup de poing dans le ventre que je suis projeté contre le mur. Pénoplée tente de l'attraper mais d'un revert elle lui donne un grand coup dans le ventre. Pénoplée la lâche et tombe au sol. Je me jette sur elle mais elle me saisit le bras, se laisse aller en arrière et me projette avec son pied. Elle a quelque notion de combat, me dis-je en m'écrasant lamentablement de l'autre côté du lit.
Je n'ai pas le temps de me relever, elle est déjà prête à me sauter dessus. Elle me reprends à la gorge, mais cette fois-ci je lui donne directement une volée de coup de poings en plein visage. Elle relâche son étreinte et je la fais rouler au sol. Je lui tord un bras pour la bloquer sur le ventre. Mais je ne sais par quel moyen elle se contortionne et développe une telle force que je suis déséquilibré. Elle se redresse et d'un coup de pied retourné je vole par dessus le lit. Mon épaule craque quand je touche le sol. Sans doute s'est-elle démise. Je suis en face de la porte, je me lève et prends la fuite. Je ne fais pas le poids et je dois prendre le temps de remettre mon épaule, je ne peux plus bouger le bras droit.
Je récupère sur la table basse mon bracelet et tente le tout pour le tout en espérant que si elle a pu rentrer, c'est que le système de protection de l'appartement ne fonctionne plus. J'ai cette chance et me retrouve dehors, mais elle est derrière moi et je m'effondre quand elle me saute dessus, m'attrape les jambes et me plaque au sol.
- Tu ne crois quand même pas que tu vas t'en tire comme ça !
- Et toi ?
La voix d'Erik. Elle se retourne pour recevoir de sa part un puissant coup de poing. Elle est propulsée contre le mur et tombe. Elle pousse un cri de rage à en faire trembler l'immeuble et se lance tête baisser vers lui. Il tente de la parer mais elle le soulève et l'écrase contre le mur. Je me relève pour la frapper d'un coup de pied, mais elle jette Erik au sol, attrape ma jambe et me fais rouler par terre. De nombreuses personnes sortent attirées par le vacarme, Guerd, Moln, Iurt et Ulri arrivent aussi. Mais ils restent immobiles. Pénoplée arrive à ce moment là, elle a enfilé une veste, je suis encore nu. Erik s'est relevé et intercepte la fille avant qu'elle ne m'ait sauté dessus. Je me relève, j'ai toujours affreusement mal à l'épaule. Guerd s'écrit :
- Mais pourquoi ça ne marche pas !
Erik est de nouveau projeté par la fille, elle est douée d'une force phénoménale. Je me relève juste pour recevoir d'elle un nouveau coup de poing qui me coupe la respiration. Pénoplée frappe la fille d'un coup de poing au visage, Erik se relève et fais de même. Les autres semblent impuissants, sans doute tentent-ils sans succès de l'immobiliser.
J'entends un grand "crac" et un cri d'Erik, il tombe à genoux au sol. Pénoplée court vers moi, m'aide à me relever. La fille s'apprête à nous attaquer de nouveau mais Guerd lui barre la route. Erik vient à son aide et la plaque au sol. Plusieurs personnes arrivent en courant en bousculant les personnes sorties de leurs appartements. L'une deux s'exclame :
- Énavila !
Erik et Guerd, maintenant assistée de Moln, Ulri et Iurt qui ont finalement décidé d'intervenir la maintienne avec difficulté au sol. Elle s'écrit :
- Ne vous préoccupez pas de moi, attrapez-le ! Attrapez-le !
Erik se lève alors pour leur barrer le passage. Il crit :
- Barre toi Ylraw, je vais les retenir tant que je peux.
Ni de une ni de deux, nous ne faisons pas le poids, Pénoplée m'entraîne. Nous courons à toute allure jusqu'à la terrasse. Elle me jette un sac-à-dos abeille.
- Enfile ça et saute !
J'ai à peine le temps de passer les bretelles qu'elle me tire avec elle et nous sautons dans le vide. L'abeille se resserre et les bretelles s'adaptent, puis les ailes se matérialisent et la vision externe prend le dessus pour faciliter le pilotage. Je rentre en synchronisation avec Pénoplée.
- Où allons-nous ?
- Au Congrès ! Je nous branche sur Erik en plus.
En surimpression apparaît la vision d'Erik. Il vient de se faire renverser par les hommes, Énavila s'est libérée. Ils courent dans le couloir vers la terrasse.
- Erik, c'est Pénoplée, nous avons ta vision en surimpression, prends les en chasse à distance pour que nous puissions savoir s'ils prennent notre direction ou pas.
Erik se relève et part en courant derrière eux :
- Mais je ne peux pas prendre d'abeille, ça ne marche pas avec mon bracelet.
Pénoplée le rassure :
- C'est bon je l'ai autorisé dans ton bracelet. Enfile juste une abeille sac-à-dos et saute, elle se mettra en route automatiquement.
Je suis Pénoplée à une dizaine de mètres derrière elle. Nous allons à une vitesse folle entre les immeubles, c'est vraiment formidable de voler comme superman. Je suis encore nu et je meurs de froid avec le vent. Erik vient de sauter, au bout de quelque secondes il se stabilise et suit les six hommes et cette fille, "Énavila". Ils ont pris malheureusement la même direction que nous. Pénoplée accélère encore.
- Mais que fera-t-on une fois au Congrès, nous ne serons pas plus à l'abri !
- Tu as une meilleure idée ? Les bracelets sont inactifs sur elle, je ne comprends pas pourquoi.
- Elle a sans doute un truc protecteur ou je sais pas quoi, en plus elle a pu rentrer dans l'appart, elle n'aurait pas dû, non ?
- Oui, j'ai tenté de la paralyser, mais impossible. En plus elle n'a même pas un bracelet adulte, elle n'a même pas seize ans.
- Seize ans !
- Oui enfin, vingt-cinq ans pour toi... Elle se rapproche, elle va plus vite que les autres.
La vision d'Erik montre le groupe volant à cent ou deux cents mètres devant lui. Il confirme :
- Oui il m'a semblé qu'elle prenait de l'avance, mais je suis à fond, impossible pour moi de la rattraper.
Pénoplée incruste en plus de la vision d'Erik la vision arrière dans mon champ. Énavila est au loin mais elle prend du terrain.
- Bordel elle nous rattrape !
- Oui, on ne sera jamais au Congrès à temps.
- Séparons-nous ! File moi ta vision en plus.
- OK !
Je vire à gauche toute, Pénoplée à droite. Je vois sa vision en plus. Le tout devient un peu compliqué.
- Donne-moi ma vision arrière, j'ai toujours la tienne.
- Pardon, voilà.
- Merde mais qu'est-ce que tu fais, barre-toi de là !
Pénoplée a fait demi-tour et s'est placée sur la trajectoire d'Énavila.
- C'est à toi qu'elle en veut, je t'ai mis le plan pour atteindre le Congrès, magne toi. Il doit y avoir du monde au point en rouge sur la carte, c'est la zone de restauration habituelle, vas-y, seul la foule pourra te protéger.
- Mais tu ne la retiendras pas bon sang, vire-toi de là !
Je n'ai pas le temps de faire demi-tour, déjà Énavila fonce sur Pénoplée. Je m'élance moi vers le point indiqué par Pénoplée. Énavila fonce sans réfléchir sur Pénoplée. Le système anti-percution les fait rebondir l'une sur l'autre, Pénoplée virevolte un instant vers le bas et Énavila rétablit sa trajectoire pour me prendre en chasse. Mais Pénoplée revient rapidement et parvient à dévier de nouveau Énavila. Pénoplée joue au ping-pong avec Enavila et réussit trois fois de suite à bloquer le passage d'Énavila. Mais ses hommes arrivent à ce moment là et entoure Pénoplée. Énavila peut reprendre sa poursuite.
- Ylraw je ne peux plus la retenir !
- Oui j'ai vu, mais Erik est juste derrière elle, s'il ne se laisse pas trop distancer nous serons déjà deux si elle me rattrape.
Mais soudain tous les hommes autour de Pénoplée s'écartent et descendent lentement.
- C'est bon, je les ai eus, ils ne sont pas adultes et en plus avait de l'agressivité, j'ai pu les paralyser. Il semble que ce ne soit que la fille qui puisse déjouer le bracelet. Tu n'es plus très loin du Congrès, va directement au point rouge, Iurt et Moln sont partis de leur côté, Gwenoléa est au courant.
Je fonce à toute vitesse, me glissant sans doute à plusieurs centaines de kilomètres par heure entre les allées suspendues et les immenses immeubles. Je suis transi de froid. Plus que quelques kilomètres avant l'arrivée au Congrès.
Je vais à toute allure mais elle est de nouveau dans ma vision arrière, Erik est encore derrière mais se laisse distancer. Pour une raison qui m'échappe elle va plus vite que nous. Le grand parc du Congrès est juste en face de moi, je dois le contourner pour atteindre le point que m'a spécifié Pénoplée.
Une lumière attire mon regard sur la vision arrière, Énavila a comme scintillée et accélérée subitement, elle est sur moi en quelques dixième de seconde, mes ailes se coupent et elle m'aggripe par l'arrière.
- Je vais t'écraser au sol, tu regretteras pour toujours ce que tu as fait !
Bordel mais de quoi elle parle ! Un crépitement se fait sentir, nous pénétrons dans l'enceinte protégée du Congrès. Ce n'est pas logique ! Pourquoi voudrait-elle me tuer, elle sait très bien que je serais ressuscité en moins de deux ! Je me débats et parviens à m'accrocher à elle. J'ai toujours mon épaule droite démise, mais je surmonte la douleur pour m'accrocher. Je me retourne, elle tente de me faire lacher prise. Erik est resté bloqué au niveau de la protection de l'espace du Congrès, il ne pourra pas venir me rattraper dans ma chute, dommage ça aurait fait une bonne séquence de film... Il faut alors que je tienne et évite de tomber. Elle est enragée, tente par tous les moyens de me me maitriser.
- Je ne pas celui que tu crois, bordel, je n'ai rien fait !
- Ta gueule !
Elle continue à voler très vite, elle veut sans doute me projeter ; elle déploie une force incroyable pour me faire lacher. J'ai mes jambes autour de sa taille et mes bras autour de son cou. Elle me mort et me frappe. Finalement elle réussit à glisser un bras entre moi et elle et parvient à me repousser. Sentant qu'elle va gagner je tente le tout pour le tout, je lance une de mes jambes dans une des ailes de son abeille. Ma jambe est broyée et des giclées de sang nous éclaboussent. L'abeille est complètement déstabilisée et Énavila panique. Elle freine et se rapproche du sol. Nous partons en vrille. Elle tente de revenir en vol stationnaire, mais alors que nous avons perdu beaucoup de vitesse, nous nous écrasons tout de même dans le gazon du parc. Je lâche prise et roule sur plusieurs dizaines de mètres, elle fait de même un peu plus en avant.
Je pousse un long gémissement. Je vais perdre connaissance. Mon bracelet clignote dans tous les sens. Je vois ma représentation avec tous les points impactés. Ma jambe amputée, mon épaule, mon dos qui a souffert dans la chute, mon avant-bras gauche sans doute fracturé. Je ne peux plus bouger. C'est étrange, le bracelet semble me demander s'il doit faire une sauvegarde et couper mes systèmes vitaux. Je refuse ! Il passe alors dans un autre mode ou il indique qu'il commande la sécrétion de tout un tas de choses à partir de mon cerveau et d'autres glandes, sans doute des hormones contre la douleur, de l'adrénaline ou apparentée...
Je reste sans doute plusieurs minutes ou dizaine de minutes à lutter contre l'évanouissement, puis un groupe de personne arrive. Ils s'écrient tous, écoeurés par le triste spectacle. J'entends une voix dire :
- Oh qu'elle mort affreuse, il a dû tellement souffrir, j'espère que son bracelet lui retirera ses souvenirs !
Je proteste avec toute la faible véhémence que je peux :
- Errrr !... pas mort !
Je tousse sous l'étonnement des personnes. Une personne se dirige vers moi, puis une autre. Ce sont Erik et Pénoplée. Pénoplée est affolée :
- François ! François ! Je suis si désolée, on va te soigner, surtout ne bouge pas.
Erik a toujours le mot pour rire :
- Ouais tu as intétêt à rester bien tranquille, si tu te barres en courant, je t'avertit ! Je suis plus ton pote !
Il me fait sourire, ce qui rassure un peu Pénoplée. Mais je dois rester concentré pour ne pas perdre connaissance. Rapidement plusieurs appareils arrivent et m'entourent. Je sens quelque chose sur ma jambe, et plusieurs piqûres à divers endroits. En quelques minutes je me sens déjà mieux. Ma vision devient moins trouble. Pénoplée me parle.
- J'ai fait venir des artificiels répareurs, ça te permettra de tenir jusqu'à ta mise-à-jour.
C'est incroyable, en quelques minutes je vois disparaître sur le mode santé de mon bracelet les points problématiques. Quand je peux enfin regarder, je découvre que j'ai désormais une jambe artificielle et une sorte de plâtre vivant à l'avant bras. Mon épaule elle aussi est protégée par une prothèse, et il semble que ma colone, gravement blessée, soit en passe d'être remplacée sur place par des fibres synthétiques. Quinze minutes plus tard Pénoplée et Erik m'aident à me relever, et je me sens comme un charme. Erik est stupéfait :
- Dis donc, c'est carrément pratique leur machin ! Ça va ?
- Je me sens un peu engourdi, j'ai encore un peu mal, mais sinon oui ça va.
Pénoplée n'ose pas me prendre dans ses bras, elle me fait juste un baiser.
- C'est un mode de réparation d'appoint, c'est rapide mais il faudra sans doute qu'on te regénère complètement si tu veux un corps en bon état, mais comme apparemment tu as refusé l'arrêt, c'est ce que nous faisons habituellement. J'ai aussi demandé un vêtement. Tiens, enfile ça.
Erik ne comprends pas :
- L'arret ?
Je lui explique en enfilant la toge que m'a tendue Pénoplée :
- Après mon atterrisage, le bracelet m'a proposé de faire une sauvegarde et de couper le jus.
Nous sommes entourés par une foule de plus en plus dense. Mais je suis curieux de l'état de la fille.
- Elle est où la nana.
Pénoplée me répond :
- Un peu plus loin là bas, au milieu des gens. Elle a moins souffert que toi dans la chute, elle est aussi en train d'être réparée. Nous avons commandé des artificiels pour la maîtriser si besoin, mais les réparateurs lui on injecté de quoi dormir.
Je m'avance doucement au milieu des gens qui s'écartent pour me laisser passer. Énavila est debout, les yeux fermés, entourée d'un ensemble de petits artificiels qui virevoltent autour d'elle. Pénoplée vient à mes côtés.
- Que vont-ils lui faire ?
- Dans un premier temps elle sera mise en détention jusqu'à sa comparution. Les avis sont en train d'être mis au courant. Tout le monde penche pour un jugement devant le Congrès au plus vite. Ils veulent te voir aussi, pour tenter de comprendre. Mais dans un premier temps il vous faut vous rétablir. Vous allez être conduit au centre de téléportation du Congrès pour une mise-à-jour, ça prendra quelques heures.
- Je dois y aller maintenant ?
- Elle oui, de toute façon elle n'est pas consciente, en ce qui te concerne Yamwreq, qui arrive, me fait savoir que tu peux te reposer un peu avant. Mais il ne vaut mieux pas tarder. Nous pouvons nous y rendre doucement, si tu te sens de marcher ?
- Oh oui pas de problème, la réparation est très efficace.
- N'hésite pas si tu ne te sens pas bien, j'imagine que c'est assez difficile à vivre comme situation.
Erik intervient :
- Et oh c'est pas une fillette non plus ! On en a connu d'autres, pas vrai !
Il fais mine de me donner une grande tape dans le dos, Pénoplée étouffe un cri, Erik rigole, puis redevient sérieux quand je lui demande à mon tour s'il va bien, après sa bataille dans le couloir de l'hôtel, mai il n'a pas eu plus que quelques contusions. Il me demande ensuite :
- C'est qui alors cette fille ?
- C'est elle qui m'a donné le bracelet, au tout début, à Paris.
Pénoplée me prend par le bras et nous commençons à marcher doucement :
- Tu l'as revue à d'autres moments ?
- Non, je ne l'ai vue que deux fois, une première fois dans un parc quand je faisais mon footing, et la seconde fois quand je lui ai courue après et qu'elle a perdu ce fameux bracelet.
Erik est perplexe :
- Il y a donc bien plus qu'une coïncidence entre elle, toi, l'autre fille et tout ce bazar. Mais pourquoi t'en veut-elle autant ? En plus c'est complètement illogique, il ne faut pas dix minutes ici même complètement déchiqueté pour te remettre sur pied !
Pénoplée répond :
- On dirait qu'elle veut se venger de quelque chose, peut-être se satisfait-elle simplement de le faire souffrir. Tu es vraiment sur François que tu ne lui as rien fait ?
- Pas que je sache en tout cas.
Nous marchons doucement dans le parc vers la sortie quand Yamwreq, Moln et toute la troupe noue rejoigne. J'explique rapidement à tout ce beau monde que cette fille est la source de toute cette histoire, mais que je n'en sais pas beaucoup plus. Nous nous remettons en route, Yamwreq décrit le peu qu'il a trouvé :
- J'avais déjà rencontrée cette Énavila aux côtés de Gwenoléa, il y a quelques années, elle était encore bien jeune à l'époque, mais déjà très déterminée. J'ai fait quelques recherches supplémentaires rapides sur elle, apparemment aucun lien avec l'autre fille, hypothétiquement appelée Sarah. Mais la encore nous ne pouvons être sûr de rien.
Pénoplée est curieuse :
- Pourquoi sûr de rien ?
Yamwreq a une seconde d'hésitation, puis explique :
- Nous avons découvert que certaines données concernant cette Sarah sont manipulées, nous ne savons pas pourquoi. Nous voulions avec Guewour tenter de trouver plus d'indices, mais la situation empirant, je crois que c'est inutile de garder cette affaire pour nous désormais.
Pénoplée veut en savoir plus :
- Mais manipulées de quelle manière ?
Yamwreq s'impatiente un peu, voulant sans doute poursuivre :
- Elles sont fausses, par exemple cette après-midi notre communication avec cette Sarah était fausse. Par chance j'avais un ami à côté de l'endroit où elle était censée se trouver, et les bracelets donnaient l'illusion de sa présence. Enfin bref, il semble que cette Énavila et cette Sarah ne se soient jamais rencontrée. Concernant Énavila, elle a à peine seize ans et vit principalement sur les planètes rebelles, elle devait comparaître dans les jours qui viennent en même temps que Gwenoléa pour expliquer certains outrepassement qu'elle commet régulièrement. Normalement vu son âge elle doit retourner sur sa planète initiale, Stycchia, tous les trois...
Nous nous arrêtons presque tous, stupéfaits :
- Stycchia !
Yamwreq ne comprends pas :
- Oui Stycchia, pourquoi, c'est une planète qui n'a rien de partic... Ah mais oui ! C'est là que vous êtes apparus !
