quelqu'un d'autre qui veut me faire porter le chapeau ? Pourquoi le gars au Pentagone m'avait détaché ? Pourquoi le gars au Texas m'a conseillé de venir ici, à Sydney, juste avant de mourir ? Était-ce une mise en scène ? Pourquoi cette fille me sort d'affaire pour disparaître aussitôt ? Mais qui pourrait avoir intérêt à s'attaquer à cette organisation ? Un autre mouvement rival ? Certains services secrets ? Je ne comprends rien. Mon attaque de ce soir serait-elle une représaille suite à l'explosion qui m'a délivré ? Serais-je quelqu'un d'autre ? Aurais-je perdu la mémoire d'une partie de ma vie ? Est-ce que j'ai loupé un épisode ? Est-ce que je me suis réveillé hors de l'eau à l'Île de Ré en effaçant tout un pan de ma vie ? Mais c'est impossible, Guillaume, les autres, ils étaient tous là, il n'a rien pu se passer d'autre. À quel moment alors, au Pentagone ? Ce n'est pas possible non plus, j'ai appelé mes parents du Texas et tout était comme je m'y attendais. Je suis tout de même subitement paniqué à l'idée de ne pas être au moment où je le crois. Je demande confirmation à l'infirmière.
- Pardon, mais quel jour sommes-nous ?
- Nous sommes dimanche 17, euh non en fait lundi 18 novembre désormais. Vous ne vous rappelez plus où vous êtes ?
- Si si, c'est juste pour vérifier... Mais, euh, de quelle année ?
- 2002, nous sommes en 2002. Le pauvre, il perd la tête...
Cela me rassure au moins sur un point, c'est que je n'ai semble-t-il pas perdu la mémoire. Je continue alors mon raisonnement. Imaginons que l'organisation pense que je suis contre elle. Cette histoire de marabout est peut-être juste une manigance pour me faire courir à la recherche d'une explication qui n'existe peut-être pas. Mais pourquoi moi ? Me font-ils passer pour quelqu'un d'autre ? Cela expliquerait au moins pourquoi ils s'obstinent tous à me parler dans leur fichue langue.
Je reviens brutalement à la réalité moins complexe d'une souffrance directe quand l'infirmière s'attaque à refaire mon bandage. Toutefois j'ai au moins choisi que faire ; je vais le plus tôt possible à l'ambassade de France pour tenter de rentrer chez moi, c'est fini les cavalcades, je vais rentrer chez mes parents et puis je
verrai bien alors... Je me laisse soigner sans broncher, presque las et accoutumé à la douleur, encore une dizaine de minutes avant que les policiers n'arrivent. Ils me posent plusieurs questions. Pourquoi je pense que cette personne m'a attaqué. Si je l'ai vue, si je peux la décrire. J'essaie d'en dire suffisamment pour les satisfaire, mais pas trop pour ne pas me lancer dans d'interminables explications. Personne ne croirait mon histoire, de toute façon. Je demande ensuite à être détaché, mais ils refusent. Ils disent ne pas savoir pourquoi j'ai été attaché, mais qu'il y a sûrement de bonnes raisons et qu'ils ne veulent pas prendre le risque. Je ne tente pas plus de les convaincre, je suis fatigué et de toute manière c'est peine perdue.
Encore quelques minutes de soins. L'infirmière remarque que mon lit est complètement bancal. Elle pense qu'il serait préférable de me changer de chambre, d'autant que la fenêtre est cassée et qu'il va y avoir des courants d'air. Elle me demande de patienter quelques instants pendant qu'elle descend au premier retrouver le gardien pour qu'il me détache pendant le transvasement. C'est vrai que le lit a pas mal souffert. Je secoue un peu la barrière. Elle a été bien endommagée pendant la bagarre, et je pense que je pourrai parvenir à la désolidariser du lit. Si je veux partir c'est maintenant ou jamais. Mais je ne peux me le permettre qu'en comptant que je puisse marcher dans mon état. De plus je serai assez vite repéré attaché à un tube en métal avec des menottes. Vont-ils vraiment tenter de revenir une fois de plus ? Ou serait-il envisageable de faire un somme jusqu'à l'arrivée du docteur ? Je réalise aussi qu'en Australie, comme les autres pays anglo-saxons, le premier étage doit être le rez-de-chaussée. Le gardien a mentionné que nous étions au deuxième étage tout à l'heure, mais il équivaut à un premier étage en France. Il a précisé trois ou quatre mètres de hauteur, c'est sûrement jouable. C'est souvent quand on doit prendre des décisions rapidement que l'on prend la mauvaise, mais c'est aussi toujours là qu'on regrette de n'avoir rien fait.
Je suis tenté mais tout bien réfléchi je décide de ne rien faire. Je parie sur le fait qu'ils ne vont pas revenir me tabasser de la nuit, et que de rester gentiment à l'hôpital me rendra les choses plus simple vis-à-vis de l'ambassade. Fuir donnerait sans aucun doute des arguments pour supposer que j'ai quelque chose à me reprocher. Le