- Tu connais la couleur du titane ?
Erik nous coupe :
- On s'en moque un peu de savoir en quoi sont ces barres, ne traînons pas, je ne sais pas quelle heure il est mais nous ne sommes pas spécialement dans de beaux draps, et si ça se trouve de nouveaux copains sont à notre recherche et peuvent nous tomber dessus d'une minute à l'autre.
Cette réflexion d'Erik me fait froid dans le dos. Certes je ne me considère pas comme sorti d'affaire, mais depuis ce matin tout est tellement étrange. Le fait que je m'évanouisse presque mort avec une entaille dans le ventre, et que je me réveille, à deux doigts de ce que je considère comme le jardin d'Eden... J'ai du mal à imaginer le lien, à faire la connexion, un peu comme si tout n'était, depuis le début, qu'un immense rêve... Depuis mon réveil sur l'île de Ré en fait, je suis peut-être bien mort à ce moment... Quoi que j'avais le bracelet avant, tout ne peut donc pas être parti de là. À vrai dire je pense que j'attends beaucoup du récit de Naoma. Il me manque tellement d'éléments que je n'essaye même pas de vraiment comprendre ce qu'il se passe. Mais Erik a raison, le monde ne s'est pas arrêté de tourner, et si je ne sais pas comment j'ai atterri ici, rien n'empêche pour autant mes poursuivants d'être sans doute toujours à mes trousses.
- Je suis d'accord avec toi, Erik, mais je suis encore un peu perdu, peut-être que j'y verrai un peu plus clair quand Naoma aura fini de me raconter ce qu'il s'est passé avant que nous n'arrivions ici. Repartons dans la forêt, nous devons trouver comment partir d'ici, tu as raison. Pendant ce temps Naoma tu peux continuer à raconter ?
- Oui si tu veux.
Nous repartons, avec nos barres et nos cages, en direction de la forêt, et Naoma reprend son récit :
" Je ne saurais dire pendant combien de temps tu as crié, plusieurs dizaines de secondes, et puis plus rien. Tu ne faisais plus un bruit, ne disais plus un mot, tu es resté allongé au sol. Tu tremblais un peu, comme après une décharge électrique. L'être bleu est resté encore un instant, tu as eu un soubresaut, puis il a fait
demi-tour et il est reparti. Je suis parvenue enfin à me lever. Je me suis précipitée vers toi, mais... Je ne sais pas vraiment comment expliquer, ce que t'avait fait cette chose... Quelques minutes se sont écoulées et puis tes tremblements ont passé. Erik a profité que le groupe d'hommes était en train de sortir, hypnotisé par la présence de l'être, pour tenter une évasion. Il s'est précipité vers le dernier d'entre eux et l'a pris en étranglement. Celui-ci a été surpris mais il a réussi à l'empêcher de crier. Ensuite Erik est parvenu rapidement à quitter la cellule. Aussitôt dehors, il a lâché l'homme et il a pris la fuite en courant. J'ai entendu ses pas dans le couloir. Je suis resté là, j'étais perdue, toi, qui semblait sans vie, Erik qui s'échappait, et moi, toute seule, démunie... Il y a eu une grande agitation chez les hommes, certains sont partis à la poursuite d'Erik, d'autres ont gardé la cellule. Ils parlaient tous entre eux, une langue que je ne comprenais pas, une sorte d'arabe ou plutôt la sorte d'hébreu dont tu m'avais parlé, la même langue que parlaient tous les hommes que tu avais rencontrés au long de tes aventures...
Je suis restée seule avec toi. Tu n'étais pas mort, mais tu ne bougeais plus. Je me suis mise à pleurer de nouveau, toujours désespérée que rien ne te fasse réagir. Pourtant tu respirais, tu clignais des yeux... Je ne savais vraiment pas quoi faire, je me suis levée, je t'ai tournée autour, j'en ai même été jusqu'à te secouer violemment, en te criant de me parler, de me dire ne serait-ce qu'un mot... Mais rien... J'avais tellement peur qu'il ne t'eût détruit le cerveau, volé ton esprit ou une atrocité similaire... Je suis restée sans doute une vingtaine de minutes, recroquevillée sur toi, à pleurer en répétant ton nom, te suppliant de me répondre...
Erik est finalement revenu au bout de quelques temps, vingt minutes peut-être. Il s'est fait ramener par plusieurs hommes, qui le tenaient solidement les bras bloqués dans le dos. Ils l'ont poussé comme un malpropre dans la cellule et ils ont refermé la grille en lui envoyant des injures ou des menaces. Il est rentré sans mot dire et je lui ai moi aussi lancé des regards noirs de colère de nous avoir abandonnés. Il est allé s'asseoir contre une paroi sans même venir te voir. Au bout de quelques instants il a quand même demandé après toi :
- Qu'est-ce qu'il a ?