Billy s'était mis sur son trente-et-un, il emmena Deborah dans le restaurant le plus cher de Bryan, ou presque, le mois d'août le restaurant considéré comme le meilleur de Bryan fermait ses portes. Presque le plus cher de Bryan mais restant néanmoins abordable, les soixante cinq mille habitants de la ville texane ne justifiant pas de la haute voltige culinaire. Elle regretta presque de s'être habillée en jeans, puis se dit que c'était eux les clients et que s'ils n'étaient pas contents, ils trouveraient bien un restaurant plus enclin à accepter leurs dollars. Elle le regretta aussi un peu aussi face à Billy, avec tous les efforts qu'il avait fait. Mais après tout elle n'avait rien demandé à personne, et elle était grande et libre de s'habiller comme bon lui semblait.
Elle était encore toute énervée en arrivant au restaurant, ils n'avaient presque pas parlé dans la voiture. Billy, enjoué, avait commencé à lui parler avec engouement de tout et de rien, mais elle l'avait froidement remballé ; elle avait prétexté être fatiguée et éprouvée de sa journée, mais ce n'était que partiellement vrai. Et puis Billy s'était tu, et elle avait presque eu de la peine d'avoir été si méchante. Elle s'était finalement convaincu que la journée n'avait pas été si catastrophique, qu'elle n'était pas si fatiguée, que Billy n'était pas si ennuyeux, et que de prendre le temps de profiter d'un bon dîner n'était, après tout, pas une si mauvaise idée.
Deborah se laissa emporter par la ferveur des serveurs tout à eux, étant donné le faible nombre de clients, et elle en devint souriante devant leur ballet. Billy était fier de la montrer, il était fier que les serveurs la regarde avec envie et s'imaginer qu'ils devaient être jaloux. On leur donna la table la plus au centre de la pièce, comme s'ils allaient devenir le coeur même de la vie du restaurant.
L'enchaînement fut parfait, les plats se succédaient avec vitesse
ou lenteur suivant leur consistance et leur goût, la saveur du vin, qu'elle n'appréciait pas outre mesure d'habitude, lui sauta tout d'un coup au visage, relevant les plats, devenant l'exhausteur transfigurant la viande en un feu d'artifice pour les papilles. Billy lui-même en devenait plus intéressant, plus vif, plus beau, presque. Un peu de musique rehaussait encore l'ambiance envoûtante de l'ensemble, Billy était aux anges, il voyait Deborah, sa Deborah, sourire, il la voyait heureuse, il la voyait rire à son humour, il la croyait amoureuse, à lui, il la croyait prête, tellement prête qu'il n'attendit même pas le dessert. Il se leva, fit un discret signe au serveur pour la musique, d'entraînante elle devint sensuelle, il s'avança vers Deborah, se mit à genoux, lui prit la main, et la demanda en mariage.
Deborah, qui riait sur son petit nuage, perdit le sourire, comprit le but de la soirée et de la mise en scène, regretta d'avoir bu, regretta d'être venue, et se concentra le plus qu'elle put pour reprendre ses esprits et surtout ne pas dire de bêtise.
Elle pria Billy de se relever, de se rasseoir en face d'elle. Elle se rapprocha de la table pour parler tout bas :
- J'ai passé une très bonne soirée, Billy, c'était très bien, mais il ne vaut peut-être mieux pas trop s'emballer, non ?
Billy avait perdu le sourire, son ventre s'était noué, et malgré ses un mètre quatre-vingt dix il se sentait petit et ridicule. Il espérait de tout son coeur qu'aucun des serveurs n'avaient entendu. Il prit la main de Deborah :
- Mais... Je... Tu... Tu ne veux pas qu'on se marie ?
- Tu sais très bien que si, mais c'est peut-être un peu tôt, je t'avais dit qu'on pouvait attendre un peu.
Billy respira un grand coup et reprit confiance en lui :
- Tu m'avais dit qu'on pouvais attendre que tu ais 24 ans, que ce soit à peu près stabilisé avec l'exploitation de ton père. Tu as 24 ans dans six mois, et un mariage se prépare quand même en avance, et