Iurt confirme :
- Oui, c'est bien le cas, mais est-ce que ça peut-être une coïncidence ? Est-ce que cette Énavila aurait pu arranger cette arrivée ?
Yamwreq poursuit :
- Ce n'est peut-être qu'une coïncidence, Énavila comparait justement parce qu'elle ne respecte pas la limite des trois mois maximum de séjour hors de son initial. Elle ne suit pas ses études, son bracelet est restreint et pourtant elle parvient à passer au delà des limitations. Le Congrès s'inquiète de cette défaillance. Voilà plus de six mois qu'elle n'est pas retournée sur Stycchia, quand y êtes-vous arrivés ?
Pénoplée réponds :
- Il y a six mois environ.
Erik tente de déduire :
- Elle nous aurait faits arriver sur Stycchia juste avant de partir ? Mais dans quel but ?
Yamwreq est perplexe :
- Personnellement je n'y crois pas trop, cette gamine est trop impulsive à mon avis. Par contre il se peut que cette Sarah en soit à l'origine, peut-être voulait-elle justement que vous vous recontriez.
Je ne comprends pas moi non plus :
- Mais dans quel but ? Cette Sarah m'a aidé sur Terre, mais jamais elle ne m'a vraiment dirigé, à part si elle le faisait dans l'ombre. Mais elle avait juste tendance à m'aider quand j'en avais besoin.
Erik élabore une théorie :
- Peut-être que cette Sarah et cette Énavila ne sont pas ensemble, mais opposées. Énavila t'aurait filé le bracelet pour une raison ou pour une autre, te mettant dans la merde, et derrière Sarah a tenté de te venir en aide, peut-être pour retrouver Énavila ou lui tendre un piège, d'où ta présence sur Stycchia. Et peut-être que cette lune où nous étions était aussi un lieu connu d'Énavila ?
Je reste pensif. Énavila m'en voulait depuis le début, depuis le jour où elle m'ait sauté dessus dans le parc. Le bracelet était sans doute déjà part de sa vengeance. Le bracelet devait me faire remarquer par les hommes de l'organisation, à moins qu'il ne dût que provoquer ma mort ou mon asservissement par son action. Et ma pierre ! Cette histoire est démente, je n'y comprends rien ! D'où venait cette pierre ! Comment ai-je pu la trouver par hasard, c'est impossible ! On pourrait admettre toutefois que la pierre était juste un effet placebo, et qu'elle m'a permit de me passer du bracelet...
- François ?
Pénoplée me sort de mes pensées.
- Tu m'avais raconté que sur Terre, les personnes qui te poursuivaient te repprochaient en réalité à toi de leur en vouloir ?
- Oui tout à fait, en Australie après ma capture, juste avant que Sarah ne me vienne en aide pour la première fois, elles m'ont demandé pourquoi je m'acharnais. Sans doute Énavila est-elle du même bord que ces personnes. Elle voulait se venger de quelque chose. Erik doit avoir raison, Sarah et Énavila sont opposées. Mais quel sont leurs buts respectifs ?
Yamwreq reprend la parole :
- Officiellement Énavila s'est toujours battue pour l'indépendance des planètes rebelles. Elle est montée très rapidement dans les échellons officeux sur les planètes rebelles. Elle a toujours démontré une intelligence et une technique remarquable, même si son caractère impulsif et irréfléchi lui a causé ennui sur ennui. Il est difficile de croire qu'elle chérisse un autre but que l'indépendance des planètes rebelles. On peut imaginer que Sarah participe à une commission cachée chargé d'étudier, ou surveiller l'activité des planètes rebelles, toujours à la limite des règles de la Congrégation.
- Et moi dans l'histoire ? Et la Terre ?
- Nous en rediscuterons, peut-être devant le Congrès, mais il est possible, je ne sais par quel moyen. que les planètes rebelles aient pu d'une façon ou d'une autre créer une planète indépendante pour réaliser leur rêve, et qu'elle soit rester cachée de la Congrégation. Vous n'auriez été alors que malencontreusement entraîné dans cette histoire par un jeu de coïncidences facheuses. Peut-être que Sarah ayant découvert cette planète, Énavila voulut s'en débarasser, ou je ne sais quoi d'autre.
Pénoplée rétorque :
- Mais la Terre est peuplée par les hommes depuis bien plus longtemps que l'existence même des planètes rebelles !
Yamwreq est plus partagé :
- Ils ont peut-être tout créé artificiellement, qui sait ?
Nous arrivons doucement au centre de téléportation du Congrès. Énavila est déjà dans un des tubes. Je m'installe dans l'un d'eux.
- Combien de temps je vais rester là-dedans ?
Moln intervient :
- Nous allons faire un diagnostic pour avoir une idée. Je vais refermé le tube une première fois pour une analyse, ça ne prendra que quelques minutes.
Le tube se referme, je me détends et ferme les yeux. Malgré les prothèses je me sens tout de même pas au mieux de ma forme. Je suis épuisé. Je m'endors presque quand finalement le tube s'ouvre.
Moln reprend la parole :
- C'est plus grave que ce que je pensais. Il faut refaire toute la colonne. L'indicateur donne dix-huit heures comme durée. Une autre possibilité est de prendre un nouveau clone, mais dans ce cas il y en aura pour trois jours. Par contre alors tu peux rester avec nous jusqu'à ce que le clone soit prêt.
Guewour prend la parole :
- Peut-être que c'est mieux comme ça, ainsi on pourrait passer au Congrès dès aujourd'hui ?
Je ne suis pas trop pour rester pendant trois jours dans cet état bancal.
- Je préfèrerais être réparé au plus vite, en ce qui me concerne.
Yamwreq donne son avis :
- C'est peut-être mieux ainsi, rien ne sert de nous précipiter. Énavila sera maintenue en sommeil jusqu'à la session. Prenons la journée de demain pour mettre un peu d'ordre dans les événements.
Moln me demande si je veux attendre encore un peu avant l'intervention. Je dis simplement qu'un baiser de Pénoplée sera mon dernier souhait. Je suis épuisé et je n'attends qu'un peu de répis. Pénoplée sourit et s'approche. Elle se penche et m'embrasse tendrement. Elle me dit doucement :
- Je veille sur toi, dors, repose-toi.
Je n'en demande pas plus, le tube n'a même pas le temps de se refermer que, relachant la pression, je m'endors d'un trait.
Je rêve d'Énavila... Je sais ton nom, désormais.
Le réveil est toujours un peu laborieux. Seule Pénoplée est là pour m'accueillir.
- Alors, remis à neuf ?
- Ma foi, ça a l'air d'aller. Alors quoi de neuf ?
Je me lève doucement, Pénoplée me tends un vêtement, un pantalon un peu serré noir et une veste ample marron, comme j'aime.
- Tu es resté vingt-deux heures, un peu plus que prévu. Les autres sont rentrés à l'hôtel quand ils ont vu que ce serait plus long. Nous avons hésité à te laisser la nuit en plus, mais j'avoue que j'ai préféré attendre pour la passer avec toi.
- Nous retournons à l'hôtel ?
Elle hésite :
- Non, tu es bloqué ici, n'oublie pas que toi-aussi tu as fait un beau scandale il y a deux jours. Nous avons une petite chambre dans le bâtiment.
- Je n'ai pas vraiment sommeil, mais pour un câlin sans problème.
Elle sourit. Je regarde le tube où se trouve Énavila.
- Elle est toujours là ?
- Oui, vous serez tous les deux demains devant le Congrès.
Nous quittons la pièce et Pénoplée me guide jusqu'à la douillette chambre. Une fois entré, je pousse Pénoplée sur le lit et l'embrasse sauvagement.
- Alors, que s'est-il passé depuis hier ?
Je lui mordille l'oreille, laisse glisser mes mains sur ses seins puis le long de sa jambe.
- Dis-moi ! Ça te met en forme la réparation ! C'est vrai que nous avons une partie en suspend. Il ne s'est pas passé grand chose. Principalement la Congrégation s'est émue de ton accident. Maintenant tout le monde est au courant que...
Elle s'arrête pour pousser un gémissement quand je glisse ma main dans son pantalon et deux doigts dans son sexe.
- Au courant que ?
- Comment veux-tu que je reste calme si tu m'embêtes !
- Voyons, c'est rien du tout...
Je lui retire son haut moulant, lui caresse les seins et la retourne sur le dos, entreprenant un début de massage.
- Oh oui un massage, oh... Tout le monde commence à se poser des questions sur les bracelets, sur pourquoi cette fille parvient à passer outre.
J'expérimente quelque nouvelles techniques de massage des épaules.
- Tu aimes ça ?... Mais le Congrès a-t-il déjà pris une décision ?
- C'est pas mal oui, un peu plus fort peut-être... Non pas encore, ils ont aujourd'hui remis à plus tard les affaires en cours et rassemblé les élements vous concernant. Yamwreq a raconté son histoire avec... Oh c'est pas mal ça ! Un peu plus bas, oh c'est super...
- Yamvreq ?
- Oui son histoire avec cette Sarah où il pense avoir été berné par les artificiels. Je peux te dire, tout le monde en parle désormais. J'ai même ma mère qui m'a appelé pour me dire que je ferais bien de rentrer sur Stycchia, que je ne devrais pas rester avec toi.
- Ta mère prend encore soin de toi !
- Oh je crois que je pourrais vivre dix mille ans qu'elle me croirait encore irresponsable et immature !
Je passe doucement ma main sous son ventre pour lui retirer son pantalon, elle se laisse faire sans dire mot. C'est tout de même un peu dommage cette technologie, plus du tout la surprise de découvrir un tanga évocateur aux jolies broderies... Je n'en suis pas moins motivé pour autant à la vue de ses superbes fesses
- Et pour les jeunes qui étaient avec elle ?
J'entreprens un massage des fesses et des cuisses.
- Et c'est pas mal ça !... Ils sont aussi aux arrêts, dans l'hôtel. Il semble que contrairement à Énavila, ils ne puissent pas déjouer les bracelets.
Je m'arrête et reste pensif.
- Cette histoire est tout de même incompréhensible.
- Eh ! Ne t'arrête pas !... Pour les jeunes c'est assez logique, ils suivaient corps et âmes Énavila, a priori c'est elle l'instigatrice de tout ce bazar. D'après que nous avons déduit, elle était dans le même hôtel que nous, et suite à ton accrochage en abeille, elle t'a sans doute vu et reconnu. Sachant que tu étais dans le même hôtel, elle est rentrée de nuit pour s'en prendre à toi.
Je reprends mon massage, mais je ne pense maintenant plus qu'à cette histoire. Je me laisse finalement rouler sur le côté et m'allonge sur le dos.
- Mais pourquoi m'en veut-elle et pourquoi cherchait-elle à me tuer, c'est pas logique !
- Et tu ne vas tout de même pas me laisser comme ça !... Il semble que cette fille n'ait jamais eut un comportement très logique, elle agit sous ses impulsions, elle est étonnament douée pour de nombreuses choses, notamment le combat ou le pilotage, mais elle est incapable de se contrôler. Elle t'en veut pour quelque chose. Et je t'avoue que voyant sa rage je me pose moi-aussi des questions. Peut-être as-tu un sosie ou même as-tu oublié une partie de ton passé.
Elle se glisse doucement vers moi et m'embrasse doucement sur la joue.
- Tu n'as plus envie ?...
Je mets mes préoccupations de côté pour lui ressauter dessus...
Mais elles reviendront bien vite une fois Pénoplée endormie sur mon épaule. Je n'ai moi pas beaucoup sommeil, et je suis très frustré de ne pas y voir plus clair, de ne pas trouver un hypothèse qui me convienne. Ah je n'ai pas demandé à Pénoplée de m'expliquer l'histoire de ces planètes rebelles. Un groupe de planète qui veut son indépendance. Énavila lutte pour cette cause. La Terre est peut-être une ancienne planète elle-même indépendante où ils se sont infiltrés. Pour je ne sais qu'elle raison Énavila pense que je suis une personne de la Congrégation avec pour objectif de révêler l'existence de la Terre. Elle me donne le bracelet pour me neutraliser. Ça ne fonctionne pas et alors des hommes tentent de me faire taire, mais je parviens à m'en sortir et je commence à faire des remous. Peut-être qu'à cause de moi cette Sarah a pu découvrir l'existence de la Terre. Elle tente alors de m'aider, pour avoir plus de preuves sur la présence d'intrus sur la Terre. Une fois qu'elle a ses preuves, elle quitte la Terre et c'est alors que nous sommes enlevés par l'organisation. Cette lune serait une sorte de prison, nous parvenons à nous échapper, et nous arrivons sur Stycchia, non pas parce qu'ils voulaient que nous arrivions là, mais peut-être que c'est justement via ce téléporteur qu'Énavila arrivait sur la lune. Il était inutilisé et ils l'ont détourné pour s'en servir. Ce qui explique pourquoi nous sommes arrivés sur cette planète. Mais pourquoi avoir détourné Naoma ? Sans doute voulaient-ils m'avoir moi mais ont-ils commis une erreur. Mais pourquoi voulait-elle me tuer ? Peut-être ne le voulait-elle pas complètement, peut-être voulait-elle juste me tuer temporairement, récupérer mon bracelet et me rematérialiser avant que quelqu'un d'autre ne le fasse, bloquant ainsi ma réinitialisation ici...
C'est sur cette hypthèse que je m'endors finalement, serrant un peu plus fort Pénoplée dans mes bras... Je rêve de Mandrake, de Guillaume, de Daouda, Pixel, et de Pénoplée, de mon ancienne vie et de ma nouvelle, dans d'invraisemblables superpositions... Il me faudra sans doute choisir à un moment, entre cette nouvelle vie et mon ancienne... Pourrais-je réellement supporter de vivre de nouveau sur Terre après tout ce que j'ai vu ici ?
Pénoplée se réveille plusieurs fois dans la nuit, pour se rapprocher et me faire un baiser sur la joue. Sans doute craint-elle de cette confrontation au Congrès.
Mon troisième jour sur Adama après un furtif deuxième débutera tôt, et je fais préparer sans bruit un copieux petit déjeuner pour Pénoplée et moi que je réveille doucement en faisant ouvrir doucement la grande fenêtre avec vue sur le parc. Elle se plains doucement :
- Mmmm... Reviens près de moi.
Je me glisse à côté d'elle. Elle s'allonge sur mon torse.
- Oh, ça sera dur sans toi...
Je la serre contre moi et lui fait un baiser sur les cheveux.
- Eh ! Nous ne sommes pas encore séparés !... Déjeûnons, cette journée sera sans doute aussi longue que notre première ici.
Nous mangeons avec appétit, profitant une fois de plus l'un de l'autre, pas très sûr du moment où nous pourrons de nouveau nous retrouver ensemble. Erik et Guerd appellent un peu après, pour nous proposer de venir prendre le petit-déjeuner avec nous. Nous leur indiquons que nous avons déjà manger un peu mais que nous pouvons tout de même nous rejoindre ici pour discuter un peu.
Il est encore tôt. Malheureusement je ne peux pas sortir du bâtiment, nous n'aurons donc pas droit à une promenade matinale dans le superbe parc. J'étais pourtant curieux de voir les traces de mon périlleux atterrissage de l'avant-veille. Qu'importe, nous allons dans la grande salle de repos où Yamwreq nous rejoint quelques minutes plus tard. Il salue plusieurs personnes puis demande s'il peut se joindre à nous. Nous l'acceuillons avec plaisir. Je lui demande comment va se passer notre audition :
- Et bien après un rappel sommaire des faits, toi et cette fille vous devrez répondre aux différentes questions de toutes les personnes intervenantes.
- Erik ne sera pas là ?
- Il sera présent mais nous ne traiterons pas aujourd'hui de votre intégration, celle-ci était prévue plus tard et a été ajournée pour l'instant. L'affaire présente étant beaucoup plus grave et urgente.
- Mais qui participe exactement au Congrès ?
- C'est assez libre mais ce sont des personnes qui représentent des avis, souvent la répartition se fait par planète. Il y a généralement environ trois cents personnes, aurjoud'hui nous serons sans doute plutôt de l'ordre de six cents. Virtuellement toute la Congrégation peut y assister et y participer. Les artificiels synthéthisent et ordonnent les questions les plus fréquentes ou pertinentes, et généralement Goriodon les pose en personne. S'il est absent d'autres personnes peuvent le remplacer, ce rôle est plus honorifique qu'autre chose.
Pénoplée remarque :
- C'est encore basé sur les artificiels...
Yamwreq le reconnait :
- Il y a peu de chose que nous faisons sans leur aide, ils sont presque partis de nous, c'est aussi la raison pour laquelle un défaut dans le système est d'une très grande importance, car l'ensemble de notre fonctionnement devrait être remis en question. Mais comment pourrions-nous résumer et prendre en compte les milliards de questions potentielles que les gens se posent sans une aide artificielle ? Ce serait revenir à un ordre hiérarchique et autoritaire datant d'un lointain passé.
- Mais si le système s'avère réellement corrompu ?
- Les artificiels ne forment pas uniquement un tout, n'oublions pas que ce ne sont que des machines, très intelligentes et présentes de partout, certes, mais des machines. Et même si j'avoue ne pas savoir comment nous devrions nous y prendre, j'imagine que nous pouvons nous séparer de certaines parties sans mettre en péril l'ensemble.
Yamwreq fait une pause, semble hésiter, puis dit finalement :
- Sur les planètes rebelles nous apprenons à utiliser des modèles autonomes non connectés pour pouvoir vivre sans assistance artificielle.
La voix d'Erik nous coupe.
- Alors on glande ?
Erik, Guerd et les autres nous entoure, nous nous levons pour dire bonjour. Je parle à Erik en anglais :
- Salut Erik, comment tu vas ?
- C'est à toi qu'il faut le demander, t'es tout neuf.
- Ben on dirait ouais.
Yamwreq interroge Pénoplée :
- Quelle langue parlent-ils ?
- C'est une langue de chez eux, nous ne l'avons pas disponible.
Nous écartons le cercle et deux tables s'approchent à la demande de Pénoplée. Un petit robot artificiel apporte au bout de quelques minutes les commandes que chacun à passer individuellement. J'ai juste pris un de ces petits pains un peu dur sucré-salé, je les aime bien. Pénoplée ne commande rien. Yamwreq s'excuse au bout de quelques minutes, devant rejoindre je ne sais qui. Je lui demande avant qu'il ne parte.
- Quand devons-nous aller au Congrès ?
- Finissez tranquillement de déjeuner et rendez-vous y ensuite, nous commencerons dans la matinée.
- Ah ? Il n'y a pas d'horaire fixe ?
- Non non c'est assez libre... La précipitation résout souvent mal les problèmes.
Yamwreq s'apprête à partir quand Énavila arrive dans la pièce avec trois personnes. Elle crie et trépigne :
- Virez-moi ces saloperies de bordel de limiteur ou je casse tout !
Je me retourne, elle m'aperçoit.
- Toi ! Je vais te massacrer, traître !
Une voix autoritaire et forte à faire trembler les mur résonne et fait taire Énavila.
