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Contrôler ce que je pense ? Tout me semble centré sur ce bracelet. Même quand je ne le mettais pas, une fois ou deux je me suis fait accoster par un vendeur de babioles qui me disait que dans l'époque tourmentée que nous vivions, il serait préférable de lui acheter un de ses bracelets porte-bonheur, et de surtout ne jamais le quitter... Comment est-ce possible, à force tout ne peut pas être que coïncidence ! C'est si étrange, si louche... Après tout il faut dire que ces histoires doivent aussi me taper un peu sur le système.

Dimanche 27 octobre 2002

Rien n'y fait, je ne suis pas arrivé à le retirer. J'ai passé une nuit affreuse, j'ai cauchemardé sans arrêt et je me suis réveillé en sueur à trois reprises. Rêves de folies, de poursuites, d'aventures incroyables... On peut difficilement dire que j'ai tiré parti de l'heure de sommeil en plus que j'étais censé mettre à profit grâce au changement d'heure.

22 heures 14, bilan mitigé de la journée. Levé vers 9 heures, finalement je me suis endormi après avoir lutté plusieurs heures en début de nuit. Aussitôt debout mon esprit se focalise sur le bracelet et sur un moyen pour me débarrasser de lui. Mais le fait de penser à une telle chose me rend malade, je suis à la fois tellement bien avec, mais si je pense au contraire j'en suis tout autant malade. Je ne sais plus ce qui est vrai, ce que je m'imagine... Je crois que je devrais prendre un peu de recul, arrêter de penser à lui, et laisser passer un peu de temps. Je vais aller à Mandrakesoft en espérant que ça me permette de penser à autre chose.

Guillaume était au travail, je n'ai pas pu m'empêcher de lui raconter mon histoire. J'ai commencé avec le bracelet que j'ai trouvé, la fille, le mal de tête, la déprime, le fait que je me suis dit que le bracelet était la cause de mon mal. J'ai expliqué ensuite que je l'avais gardé quelques jours au poignet avant d'avoir des remords, mais trop tard, et que je ne pouvais plus le retirer, bref, tout ou presque... Il ne m'a pas cru, bien sûr, mais qu'espérer ? Au moins j'aurais essayé de mettre un peu les choses au clair dans ma tête. C'est toujours très utile, quand on veut réfléchir sur un sujet, quand on n'est pas très sûr de quelque chose, de tenter de l'expliquer à quelqu'un. Construire un discours remet les choses un peu dans l'ordre. Mais Guillaume doit

avoir raison, je voudrais tellement que quelque chose arrive, qu'un truc incroyable se produise ou que cette histoire de nana qui me court après ne soit pas juste un incident sans conséquence, qu'il est possible que je m'invente toute une histoire sans lien avec la réalité, ou si peu.

Quoi qu'il en soit il m'a fait justement remarquer que j'avais deux semaines de vacances à partir de la semaine prochaine, et que je devrais en profiter pour prendre un peu l'air. Nous devons aller pour le week-end du premier novembre à l'Île de Ré. La grand-mère de Guillaume y possède une maison et il nous a invités à y passer cinq jours avec des collègues du travail. Ce n'est pas forcément la meilleure période de l'année pour aller à l'Île de Ré, mais entre copains nous trouverons bien de quoi nous occuper, et nous aurons au moins le reconfort de ne pas être gênés par les touristes.