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années, à construire ? La futilité m'embête. Mais à quoi bon croire qu'une relation, une entraide, ira plus loin la prochaine fois ? Pourquoi ne pas accepter la solitude, s'en fortifier, et avancer indifféremment des autres ? Il est dur de suivre, pour sûr, et presque le rôle de messie serait plus facile à tenir que celui de fidèle. Peut-être ai-je trop attendu désormais, qu'il faut partir, commencer, poursuivre. Je suis perdu, je ne sais pas où j'en suis, ce que je suis, ce que je veux...

11 heures 49.

Mais comment me retrouver ? Quel est l'ordre ? Un fil conducteur, le suivrais-je sans savoir ? Comme si mes idées étaient classées, rangées, ordonnées. Mais le sont-elles ? Sûrement pas, alors à quoi bon ? Autant laisser couler les mots et c'est peut-être la liberté de les ranger comme ils viennent qui permettra à l'ordre d'apparaître.

Mais l'ordre n'est pas, le moins qu'on puisse dire pour l'instant, présent. Et comment faire de l'ordre dans des mots qui viennent d'une vie désorganisée ? Il me faudrait planifier une histoire, mon histoire, puisque tout cela ne représente que l'ensemble des réflexions de ma vie quotidienne. Planifier sa vie, quelle chose immonde, comment peut-on accepter d'avoir une vie pensée à l'avance ? Pourtant construire est une préoccupation, et ainsi devrait ressortir, peut-être pas un plan du futur, mais au moins un constat du présent et une direction. Il est assez difficile de parler de la vie, de sa vie, en voulant rester générique, vague, presque, sans exemple, sans lien avec une réalité, mais c'est peut-être cet effort de prise de recul qui permet une généralisation plus légitime.

La religion est une forme de voie. Du peu que j'en connais, les religions restent assez en accord sur la nécessité de limiter l'égoïsme, et de favoriser l'entraide et la solidarité. Mais depuis la nuit des temps y en a-t-il une qui a déjà réussi à rendre l'homme heureux sur Terre autrement qu'en lui promettant l'invérifiable, la vie éternelle, la rémission des péchés et autres cadeaux bonux post-mortem ? Si cette religion existe je ne la connais pas. Et j'aime à croire qu'il n'est point besoin de promettre pour contraindre, simplement de rendre évident, clair et nécessaire.

Mardi 14 août 2001

Mardi 14 août 2001, 21 heures 57. Journée de travail terminée, qu'ai-je fait aujourd'hui que je garderai demain ? Ne pourrait-on pas vivre nos vies à l'envers, pour peut-être profiter d'abord des sacrifices avant de les faire à l'aveuglette ? Et faut-il les faire, ces sacrifices, faut-il manger correctement, faire du sport, apprendre, se cultiver, pour être mieux, heureux peut-être, plus tard ? Chaque jour les réponses diffèrent, tellement mes idées sont confuses, cueillir le jour, combien d'interprétations peut-on lui associer ? Cueille le jour pour quoi, pour vivre, pour mourir, pour vieillir, pour construire, pour apprendre, pour se reposer ?

Une chose qui est ressortie de mes réflexions, il n'y a pas de règle absolue, ne jamais dire jamais, c'est peut-être la seule règle, finalement, qui serait sa propre exception.

Mercredi 15 août 2001

Mercredi 15 Août 2001, 8 heures 17, un rituel déjà bien établi m'a fait lire mes mails et me tenir au courant des dernières nouvelles, que j'oublierai bien vite pour profiter un peu de cette journée de solitude. Fête de Marie. Autant les rares moments d'écriture que je m'octroie sont-ils disparates et écourtés par les urgences quotidiennes, autant ce mercredi 15 Août, je le réserve à cette activité. M'y conformerai-je ? C'est peut-être la question, mais je n'aurai guère d'activité que je trouverai prépondérante, en tous les cas selon mon humeur présente, mais le temps change si vite... Si ce sont plusieurs heures que j'ai devant moi, peut-être, enfin, pourrais-je imaginer un plan, une logique, quelques heures ne sont pas une vie et cette activité n'aura pas une incidence gênante sur mon impression de liberté. Il serait sûrement intéressant de faire une petite chronologie de ma pensée, de mes efforts, pour d'autant mieux comprendre où j'en suis et où j'aurai prétention d'aller. Laissons-nous, ou je me laisse, plus humblement, aller à une rapide chronologie. À la mode des dissertations de philo, que j'affectionnais, il est vrai, ce sera, autant que je m'en souvienne, un classique intro-description du plan-corps-conclusion, dont le sujet est : "La recherche d'une philosophie de la vie chez l'homme."

8 heures 30, introduction