- Ça suffit !
Une grande femme, sans doute plus d'un mètre quatre vingt, entre magistralement dans la salle. Pénoplée me souffle doucement :
- Gwénoléa...
Elle s'avance vers nous. Je me lève. Yamwreq qui allait partir revient doucement vers nous. Elle s'incline vers moi.
- Je ne pourrais jamais assez m'excuser du tord qu'elle vous à causer, j'espère que vous n'associerez pas ce personnage aux planètes rebelle.
Énavila proteste :
- Gwénoléa ! C'est un traître, ils nous as tra...
Gwénoléa qui s'était penchée pour nous saluer se redresse, elle est vraiment très grande, et avec ses chaussures fait presque la même hauteur que Yamwreq. Je comprends qu'ils aient pu former un couple. Elle coupe Énavila d'une voix forte :
- TU nous as trahi ! TU t'es montrée indigne, comme tant de fois, de la cause que nous représentons ! Et TU en répondras devant le conseil ! Mais ne compte pas sur ma clémence ! Maintenant va !
Énavila lui lance des éclairs de colère par ses yeux brillants. Les trois personnes l'accompagnant la font s'asseoir un peu plus loin. Elle ne commande rien.
Gwenoléa nous salue de nouveau et s'éloigne. Yamwreq fait un geste vers elle, mais elle a un petit mouvement de la main suggérant qu'elle refuse son invitation, sans doute ont-ils eu une communication privée. C'est amusant de voir comment les petits gestent trahissent. Yamwreq ne nous salue même pas et s'en va alors d'un pas pressé, de toute évidence blessé par le refus de sa belle.
J'hésite quelques secondes, puis je me lève et me dirige vers Énavila. Pénoplée m'interpelle :
- Où vas-tu ?
- Discuter.
- Tu es fou, reviens !
Elle se lève pour me rejoindre, mais Erik la retiens :
- Laisse, il les a toujours aimées un peu farouche.
Pénoplée se rassoit, inquiète et énervée.
Je m'approche d'Énavila et m'assois en face d'elle. Elle est entourée des petits artificiels qui limitent ses mouvements. Les trois personnes avec elle discutent sur la table d'à côté en déjeunant, ils ne font pas attention à nous.
- Salut.
- Qu'est-ce que tu veux, casse-toi avant que je ne te réduise en bouilli.
- Pourquoi est-ce que tu m'en veux ?
Elle crie :
- Tu oses le demander ! Si j'avais pas ces trucs je te jure que je te casserai la gueule à coup de table !
- Au lieu de t'égosiller comme un rhinocéros en chaleur, il ne te viendrait pas à l'idée que tu puisses te tromper sur moi ? Qui t'a renseigné ?
- C'est pas tes affaires, retourne avec ta maman avant que je te pète les dents.
- Il se trouve qu'aujourd'hui c'est plutôt toi qu'on va renvoyer près de maman. Tu es d'autant plus stupide que je veux bien t'aider, et en plus tu devras répondre à ces questions devant le conseil dans quelques minutes...
- C'est ce qu'on va voir, je les emmerde.
- Oui je l'ai bien compris, tu les emmerde eux, moi, la Congrégation et le reste de l'univers, mais qu'est-ce que ça t'apporte ? Ça t'avance vachement, non ?
- Ta gueule ! Je sais que c'est toi ! C'est toi qui a tout foutu en l'air, alors barre-toi, et fais gaffe parce que la prochaine fois que je te chope tu ne t'en sortiras pas aussi bien.
Je reste pensif un instant. Puis je me lève et retourne m'asseoir près de Pénoplée.
- Alors, c'est dans la poche ?
Pénoplée lance des regards noirs à Erik.
- Sans doute pas pour ce soir, mais demain j'ai mes chances.
Erik rigole. Je poursuis :
- Elle est complètement bornée, elle est persuadée que j'ai foutu en l'air je ne sais pas quoi, et elle n'en démors pas, et accessoirement elle emmerde tout le monde.
Iurt commente :
- Énavila a toujours été d'un caractère un peu difficile.
Je suis étonné :
- Tu l'as connais ?
- J'ai eu indirectement affaire à sa mère plusieurs fois déjà sur Stycchia, suite aux précédents problèmes qu'elle a déjà créés. Mais je ne la connais pas personnellement. Beaucoup de jeunes de la Congrégation sont turbulents, mais force est de constater qu'elle atteint des sommets.
Ils terminent doucement leurs petits-déjeuners. Je m'impatiente un peu :
- On n'y va ?
Erik est d'accord.
- Oui allons-y !
Iurt est moins catégorique :
- Il est encore un peu tôt, il n'y a pas encore grand monde sur place.
Je me lève :
- Et bien, ça les fera arriver !
Erik se lève, Guerd fait de même. Pénoplée fait la forte tête un instant, dans la mesure sans doute où elle n'est pas à l'initiative du mouvement, puis, voyant que Moln et Ulri se joignent aussi à nous, elle accepte ma main tendue.
Je m'arrête en face d'Énavila, je lui fais un signe de la tête, pour l'inviter avec nous. Pénoplée me lâche la main. Énavila me fait un signe, elle lève la main et écarte les doigts de façons à joindre l'auriculaire avec l'annulaire, et le majeur avec l'index, en écartant le pouce. Pénoplée revient et me souffle à l'oreille :
- Ça veut dire: "Va te faire foutre".
Nous reprenons notre marche :
- Ça vient d'où ?
- C'est très ancien, c'est pour représenter les trois gros doigts des reptiliens, en gros elle te signifie que pour elle tu ne vaut pas mieux qu'un reptile.
- C'est marrant.
Nous avançons jusqu'à la sortie du bâtiment. Pénoplée m'indique que je peux sortir pour me rendre au Congrès dans la mesure où ils viennent avec moi. Nous traversons tranquillement le grand parc sur une grande allée en terre battue. Il nous faut une vingtaine de minutes pour arriver devant le lieu où siège le Congrès.
C'est très impressionnant, ce n'est pas du tout un lieu futuriste, mais je commence à prendre l'habitude des goûts rustiques de cette Congrégation. Nous arrivons en grimpant sur une petite collines dont le centre est formé par des immenses arènes de pierre, qui ressemblent un peu aux stades antiques. Au centre ce trouve la mythique place d'Eryas, lieu du martyr de Guerroïk. Un immense croix se dresse au centre, rappelant à tous l'événement qui changea l'histoire des hommes. C'est troublant de voir ce symbole, qui est peut-être un des liens entre ce monde et la Terre. Entre les guerres qu'il a provoqué ici comme là-bas. Dieu, serais-tu présent ici ? Ou biense pourrait-il que ces hommes soient ceux qui se cachent derrière toi ? Se pourrait-il que la Terre soit leur terrain de jeu ?
- Bordel, si je m'attendais à trouver ça ici !
Erik est surpris, il ne connais pas les détails du martyr de Guerroïk, je lui rappelle brièvement notre discussion avec Hur et Rono en complétant un peu.
Il y a déjà des centaines de personnes présente. L'une d'elle est debout et arpente la place en s'addressant au public.
- On n'entend rien.
- C'est parce que tu n'as pas ton bracelet, mais tu entendras mieux une fois assis, la voix est aussi relayée par les sièges.
- Où dois-je m'asseoir, à ce propos ?
Iurt prend la parole :
- Je crois que l'on nous a réservé cette portion, là.
Une rangée est vide, presque tout en bas. Nous descendons les grandes marches en pierre, puis allons nous asseoir sur les bancs, toujours en pierre, pas très confortables, mais j'imagine qu'ici le but n'est pas de faire la sieste. Une fois assis j'entends en effet beaucoup mieux la personne qui parle au centre. Il est question de renouvellement de la structure du Congrès. Pénoplée m'indique que, comme dans tout système, certaines personnes ne sont pas satisfaite de l'action de Goriodon et voudraient voir la tête de la Congrégation changer plus souvent. Régulièrement les jugements du conseil et les avis de Goriodon, qui ne sont pourtant souvent que le reflet des avis de la Congrégation, enflamme certains opposants qui se lance dans des diatribes capricieuses.
Une personne se présente devant nous, c'est un homme assez grand, habillé avec une toge violette, d'apparence âgé. Il nous salue poliment, je me lève pour le saluer. Puis il retourne s'asseoir au milieu d'une rangée, un peu plus loin sur notre droite.
- C'est Goriodon.
Pénoplée me souffle virtuellement, je suis étonné par tant de simplicité. Quelques minutes plus tard Yamwreq descend les marches à l'opposé de l'arène et s'installe. Encore une dizaine de minutes et la majestueuse Gwénoléa fait son apparition. Yamwreq la suit des yeux, espérant sans doute ne serait-ce qu'un regard, mais non...
- Il est complètement accro...
Je pense tout haut, mais tout le monde se retourne vers moi le regard méchant. Erik éclate de rire, Pénoplée étouffe un sourire et me parle via son bracelet :
- Pas de bavardage, ici, tout est relayé, garde tes commentaires pour toi... Mais je suis d'accord, il est accro... Si tu veux me parler, fais comme si tu avais ton bracelet, le siège se comporte pareil.
- Ok merci, tu aurais pu me le dire avant.
- Désolée...
Énavila arrive juste après Gwénoléa, elle s'assoit sur la même rangée que nous, à quelques mètres de moi, seule. La personne sur la place parle toujours, mais la foule s'impatiente, et finalement une personne l'interrompt et signifie qu'un affaire plus importante pourrait débuter. La personne quitte alors la place pour aller se rasseoir.
Goriodon se lève et prend la parole :
- Mes amis, nous avons rien ordonné les éléments concernant cette affaire compliquée. Aujoud'hui nous avons la chance d'avoir parmi nous Énavila et Ylraw, principaux protagonistes des troubles qui ont perturbé notre tranquillité. Plusieurs zones d'ombre persistent pour rentre cette histoire claire. Je propose que nous réordonnions les faits en nous arrêtant sur les points inexpliqués.
Rapidement apparaît en plus de ma vision des petis pictogrammes bleus et verts. Pénoplée m'explique que c'est une estimation des avis. Le bleus signifiant les avis plutôt en faveur de ce que vient de dire Goriodon, le vert plutôt contre. La signification de ces couleurs remontent, une fois de plus, à la période reptilienne, le vert étant la couleur des reptiles et le bleu, la couleur de l'eau, dont ils avaient peur. Suite à la demande de Goriodon, qui est plus une proposition de marche à suivre, une large majorité de bleu indique que l'on va procéder suivant sa recommendation. Goriodon poursuit :
- Les informations recoupées situent le premier du deuxième du quatrième de la présente année 12624 votre première apparition aux habitants du villages Srans, dont nous avons ici le représentant, Iurt, ainsi que plusieurs membres.
Pénoplée complète les explications qu'elles m'avaient déjà faites à propos du décompte du temps dans la Congrégation. Celui-ci est compté en fonction de l'année d'Adama. Elle contient cinq cent dix-neuf jours répartis en cinq périodes de quatre-vingt-sept jours et une de quatre-vingt-quatre jours. Chacune des périodes étant elle-même divisée en six autres sous-périodes qui ont en alternance quinze et quatorze jours, sauf pendant la dernière période, où les sous-périodes ont toutes quatorze jours, pour tomber sur cinq cent dix-neuf jours dans l'année. Bref, nous n'avons rien à leur envier avec nos mois à trente ou trente-et-un jour, c'est tout aussi compliqué... Par curiosité je lui demande le temps de rotation de la lune autour d'Adama. Elle confirme mes suspicion sur le fait que par le passé il y avait un second calendrier basé sur les mois lunaires, qui durent cinquante-quatre jours. Ce calendrier allait en complément avec les sixièmes, puis ce dernier fut déclaré seul officiel, et l'autre calendrier tomba en désuétude.
- Notre première question sera de savoir d'où vous veniez ?
Pénoplée me signifie intérieurement que c'est à moi. Je me lève. J'hésite à raconter tout depuis le début, mais je préfère finalement resté concis :
- Nous venions, Erik, Naoma et moi, d'une sorte de lune dont des hommes habitent le sous-sol et fabriquent des avions de combat.
Quand quelqu'un parle, un petit indicateur donne le niveau de confiance dans ce qu'il dit. Mon niveau est presque complètement bleu, signifiant que je suis sincère. Quelques secondes s'écoulent. Goriodon me demande :
- Où se trouve cette lune ?
- Je ne le sais pas.
- Que faisiez-vous là-bas ?
- Nous étions retenus prisonniers.
- Pour quelle raison ?
- Je l'ignore.
- Depuis combien de temps étiez-vous prisonniers ?
- Une dizaine de jours.
- Où étiez-vous auparavant ?
- Nous étions sur notre planète originelle, que nous appellons la Terre
Je tente d'utiliser le mot pour dire terre dans leur langue.
- Où se trouve cette planète ?
- Je l'ignore.
De nouveau un silence. Je prends finalement la parole.
- Mais peut-être aimeriez-vous que je détaille plus précisément les origines de cette histoire ?
Je ne prends même pas le temps d'attendre une réponse quand je vois qu'un immense majorité accpete ma proposition. Je me lance donc dans l'histoire. Pénoplée me fait tout de même remarquer que la coutume veut que Goriodon ou une autre personne donne la parole, même si les avis sont favorables. Dans un premier temps, je détaille la Terre, l'état de la planète, son contexte technologique et politique, sa structuration en pays, les différentes problématiques. J'essaie de faire le plus de similitude possible avec ce que je connais de leur histoire. Tout est facilité car mes images mentales sont projetées et chacun peut voir les scènes que je décris. Goriodon me pose de multiples question pour éclaircir certains points qu'ils ne comprennent pas, notamment sur la répartition des pouvoir, les différences Nord-Sud, la relation à la nature, la religion... Je leur rappelle tout de même régulièrement que certains éléments ne sont pas indispensables à la compréhension de la suite et nous feraient perdre du temps, et qu'il serait plus opportum d'en repousser l'examen pour la séance future consacrée à notre intégration dans la communauté.
Bref, je passe tout de même plus d'une heure, peut-être deux, à leur détailler la Terre et ma vie de tous les jours à Paris. L'indicateur de sincérité reste au bleu fixe. J'en arrive enfin à l'histoire proprement dite, je leur raconte alors ma première rencontre avec Énavila, dans le parc.
- C'est faux ! Je ne suis jamais allée sur cette planète !
Elle est sincère, son indicateur est formel, tout comme le mien. Une nouvelle couleur, orange, que je n'avais pas remarquée auparavant remplie l'indicateur de position du Congrés, sans doute pour signifier les indécis. Goriodon prend la parole :
- Bien, voilà notre première énigme. Ylraw, quand se situait cet évènement ?
- Les jours de la Terre ne sont sans doute pas tout à fait les même qu'ici, mais leur différence ne doit pas dépasser quelques heures. Par rapport à la date que vous avez dite tout-à-l'heure, à laquelle nous avons été vu pour la première fois, il faut retirer environ cinq jours depuis lesquels nous étions sur Stycchia, puis huit jours que nous avons passé sur la lune, et enfin environ quatre-vingt-trois jours passés sur la Terre.
- Bien, soit quatre-ving-seize jours à compter du premier du deuxième du quatrième de cette année. Énavila, pourrait-on retracer vos activités entre, disons, le premier du dernier du deuxième et le premier du deuxième du quatrième ?
Énavila prend la parole :
- Je suis restée sur Mériavos tout le deuxième, ce qui m'a valut une première sanction, d'ailleurs. Je suis rentrée sur Stycchia contrainte et forcée au début du troisième, j'y suis restée deux sixìème, ensuite je suis retournée sur Mériavos et Ockonos jusqu'au début du dernier, j'ai passé de nouveau trois sixièmes sur Stycchia, et depuis le début du troisième du quatrième je suis sur Galandas. Je suis arrivée ici il y a cinq jours avec Gwénoléa.
Je ne comprends toujours absolument rien à leur histoire de sixièmes qui ne veulent pas tous dire la même chose, et je ne me rends pas du tout compte à quoi ça correspond. Énavila termine son intervention par un regard glacial vers Gwénoléa. L'indicateur de sincérité est bon, elle ne ment pas. Si je comprends bien, elle aurait dû passer sur Terre durant la période qu'elle a passé sur Stycchia au début du troisième. Elle aurait pu utiliser le téléporteur par lequel nous sommes arrivés, si celui-ci ne mémorise pas les passages, difficile de savoir si elle n'est pas allé sur Terre à partir de là.
- Tu es vraiment restée sur Stycchia tout le début du troisième, tu n'aurais pas utilisé le téléporteur par lequel nous sommes arrivés ?
Elle ne répond pas, ne me regarde même pas. Goriodon prend la parole.
- Répondez.
Elle me jette un regard noir de côté, puis répond :
- Non je n'ai pas utiliser ce foutu téléporteur.
Elle est toujours sincère, ses images mentales la montre en train de discuter avec sans doute ses parents dans un petit village de Stycchia. Elle doit savoir comment mentir, où alors peut-être que ce n'est vraiment pas elle qui m'a attaqué, ce n'est pas possible. Je dois bien pouvoir arriver à la pièger.
- Tu n'as pas été courir dans ce parc où tu m'as sauté dessus ?
- Non
Toujours sincère.
- Tu ne m'as pas attendu dans le magazin, en haut de l'escalier automatique ?
- Non !
Une hésitation, l'indicateur a trésaille, lui rappeler les souvenirs complique la tâche. J'ai entrevue une image de Paris, mais pas suffisante pour convaincre. Elle doit se concentrer pour y parvenir, si je l'énerve elle peut craquer.
- Si ! Tu as couru dans les rue de "Paris", tu m'as frappé en m'attendant au coin d'un rue, tu te rappelles ? Ensuite tu m'as attendu la rue suivante, tu te rappelles de ce que je t'ai demandé, tu n'as pas compris peut-être, je t'ai parlé de ma coiffure, je t'ai dit que si tu aimais tant ma coiffure, je pouvais t'indiquer comme faire !
- Non, c'est n'importe quoi, je n'ai jamais fait quoi que ce soit de ce que tu dis, c'est du délire complet !
L'indicateur de confiance du Congrès est presque complètement orange, personne ne comprends apparemment comment nous pouvons dire tout deux la vérité et ne pas être d'accord.
- Si ! Avoue ! Ensuite tu as couru, je t'ai courue après, tu as traversé un pont, tu te rappelles, un pont sur une grande rivière !
- Non, non, non !
Son indicateur vascille, ses images se brouillent un instant, mais l'image de sa famille et de Stycchia reviennent. Elle doit faire des efforts pour que les images que je lui rappelle ne coïncide pas avec sa mémoire.
- Si, et mais après j'ai accéléré, et comme je cours plus vite que toi je t'ai rattrapée !
- Non, c'est faux !
