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Il s'adresse de nouveau à moi, énervé par l'intervention d'Erik.

- Mais dans un premier temps, je suis un honnête homme, je serais bien sûr disposé à vous laisser repartir, contre, disons, deux cent mille dollars. Dans l'hypothèse où vous possédiez cette somme.

Deux cent mille dollars, il est gentil... Je lui réponds d'un ton empli de lassitude :

- Je ne l'ai pas, tout ce que j'ai c'est cinq malheureux mille dollars avec lesquels j'aurais voulu que vous me fassiez des faux papiers. Si vous êtes vraiment un honnête homme, peut-être accepterez-vous l'argent d'un honnête client.

Il sourit et reste silencieux un instant, puis raille :

- C'est bien ce que je pensais... Dans ce cas malheureusement je sais que je n'ai pas vraiment les moyens de négocier avec vous, comme vous êtes justement l'objet du négoce, mais je peux vous rendre votre détention plus agréable si vous m'aidez à faire monter les enchères. Dans le cas contraire il faudra que je fasse appel à des amis pour vous faire parler, et ce ne sera agréable ni pour vous, bien sûr, mais ni pour moi qui devrais sans doute partager avec eux aussi la somme du marché, car j'ai peur pour vous que tout le monde du milieu n'ait votre photo et soit au courant de la rançon, désormais.

Et bien ! Bon sang dans quelle misère me voilà encore ! J'aurais tellement dû partir directement de chez Naoma, mais comment savoir ? Et surtout comment m'en sortir désormais ? Le mieux serait de rattraper toutes mes bêtises, en essayant d'être fin, pour remonter le niveau, ce Matthias White a l'air gourmand, je peux peut-être tenter d'en profiter.

- Ne vous inquiétez pas je vous enlèverai cette épine du pied et suis prêt à vous dire tout ce que je sais.

Il sourit. Je prends une voix blasée.

- Mais ne vous faites pas d'illusions, les personnes qui me recherchent vous tueront vous aussi. Ils tuent toutes les personnes à

qui je raconte ce que je sais.

Il pâlit. Puis sourit. Il se lève. Il est peureux.

- Ne vous inquiétez pas, je suis prudent et discret, et voilà bien des années que moi aussi ma tête est mise à prix, mais contrairement à vous ils n'ont aucune photo à mettre sur mon nom. De plus je suis apprécié pour mon bon travail dans la mafia locale, ils me protégeront.

Je le regarde dans les yeux, il est gêné.

- À votre aise, mais ces personnes sont bien plus puissantes que vous semblez le croire, ces personnes sont autant présentes au Pentagone que dans le gouvernement australien, mexicain et sûrement bien d'autres. Je vous parie ma mise à prix que tout ce que vous aurez comme récompense dans cet échange, ce sont des petits bouts de métal lancés à grande vitesse.

- Si vous tentez de me décourager, c'est peine perdue, je ferai cet échange.

Erik intervient d'une voix glaciale :

- Tu veux dire que c'est moi qui le ferai, comme d'habitude.

- Euh, bien sûr Erik, je ne peux pas me montrer, tu le sais bien.

La situation est dramatique, mais pourtant je ne suis pas désemparé, presque envieux de prouver à ce Matthias qu'il a tort. J'ai déjà remarqué cette réaction, j'ai l'impression que les situations dramatiques déclenchent quelque chose en moi d'étrange, qui me stimule, me fait prendre du recul, c'est très surprenant, voire même dérangeant de devenir si froid. De plus ce grand noir ne me paraît pas trop bête et je pourrais sans doute lui faire entendre raison. Mais il faut que j'accélère les choses, s'ils savent que je suis à Melbourne, plus j'attends, plus la situation est dangereuse.

- Si vous avez quelque chose à manger je veux bien vous raconter tout maintenant.

Matthias est surpris par ma demande, sans doute ne me donne-t-il