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moi se reculent tous alors en poussant des cris d'étonnement, écoeurés par ma chemise, mon tee-shirt et mes jeans couverts de sang. Cette démonstration suffit pour qu'une infirmière me demande de la suivre. Dans une petite pièce où se trouvent déjà deux personnes, elle m'aide à me déshabiller et commence à nettoyer ma plaie quand un docteur arrive. Il me demande ce qu'il m'est arrivé. Je lui explique que j'ai été pris en otage par un groupe armé, mais que celui-ci a été pris à parti par un autre groupe. Et que dans la confusion j'ai réussi à en réchapper uniquement avec une balle dans l'épaule. Je lui raconte aussi que je suis français et que je ne suis pour rien dans tout ces histoires, que je me suis fait enlever à la sortie de l'aéroport ce matin.

Il me demande de me déshabiller complètement et s'étonne de voir à quel point je suis amoché. Il s'interroge sur l'origine de toutes ces blessures sur mon corps, sur mon dos, sur mes jambes. J'invente que j'ai été très ballotté pendant la fusillade, et que je ne m'en suis pas rendu compte. Je suis moi-même surpris de découvrir toutes ces blessures. Il me prie de passer une radio pour vérifier que je n'ai rien de cassé. Je le renseigne, cependant, que je ne sais pas comment je dois payer, et comment fonctionne la sécurité sociale dans ce pays. Il m'explique que si je suis réellement français et que j'ai une sécurité sociale en France, je devrais passer un coup de fil pour me renseigner à ce sujet. Je lui demande alors combien cela coûtera approximativement, entre les soins et les radios. Il m'explique que ce sera de l'ordre de cent cinquante à trois cents dollars, plus si je reste plusieurs jours à l'hôpital. Je lui fais part alors de mon désir de rentrer en France au plus vite, que je ne me sens pas mal, et que je me ferai soigner sur place. Pour l'instant je veux juste une radio de mes côtes, qui me sont très douloureuses, mais que je ne pense pas avoir de fractures ni dans les bras ni dans les jambes. Il ne fait pas de complication et c'est très bien, j'imagine qu'il a mieux à faire que de s'occuper d'un touriste égaré.

J'essaie d'écourter ma visite au maximum, trop pressé de quitter ce pays. Au bilan, de nombreuses blessures superficielles, mais, c'est un étonnement mais surtout un soulagement, pas de côtes cassées. Ma blessure est désinfectée et pansée. Comme je m'en doutais, j'ai eu la chance que la balle ne s'y soit pas logée d'une part, et qu'aucune veine ou artère importante ne soit touchée

d'autre part. Le médecin me donne tout de même quelques médicaments anti-douleur, de quoi tenir jusqu'à mon retour en France. Je ne reste en tout et pour tout qu'un peu plus de deux heures dans l'hôpital. J'insiste pour partir au plus vite. Je règle les deux cents dollars que je dois, même si je pressens qu'ils ont quelque peu gonflé la note. Je sors de l'hôpital et je suis agréablement étonné d'y retrouver mon taxi, toujours garé à m'attendre.

Dans le taxi en direction de l'aéroport, je me dis que je ferais peut-être mieux de retourner en France. Mais est-ce que cela m'avancera vraiment à quelque chose ? J'aurai la satisfaction de me retrouver dans un environnement un peu moins inconnu, mais pas forcément moins hostile ou dangereux. Aussi réconfortante l'idée puisse-t-elle paraître, j'ai bien peur que de faire marche arrière ne m'aide pas beaucoup, il me faut aller de l'avant si je veux pouvoir avoir un peu de contrôle, l'espoir de ne plus être ballotté d'un côté et de l'autre... J'irai donc à Sydney, oui, et je trouverai cet Etiola...

Aéroport de Mexico, deuxième essai. Cette fois-ci je ne me pose même pas la question de Los Angeles, je prends le premier vol pour Sydney. Il y fait bien escale, mais après tout, je suis moins effrayé à présent de prendre ce risque. Je n'aspire qu'à me retrouver enfin assis dans l'avion, pour me reposer et dormir. J'avoue qu'à ce moment je ne me soucie pas le moins du monde de savoir ce que je ferai exactement une fois à Sydney, m'imaginant sans doute que je trouverai mon marabout, comme par miracle, pour m'accueillir à l'aéroport. Le billet coûte mille neuf cent cinquante dollars et des poussières, mais je n'ai plus sur moi que mille huit cent dollars après avoir dépensé quatre cent dollars entre la dame chez qui je me suis débarbouillé et l'hôpital. Je n'ai pas envie de me servir de ma carte bancaire, et je finis par négocier mon billet pour mes dollars restants. Il est 15 heures 30. Le vol est à 16 heures 30. Il va durer près de dix-neuf ou vingt heures, avec en plus plusieurs heures d'attente à Los Angeles. De quoi me reposer un minimum, j'espère. Je prie pour que tout se passe bien et que je ne rencontre plus personne qui me cherche des ennuis du reste de la journée, ou plus précisément jusqu'à mon arrivée à Sydney.

Je ne souffle que lorsque l'avion décolle. Et c'est une façon de parler car souffler est très douloureux avec mon épaule ! Je profite