Bingo ! Mon indicateur montre que j'ai menti, mais elle n'a pu s'empêcher de corriger, et ses images l'ont un instant montrée percuter la Laguna et tomber, avant de repartir vers le Pont des Tournelles. Elle se calme, me lance des regards noirs et attends. Goriodon réfléchit un instant et prend la parole :
- Il semble qu'Énavila ait une certaine capacité à brouiller le diagnostic du bracelet. Énavila, vous aviez votre bracelet les cinq premiers jours et les dix derniers avant votre départ, il reste une quinzaine de jour entre où nous n'avons pas les informations, est-ce que quelqu'un pourrait témoigner de votre présence sur Stycchia tout au long de ses quinze jours ?
- Ma mère.
- Bien.
Goriodon reste silencieux un instant, puis une femme apparait, sans doute un virtuel, au milieu de la place. Goriodon l'interroge :
- Tonnya, merci d'avoir accepter de parler ici. Vous n'êtes pas sans savoir les légers soucis que nous cause votre fille. Nous nous demandions si vous pouviez nous indiquez si votre fille était présente à vos côtés entre le cinquième du premier du troisième et le cinquième du deuxième du troisième ?
- Oui, euh, elle est restée presque tout le temps.
- Presque ? Est-ce que vous l'avez vu chaque jour ?
Elle hésite :
- Non.
- Quels sont les jours où vous ne l'avez pas vu ?
La pauvre mère, elle sait très bien que tout mensonge serait encore pire que dire la vérité.
- Elle s'est absentée du douzième du premier au cinquième du deuxième.
Je tente vaguement de jongler avec ces dates mais je n'arrive pas du tout à faire le lien avec mon calendrier...
- Savez-vous où elle est allée ?
- Chez des amis, elle bouge beaucoup, elle va souvent voir des connaissances à droite où à gauche.
Goriodon s'adresse maintenant à Énavila :
- Énavila, pourriez-vous détailler votre emploi du temps ?
- Ma mère vous l'a dit, j'étais chez des amis.
- Certes, quels amis ?
- Je sais plus bordel !
Elle ment ! He ! He ! Elle s'énerve. Goriodon fait un pause, puis reprend d'un voix posée :
- Quelque soit le temps qu'il nous faudra, nous ferons la lumière sur cette affaire, Énavila. Vous pouvez décidé de lutté contre le Congrès, mais vous perdrez. Nous comprennons les motivations des jeunes, vos besoin d'aventures, mais nous devons tout de même être garant de la stabilité du système, et votre comportement passé et notamment celui deux jours en arrière n'est pas tolérable et ne sera pas toléré !
Énavila broit du noir.
- Goriodon repose sa question :
- Où étiez-vous entre le douzième du premier et le cinquième du deuxième ?
- Je sais plus.
Son indicateur est toujours plein bleu, soit elle est très forte, soit elle ne le sait vraiment pas. Eh ! Mais cette scène me rappelle le commentaire de la femme lors de mon interrogatoire dans la salle sous-terraine de Sydney ! Ils utilisaient le bracelet pour savoir si je mentais. Ils pensaient que j'étais après eux, et ne comprenaient pas pourquoi le bracelet me montrait sincère !
- Très bien. Vous savez que si vous persistez le Conseil peut vous obliger à passer dans un téléporteur, et nous pourrons alors à loisir chercher ce que nous voulons.
- Allez vous faire foutre !
Le Congrès est offusqué. Énavila me lance de nouveau des regards noirs. Goriodon se relève :
- Bien, il semble qu'Énavila ne souhaite pas mettre de bonne volonté dans cet échange. Je propose que nous considérions qu'elle a bien été sur cette planète et rencontré Ylraw. Et si d'ici ce soir elle ne montre pas plus de coopération, nous nous adresserons demain à son subconscient. Ylraw, voulez-vous poursuivre votre histoire ?
Je me relève et reprend au moment de l'agression dans le parc. Je détaille notre deuxième rencontre et le moment où je trouve le bracelet. Je passe assez longtemps à raconter toute l'histoire. Je ne compte plus désormais pour la combientième fois je le fais. Je m'arrête au moment ou Sarah entre en jeu, ou quelque soit son nom. Yamwreq m'interrompt.
- Cette fille est la personne dont nous avons déjà parlée à plusieurs d'entre vous Guewour et moi. Nous pensons qu'elle fait partie d'un groupe manipulant les artificiels pour cacher ou édulcorer certains faits. D'autre part, plusieurs éléments nous laissent à penser qu'elle a des relations avec Goriodon lui-même...
Un mouvement d'étonnement parcourt la foule. Goriodon reprend la parole.
- Et bien, voilà qui tombe bien, cette personne est justement présente ici aujourd'hui. Sarah, voulez-vous ?
Je ne l'avez pas remarquée, mais c'est bien elle qui se lève à quelques rangées au-dessus de nous. Sarah ! Enfin ! Enfin va-t-on peut-être en savoir plus... Goriodon l'interroge :
- Sarah, pouvez-vous nous indiquez si vous confirmez les dires de Ylraw ?
- D'une certaine façon.
Sarah se lève et prend la parole, je me retourne pour la voir :
- Avant le Libre Choix je travaillais dans l'étude des sociétés humaines, les différents type d'organisation, les mode de structuration des communautés, leurs relation vis-à-vis de l'évolution, de la hiérarchie, les sytèmes politique. Après le Libre Choix j'ai continué à m'intéressé à ces domaines, et je suivait avec attention les analyses des artificiels nous assistant. Naturellement la création des planètes rebelles fut pour moi un sujet passionnant, leur nouvelles idées, leur tentative de créer un ordre différent... Mais ceux-ci, la plupart enfants et toujours soumis aux règles de la Congrégation, n'avaient qu'une marge limitée pour mettre en place leurs idées. En suivant de plus près leur comportement, et les longs mois passés sur leur différentes planètes, j'ai découvert qu'ils avaient détourné certains téléporteurs, je ne peux dire comment, pour créer un virtuel simulant le monde qu'ils recherchent.
Énavila l'interrompt :
- Foutaise, c'est n'importe quoi !
Un homme intervient intervient :
- Pourrait-on faire en sorte que cette enfant ne prenne la parole qu'aux moments où nous lui la donnons, ses remarques n'apportent que peu au débat.
Goriodon approuve :
- Soit. Sarah, continuez.
- Intrigué par cette expérience, j'ai tenté d'en savoir plus, je me suis alors permise d'en aviser Goriodon, et, dans la mesure où nous ne devions pas éveillé les soupçons, il m'a autorisé à mener mon enquête un peu plus en profondeur. J'ai finalement découvert un téléporteur me permettant d'accéder à l'expérience en question. Sur place, je suis resté la plus discrète possible pour voir de quoi il en était. Ce monde est bien celui décrit par Ylraw, il comporte un grand nombre de personnages virtuels, et une minorité qui sont des jeunes des planètes rebelles mettant en oeuvre leurs idées politiques pour en voir le résultat. Contrairement à la plupart des virtuels, il semblerait que l'intégration procède à une initialisation, la plupart les personnages n'ont donc aucun moyen de savoir qu'ils sont dans un virtuel. Ce sont principalement des jeunes adultes, qui ayant tenté l'expérience plus jeune de manière consciente, décident d'y retourner une fois libres et adultes de façon définitive. Ils n'en sortent alors que lors de leur mort virtuelle. De façon à rendre les choses plus pratique, la durée de vie des personnages est volontairement limitée à quelques dizaines d'années seulement, une centaine pour les plus âgés.
Sarah fait un pause. Gwénoléa va pour se lever, mais Sarah continue :
- Je ne suis resté que l'équivalent de quatre sixième d'un sixième sur place, mais j'ai découvert que parfois le virtuel peut avoir des ratés, c'est ce qui s'est sans doute passé avec Ylraw. Il est impossible de savoir le point d'accès des personnes, Énavila est alors sans doute intervenue pour le faire sortir.
Énavila crie de nouveau :
- C'est faux ! C'est complètement faux, elle est défoncée !
Goriodon calme Énavila :
- Énavila ! Vous aurez la parole en temps voulut, préparez donc pendant ce temps une explication détaillée sur la méthode que vous utilisez pour détourner le bracelet ! Sarah, je vous en prie.
- Voulant en avoir le coeur net, je suis alors intervenue pour aider Ylraw et tenter de mettre en évidence leur volonté de le faire sortir. C'est là que je rejoins l'histoire de Ylraw. Il a échappé un certain temps aux jeunes des planètes rebelles, et j'ai moi-même finalement perdu sa trace. Finalement, il a été capturé et renvoyé vers son téléporteur de départ, à savoir le téléport de Stycchia.
Yamwreq pose une question :
- Pourtant il dit qu'auparavant il est passé sur une sorte de Lune, et quid de ce qui concerne son amie, disparut lors de la téléportation vers Adama ?
- Cette immense expérience des planètes rebelles n'est pas sans incidents. D'une part pour rendre l'opération plus difficile d'accès, ils utilisent plusieurs niveaux de virtuel, ainsi ils passent dans un premier temps dans un virtuel classique avant de partir de celui-ci vers l'expérience en question. D'autre part, lors du retour d'Ylraw, ils ont jugé bon de faire revenir en même temps les deux personnes avec lesquelles il se trouvait, à savoir Erik et Naoma. Toutefois ils n'ont pas de moyens simple pour savoir si une personne est fruit du virtuel ou un personnage réel. Je pense que Naoma à pu être matérialisée sur le téléporteur de Stycchia car celui-ci est une version modifiée, mais son passage dans un téléporteur classique a sans doute révélé qu'elle n'était pas humaine et elle a simplement été effacée.
Je reste sans voix. C'est impossible, ça ne peut pas être la vérité.
- Ramener une personne en cours de jeu n'étant sans doute pas prévu, Ylraw est revenu avec ses souvenirs de l'expérience, et pas ceux antécédents. J'imagine que les téléporteurs modifiés ne sont pas toujours complètement opérationnels, d'autre part.
Erik se lève pour prendre la parole, Goriodon lui la donne :
- Si nous étions auparavant membres de la Congrégation, qui étions-nous, vous devez avoir des informations, puisque vous filmez tout. Vous devez avoir d'anciennes sauvegardes !
Sarah lui répond :
- Oui je pense qu'il est important pour vous que le Congrès fasse des recherches sur votre réelle identité. Toutefois la tâche n'est pas rendue facile par l'habitude qu'on les jeunes des planètes rebelles de ne jamais porter leur bracelet.
Gwénoléa se lève, Goriodon l'invite à parler :
- Je ne peux bien sûr confirmer ou infirmer ce que je ne connais pas, mais je n'ai jamais eu à ma connaissance l'existence d'une telle expérience. En conséquence j'aimerais que soient recherchées tout particulièrement des preuves de son existence.
Sarah lui répond :
- Pour l'instant je demanderai au Congrès de m'autoriser à garder secret l'emplacement du téléporteur que j'ai utilisé, de façon à éviter toute interférence sur cette affaire.
Goriodon approuve :
- Soit, votons.
En quelques secondes les résultats du vote commence à apparaître. Environ deux tiers des personnes se prononcent pour l'autorisation. Je demande à Pénoplée combien de temps prend un vote, et si je dois voter moi. Elle m'indique que n'ayant pas de status défini dans la Congrégation je ne peux pas voter. Concernant le vote, comme la plupart d'entre eux, il n'y a pas de limitation de durée. Tant que le résultat penche d'un côté ou de l'autre, c'est cette décision qui est prise. Chacun peut changer d'avis à tout moment. Le jour où une majorité sera en faveur de lever le secret, alors ce sera fait.
Goriodon parle de nouveau.
- Bien, je pense que nous pouvons faire un rapide compte-rendu de cette matinée, et nous retrouver après le déjeuner.
Quatre-vingt pourcent de oui.
- Le status actuel est que Ylraw et Erik sortent d'un virtuel mis en place par certains membres de planètes rebelles pour contrecarrer les règles de la Congrégation. Énavila est intervenue dans ce virtuel pour faire sortir Ylraw suite à un disfonctionnement. La personne de Naoma n'étant pas un personnage réel, il est vraisemblable que le téléporteur vers Adama l'ait simplement effacée. Les points qu'ils nous faut désormais éclaircir concerne d'une part les disfonctionnement des bracelets vis-à-vis d'Énavila, et d'autre part les comportements agressifs et intolérables qu'ont manifestés Ylraw et Énavila les jours précédents. Dans le même temps nous devrons trouver l'identité passé de Ylraw et d'Erik, et répondre aux interrogations de Yamvreq concernant certains disfonctionnement des artificiels.
Goriodon n'en dit pas plus et quitte doucement le Congrès, imité par nombre. Je reste pensif un instant. Si c'était vrai ? Après-tout, comment pourrai-je le savoir, m'obstiner à refuser l'hypthèse est stupide, plutôt l'envisager et voir ce qui ne colle pas... Je me tourne vers Énavila. Elle me regardait. Elle soutient de regard. Elle doit savoir, elle, elle doit savoir mais que croire ? Elle semble pensive, elle aussi...
Finalement Pénoplée me prend par la main, m'invitant à les suivre. Nous quittons l'enceinte et marchons doucement sur la grande allée. Les autres marchent un peu plus vite, Erik, suivie de Guerd, se met à mes côtés, il me parle en anglais :
- Tu y crois, à son histoire ?
- J'avoue que pour l'instant je suis perplexe, et ils n'ont apporté encore aucune preuve, peut-être que s'il me montre toute une vie que j'aurai vécu ici je les croirais, mais pour l'instant j'avoue que je suis un peu perdue.
- Moi je trouve que ça ne colle pas. Déja pour Naoma elle n'a pas parlé de sa résurection sur Stycchia, ça aurait du foiré à ce moment là aussi, si ce qu'elle dit est vrai.
- C'est vrai, mais peut-être que le village a un téléporteur un peu ancien ou différent, ils pourront toujours t'inventer une histoire que nous serons incapables de vérifier. Mais je suis d'accord, c'est étrange.
- Oui et son histoire de virtuel de passage, dans ce cas nous aurions dû savoir à ce moment que nous étions dans un virtuel si c'était bien un classique.
- Ils répondraient sûrement que le retour de la Terre s'étant mal passé, nous n'avons pas été initialisé correctement dans ce virtuel de passage. D'un autre côté ça expliquerait pourquoi notre téléporteur nous avait donné un bracelet et n'indiquait aucune activité, si en réalité nous sommes restés sur place.
- Mouais...
- Mais quoi qu'il en soit, virtuel ou pas, cette Sarah sait comment y retourner.
Erik reste pensif un instant.
- C'est vrai... D'autre part il y a les cicatrices aussi, si nous étions là auparavant, nos corps n'auraient pas dû être regénérés, c'est étrange pourtant que les cicatrices que nous nous sommes faites sur Terre aient été aussi répercutées ici.
- Je me demande à quoi joue cette Sarah, à mon avis elle cherche à cacher quelque chose. Yamwreq a des soupçons, il pense que les artificiels manipulent certains élément pour qu'elle puisse garder son anonymat. Or ce matin elle s'est montrée aux yeux de tous, de quoi faire taire les suspicions levées par Yamwreq.
- En tout cas ce qui est sûr c'est que virtuelle ou pas la Terre existe, mais ça ne nous avance pas beaucoup plus sur le pourquoi de tout ça.
- C'est vrai, et d'ailleurs l'explication de Sarah sur la présence d'Énavila dans le virtuel ne colle pas, c'est elle-même qui m'a donné le bracelet, je ne me doutais d'absolument rien auparavant.
- Peut-être avais-tu découverts sans le savoir un téléport ou d'autres éléments, sans y prendre attention.
- Peut-être, mais pourquoi s'en méfier si je n'y prenais pas garde. Si seulement cette Énavila était un peu plus conciliante...
- Peut-être que les menaces du Congrès d'accéder directement à son inconscient la rendront plus raisonable. Tu devrais essayé de lui parler discrètement pendant la pause.
Nous arrivons dans le même bâtiment ou nous avons pris notre petit-déjeuner. C'est un long immeubles blancs de quelques étages seulement, une grande arche permet de sortir de l'enceinte protégée du Congrès. Il fait un beau soleil mais le temps est assez frais. Nous avions quelques mètres de retard sur le petit groupe devant nous, nous les rejoignons installés dans de confortable fauteuil sur une grande terrasse donnant sur le parc. Une grande partie des personnes présentes ce matin se trouvent là. Je cherche Sarah ou Énavila du regard mais ne les trouve pas. Erik et Guerd vont s'asseoir avec le reste du groupe. J'aimerai vraiment pour ma part m'entrenir avec l'une ou l'autre. Alors que je suis seul, un homme s'approche de moi.
- Moyoto.
- Moy.
Je n'y prête pas plus attention.
- Je me présente, Metthios, j'ai assisté ce matin à la session du Conseil.
- Ah ? Enchanté.
- Auriez-vous quelques minutes à m'accorder ? Nous pourrions nous installer là et manger un bout ? Vous attendez quelqu'un ?
Ah ! Il m'embête ce type, que me veut-il ? Il fait à peine ma taille, il est chauve, c'est assez rare ici pour être noté. Il possède un visage un peu dur, peut-être est-ce encore son initial.
- Euh non, pas spécifiquement ?
Il m'invite à nous asseoir.
- Vous ne me connaissez sans doute pas.
- Non, en effet.
- Pour faire simple, je suis un opposant à la politique de Goriodon, je ne vous cache pas que l'affaire vous concernant soulève de nombreuses question sur le rôle qu'il a pu tenir. Je pense particulièrement à l'affaire révélée par Yamwreq à propos de cette fille, qu'il a tenté de détourner d'une manière complètement ridicule, d'ailleurs. Je sais que vous avez eu une entrevue avec Yamwreq et Guewour il y a deux jour, pour discuter de cette affaire. Je ne vous demande pas de m'en livrer le contenu, mais quelques éléments supplémentaires pourrait me permettre de faire pression pour que la vérité soit révélée. Pensez-vous vraiment que cette histoire de virtuel tienne ? C'est ridicule !
- J'avoue que je suis perplexe, oui.
Ma remarque double son énergie, il se penche de plus en plus vers moi, comme s'il se voyait déjà maître du Conseil...
- Je pense moi que Goriodon tente corps et âme de garder le secret autour de cette planète, c'est peut-être une planète des hommes de l'au-delà annexée par les artificiels, et dont il est un des rares à connaître l'existence.
- Mais pourquoi Goriodon ferait-il cela ? Je ne connais pas les détails de ses idées politique, mais il a toujours voulu une plus grande égalité entre les membres de la Congrégation ?
- En façade oui ! Mais dans l'ombre il nourrit des rêve de pouvoir à faire trembler ceux du regretté Teegoosh, lui au moins avait le courage de ses opinions ! Goriodon n'agit que par malice !
Énavila approche, mince ! Metthios voit que je quitte son attention, il redouble d'entrain.
- Écoutez-moi, pour l'instant vous êtes encore sous surveillance et vous ne pouvez pas quitter le Congrès, mais je peux m'arranger pour que nous ayons une entrevue privée. D'autre part, je vais faire en sorte de chercher des informations sur cette fille, cette Sarah, et cette histoire de virtuel, si ce qu'elle dit est vrai, elle ne doit pas être la seule au courant, il y a bien dû y avoir des fuites.
