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cloisonnées et rien n'était moins sûr qu'une fois au niveau de celles-ci, au premier étage, il n'allait pas rester coincé. D'autant qu'il fallait y monter, au premier étage, et il avait beau être policier il n'avait pas vraiment de notion d'escalade comme on pourrait se l'imaginer à voir tous les films de superflics. Bref les fenêtres ne semblaient pas non plus la meilleure option, et il avait peur que la porte ne fût blindée, et ne rendît même l'usage de son arme inutile. Il se dit alors qu'il pourrait tenter de passer par le toit, en enlevant quelques tuiles, il pourrait peut-être pénêtrer à l'intérieur. Mais pour arriver sur le toit il lui faudrait un échelle ou passer par le deuxième étage de l'immeuble contiguë.

Thomas resta cinq minutes dubitatif, se demandant s'il ne ferait pas mieux de laisser tomber, de rentrer chez lui, d'oublier son travail, Seth et Stéphane, et de partir en vacances jusqu'à ce qu'il eût digéré toute cette histoire. Puis il repensa à Stéphane... Il pourrait peut-être attendre que quelqu'un vint et rentrer en douce derrière lui ? Appeler lui aussi un serrurier ? Aucune de ses idées ne lui convint. Il s'énerva alors un peu, et puis lâcha finalement un "Oh et puis merde", sortit son arme et tira deux coups dans la serrure qui vola. La porte ne s'ouvrit pas mais il put passer les mains pour actionner le mécanisme. Il fit du plus vite qu'il put, entra et referma la porte derrière lui, retenant sa respiration, en espérant que personne ne l'eut vu.

L'intérieur sentait le renfermé et le vieux, mais il planait comme un parfum. Il crut reconnaître l'odeur de Seth. Il n'y avait pratiquement pas de lumière à l'intérieur et même après quelques secondes ses yeux ne lui révélèrent pas beaucoup plus les détails de la pièce. Il alluma alors sa lampe de poche. La pièce était toute petite, peut-être dix mètres carrés. Il prit une chaise et la cala contre la porte, au cas où quelqu'un l'aurait vu ou tenterait d'entrer. Il fit rapidement le tour du niveau, une petite pièce avec une petite cuisine, et une salle de bain préhistorique qui n'avait pas dû servir depuis des dizaines d'années. Il ne resta pas longtemps au rez-de-chaussée, ne regarda même pas le contenu de la commode et monta directement au premier étage par le petit escalier.

La salle ne devait pas faire plus de quinze mètres-carrés. Le petit escalier arrivait dans un coin, sur la gauche

de Thomas ; il y avait un petit lit en face, puis une armoire, une commode sous la première fenêtre, une autre armoire, deux étagères basses entourées un petit bureau sous la seconde fenêtre, sur le mur en face de lui. La petite maison faisait l'angle de la rue. Il y avait à peine plus de lumière qu'au rez-de-chaussée, traversant les rares fentes dans les volets rabattus. La même odeur de vieux, de poussière hantait les lieux, toujours mêlée à ce parfum enivrant qui semblait lui rappeler la peau de Seth. Il y avait quelques livres mais surtout du courrier, des lettres, des centaines, des milliers peut-être. Une partie était archivée dans les armoires, mais des tas de lettre non ouvertes traînaient au sol dans un bac. Thomas s'approcha et s'aperçut que quelques unes du dessus avaient néanmoins été décachetées, peut-être par Mathieu Tournalet lors de sa visite. Il en prit une au hasard, elle n'était pas écrite en Français, en arabe sans doute, elle venait d'Egypte.

Il fouilla quelques instants avant d'en trouver une écrite en Français. Elle datait de 1997, elle venait de Nice. C'était une lettre écrite par une femme. Elle annonçait la mort de son mari, mort à l'âge de quatre-vingt dix-neuf ans. Elle remerciait la personne à qui elle s'adressait pour toutes les années de bonheur qu'elle avait vécues, elle lui souhaitait sa gratitude et sa reconnaissance. La lettre était adressée à Seth, au 113 rue Mouffetard. Thomas chercha d'autres lettres, il en venait de part le monde, beaucoup étaient plus anciennes. Ce bac devait être tout le courrier non ouvert de Seth. Mais depuis quand n'était-elle pas venue ? Était-ce bien la même Seth ? Il se dit que c'était impossible quand il commença à trouver des lettres qui dataient des années soixantes-dix, puis soixantes, cinquantes... La plus vieille qu'il trouva avait un tampon du 12 mai 1933. Elle était adressée à Seth, elle venait des États-Unis. Thomas parlait moyennement anglais mais il ouvrit tout de même.

C'était une lettre d'amour, c'est ce qu'il en déduit tout du moins. 1933 ? Mais à qui s'adressait cette personne ? C'était sans doute une erreur. Mathieu Tournalet avait cru trouver la trace de Seth, mais il s'était trompé, il était tombé sur la trace d'une autre Seth, une autre Seth peut-être morte depuis longtemps, désormais...

Il remit les lettres dans le bac et regarda dans l'une des armoires. Des lettres, toujours des lettres, archivées par pile. La