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cas où mon inconnue se présente. Je sais que c'est stupide et inutile, et qu'il ne faut rien attendre, tout provoquer, mais l'espoir est une chose bien étrange...

Rien du tout, comme attendu, et j'en suis revenu suffisamment énervé pour que je range le fichu bracelet dans une boîte quelconque et me promette de ne plus le remettre. Je le filerai à mon arrière-petit-fils... Adoptif, parce que vu ma sociabilité actuelle, les gamins ne vont pas se faire tout seuls...

12 heures 30, je ne me sens de nouveau pas bien, j'ai repris mal à la tête. À croire que je ne peux plus sortir de chez moi sans prendre le risque de rentrer avec la migraine et la déprime... La matinée avait mal commencé de toute façon malgré une bonne nuit. En effet, dès le réveil, informations tragiques du matin finissant, vers 10 heures et quelques, BFM, bilan, un attentat à Bali en Indonésie, cent quatre-vingts morts, un attentat en Finlande, sept morts, deux tués au Moyen-Orient...

Le monde est triste. Je ne me rappelle plus vraiment depuis quand la vie est triste. Ma vie, pour être un peu moins égocentrique, étant donné qu'il doit bien y avoir deux ou trois personnes sur Terre pas trop malheureuses, j'espère. Peut-être du temps où je sortais avec Virginie, au début de l'année dernière. Je ne sais pas si l'amour est la seule chose qui rende heureux. Je n'en suis même pas sûr tellement il blesse à chaque désillusion, à chaque remarque qui nous touche, nous fait mal... Je m'étais promis de ne plus tomber amoureux, je n'ai pas réussi avec Virginie, je me le suis repromis de nouveau, pas très dur pour le moment. Et puis c'est presque de moins en moins dur avec le temps, j'ai l'impression, comme si on se lassait de tout...

Je me demande si les valeurs de nos sociétés modernes n'ont pas quelque chose de cassé. Comment concilier ce paradoxe entre la surconsommation, la productivité, le plaisir immédiat et personnel avec les valeurs de partage, d'entraide et support des autres ? Il me semble que toutes ces valeurs ne collent pas et que le faible équilibre ne peut que se briser à un moment ou à un autre. Le plus incompréhensible est que ce sont ces mêmes personnes qui créent les deux aspects du paradoxe. À la fois nous qui dans notre individualisme sommes dépassés par le monde qui nous entoure ; et pourtant nous dans

notre contribution quotidienne qui le façonnons ainsi. Comment peut-on être à la fois un capitaliste égoïste effréné, et trouver notre malheur dans la solitude et l'inhumanité qui en résultent ?... Je ne sais pas trop quoi faire, comment faire...

J'ai abandonné mon Dieu quand il n'était plus au goût du jour et que je pouvais vivre sans lui dans le monde actuel. Dois-je désormais abandonner ce monde qui diverge et retourner vers un hypothétique Dieu plus humain ? Et en quoi le monde peut-il être inhumain, puisque c'est l'Homme lui-même qui le fait ? Ne serait-ce pas nous plutôt, qui nous nous trompons sur nous-mêmes ?...

J'ai rajouté une couverture à mon lit, j'avais froid, le réchauffement climatique n'est pas encore pour tout de suite...

Nous ne sommes ni faits pour être seuls ni faits pour être à deux... Seul nous souffrons de n'avoir l'autre, et quand il est là nous souffrons de son incompréhension. Pourquoi sommes-nous autant égoïstes ? Pourquoi le suis-je, au moins ? Pourquoi ces pulsions nous donnent envie de l'autre, à tel point que l'on se retrouve dans des soirées je ne sais où, enfumées à souhait, avec ces gens qui ne font que paraître et pas un seul qui a un brin de sincérité, moi y compris ; à faire semblant de rire à des blagues stupides, pour tenter seulement et uniquement de ne pas finir la soirée tout seul. Mais au final on préfère la finir tout seul, tellement ces mascarades sont ennuyeuses et ces gens inintéressants...

C'est peut-être moi le problème, c'est sûrement moi le problème, à ne rien aimer de ce que la société moderne apporte comme amusement. À ne pas aimer traîner dans les bars, discuter de foot, faire la queue pour pouvoir se faire enfumer et écraser dans la foule des boîtes de nuit...

J'ai eu un accident il y a trois ans et demi, je conduisais, nous allions au ski avec mes deux meilleurs amis, j'ai percuté un bus, je ne me rappelle de rien, ils sont morts tout les deux, je n'ai rien eu.

J'ai une dette, envers eux, envers leur famille. Je leur dois de ne pas être faible, de faire le bien, de ne pas céder à la facilité, de vivre pour eux, de faire tout ce qu'ils ne pourront accomplir, ou