Je ne sais pas trop quoi faire avec ce gars. M'en servir ou le laisser aller ? Restons courtoie, je demanderai conseil à Pénoplée.
- Soit, mais je ne vous promets rien, je ne sais pas trop dans quelle mesure je suis libre de mes mouvements.
- Ne vous inquiétez pas, j'ai beaucoup de contacts, j'arrangerai tout. Commandons de quoi déjeuner, que prenez-vous ?
- Euh... Je sais pas si... Je ne connais pas vraiment encore tous les plats, commandez donc la même chose que pour vous, je découvrirai.
Ah ! Il va me tenir tout le repas ! Quelques minutes plus tard, une table en bois à roulette nous apporte la commande. Des petits paniers remplis d'une multitude de boulles de tailles et de couleurs variées, chaudes pour la plupart.
- C'est délicieux !
- Vous aimez ? C'est une spécialité de ma planète, je suis originaire de la planète Ora, la plus grosse des planètes du commerce.
- Quel âge avez-vous ?
- J'ai eut mille ans l'année dernière !
Ce qui fait environ mille six cent ans de la Terre. Il est presque du même âge que Pénoplée. Quoique, elle n'a qu'aux alentours de mille quatre cent ans, il y a quand même deux cent ans de différence... Deux cents ans ! Quel monde fou !
- Vous avez donc connu le Libre Choix, que faisiez-vous auparavant ?
- J'étais, disons, commerçant.
- Mais, je croyais que même alors il n'y avait plus de monaie, que vendiez-vous ?
Il semble hésiter.
- Diverse chose, du travail, en particulier.
- Du travail ? Je ne comprend pas.
- Et bien, pendant la période de travail obligatoire, beaucoup de gens occupaient des emplois innintéressant, ils étaient près à donner beaucoup pour avoir le travail de leur rêve.
- C'est du délire, vendre du travail ! D'habitude on a plutôt tendance à payer les gens pour qu'il travaillent !
- C'est l'époque qui voulait ça, qu'est-ce que tu veux.
- Mais vous vous y preniez comment, vous créiez des sociétés bidons pour leur offrir du travail.
- T'as tout compris !
- Mais ils vous payez comment, ces gens ?
- Oh il ne me payaient pas vraiment, disons qu'ils étaient souvent d'accord avec moi.
- Je vois, je comprends que vous en vouliez à Goriodon, ça a dû légèrement remettre en question votre business l'arrêt du travail...
Ces yeux scintillent un instant, il se recule sur son siège, s'installe confortablement.
- Oh non... C'était le cours des choses, comme tu dis, c'était du délire, se faire payer pour donner du travail au gens, il fallait que ça s'arrête à un moment où à un autre...
Nous finissons le repas et je passe encore un bonne demi-heure à parler de son opposition à Goriodon et ses avis sur le système actuel. Je finis enfin par m'en dépétrer pour rejoindre Pénoplée et les autres. Pas d'Énavila ni de Sarah en vue. Je tire un fauteuil et m'installe à côté de Pénoplée.
- Le refut de la blonde t'a frustré, tu tentes les petits chauves maintenant ?
- Yep, mais tu devrais tenter aussi, Erik, je pense que ça te réussirai mieux que les rousses.
Guerd juste à côté de moi de file une tape. Pénoplée reste de marbre :
- Alors, bien comploté ?
- Il te voulait quoi ce mec ?
- C'est un ancien vendeur de travail du temps où il était obligatoire, apparemment il en veut à Goriodon et il pense que notre affaire pourrait le faire tomber, c'est ce que j'en ai compris.
Pénoplée complète :
- Il en veut à Goriodon ! C'est un euphémisme, il le tuerait s'il le pouvait. C'est un des rares qui s'est fait rattraper après le Libre Choix. Goriodon savait que les planètes du commerces serait sans doute le lieu de beaucoup de départ, il avait fait boucler tout le secteur, pas mal de vaisseaux sont quand même passés au travers, c'est pas évident de contrôler toute une zone d'espace, mais pas le sien...
- Il m'a pas raconté ça.
Guerd en rajoute :
- C'est un filou, tout le monde dit qu'il fait des trucs pas très très honnêtes. Avant le libre choix il était très puissant, il contrôlait presque toute la planète Ora, une des plus grosses planète du commerce. Aujourd'hui il a encore pas mal d'avis de ces planètes de son côté.
Je prends la main de Pénoplée, elle la retire doucement, elle est énervée :
- Tu ne devrais pas trop traîner avec ce mec là, tu as déjà assez d'ennuis comme ça.
- Vous ne sauriez pas où se trouve Énavila ou Sarah ?
Erik répond :
- Énavila est rentrée dans le bâtiment mais je ne l'ai pas revu depuis, quand à Sarah, je ne l'ai pas vu du tout.
Pénoplée dit d'une fausse voix calme :
- Qu'est ce que tu leur veux ? Ça t'a pas suffit qu'elle te massacre la colonne et la jambe.
Erik rigole :
- Tu plaisantes ! Ça l'exite au contraire !
Pénoplée garde les yeux sur moi, elle ne tourne même pas le regard vers Erik.
- J'aimerai bien discuter un peu avec elles.
- Il y a le Congrès pour ça.
- Oui mais c'est pas trop intime le Congrès.
Elle ne répond même pas. Je sens qu'elle bouillonne. Pas la peine que je tente de lui faire un bisou, elle m'enverrait balader.
- Six heures.
Sur les conseils d'Erik je me retourne. Énavila sort du bâtiment et prend la direction du Congrès. Je me lève sur le champ pour la rejoindre. Avant même que je ne l'aborde, elle m'accueille chaleureusement :
- Va te faire foutre, si tu crois que je vais te causer, tu te l'as fous bien profond.
- Tu me sens venir sans même me voir, dis-donc, mes phéromones sont décidément surpuissante.
- Ton humour est à chier, comme le reste, et fais gaffe à toi si je virer ces putains de moussillons, tu risques de perdre ton autre jambe.
- T'es pas sortie indemme de notre première partie de jambe en l'air toi non plus, je te rappelle.
Elle ne répond pas.
- Tu y crois à son histoire de virtuel ?
- À quoi tu joues là, tu me prends pour une conne ? Retourne dans les pattes de ta maîtresse, on n'a rien à se dire.
- Pourquoi tu m'en veux ?
- Pourquoi je t'en veux ! Parce que tout ce merdier est de ta faute !
- De MA faute ? Tu déconnes, c'est toi qui m'a filé ce foutu bracelet qui a tout entraîné !
Elle s'arrête de marcher et me regarde en face. Elle est vraiment jolie...
- S'il te plait arrête de jouer au benet avec moi, je sais qui tu es, et si jamais la moindre pensée que nous puissions faire équipe t'effleure, enfonce-toi la bien profondément, ok ?
- Tu n'en as plus beaucoup, d'équipe, pourtant...
- Je me démerde. Maintenant lâche-moi, j'ai pas l'habitude de traîner avec des nains impuissants.
Elle reprend la route.
- Qui que soit la personne qui t'a renseignée sur moi et ce que je suis censé être par rapport à vos planètes rebelles t'a trompé Énavila, je suis pas impuissant.
Enfin ! Elle ne retient pas un sourire. Mais elle en est encore plus énervée. Elle s'arrête de nouveau.
- S'il te plait, lâche-moi.
Elle a un tout petit peu changer de ton. Je n'insiste pas plus, considérant avec joie cette première victoire. Je reviens un peu sur mes pas pour retrouver les autres qui se rendent aussi de nouveau vers le Congrès. Erik m'interroge :
- Non j'ai rien réussi à savoir, mais elle n'est pas invincible.
Pénoplée reste silencieuse jusqu'au Congrès. Décidemment certains ne savant pas prendre la vie du bon côté... Je m'installe, à la même place, je n'ose pas m'asseoir juste à côté d'Énavila, même si l'idée m'effleure. Il y a déjà une personne qui parle, de je ne sais trop quelle planète qui pert son atmosphère ou je ne sais.
- De quoi parlent-ils ?
Assis je peux parler seul à seul avec Pénoplée.
- D'une planète où une forme de vie intelligente se développe mais qui perd son atmosphère. Certains veulent une intervention pour sauver cette espèce.
- Tu m'en veux.
- Je devrais ?
- Tu as l'air énervée.
- Non ? Où tu vas chercher une idée pareille ?
Elle me tuera... Quelque minutes plus tard Goriodon arrive. Je n'ai pas encore vu Sarah. Yamwreq était déjà là. Metthios arrive et il vient me voir. Il me serre la main chaleureusement. Il se montre. Je n'aurai peut-être pas dû accepter de déjeuner avec lui, il me prend pour son pote désormais. Sera-t-il un allié ou un poids ? Quoiqu'il en soit il prend le temps de bien montrer à tout le Congrès que qui s'attaque à moi s'attaque à lui... Goriodon regarde calmement le jeu de son opposant, Gwénoléa arrive. Yamwreq me prévient que de m'allier avec Metthios me fermera plus de portes que cela m'en ouvrira.
- La racaille avec la racaille...
Énavila...
- Si tu ne veux pas de moi, il faut bien que je me console.
- Une chèvre n'en voudrait pas.
- Tu es dure avec toi-même, là.
Elle se tourne vers moi.
- T'es vraiment un connard.
Notre passionnante conversation est coupée par Goriodon, qui ouvre de nouveau la séance. Il rappelle les conclusions du matin.
- Le premier point sur lequel nous allons nous attarder est la façons dont s'y prend Énavila pour outrepasser les bracelets. Énavila, la pause déjeuner vous a-t-elle rendue plus conciliante ?
Elle regarde Goriodon de travers. Elle doit bouillonnée. Étonnamment elle répond d'une voix calme :
- Je ne l'explique pas. Toute ce que je peux vous dire c'est que lorsque je suis très énervée je peux casser les directives des bracelets.
- Depuis quand vous connaissez-vous cette capacité ?
Elle réfléchit un instant.
- Plusieurs années. Je l'ai découverte progressivement, et c'est très variable, parfois ça marche, parfois pas.
- Connaissez-vous des personnes qui travaillent sur des méthodes pour tromper les bracelets, ou changer les avis.
Encore un silence.
- Non.
L'indicateur révèle qu'elle ment. Elle est calme, elle ne doit pas arriver à mentir et tromper le bracelet en étant calme.
- Oui c'est bon j'en connais, mais ils ne m'ont jamais rien donné de concluant.
- Pouvez-vous modifier les bracelets d'autres personnes par cette même technique ?
Un silence.
- Non.
Elle ment, j'en suis sûr, l'indicateur dit qu'elle est sincère, mais elle s'est mise à bouger la jambe, et elle a serré le poing. Je lui parle intérieurement.
- De quelle façon tu peux modifier les bracelets ? Tu leur donne des pensées qu'ils n'ont pas eues ?
Goriodon me stoppe :
- Ylraw, veuillez ne pas la déranger, s'il vous plait. Si vous voulez intervenir, demandez la parole. Vous avec une question ?
Mince, repéré...
- Non, je vous prie de m'excuser.
Pénoplée s'en mêle.
- Qu'est-ce que tu lui voulais encore ?
- Elle a menti, elle peut modifier les bracelets des gens.
- Comment tu peux le savoir, son bracelet dit qu'elle est sincère.
- Elle peut mentir quand elle est énervée, regarde-là, elle s'énerve elle-même tout en faisant mine de garder son calme pour pouvoir mentir.
Goriodon poursuit :
- Dans le but d'éclaircir cette affaire, les artificiels ont étudier le cas d'Énavila, toutefois rien de concluant n'a pu être mis en évidence. Il semble que le fonctionnement des bracelets ne soit, selon eux, par remis en cause. Force est de consaté pourtant que les outrepassements d'Énavila consistent en de lourdes fautes et qu'une faille dans notre structure d'avis est un souci majeur. En conséquence, je propose qu'un traceur électromagnétique soit adjoint quelques temps à Énavila, de façon à faire la lumière sur ce problème.
Cinquante-trois pourcent de oui, serré. Énavila souffle de rage.
Goriodon reprend :
- Venons-en justement à vos manques de contrôle, à vous comme à Ylraw. Je vous rappelle les faits.
Des images s'affichent en surimpression. Je suis toujours impressionné par leur capacité à modifier le cerveau pour faire apparaître toutes ces informations supplémentaires. Et nous qui nous préoccupons de l'influence des ondes des téléphones portables, celles-ci doivent être autrement plus puissantes. Je me demande toutefois comment ils font pour trouver la fréquence qui leur permet de rentrer en résonnance avec le cerveau de chacun... Goriodon commente mon embardée à bord de l'abeille qui a valu la frayeur de sa vie à Hur. Il ne s'arrête pas là et poursuit avec l'entrée en effraction d'Énavila dans notre appartement. Il omet, heureusement, le passage dans la chambre et reprend avec la bataille dans le couloir, jusqu'au dramatique écrasement dans le parc du Congrès. Il détaille tous les moments où Énavila a de toute évidence contourné une limitation, que ce soit en réussissant à ne pas se faire immobiliser ou encore en traversant l'espace interdit au-dessus du parc.
- J'espère que vous êtes conscient de la gravité de vos actes.
Je proteste :
- Ce n'est tout de même pas comparable, j'avoue que je n'aurais pas dû effrayé Hur de la sorte, mais je ne lui ai rien fait. Elle m'a tout de même broyé une jambe et détruit la colonne.
- T'inquiète que si j'avais pu te broyer aussi là tête ça aurait été avec pl...
- Assez !
Goriodon hausse le ton.
- Vous vous trouvez ici dans la Congrégation ! Nous avons des rêgles ! Nous ne mesurons pas la teneur de vos actes en fonction de leurs conséquences comme dans votre monde barbare ! Votre action envers Hur est toute aussi intolérable que celle d'Énavila à votre égard.
Mon monde barbare... Tiens, serait-ce un indice ? Je devrais peut-être l'énervé, lui-aussi. Metthios se lève alors et prend la parole :
- Si je puis me permettre, je me range aux côtés d'Ylraw et prends la liberté de faire remarquer que cet incident a précédé l'anomalie détecté par Yamwreq. Si les doutes de Yamwreq sur une manipulation des artificiels sont justifiés, alors Ylraw est peut-être lui-même victime de cette sombre affaire. Étrange en effet que cette fille, justement celle qui a provoqué cette histoire, arrive aujourd'hui avec une ridicule explication de virtuel à multiples niveaux des planètes rebelles !
Il aime bien ce mot... Voyant que le Congrès l'écoute, il se lève et poursuit.
- Depuis quand avons-nous des secrets dans la Congrégation ? Gwénoléa a démentie l'existence de cette expérience, depuis quand les représentants ne sont-ils pas au courant de ce qui se trame sur leurs propres planètes ? J'ai bien peur qu'Ylraw ne soit que le bouc-émissaire d'une affaire bien plus grave encore que sa réaction, bien compréhensible dans sa situation, quand il a enfin espéré trouvé un indice en cette Sarah. Où se trouve-t-elle, d'ailleurs ? Elle arrive par enchantement avec une explication bancale et disparait aussitôt ? J'aimerai que ce soit vous, Goriodon, qui répondiez aux interrogations du Conseil !
Grand brouhaha dans le Congrès. Goriodon se lève et fait signe d'apaisement.
- Pour reprendre vos remarques dans l'ordre, Metthios, je rappellerai tout d'abord que les planètes rebelles n'ont jamais été considérées comme une partie si je puis dire "classique" de la Congrégation. À ce propos Gwénoléa, sans que je remette en quelques façons que ce soit ses compétences, est aussi dans l'impossibilité d'expliquer les outrepassements d'Énavila. Ensuite la présence de Sarah ce matin était fruit de ma demande conformément au calendrier que nous avions fixé. Si certain d'entre vous désire l'interroger de nouveau, j'imagine qu'elle est tout à fait disposée à venir répondre ici-même. Pour terminer, j'aimerais que nous ne mélangions pas tout, si certain d'entre vous pense que je suis mêlé aux accusations de manipulation de Yamwreq, nous en débattrons en temps voulu, mais pour l'instant le sujet est de savoir que nécessitent les attitudes démontrées par Ylraw et Énavila. Si le Congrès juge que la seconde affaire est prioritaire sur la première, soit, mais tentons de conserver un semblant de clarté dans ses problèmes. Je propose que nous terminions sur le cas d'Ylraw et d'Énavila, puis que, comme prévu, nous abordions cette question de manipulation.
Écrasante majorité, Metthios n'a pas encore le talent dialectique de Goriodon.
- Bien, reprenons. Ylraw, êtes-vous conscient de la gravité de votre acte ?
- Oui.
Bordel ! L'indicateur marque que je ne suis pas sincère. Énavila sourit. Goriodon soupire.
- Bien, je vois que vous n'êtes pas encore près à admettre nos règles. De toutes évidences votre séjour dans ce monde virtuel vous a corrompu. Il sera difficile pour nous d'avoir la moindre confiance en vous tant que vous n'acceptez pas nos lois. De façon à prévenir vos éventuels débordement futur, je suggère que nous vous adjoignons un précepteur.
Écrasante majorité. Je demande à Pénoplée ce qu'est un précetpeur.
- C'est un artificiel qui t'accompagne et contrôle tes mouvements. Quand tu t'apprêtes à faire quelque chose de mal, il te paralyse et te fait la morale...
Génial...
- Énavila, vos actes sont tout aussi alarmants d'autant que vous avez reçu une éducation de la Congrégation, vous connaissez donc nos règles. Êtes-vous consciente que votre comportement est une grave menace à la stabilité de la Congrégation ?
Un silence. Je suis sûr qu'elle va mentir.
- Oui, je tâcherai de me contrôler.
Sincère ! Mes fesses ! Elle me parle en privé :
- Tu vois c'est pas si dur.
- Votre capacité à outrepasser les bracelets n'étant pas encore élucider, je suggère que nous couplons au pisteur électromagnétique convenu tout-à-l'heure un précepteur.
Majorité, je lui renvoie sa remarque.
- C'est peut-être pas dur mais quand on ne sait pas s'en servir ça ne sert à rien...
Elle se tourne vers moi pour me lancer des éclairs du regard.
- Ylraw ! Énavila ! Cessez ces discussions. Je suis vraiment triste que vous conisdériez avec si peu de sérieux les raisons pour laquelle nous en arrivons là !
Goriodon fait une pause. Il va reprendre, mais une autre personne prend la parole. C'est une femme, à la voix très douce, habillée en blanc, les cheveux noirs, longs, elle ressemble à l'elfe du Seigneur des anneaux.
