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Arrivé à l'endroit où se trouvaient garés les véhicules, il ne reste que le fourgon. J'imagine que le chauffeur est parti en douce avec la voiture quand il a vu que les affaires tournaient mal. Je ne suis pas très enchanté à l'idée de repartir avec deux cadavres derrière moi. Je ne le suis pas plus à celle de devoir les sortir. Mais si je me déplace avec ce véhicule, je ne pourrai pas garder ces deux macchabées à l'arrière, je me ferai repérer en moins de deux, et je risque gros. J'espère surtout que le camion marche toujours... Je reste quelques secondes, pensif, regardant un peu les alentours, aucune chance que je reparte à pieds, avec ma blessure à la jambe... Nous sommes vraiment en pleine cambrousse, pas âme qui vive à l'horizon... Je prends finalement mon courage à deux mains, et je tire les deux corps à l'extérieur. Je conserve leurs vestes, mes habits étant couverts de sang et pratiquement complètement déchirés et brûlés. Avec l'une d'elles je confectionne un pansement de fortune pour ma jambe. Je range les deux pistolets dans la boîte à gants. Il y a une horloge dans le fourgon, il est 23 heures 40. Si nous sommes le même jour que celui où je me suis fait enlever, nous avons roulé six bonnes heures. Nous avons pu faire plusieurs centaines de kilomètres en tout ce temps. Je préfère partir au plus vite et ne pas moisir ici. Les clés du fourgon se trouvent sur le contact et il marche toujours. La réserve d'essence est très basse, j'espère que je vais pouvoir rejoindre une station-service, ou au moins m'approcher d'une habitation. Ils avaient peut-être prévu de rouler au plus vite le plus loin possible sans faire le plein, et de revenir avec la voiture. Je repars doucement sur le chemin de terre, en tentant de trouver le régime où je serais susceptible de faire le plus de kilomètres, sans accélération brutale. Je m'habitue assez vite au poste de conduite à droite. Mais il faut dire que la chose est rendue facile par l'inexistence d'autre véhicule ; je ferai sans aucun doute moins le malin en circulation, si j'y arrive...

Une heure plus tard le chemin de terre ne semble pas en finir, et malheureusement il vient à bout de mon fourgon ; à peine plus de quinze miles. Il ne me reste plus qu'à continuer ma route à pied. Je récupère la veste restante, bien qu'il fasse plutôt bon malgré la nuit tombée. J'y range ma pierre dans une poche. Je ne suis pas fatigué, je pourrais dormir ici en attendant le jour, mais je préfère m'éloigner tout de suite et ne pas prendre le risque d'être pris sous la forte chaleur qu'il risque de faire en plein jour.

J'ai conservé une arme avec moi, je ne sais pas trop quel genre d'animaux traînent dans les parages. J'ai toujours aussi soif et je commence aussi à avoir très faim. Je boite et la douleur à ma jambe s'amplifie. Je devrais me reposer un peu avant de marcher. Je cède finalement au bout de trois heures, exténué par la faim et le mal. Je trouve un coin un peu abrité, entre une grosse pierre et un petit talus, et m'y endors difficilement, inquiet des bruits de la nature. Cette nuit me rappelle ma marche dans le Texas. Je rêve qu'une aussi jolie fille, telle que Deborah, vienne me réveiller. Mais ce ne sont que des fantômes, un mélange de mes agresseurs du Mexique, de Sydney, et des deux monstres de la veille, qui me donne le bonjour en cette nouvelle journée. Je me réveille au petit matin complètement courbaturé et perturbé par mes cauchemars. J'ai assez mal dormi et je meurs de faim ; mon ventre me tiraille. Si seulement je pouvais trouver un koala, je pourrais me faire un rôti.

Mardi 19 novembre. Il fait chaud dès le petit matin. J'ai terriblement soif, et je n'ai presque plus que cela à l'esprit. J'en oublie presque toutes mes aventures de la veille, qui ne tournent dans mon esprit que comme un mauvais rêve. Tout n'est d'ailleurs bien qu'un mauvais rêve, tout est tellement fou, de toute façon, que ce n'est sans doute qu'un mauvais rêve... Enfin, je suis quand même en train de boiter en plein milieu du semi-désert australien avec un satané mal de tête et aucune idée de comment me sortir de ce mauvais pas. Je marche deux heures, pas plus ; j'ai mal à la tête, entre le Soleil et la déshydratation j'ai du mal à savoir quel est le pire. Hein ! Soleil ! Tu pourrais être un peu plus cool avec moi, je ne t'ai jamais trahi... Je ne pourrai pas continuer dans ces conditions très longtemps... Il faut que j'attende le soir ou trouve de quoi boire et manger. Mais le coin est encore plus désert qu'autour du fourgon. Il