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métal.

Je crie, je crie ma rage, frappant encore ce satané sas. Je n'ai pas envie de mourir ici, Sas ! Tu m'entends ! Je n'ai pas envie de mourir ici !

Des heures passent. Je dors encore, je n'ai même plus le courage de retourner en arrière. Rien ne change, il fait toujours aussi froid, et toujours aussi noir. Voilà sans doute plus d'une journée que je suis en face de ce satanée sas, et peut-être deux jours que je me suis réveillé dans ce tube. Je meurs de faim et de soif, mon ventre me tiraille et ma gorge est douloureusement sèche. Je ne sais plus désormais si ma migraine s'amplifie encore ou si elle a dorénavant dépassé tous mes seuils maximum de douleur.

Je ne perds pas courage pour autant, je continue à m'acharner sur ce maudit sas. Sans crainte de l'obscurité, je prends désormais mon élan sur plusieurs mètres pour m'élancer contre lui. Si seulement j'avais un bâton ou de quoi frapper.

Je sombre petit à petit dans une somnolence dangereuse. Je perds la notion du temps, ne sachant plus les heures ou les jours qui passent. Une seule chose obnubile mon esprit, sortir, écraser, fracasser, détruire ce fichu sas pour quitter cet endroit. Je me moque de ce que je trouverai derrière, tout ce qui m'importe, tout ce qui occupe mon esprit, c'est la volonté de voir ce sas éventré.

Mes vêtements ne me protègent plus suffisamment du froid, et je tremble et grelotte en permanence. La seule chose qui me fait tenir, c'est de frapper contre cette porte en métal.

Voilà sans doute plusieurs jours que je suis là, trois, quatre peut-être. Je ne maîtrise plus mon corps, il me brûle, ma tête est comme dans un étau, mes poings ne sont que deux boules de nerfs à vif à taper contre l'acier. Je suis mort de fatigue, de faim et par dessus tout de soif, mais mon corps trouve encore la force de se lancer contre le sas. Encore et encore. J'ai même le sentiment étrange que mon énergie augmente avec les heures qui passent. Que je frappe de plus en plus fort à mesure que mon esprit s'éteint.

Peut-être encore un jour s'écoule, je n'en peux plus, je ne dors

plus, je ne me rends pas vraiment compte de ce qui se passe, je commence à voir, sans doute des hallucinations. Je vois ce satané sas, je le vois devant moi comme un ennemi. Je vois mes mains en sang, je vois les parois qui m'étouffent. Je ne sais plus vraiment ce que je fais, et je ne prends conscience que de temps en temps, après un choc violent contre le sas, ou quand je m'entends crier. Ma voix résonne dans les ténèbres, une voix forte et grave, une voix comme si j'étais déjà mort.

Je n'ai plus la notion du temps et je ne sais plus du tout combien d'heures ou de jours s'écoulent. Je me rappelle voir le sas de la porte précédente. Je me rappelle m'acharner dessus, le tirer, le frapper. Je me rappelle parvenir à le démonter, ou l'arracher. Je me rappelle le traîner au sol jusqu'à l'autre sas, le soulever et l'envoyer contre celui-ci. Je me rappelle le prendre et l'envoyer comme une vulgaire feuille. Je me rappelle prendre le sas par le volant métallique et le projeter encore et encore, toujours plus fort. Je me rappelle prendre mon élan et le propulser jusqu'à voir le sas se plier. Je me rappelle de l'eau, de l'eau couler par le sas. Je me rappelle voir la porte en métal qui me servait de projectile pliée, vrillée. Je me rappelle l'eau couler de plus en plus, jaillir. Je me rappelle parvenir à agripper le bord du sas et terminer de l'ouvrir. Je me rappelle me glisser sous la pression et me tirer d'autre côté. Je me rappelle le poids de l'eau, le manque d'air, mes yeux qui brûle, mon corps qui brûle. Je me rappelle cette lumière bleutée, puis je me rappelle me propulser vers la surface, nager et nager encore.