- Excusez-moi, mais nous nous attardons sur des punitions alors que nous devrions comprendre les causes. Un homme, ou une femme, n'agit pas de la sorte s'il n'est pas poussé ou si elle n'est pas poussée par une raison encore plus grave que la conséquences de ses actes. D'après Sarah, intervenue ce matin, Énavila en voudrait à Ylraw pour avoir mis en péril cette expérience secrète, cette Terre, mais ne pourrions nous pas aller plus loin ? Je trouve toute de même bien étrange tant de catastrophe pour un virtuel. Ceux-ci peuvent être rejoués à volonté, pourquoi n'a-t-elle pas simplement déconnecté Ylraw et rejoué la scène ? Si Sarah a trouvé ce virtuel et que nous considérons qu'il n'est pas conforme à nos règles, et bien stoppons-le et faisons comparaître ici les personnes à son origine. Nous devons mettre cette histoire à plat, et j'avoue que pour l'instant le Conseil a soulevé bien plus de questions qu'il n'en a réglées. Vous prétendez résoudre les problèmes un par un, dans l'ordre, mais cet ordre ne voudrait-il pas que l'on s'intéresse d'abord aux causes avant de punir les conséquences ?
- C'est qui ?
Pénoplée me répond après un instant, elle ne doit pas la connaître et chercher des infos.
- Mélinawahaza. Je ne la connaissais pas. Elle représente le regroupement des planètes de glace. C'est un système planétaire dans un système d'étoiles ternaires. Il comporte quatorze planètes telluriques habitées. Une perturbation gravitationnelle a transformé ses anciennes planètes paradisiaque en enfer de glace il y a cinq mille ans, en éloignant une des étoiles. Mais beaucoup d'hommes et de femmes sont restés là-bas, trop attachés à leurs planètes. Ils ont eu une autorisation pour la mise en place de clones plus résistants au froid. Il y a des millénaires, quand la Congrégation vota la mise en place des avis, ces planètes refusèrent et quittèrent la Congrégation. Elles vécurent longtemps en autarcie pui Teegoosh parvint enfin à les faire revenir dans la Congrégation. Mélinawahaza a longtemps fréquentée Teegoosh. Teegoosh passait souvent du temps sur Fra, la planète principale. Elle refusa de quitter la Congrégation pour l'au-delà, mais depuis elle concerve une certaine indépendance vis-à-vis du Congrès. Pendant longtemps les jeunes avec les planètes de glaces comme destinations de choix, avant qu'ils n'investissent les planètes rebelles.
Encore un personnage vieux de plusieurs millénaires... C'est tout de même fou, cette humanité a beau posséder plus de cinquante fois plus d'individus que la Terre, on dirait que tout le monde a couché avec tout le monde. D'un autre côté je me demande combien de compagnes ou de compagnons il faut pour agrémenter l'éternité...
Sa voix douce charme le Congrès, en tout cas, une écrasante majorité s'affirme en faveur de ses dires. Metthios ferait bien d'en prendre de la graine. Mais j'imagine que la belle à déjà du envoyer balader le bougre à plus d'une reprise.
- Ce prétendu virtuel semble le lien entre tous les problèmes que nous traitons, serait-il possible que Sarah soit de nouveau convier à répondre à nos questions ? C'est bien étrange qu'elle soit la seule au courant ?
Goriodon, resté assis, acquiesce :
- Soit, appelons-là.
- Quelques minutes plus tard, Sarah apparaît au centre de la place.
- Mélinawahaza, je vous en prie.
Mélinawahaza, restée debout, conviée par Goriodon, interroge Sarah :
- Sarah, vous avez été très brève sur le virtuel "Terre", ce matin, nous aurions plusieurs questions auxquelles vous pourrez peut-être répondre.
- Oui.
- Tout d'abord à qui avait vous parlez ou enquêtez de ce virtuel ?
- J'ai fait part de ma découverte à Goriodon à la fin du quatrième sixième, et je me suis rendue sur place entre le cinquième et le dernier du troisième. Depuis je suis restée la plus discrète possible pour continuer à enquêter.
- Goriodon, pourquoi cette enquête n'a-t-elle pas été décidée au sein du Congrès ?
Goriodon reste assis, sans doute pour se faire plaindre et mieux convaincre, c'est vraiment du jeu d'acteur la politique :
- J'avoue que mon choix a été très difficile. C'est la première fois depuis qu'un tel cas se présentait, et Sarah craignait beaucoup que son téléporteur ne soit désactivé si des bruits sur la découverte de ce virtuel arrivaient jusqu'aux planètes rebelles. Je lui ai donc laisser juger le moment opportum pour dévoiler le secret.
Sarah reprend la parole :
- Jusqu'à présent je ne connaissais personne de la Congrégation ayant visité le virtuel, quand j'ai vu qu'Énavila allait comparaître devant le Congrès, j'ai pensé que c'était le moment idéal pour traiter de cette affaire. L'altercations d'Ylraw et d'Énavila précipitant les choses, je me suis rendu sur Adama avec quelques jours d'avance pour parler ce matin au Congrès. Désormais que nous connaissons deux personnes qui ont interragi avec la Terre, nous pouvons poursuivre l'enquête et trouver les autres points d'accès.
Metthios demande la parole, Melinawahaza, qui mène le débat, la lui donne :
- Je trouve toute de même scandaleux qu'une telle décision ne soit pas passée devant le Congrès. En quoi la révélation de l'existence du virtuel aurait-elle complexifié l'enquête, au contraire, nous aurions pu règler cette affaire depuis un grand sixième au moins. Au lieu de cela des personnes de la Congrégation, combien, je l'ignore, continuent encore aujourd'hui à enfreindre les règles de la Congrégation.
Sarah répond immédiatement :
- Nous n'avons encore que très peu d'information sur cette expérience, et il n'aurait sans doute pas fallu longtemps aux personnes la contrôlant pour trouver mon point d'accès et le désactiver. Nous avons déjà perdu un point d'accès connu, celui de Stycchia. Quand Pénoplée et les personne du village où Ylraw est arrivée ont prévenu le Guewour qui en a informé Goriodon, celui-ci m'en a fait mention pour vérifier si ce téléporteur ne pouvait pas être justement un de ceux que nous cherchons. C'était sans doute le cas, et c'est à n'en pas douter celui qu'à utiliser Énavila pour se rendre sur Terre entre le permier et le deuxième du troisième. Malheureusement, quand j'ai tenté de vérifié, c'était déjà trop tard, malgré le petit nombre de personnes mise au courant, le téléporteur avait été réinitialisé.
Melinawahaza reprend la parole :
- Votre téléporteur actuel est-il en sécurité ?
- Je ne le sais. Des artificiels sont censés bloquer et contrôler les accès, mais il est toujours possible que son autorisation de connexion soit coupée à distance. Je ne suis pas retournée sur Terre depuis la fin du troisième.
- Qui contrôle se virtuel ?
- Je ne sais pas.
Je me lève pour demander la parole, Melinawahaza me prie de parler.
- Mais en quoi pouvons-nous certifier que c'est bien un virtuel ? Après une discussion avec Erik, plusieurs points restent étranges et suggèreraient plutôt l'existence d'une vrai planète.
- Lors de mon passage à l'intérieur, j'ai gardé un observateur présent dans le téléporteur, et mon corps est resté éveillé localement. L'activité était de type onirique.
- Pourtant vous disiez que l'immersion n'était pas consciente ?
- Elle l'est dans certaine mesure, j'avoue que j'ai eu de la chance de m'y rendre de manière consciente, je serais restée bloquée là-bas sinon.
- Plusieurs éléments ne sont pourtant pas logique, le virtuel de passage est censé être un virtuel classique, pourtant à notre retour sur la Lune nous ne nous souvenions de rien.
- Vous n'avez pas quitté le virtuel de manière normale, vous avez été déconnectés en cours, j'imagine que le rassemblement de vos anciens souvenir à ceux de votre expérience n'a pu se faire correctement.
- D'autre part, concernant Naoma, je vous rappelle qu'elle est morte sur Stycchia, avant notre arrivée au village, pourtant Moln et Ulri sont parvenus à la cloner de nouveau.
- Oui, nous avons étudié le téléporteur du village, il semble qu'il soit plus ancien que les nouveaux modèles utilisés dans la votre station orbitale d'arrivée. En conséquence le départ de Stycchia est validé par le téléporteur, mais celui d'arrivée refuse la rematérialisation.
- Soit, mais d'autre par je suis mort sur la Lune, pourtant je ne suis pas sorti du virtuel à ce moment là. Il a fallut qu'un personnage sur place lance une nouvelle téléportation pour que je sorte en même temps qu'Erik et Naoma. C'est tout de même incompréhensible.
- Nous n'avions pas ce fait à nore connaissance. Êtes-vous sûr de bien être décédé ?
Erik prend la parole :
- J'en témoigne, un géant bleu de près de deux mètres cinquante lui a complètement anéanti le cerveau. Il est mort d'inanition au bout de quelques jours, j'ai moi-même constaté le degré d'avancement de décomposition de son corps.
- Un géant bleu ?
Énavila s'est tournée vers moi, interrogative.
Erik lui répond :
- Oui une sorte d'homme sans visage, le corps bleu avec un sorte d'ora légèrement lumineuse autour de lui. Les hommes sur place le considérait comme un Dieu, s'agenouillant sur son passage. Il n'a rien dit, il s'est juste mis en face d'Ylraw, nous étions tous paralysés. Ylraw a crié comme un pauvre diable alors que l'autre lui envoyait sans doute ses ondes dans la tête, puis il est tombé, après ça il n'a plus parlé, plus mangé, et il est mort au bout de quelques jours. Cela dit l'hypothèse du virtuel de passage expliquerait la présence de cet individu, c'est vrai qu'il semblait droit sortie d'un jeu virtuel.
Énavila se retourne, les yeux dans le vide, s'amusant avec son collier. Sarah répond à Erik.
- Dans la mesure où votre retour s'est mal passé, j'imagine que rien ne s'est déroulé comme prévu dans le premier virtuel. À mon avis la sortie de ce premier est sous l'initiative d'une commande du joueur, comme vous ne pouviez la déclencher faute de savoir qu'elle existait, vous êtes restés coincés jusqu'à votre téléportation virtuelle qui vous a rendu conscience dans le téléport de Stycchia.
Je reprends :
- D'autre par sur Terre vous possédiez une abeille, c'est tout de même étrange pour un virtuel voulant recréer une nouvelle société indépendante de la Congrégation que vous puissiez utiliser des outils venu d'ici.
- J'imagine qu'ayant accédé au virtuel en mode conscient, j'avais certains privilège, je n'ai fait qu'utiliser les outils mis à ma disposition lors de mon arrivée sur place.
- Un autre élément étrange est le rappatriement des cicatrices dans le monde réel. Si nos corps n'ont pas quitté le téléporteur et qu'ils sont restés dans leur téléporteur d'origine, comment expliquer que les blessures que nous nous sommes faites dans le virtuel soient répercutées ici ?
Je lève mon bras droit pour montré la trace de brûlure à mon poignet. Sarah répond calmement, pas du tout gênée.
- Le téléporteur n'a dû être détourné que dans une certaines mesure, il est probable qu'il ait encore des fonctionalités d'un téléporteur classique, et donc répercute comme tout téléporteur vos changements morphologiques.
Metthios intervient de nouveau.
- Pourrait-on avoir des certitudes au lieu de ses suppositions ? N'y a-t-il donc pas un moyens de savoir qui aurait créé ce virtuel, nous avons accès à toutes les sauvegardes ! Comment pouvons-nous être si impuissants !
- Le plus grand secret a été gardé autour de ce virtuel. Il a vraisemblablement été mis en place à partir des planètes rebelles, voire à partir de l'une de leurs lunes. Les habitants ayant pour habitude de ne presque jamais porté de bracelet, il est difficile de recouper des informations. Plusieurs artificiels cherchent les liens, certaines informations recoupent, mais pour l'instant c'est trop partiel pour consitutuer une piste. D'autant que la révélation au Congrès provoquera sans doute un redoublement de précautions de leur part.
Yamwreq demande la parole :
- Sans remettre en cause vos hypothèses, je rappelle tout de même au Congrès que si les membres des planètes rebelles n'utilisent que peut la structuration via les bracelets, il n'en existe pas moins une hiérarchie stricte et respectée. En conséquences, sans vouloir parler pour Gwénoléa, je reste très perplexe sur l'existence d'une telle expérience.
Gwénoléa ne peut s'empêcher de prendre la parole :
- J'apporte mon concours aux déclaration de Yamwreq, et jusqu'à preuve du contrainre, j'aimerais que le Congrès ne remette pas en cause l'intégrité des planètes rebelles. D'autre part, j'aimerais, dans la recherche de l'explication de ce prétendu virtuel, que ne soient pas écartées de pistes sous prétextes que quelques éléments, dont nous n'avons encore aucune preuve d'existence, dois-je préciser, nous indiqueraient une hypothétique participation d'habitants des planètes rebelles.
Mélinawahaza apporte son soutient à Gwénoléa et poursuit :
- Si je comprends bien notre totale incapacité à définir ce virtuel Terre permet facilement, à partir de quelques judicieuses suppositions, d'apporter une réponse à toutes les incohérences potientielles. Je tiens tout de même à faire remarquer que si le Congrès est impuissant, qui d'autre pourra résoudre cette affaire, ne sommes-nous pas justement le dernier recours, doit-on baisser les bras et nous avouer vaincu ?
Sarah reste silencieuse.
- Certains secrets ont parfois intérêt à être gardés.
Un jeune homme a pris la parole. Il est resté assis, à parler d'une voix désinvolte. Il est habillé d'un pantalon et d'une veste marron, il ressemble un peu à un cow-boy, il ne lui manque que le chapeau. Je demande à Pénoplée des informations.
- Symestonon, l'homme le plus vieux de la Congrégation, il a plus de treize mille ans. Il a présidé le Congrès à de maintes reprises. Il intervient dans la vie politique de la Congrégation depuis plus de dix mille ans, onze mille peut-être. C'est une des personnes les plus respectées. Il n'a pas de ligne politique claire, mais sa grande expérience le rend souvent d'un bon conseil lors des situations difficiles.
- Cool ! Et dans le cas présent, il veut dire quoi ?
- J'en sais rien...
Mélinawahaza, à mon étonnement, reste un moment silencieuse puis s'assoit.
- Le Congrès veut-il remettre cette affaire à plus tard ?
Avant que les avis ne ce soient vraiment décidés, Goriodon prend la parole.
- Il va sans dire que les faits que nous tentons de mettre au clair sont complexes. Toutefois, avant de statuer sur la marche a suivre future, je rappelle que nous sommes censés avoir en la personne d'Énavila une sinon responsable du moins utilisatrice de ce virtuel. Et d'autre part pour clore temporairement ce débat, nous avions voter la recherche des identités passées d'Erik et d'Ylraw. Ce dernier point pouvant sans doute être résolu rapidement, et répondre aux interrogations d'Ylraw et d'Erik qui ne sont pas dans une situation confortable, je propose que nous tentions de le régler tout d'abord.
Il attend confiant le résultat des avis, puis quelques minutes plus tard les conclusions de la recherche sont affichées. Une voix commente les résultats. Goriodon se rassoit.
- Deux personnes correspondent avec un haut taux de probabilité au profil de Ylraw et Erik. Erik serait un dénommé Meckwasior, originaire de Stycchia, vingt-six ans...
Ce qui fait à peu près quarante-et-un ans terrestres.
- ... Ses proches n'ont plus de trace de lui depuis presque trois ans, le temps qu'il aurait passé dans le virtuel. Il a passé beaucoup de temps sur les planètes rebelles, notamment Erychtia, où il aurait rencontré Yacou. Yacou qui serait Ylraw, plus jeune de deux ans, il a disparu à la même date qu'Erik, ce qui expliquerait leur aventure commune.
Yacou ? Ça ne me dit absolument rien... Des images de moi ou d'Erik sont diffusés, sur Stycchia soit disant avant notre entrée dans l'expérience, ou dans d'autres endroit qui me sont inconnus. Goriodon reprend la parole.
- Ylraw, Erik, cela vous rappelle-t-il quoi que ce soit ?
Nous répondons tout deux par la négative.
- Peut-être les détails de leur vie passée pourront vous rappeler certains faits. Vous pourrez consulter ces résultats par vous-mêmes. Quoi qu'il en soit la coïncidence est trop frappante pour que nous remettions en cause votre identité. En conséquence la question de votre intégration dans la Congrégation ou pas devient obsolete, et il nous faudra par contre statuer sur le statut que vous retrouverez. Le cas d'Erik est assez peu problématique, Ylraw a toutefois montré une certaine décorrélation entre ses agissements et nos standarts. Le temps avançant, je propose que ces aspects soient étudiés lors de la séance où était initialement prévu la discussion de leur intégration.
Il fait une pause, puis se tourne vers Énavila.
- Énavila, vous avez semblé être plus raisonnable, pourriez-vous nous éclairer sur ce virtuel, vos implications et sa structuration.
- Non.
- Pour quelles raisons ?
Énavila reste silencieuse, luttant apparemment avec elle-même.
- Mais qu'espérez-vous ? Nous cacher la vérité ? Dès demain nous saurons tout vos secrets, quelque soit l'entêtement dont vous faites preuve aujoud'hui.
Un silence, Goriodon va parler mais Énavile répond d'une voix roque.
- Et vous Goriodon, qu'espérez-vous ? Tromper longtemps le Conseil avec vos mensonges ?
Goriodon prend une voix calme :
- Vos accusations infondées ne vous serviront à rien, Énavila. Nous vous accordons une dernière chance de nous en dire plus sur ce virtuel. L'introspection n'est jamais une épreuve facile.
- Foutaise ! Vous savez très bien que si je parle vous tombez avec moi ! Et demain ici même vos artificiels corrompus ne dévoileront qu'un simulacre de la prétendu vérité ! Depuis combien de temps savez-vous, Goriodon ? Depuis combien de temps gardez-vous pour vous la vérité ? Vous ne voyez pas mes mensonges, mais MOI je vois les votres !
Metthios saute sur l'occasion :
- Que veut-elle dire, Goriodon ? Savez-vous réellement le fondement de cette affaire ?
- Vous n'allez tout de même pas vous laisser berner par ses manoeuvres ridicules !
Melinawahaza se lève :
- Répondez, Goriodon, savez-vous la vérité concernant ce prétendu virtuel ?
Goriodon hésite. Il s'assoit. Il bafouille, il commence à répondre oui, puis se rétracte.
- Non.
Il est sincère. Metthios est offusqué, le Congrès s'enflamme :
- Manipulation ! Il allait répondre par l'affirmative ! Il nous trompe ! C'est à lui qu'il faut faire une introspection !
Symestonon commente :
- Un peu de bazar, enfin, j'en venais à désespérer.
Je lance un sym a Pénoplée :
- C'est clair qu'il attire le respect le vieux.
- Des fois il dit des trucs mieux, pourtant.
Énavila sourit. qUne autre personne entre en scène et tente de calmer le jeu :
- Voyons ! Voyons ! Avant d'en arriver à de tels extrèmes, peut-on simplement l'interroger plus en détail ?
Metthios est déchaîné :
- Mais il ment ! C'est une évidence ! Il ment comme nous a déjà menti Énavila ! Ils sont de mêche ! C'est une aboninable mise en scène !
Énavila explose :
- Ah non ! Que l'on ne m'associe pas avec ce personnage !
Le Congrès devient la scène d'une incompréhensible cacophonie. Mais elle ne dure que quelques secondes, rapidement Goriodon coupe la parole à tous et tente de mettre de l'ordre.
