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pas d'appétit dans un moment pareil. Il bafouille :

- Ah ? Euh très bien, tu veux bien aller nous chercher de quoi dîner, Erik ? Prends un truc à emporter... Euh, vous voulez quelque chose de particulier ?

- N'importe quelle junk food fera l'affaire...

Erik sort. Matthias me demande de commencer. Je lui réponds qu'il est plus convenable d'attendre Erik. Je me suis assis dans l'un des fauteuils. Ils ne sont ni l'un ni l'autre très en état, mais ce sera toujours mieux que les chaises. Matthias est très énervé de ma réponse, mais je sais très bien qu'il ne peut rien faire car Erik me donnera raison. Il bouillonne en attendant Erik, et le réprimande pour la durée de son absence dès son retour.

La situation ne m'a effectivement pas coupé l'appétit et je mange avidement en me lançant dans mon histoire. Je n'ai rien à cacher, cependant il faut qu'ils me croient, et je tente de limiter les passages les plus invraisemblables. Mon but est de les convaincre que j'ai mis à jour une vaste organisation occulte ayant la main-mise sur le pouvoir établi. Les événements comme les deux grillés dans le fourgon, ou cette fille qui arrive par magie, sont mis de côté. Mais force est de constater qu'à bien y regarder, je ne sais pas tellement de choses. Toujours est-il que je ponctue mon récit de remarques sur les points qu'ils devraient mettre en avant pour faire monter les enchères. Je m'évertue toutefois à préciser que je ne comprends pas vraiment les tenants et les aboutissants et que je serais bien incapable de dire exactement ce qu'ils me veulent. Matthias me tient toujours en joue avec son arme, et reste perplexe sur le fait que je n'en sache pas plus. Mais mon argumentation se poursuit et je le convaincs d'appeler en donnant quelques détails susceptibles de faire monter la mise.

Matthias s'exécute après m'avoir refusé d'aller aux toilettes. Nous quittons la pièce pour en rejoindre une disposant d'un téléphone. J'espère que mon semblant de stratagème marchera et me permettra d'atteindre mes deux objectifs, tout d'abord qu'Erik et lui me fassent plus confiance, et deuxièmement que l'organisation les repère et, en s'apercevant que Matthias sait beaucoup trop de choses, intervienne sur le champ en localisant l'appel. Je suis persuadé qu'il

n'y a en réalité aucune prime, et qu'en s'en apercevant, Matthias et Erik passeront de mon côté, ou plus vraisemblablement laisseront tomber l'affaire. Je souffle à Matthias de parler de la salle secrète sous le Pentagone, tout comme celle de Sydney, du groupe de révolutionnaires mexicains assassinés, de David, de Samuel. Matthias est moins bête que je n'aurais cru et amène habilement les choses, sous-entendant que toutes ces informations peuvent sans doute se vendre à la presse à bon prix. Mais la conversation est rapide, confirmant que ses interlocuteurs se moquent de la négociation. Quinze minutes plus tard Matthias raccroche le sourire aux lèvres. Quatre cent cinquante mille dollars, voilà ta nouvelle côte ! S'écrie-t-il.

Je tente sans succès d'utiliser cette négociation éclair comme preuve que cette prime est un attrape-nigaud. Matthias ne veut rien entendre et détaille la procédure d'échange. Je l'avais partiellement comprise pendant la communication, mais l'échange aura lieu le lendemain matin même. Erik, comme il l'avait laissé entendre, se chargera de l'exécuter. De manière à éviter tant que faire se peut les débordements, je resterai enfermé dans un endroit secret. Erik ira chercher l'argent, puis eux enverront quelqu'un me trouver. Quand ils auront mis la main sur moi, Erik pourra partir. C'est un peu plus complexe qu'un échange tel que je l'imaginais, et n'arrange pas mes affaires. L'échange se fera le lendemain matin à l'aurore, à 5 heures du matin dans une rue discrète.

Mon espoir que l'organisation intervienne dès à présent est réduit à néant quand je comprends que je ne passerai pas la nuit ici. Erik a peur que la contrepartie ne soit en mesure de localiser l'appel et d'intervenir et convainc Matthias de quitter les lieux. Je regrette alors d'avoir aussi lourdement insisté sur les moyens dont dispose l'organisation. Je n'ai malheureusement pas la chance de discuter avec lui pendant le trajet, le parcourant dans le coffre de la voiture, mais j'aurais au moins la satisfaction de découvrir rapidement l'endroit secret où je resterai caché. Nous ne devons rouler qu'une vingtaine de minutes. Dès la sortie du coffre, je tente de négocier avec Erik, le prévenant que cette récompense n'est que chimère et que c'est le purgatoire qu'il aura au mieux le lendemain matin. Il m'assure qu'il sera prudent et armé, et à même de juger par lui-même. Il me menotte à la sortie de la voiture et me conduit vers