- Soit. S'il me faut me livrer à une instrospection pour satisfaire le Congrès, je ne peux que me plier. Mais tentons de conserver la tête froide.
Metthios demande la parole. Goriodon hésite un instant puis la lui done :
- Si les doutes de Yamwreq sont fondés, comment pourrions-nous alors être sûr que ce ne sera pas un faux ?
- Bien sûr, Metthios, si vous remettez tout en cause, nous n'irons nulle part, pourquoi douter d'un système qui nous sert depuis des millénaires ?
- Qui nous trompe peut-être aussi depuis des millénaires !
Le même homme qui était intervenu tout à l'heure reprend la parole.
- Vous voulez repartir de zéro peut-être ?
Goriodon répond avant Metthios :
- Avant de sombrer dans le catasptrophisme, pourrions-nous considérer dans un premier temps que ce qui a valu la stabilité de notre système reste toujours solide ? S'il s'avère que nous ne pouvons pous avoir confiance dans les artificiels, ce que je n'ose pas imaginer, nous devrons alors agir en conséquence.
Le Congrès semble d'accord, mais Metthios proteste :
- Et si tout ceci ne sont que les signes d'un coup d'État, peut-être demain ne pourra-t-on plus réagir.
Toujours le même homme qui prend la défense de Goriodon.
- Un coup d'état ? Que voulez-vous dire ?
- Imaginons que Goriodon ait conspiré avec les planètes rebelles, ou tout du moins une partie de ses habitants, je ne veux pas mettre en cause Gwénoléa. Attendre serait pour nous la pire des options ?
Yamwreq répond :
- Voyons, c'est ridicule, depuis des dizaines d'années les planètes rebelles ne font que réclamer plus d'autonomie par rapport aux règles de la Congrégation, le temps où elles témoigneaient d'un comportement véhément à l'égard du Congrès est révolu depuis longtemps. Autant je suis persuadé qu'il y a un mystère autour de cette Sarah, autant je ne crois pas une seconde au genre de complot que vous évoquez.
- Pourtant !
Metthios projette alors l'hésitation de Goriodon, tout le monde revoit clairement le début de son "oui", puis sa rétractation.
- Goriodon, que signifiait cette hésitation ?
C'est plus fun que ce que j'aurais imaginé, le Congrès. Le jour a déjà commencé à baisser, pourtant il fait encore bon.
- Ils chauffent ici ?
Pénoplée confirme mes doutes :
- Oui, la protection du parc apporte aussi un micro-climat, il ne pleut jamais ici et il fait toujours bon.
- Pourtant il y a le jour et la nuit.
- Le Congrès concerve la durée du jour comme repère pour les sessions, c'est une tradition. De ce fait les sessions sont plus courtes en Hiver.
Goriodon reste silencieux un court instant, mais ne laisse pas le suspence gagné le Congrès :
- Voyons, gardons la tête froide. J'ai simplement hésité car oui, Sarah m'a confié quelques détails supplémentaires sur ce virtuel. Toutefois, comme accepté par le Congrès, nous avons décidé de conserver une partie des informations secrètes pour trouver plus rapidement les responsables de ce virtuel.
Goriodon n'attends pas les résultats de son intervention, il s'assoit directement, apparemment exténué par l'épreuve.
Metthios se lève de rage, mais Mélinawahaza le devance :
- Mes amis, le soleil se couche. Cette journée fut chargée en rebondissements et en question. Il serait sain que nous prenions le temps de réfléchir calmement avant de conclure cette affaire compliquée. Je propose que nous n'abordions pas ce sujet pendant les deux jours qui suivent, et ne repregnions ce débat que dans trois jours. De cette façon nous aurons sans doute des informations des traceurs adjoints à Énavila et Ylraw, et peut-être Sarah pourra-t-elle nous en dire plus.
Courte majorité. La tension retombe, les gens se lèvent et discutent entre eux. Dure journée. Je reste un moment pensif. Suis-je réellement ce Yacou ? Il y a trop d'incohérences... Et aussi difficile à croire cela puisse être, je crois que je fais plus confiance en Énavila qu'en Goriodon. Pénoplée reste silencieuse, elle aussi. Après un instant Erik se lève. Guerd lui demande :
- Alors Meckwasior, content d'avoir retrouvé ton identité ? Tu as vu, Goriodon a dit que tu devrais pouvoir retrouver ton statut sans problème.
Erik se tourne vers moi, attends deux secondes, puis m'interroge :
- Qu'est ce que t'en pense ?
- J'y crois pas.
- Moi non plus.
Guerd ne comprend pas :
- Mais ? Ils ont retrouvé vos identités, ils ont retrouvé ces deux personnes qui vous ressemblent comme deux gouttes d'eau et qui ont justement disparu sur Stycchia, ça ne peut être que vous !
Énavila se lève passe entre Erik et moi pour partir. Ses moucherons lui tournent toujours autour, l'empêchant toujours de faire le moindre geste de violence. Erik la regarde s'éloigner.
- Elle doit savoir, elle.
- Oui. Sarah doit savoir aussi je pense.
Moln, Iurt et Ulri nous font signe qu'ils partent. À mon grand étonnement Pénoplée se lève et les rejoint. Je la rattrape :
- Quelque chose ne va pas.
Elle ne répond pas. J'attends que nous sortions de l'enceinte, pour avoir un peu d'intimité, même si tous les bracelets de l'univers peuvent peut-être nous entendre.
- Pénoplée ? Réponds moi au moins.
Soudain un gros insecte s'approche de moi, j'ai un mouvement de recul. Mais c'est un petit robot, sans doute l'engin qu'il voulait me voir adjoindre, mon "précepteur". Il me virevolte autour puis se pose sur mon épaule. Je le regarde de travers puis rattrape Pénoplée qui ne s'était pas arrêtée.
- Pénoplée, attends !
Je m'apprête à l'attraper par le bras pour la stopper, mais je suis bloquer avant. Le précepteur reprend son vol et me tourne autour, il me sermone par un sym.
- Il ne faut pas obliger les gens par la force, si vous voulez que quelqu'un réponde à vos attentes, respectez-le et user de diplomatie. Avez-vous compris pourquoi votre geste était déplacé ?
Je lui réponds tout haut.
- Oui j'ai compris c'est bon, maintenant laisse moi aller utiliser de la diplomatie avec Pénoplée s'il te plait.
- Vous n'êtes pas sincère, je veux que vous preniez conscience de vos actes.
Oh bordel ! Très bien je prends alors le temps de me calmer un peu, regarder autour de moi. Erik me dépasse et me file une tape sur mon épaule de compassion quand je lui explique ce que me veut ce machin. Il m'attend avec Guerd, puis, quand finalement j'arrive à convaincre le précepteur que j'ai retenu la leçon, je repars à petites foulées vers Pénoplée.
- Pénoplée, tu peux pas me laisser comme ça ! Tu peux pas me laisser !...
Pas de réponse.
- Pourquoi tu ne me parles pas, Pénoplée !
Je hausse la voix, sur le champ je ne peux plus marcher, et le bidule se relance dans sa morale.
- Il faut rester courtoix envers les personnes que vous abordez, vous ne pourrez intéragir de manière correcte avec les gens que si vous leur témoigner du respect.
Erik et Guerd arrivent de nouveau à ma hauteur. Ils rigolent. Je tente de ne pas perdre de temps et de convaincre rapidement bidule que j'ai bien compris et que je ne hausserai plus jamais la voix de ma vie. Il me laisse et pour la troisième fois je rejoins Pénoplée. Je la dépasse et tente de me mettre en travers de sa route. Ses yeux brillent.
- S'il te plait, explique-moi au moins... Ne me laisse pas imaginer tout le mal que j'ai pu faire sans comprendre, me laisse pas penser que je t'ai blessée sans même m'en rendre compte...
Elle s'arrête en face de moi. Elle laisse Erik et Guerd nous dépasser.
- C'est pas toi Ylraw, c'est pas toi. C'est moi.
- Comment, mais ? Quelque chose ne va pas ?
- Je ne pourrai pas... t'aider... T'apprendre à vivre dans le village, découvrir les choses simples de la Congrégation, t'apprendre la langue et les coutumes... Ça je pouvais... Mais ici je ne fais pas le poids, Goriodon, Metthios, cette fille... Je suis désolée, c'est trop...
Elle retient ses larmes. Je m'approche doucement et la prend dans mes bras.
- Tu ne dois pas tout supporter, Pénoplée, je ne te demande pas ça, je veux juste que nous soyons ensemble.
Elle se retire.
- Non François, même... Je suis vieille, je suis fatiguée... Je ne peux pas tout ça, je ne peux plus, c'est trop dur... Ça me rappelle trop de choses...
Elle s'écarte pour repartir :
- Je sais que c'est dur pour toi aussi, mais, je ne pourrai pas... Je pense que je vais repartir sur Stycchia... Je viendrai te dire Adieu...
Je reste immobile. J'ai envie de pleurer. Pourquoi tout est toujours si dur ?... Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'elle en arrive à bout ? Elle est un peu impulsilve, certes, peut-être n'est-ce qu'une déprime passagère, mais c'est tout de même le signe d'une exténuation. Erik a vu que je m'étais arrêté, il revient vers moi, Guerd le suit. Il me parle en anglais.
- Un problème.
- Pénoplée veut partir, elle veut rentrer sur Stycchia...
- Pour quelle raison ?
- Je ne sais pas. Elle est à bout j'ai l'impression, tous ces événements ont dû provoquer trop de stress.
Guerd intervient, frustrée de ne pas comprendre.
- Vous pourriez parler notre langue, je ne comprends rien, c'est pas très sympa de toujours faire vos cachotteries.
Erik la renvoit, il n'est pas d'humeur à plaisanter j'ai l'impression :
- Va donc voir Pénoplée, elle ne va pas bien, je te rejoindrai à l'hôtel plus tard.
- Mais ? Tu ne peux pas rentrer sans moi, pour les abeilles ?
- Je me débrouillerai, va !
Le voyant énervé, elle n'en demande pas plus et nous quitte. Nous nous remettons à marcher doucement.
- Elle est vraiment trop collante. Je ne sais pas si je vais pouvoir encore la supporter longtemps.
Je ne dis rien, plus préoccupé par les paroles de Pénoplée. Erik avoue finalement :
- Je dois reconnaître que moi aussi je commence à être un peu à bout. Je ne crois pas que je pourrai me faire à vivre ici, c'est trop différent...
- Ouais, on ne maîtrise pas grand chose.
- On ne maîtrise rien tu veux dire, au moindre geste tout le monde sait ce que tu veux faire, en plus avec nos bracelets de mioches aucune marge de manoeuvre...
- Pourtant les gens ici ont l'air de s'y plaire, pas de travail, du confort à volonté, jamais de maladie, pas besoin de travailler...
Erik reste pensif un instant, nous avançons toujours doucement, j'ai mon précepteur sur l'épaule. Il reprend.
- Oui en un sens la vie ici c'est un peu le paradis, mais je me suis toujours dit qu'on devait s'emmerder au paradis...
- Oui, heureusement qu'on est arrivé pour mettre un peu d'animation !
Erik rigole. Il me passe le bras autour de l'épaule et me serre contre lui, je lui arrive à peine aux épaules.
- Ah Ylraw ! Je t'aime bien, autant cette histoire est un véritable merdier, autant je regrette pas d'être là avec toi.
- Moi j'ai toujours su que tu étais cool, depuis le début.
- C'est vrai, c'est vrai que tu m'as fait confiance depuis le début. Pourtant alors je ne te considérai que comme de la marchandise pour négocier ma nouvelle vie.
- Question nouvelle vie tu as été servi !
- Ça ! Putain, et pas qu'un peu ! Je me demande bien ce qu'ils font sur Terre. Matthias a dû pêter les plombs depuis longtemps. Quel pauvre naze, et dire que je suis resté quatre ans à bosser avec lui, quel con j'ai pu faire. Il doit être vert de pas me retrouver...
Je me rends compte que je ne connais pas du tout la vie d'Erik.
- Tu as fais quoi avant ?
- Avant de bosser pour Matthias ? J'ai bossé pour d'autre gars, je me suis fais ma petite réputation dans le milieu quoi...
- Tu es né en Australie ?
- Ouais, une banlieu pourrie de Sydney, j'ai fait des études tant que j'ai pu, tu vois à quoi ça mène !
- Tu as fais quoi comme étude ?
- J'ai un master de sociologie, j'allais faire un Ph.d quand j'ai tout plaqué.
Je suis vraiment surpris.
- Un master en socio ?! Whaou ! Pourquoi tu as tout plaqué ?
- À ton avis, pourquoi un mec plaque tout en général ?
- Pour une fille ?
- Bingo ! À Sydney j'avais beau me démerder pour les cours ça ne me dérangeait pas de faire des petits boulots pour des potes du milieu. J'avais déjà des pressions pour arrêter les cours et me mettre à plein temps pour eux. Avec Melissa ça a changé, elle m'a fait sortir de tout ça, redevenir clean. Puis elle est partie à Melbourne, juste après mon master, je l'ai suivie. Comme je ne pouvais pas avoir d'équivalence la première année, j'ai commencé les petits boulots, clean au début. Elle m'a plaqué, c'est devenu moins clean, je ne suis jamais remonté...
- Pourtant tu voulais redevenir clean après Matthias ? Tu as quel âge au fait ?
- Trente-quatre ans. Oui je voulais redevenir clean, arrêter toutes ces conneries. Tu sais combien j'ai buté de mec, Ylraw ?
- Non, beaucoup ?
- Treize... Il y a des fois j'étais tellement en galère que j'étais prêt à tuer pour mille dollars, tu te rends compte ?... Finalement ce monde n'est peut-être pas si mal à côté...
- Je suis persuadé qu'il est mieux, que les gens sont plus heureux, plus libres, c'est juste qu'on ne comprends pas encore vraiment la façon dont il fonctionne.
- Ça me fout un peu les jetons quand même, de me sentir enchaîné...
Nous restons silencieux un instant, nous arrivons dans la grande pièce où nous avons pris notre petit-déjeuné le matin. Le jour s'est déjà bien assombri. Nous nous asseyons et commandons un petit encas.
- Tu vois c'est quand même bien foutu, tu n'as rien à payer, rien à faire, juste tu t'assois et tu commandes ce dont tu as envie.
- C'est sûr qu'il y a des bons côtés, je ne reviens pas là dessus. Peut-être aussi que nous sommes un peu seuls...
- Naoma te manque.
- Je crois.
- Toi non plus tu ne peux pas t'imaginer qu'elle puisse être un virtuel...
- Comment le pourrai-je, même si des preuves irréfutables m'étais apportées, je continuerai à ne pas le croire. C'est con comme on s'attache encore plus quand l'autre est inaccessible.
- J'espère que tout va bien pour elle, j'ai des remords d'être là tranquille à manger mon petit pain alors qu'elle est peut-être en difficultés je ne sais où.
- À qui le dis-tu ! J'en fais des cauchemars presque toutes les nuits... C'est sûrement son absence aussi qui me mine...
Je savoure mon petit pain au douceur rappelant étrangement le chocolat. Erik s'est lui commandé un petit panier de boulettes variées, je lui en chipe une ou deux. Erik reprend :
- Tu vas faire quoi si Pénoplée rentre vraiment sur Stycchia ?
- Je ne sais pas trop, que pourrais-je y faire ?
- Partir avec elle.
- Je ne peux pas.
- Pour l'instant, mais leur théorie tient, dans dix jours nous pouvons être tous les deux des membres normaux de la Congrégation.
- Tu pourrais t'en contenter, toi ?
- Non, mais toi je ne sais pas, peut-être après tout, vu que tu as l'air de trouver ce monde pas mal, que tu voudrais retourner sur Stycchia avec Pénoplée. Tu tiens à elle, non ?
- C'est vrai... Mais je ne pourrai pas vivre tranquille tant que je ne saurai pas. Je ne pourrai pas avoir la conscience apaisée tant que je ne saurai pas où se trouve Naoma, où se trouve la Terre, tant que je n'aurai pas vu une nouvelle fois mes parents, Paris, mes montagnes, mon Soleil...
Erik semble satisfait. Je continue :
- Et puis, tu as vu les images de nos prétendues anciennes vies ici ? Non mais sans déconner... J'étais mort de rire quand je t'ai vu en train de faire je sais pas quoi dans la maison de tes soi-disant parents.
- Ah oui on aurait dit que je faisais du bricolage !
- Clair ! C'était trop ridicule ! Quelle bandes de nazes !
- Et toi, au bord de la rivière !
- Ah oui ! Trop trop fort, en train de mater les poissons ! C'était vraiment trop minable, je m'imagine trop !
Nous éclatons d'un bon fou rire en commentant encore quelques unes des images projetées pendant la séances... Erik redevient un peu plus sérieux :
- Pour être franc j'ai parfois un peu peur que tu ne te plaises trop ici, et je ne me sens pas la force seul de m'en sortir. Je ne pense pas que j'irai bien loin sans toi.
- Tu parles, c'est sûr que j'ai vachement fait avancer les choses ! Je fais tout foiré oui, Naoma d'abord, et maintenant je suis bloqué ici...
- Je t'en ai voulu pour Naoma, je t'en veux sans doute encore un peu, mais ce n'est pas juste, tu n'y es pour rien.
- Je n'aurai pas dû la quitter, j'ai fait une erreur, rien ne sert de le nier.
- Peu importe, tu as réussi à réparer ton erreur, elle est revenue.
- Et elle est repartie...
- Tu peux difficilement t'en vouloir, hormis sur le fait qu'il semble que tu sois à l'origine de toute cette histoire, mais je ne pense pas que tu l'ais fait exprès...
- Ça pour sûr j'ai un peu de mal à voir les raisons de tout ce bazar...
- C'est quand même dingue la façon dont cette fille t'en veux... Enfin... Je... Bon... Il va falloir que je retourne à l'hôtel...
Erik se tait un instant, comme s'il n'arrivait pas à dire quelque chose.
- T'inquiète pas Erik, on s'en sortira, et je ne te laisserai pas tomber.
Il me pose la main sur l'épaule, je pose ma main sur la sienne. Il la prend.
- Merci, Ylraw. À demain.
- Embrasse Pénoplée pour moi si tu la vois.
- Ce sera fait.
Me voilà de nouveau seul... Je n'ai même pas mon bracelet pour appeler Pénoplée... Je ne me rappelle plus où il peut être d'ailleurs. Après mon crash je ne l'avais plus, et je ne sais pas qui a bien pu le ramasser. Qu'importe, un peu de solitude, après tout... Erik s'inquiète... Il compte sur moi... Malheureusement je ne vois pas trop comment je devrais procéder dorénavant... La situation m'a l'air un peu bloquée. Il faudrait sans doute que j'ai une discussion plus sérieuse avec cette Sarah, ou Énavila. Énavila pourrait m'aider à trouver la vérité, l'inconvénient c'est qu'elle n'a pas l'air extrêmement disposée pour le faire.
- Je peux m'installer ?
Je lève la tête, tiré de mes pensées. Oh non ! Metthios, si j'avais su...
- Si vous voulez, mais je ne suis pas d'une compagnie exemplaire.
Il s'assoit à côté de moi et non pas en face, et commande quelques friandises.
- Je comprends, bloqué ici pendant au moins trois jours, en plus avec un précepteur, et pour couronner le tout ils vont tenter de faire passer en douce leur histoire de virtuel pour régler l'affaire vite fait bien fait.
- Mouais...
- Mais ne vous inquiétez pas, on peut encore les avoir, pour l'instant nous avons fait cause séparée avec Melinawahaza, mais j'ai bon espoir de m'allier avec elle pour ce coup là, elle ne supporte pas Goriodon, c'est l'occasion ou jamais. En plus je pourrai peut-être aussi convaincre Gwénoléa, et alors nous aurions suffisamment d'avis pour faire l'introspection de Goriodon et dévoiler la vérité au grand jour.
- Peut-être, peut-être...
Je suis dubitatif et pas très enjoué... Je ne crois toujours pas que le Congrès puisse vraiment faire avancer les choses. J'ai plus l'impression d'une immense mascarade où les gens sont soumis au bon vouloir des artificiels. Mais je n'ai pas envie d'en discuter avec Metthios, il resterait sans doute à rêver de renverser le système pendant des heures. J'ai envie d'être seul, ou tout du moins surtout pas avec lui... Une petite abeille apporte le plat commandé par Metthios.
- Oui... Oui...
- Pour être franc je suis un peu exténué par cette journée.
- Je comprends, qui ne le serait pas ? Je vais vous laisser vous reposer. Nous nous reverrons demain. Bonne chance.
- Merci, bonsoir...
Me voilà de nouveau seul. Il me reste le plat de Metthios sur les bras maintenant, et j'ai tout sauf faim... Est-ce que Pénoplée pourrait revenir me voir ? Peut-être Erik pourrait la convaincre...
- Ylraw ?
Encore ! C'est pas possible je suis devenu le pote de tout le monde ou quoi !
- Oui ?
Je me retourne, c'est Yamwreq et Gwénoléa. Tiens, il a réussi son coup ou quoi. C'est vrai qu'ils vont vraiment bien ensemble. Gwénoléa prend la parole :
- Pouvons-nous nous entretenir avec vous un instant ?
- Oui, bien-sûr.
Ils s'assoient tous les deux en face de moi, et rapproche un peu leurs sièges, dans la limite de leur grandes jambes. Mais c'est moi qui suit le plus loin de la petite table ronde, et je ne pense pas qu'ils auront le courage de la déplacer pour se rapprocher encore plus. Ils ne commandent rien, apparemment ils ne veulent pas rester longtemps. Après un instant, Yamwreq me demande :
- Nous aimerions avoir votre sentiment sur ce virtuel.
- Je n'y crois pas.
Gwénoléa précise :
- Vous n'y croyez pas ou ne l'admettez pas ?
- Je pense que c'est Énavila qui a raison.
- Parce qu'elle est de votre côté... Sur ce point tout du moins.
- La précision s'impose. Non parce qu'elle est trop extrême pour mentir.
Yamwreq intervient :
- Pourtant elle sait mentir.
- Elle dupe vos bracelets, c'est différent.
- Certes, mais nous n'avons pas d'autres moyens de...
Gwénoléa le coupe :
- Peu importe. Avez-vous d'autres éléments ?
- Mis à part ceux soulevés pendant le Conseil, non. Mais j'avoue que l'hypothèse du virtuel expliquerait aussi certains détails. Et vous avez peut-être raison que c'est plus une difficulté à l'admettre qu'une intime conviction.
- N'y aurait-il pas d'autres éléments que vous n'auriez pas mis en avant, trop anodins à vos yeux ou que vous ayez oublié, qui pourrait nous aider ?
- Sans doute, mais comment le savoir ?
- Vous pourriez repasser les scènes et regarder plus en détails ?
Je souris.
- Eh ! Nous n'avons pas de bracelet sur Terre !
- Pourtant Énavila vous en a donner un ?
- Oui mais je ne m'en suis pas servi, je ne savais pas m'en servir, il a peut-être fait une sauvegarde mais je n'en sais rien. J'ai bien tenté d'écrire mon aventure, peut-être retrouverai-je des détails en relisant, mais pour ça il faudrait que j'y retourne...
Yamwreq reste pensif un instant puis dit :
- Pourquoi pas ? Si c'est la volonté du Conseil, nous pouvons vous autorisez à utiliser le téléporteur trouvé par Sarah pour vous rendre sur place.
Je suis perplexe.
- Ça ne tient pas, Sarah a bien précisé que l'expérience avec son téléporteur avait prouvé qu'il s'agissait bien d'un virtuel. Et dans l'hypothèse où le Congrès demande à ce que j'y retourne, il sera simple pour elle, dans la mesure où elle est la seule à connaître l'emplacement de son accès, de mettre en place un faux téléporteur pour démontrer ses dires.
Ils restent silencieux un instant, finalement Yamwreq répond :
- Je comprends que vous aillez pu vous faire quelques idées avec les événements de ces derniers jours, mais gardez tout de même à l'esprit que nous reposons sur le principe que les gens ne peuvent pas mentir ou cacher des choses contre les avis. Bien sûr le cas d'Énavila ou même de Sarah me concernant semblent remettre en cause ce principe. Mais avant de le rejeter complètement, nous devons tout de même nous y rattacher.
Gwénoléa complète :
- Je suis de l'avis de Yamwreq, un principe qui est valable depuis des milliers d'années et a garanti la justesse, l'équité et la stabilité de la Congrégation ne peut pas être oublier du jour au lendemain.
- Peut-être que les techniques ont évolué, peut-être qu'Énavila possède de quoi contourner les avis.
Yamwreq acquiesce :
- Oui, et c'est ce que les pisteurs électromagnétiques qui lui ont été adjoints tenteront de déterminer pour votre nouvelle comparution dans deux jours.
Je reste pensif, Yamwreq me redemande :
- Consentirez-vous à accepter d'aller sur place si le Conseil vous le demandez ?
- Bien sûr, je ne demande moi-même qu'à être convaincu du bien fondé de cette hypothèse de virtuel. Et je ne crois pas que je pourrai l'accepter sans la vérifier moi-même.
- Parfait. Nous proposerons cette idée au Conseil, dans deux jours.
Gwénoléa poursuit :
- D'ici là n'hésitez pas si vous avez la moindre idée, ou si vous vous remémorez des détails pouvant aller dans un sens ou dans l'autre.
- Ne vous inquiétez pas, j'ai deux jours coincé ici pour réfléchir au problème, il devrait bien en resortir quelque chose...
Ils se relèvent, je n'en prends pas la peine, me remercient, me saluent puis s'éloignent. Tout ne semble néanmoins pas gagné pour Yamwreq car Gwénoléa semble l'avoir congédié gentillement, ils prennent au bout de quelques pas chacun une direction différente.
- Mais où va-t-on ?
- Ta gueule !
- Mais les artificiels ne nous laisserons pas partir !
- TA GUEULE j'ai dis, j'emmerde les artificiels.
Le couvercle se referme, et je m'endors pour un nouveau voyage... Où cette fois-ci ? Je n'en sais rien...
Erik et Naoma Stycchia - jour 181
- Salut, qu'est-ce que tu fais là ?
- Rien... Rien, rien, j'allais rentrer.
- Mais ? Tu pleures !
- Oh tu sais rien de grave je pleure pour un rien...
- Oui je sais.
- Ah, mais comment sais-tu ?
- Je peux m'asseoir ?
- Oui, oui, je me pousse.
- Je le sais parce que tu nous l'as déjà raconté.
- Ah oui c'est vrai sur la Lune. Je suis encore un peu perdue.
- Quelque chose ne va pas ?
- Non, non... Je...
- Tu te sens seule.
- Oui, un peu.
- Ylraw t'a fait des misères ?
- Non pas du tout, mais...
- Tu n'oses pas le déranger.
- Oui, mais ? Comment tu sais ?
- Nous avons déjà eu une discussion similaire.
- Vraiment ? Quand ça ?
- Quelques heures avant que tu ne meures.
- Oh ? Mais ? Franck ne m'a rien dit à ce sujet ?
- C'est normal, il n'était pas là.
- Nous n'étions que tous les deux ?
- Oui. Il était parti chercher à manger tout seul. Ce qui lui avait valu à lui aussi de se faire attaquer par une bête. Je m'en veux toujours de l'avoir laissé partir tout seul.
- Tu ne pouvais pas savoir.
- Peut-être, mais j'avais hésité à partir avec lui, et puis j'avais profité de l'occasion.
- Quelle occasion ?
- De rester avec toi. De rester seul avec toi.
- De rester seul avec moi ? Mais ? Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'on a fait ?
- On a parler, et je t'ai embrassée.
- Oh ! Vraiment ? Mon Dieu, mais ? De quoi a-t-on parlé ?
- Je...
- Tu ?
- Bah... C'est du passé après tout, et même pas de ton passé.
- Non... Raconte... S'il te plait, j'ai le droit de savoir ce que j'ai déjà fait. Et puis c'est toi qui m'a rapportée au village, et sur la lune tu m'as aidée aussi.
- Oui...
- Je... Je sais que je n'ai pas toujours été très gentille envers toi. Je t'ai souvent considéré comme un bandit ou un voyou, mais quand j'y repense tu as toujours été gentil avec moi, surtout depuis que je suis revenue à la vie, ici...
- Je t'avais pourtant frappée sur la lune.
- Oui, mais... Je le méritais, j'étais devenue folle, j'aurais pu faire une bêtise si tu n'avais pas été là... Tu ne veux pas me dire ?
- La dernière fois déjà tu m'as pris par la main, et nous n'avions à l'époque que des peau de bêtes comme habit...
- Des peaux de bêtes comme habit ? Oh ? Hi hi ! Ça t'a fait avoir une réaction... Euh...
- Oui... Gênante. Elle résumait toutefois bien le message que je voulais faire passer.
- Tu veux dire que ?
- Que je t'ai dit que je t'aimais, et je te le redis aujourd'hui, même si tu auras peut-être du mal à le croire, avec Guerd et tout.
- C'est plutôt elle qui te court après, non ? J'ai l'impression.
- Oui, enfin je ne résiste pas beaucoup non plus.
- Mais... Tu... Depuis quand est-ce que tu es amoureux de moi.
- Depuis notre traversée en radeau. Depuis que nous avons passée des heures à discuter tous les deux.
- Vraiment, oh mon Dieu je regrette tant de ne pas me rappeler de tout ça !
- Je regrette aussi. Ça me fout les boules rien que d'y penser.
- Mais... Non... Maintenant, nous sommes de nouveau ensemble, on peut peut-être... Enfin, je sais pas, je sais pas trop.
- Moi non plus. Je crois que je suis un peu perdu.
- À qui le dis-tu ! Je crois qu'il n'y a que Franck qui se sente bien ici...
- Oh ce n'est pas que je ne me sens pas bien ici, tu sais franchement à comparer à ma vie à Melbourne. C'est le paradis ici, mais quand on a tout on veut toujours plus.
- Moi je regrette un peu le temps de la boulangerie, quand Franck venait faire son pain, c'était si bien... Depuis que je suis revenue j'ai l'impression que je suis de trop, de ne plus servir à rien... Ylraw est gentil avec moi, mais je crois que je l'embête, qu'il préfère être avec Pénoplée.
- Je crois que personne de nous trois n'a sa place ici. Moi je regrette quand nous étions tous les trois, perdus, la vie était plus dure, mais... Si tu t'appuies comme ça sur moi je vais t'embrasser dans pas longtemps.
- Il faut que je me dépèche de le faire pour être la première, alors...
...
- Naoma...
- Chut... Erik... Embrasse-moi.
...
- Attends, cette habit n'est pas très pratique à retirer.
...
- Oh, Erik, viens, reculons-nous un peu dans la forêt.
...
- Regarde, ce tapis de mousse, il a été fait pour nous.
- Oui...
...
- Oh Erik, ne t'arrête pas !
- Nous avons tout notre temps, non ?
- Tu es dur !
- Tu me flattes...
- T'es bète ! Et puis laisse moi faire un peu...
...
- Tu vas le dire à Guerd ?
- Bien sûr, qu'est ce que tu crois ? Tu penses que c'était juste pour tirer un coup ?
- Non... Non, je sais pas... Peut-être que ça va lui faire de la peine...
- Sans doute, oui, mais quoi ? Tu veux que reste avec elle ?
- Oh non ! Mais, peut-être juste attendre un peu, pas lui dire tout de suite que nous sommes ensemble, ça lui fera peut-être un peu moins mal si vous vous séparez quelques temps avant qu'elle ne l'apprenne.
- Oui, peut-être.
Réveil 3 Sydney 20 juillet 2003
Dimanche 20 juillet 2003
Tout est noir.
Pourtant, je crois, mes yeux sont ouverts.
Je suis pétrifié, il fait un froid glacial. Je me trouve dans l'eau. Non. Un liquide visqueux. Je le sens jusque dans mes poumons. Je ne respire pas. Je ne le peux pas. Je ne peux pas bouger. Mes membres ne répondent pas. Est-ce que je suis mort ?
Comment puis-je voir et penser si je suis mort ? Aurait-on une âme qui reste emprisonnée à jamais dans notre corps, dans notre tombeau, une fois le trépas ?
Mon esprit vague... Le temps s'écoule... Mais le temps s'écoule-t-il ? Comment le savoir ?
Je ne me rappelle pas. Pourquoi suis-je ici ? Je ne me rappelle pas. Qui suis-je ? Non... Je ne me rappelle de rien, de rien. Pourtant... Pourtant j'ai des images, des images d'arbres, de voitures, de maisons, de personnes. Je sais que je suis un homme, je me vois, je me représente. Mais le suis-je toujours ?
Je sens le froid, c'est bien que je suis vivant, si je sens le froid glacial qui enveloppe mes membres. C'est bien que je suis vivant, mais alors que se passe-t-il ?
Ai-je quitté mon monde ? Suis-je dans l'au-delà ?
Je ne peux pas rester là.
Je dois bouger.
Je dois bouger... J'ai besoin de bouger.
J'ai BESOIN de bouger !
Oh, oui... Douce chaleur.
Douce chaleur aide-moi ! Douce chaleur... Aide-moi... Oui...
Oui... Je la sens, je la sens au plus profond de mes muscles, un frémissement. Étrange sensation, est-ce le froid qui me brûle ? Non, c'est autre chose.
Chaleur... Réveille mon corps...
C'est si long... Est-ce que je rêve ? Est-ce que la mort n'est peuplée que de rêves de vie qui revient ?... Pourtant je pense, ne suis-je pas alors ?... Oh... Tout est si calme...
Tout est si calme...
Du temps, toujours, mais combien, l'éternité ?
Non ! Je ne resterai pas là... Voilà déjà bien trop longtemps que j'attends, combien d'heures ai-je attendu ! Il suffit ! Corps ! Réveille-toi ! Corps ! Bouge ! Oh oui chaleur, viens, viens !
Un soubresaut ! Oui un soubresaut ! Je suis vivant ! Vivant !
Chaleur ! Mes mains, lentement, se ferment... Ah... La force revient... Un gémissement, un long gémissement interne, étouffé par le froid et le néant...
Du temps, encore.
Je bouge. Dans une course si lente que je me demande encore si ce n'est pas mon esprit qui me trompe, que je suis toujours immobile et mort.
Mais non. Je touche une paroi. Ma main glisse lentement le long. Je suis dans un tube, j'en tâte le contour.
Du temps passe, encore et toujours, mon esprit s'évade et revient. Il ne reste pas, il ne se maintient pas. Il me faut plus de volonté.
Non ! C'en est trop ! Finissons-en ! Corps ! Corps ! Je n'en peux plus d'attendre !
Plus de concentration, plus de chaleur, plus de force. Je bouge plus, plus facilement, plus rapidement. Je respire ce liquide visqueux. Il me brûle. Je tape contre les parois. Je tape de plus en plus, de plus en plus fort, de plus en plus souvent.
La force revient, augmente, me parcourt, je brûle... Une lueur ! il y a une lueur, une lueur bleu-verte. Mes yeux se sont-ils habituées ? Ou plutôt retrouvai-je lentement mes sens, mon toucher, ma vue, mon ouïe. Je sors comme d'un brouillard. Je distingue les parois, mon corps nu.
J'accélère, mes mouvements deviennent plus qu'un supplice, mes membres me brûlent, mes poumons, j'ai besoin d'air, j'ai besoin d'autre chose que cette immonde viscosité en moi !
Cette douleur, cette brûlure, à la fois un martyr et un réconfort. Tout s'emballe, je ne pense plus qu'à une seule chose, sortir, sortir ! Je frappe, toujours, toujours plus vite ou plus fort. Je parviens à me recroqueviller, et alors en cette position exerce une pression sur les parois en tentant de me redresser.
Je ne crois pas avoir jamais été dans un tel état, empli de tant de force et pourtant si proche de la rupture. Mon corps est tendu pendant plusieurs minutes. La sensation de chaleur est terrible. La lumière s'est amplifiée, et le liquide commence presqu'à bouillir. Est-ce que c'est moi ? Est-ce que c'est la pression externe ? Ai-je créé une faille, une aspiration ? Je ne sais, mais qu'importe, j'ai la force de sortir.
Tout ne fais qu'aller de l'avant, comme s'il n'y avait pas de limite, la brûlure, la tension, la force, la volonté.
Les parois cèdent, le tube explose, je me redresse, la tension retombe, je vacille, tombe, percute un objet dur et roule sur le côté.
Je ne reste pas longtemps sans connaissance, je m'étouffe, ce liquide qui remplit mes poumons me fait reprendre conscience. Mais tout à changé, j'ai tant de mal à faire le moindre geste. Je parviens péniblement à me tourner sur le côté pour cracher, tousser, vomir, éliminé de moi ce liquide jaunâtre, à la fois dans mes poumons et mon ventre. Mon corps est parcouru de hocquets... C'est une longue agonie qui se termine finalement par une profonde et sonore inspiration d'air.
Je me rallonge sur le dos, épuisé... Une faible lueur éclaire la pièce. Je distingue le tube penché d'où je suis tombé, me blessant à la jambe dans ma chute, et un autre tube à ses côtés que j'ai percuté. Le liquide visqueux s'est répandu sur le sol, je nage dedans. Encore d'autres tubes identiques se trouvent de l'autre côté de celui à la paroi déchirée où j'étais enfermé. C'est une grande salle, ronde. Je n'ai pas la force ni la volonté de bouger pour en voir plus.
Quelques minutes passenr, j'ai mal partout, je n'ai toujours pas de souvenirs, je ne sais pas comment je suis arrivé là. Je ne me rappelle de rien, rien de mon passé, quelques rêves simplement, sans doute datant de mon sommeil dans ce tube.
Il fait froid. Je reste allongé, à moitié tourné, nu, haletant mon mal, laissant mon esprit s'embrumer. Point de bruit, pesant silence m'entraînant dans un nouveau sommeil...