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dîner. Il commanda deux pizzas et se les fit livrer. Il se moquait du prix et surtout des commentaires que lui ferait sa mère le lendemain, car il ne lui répondrait pas ce soir, sur le fait que s'il ne voulait pas cuisiner il aurait mieux fait de venir manger chez elle. Mais il ne voulait pas de la cuisine de sa mère, qu'elle soit bonne ou pas l'importait peu, il voulait deux grosses pizzas grasses qui parfumeraient son salon pendant deux jours.

Il regarda un téléfilm stupide. Il lui rappela son histoire avec Emmanuelle. Si seulement il n'avait pas fait l'idiot, elle ne l'aurait peut-être pas quitté, et toute cette histoire ne serait jamais arrivée. Il eut peur. Peur de la suite. Peur du futur, des conséquences de la mort de Seth. Il eut peur de ne jamais retrouver la paix de l'esprit, qu'à chaque illusion le souvenir de Seth lui revienne. Sa brûlure lui fit mal. Le soleil se couchait. La nuit tombait. Il était épuisé mais il n'avait pas envie de dormir. Ou peut-être avait-il peur.

Après ses trois bières il décida de ne pas finir la demi pizza qui restait. Il but un verre de whisky en espérant qu'il faciliterait son endormissement. Il s'endormit en effet en quelques minutes devant le second téléfim de la soirée. Mais celui-ci terminé, il se réveilla, et la nuit tombée il n'eut pas la force d'aller dans la chambre à coucher, comme si le fantôme de Seth l'y attendrait. Il somnola les lumières allumées sur le canapé, son pistolet à portée de main. Sa nuit ne fut qu'une succession d'assoupissements, de cauchemars et d'insomnies.

Samedi 30 août 2003. 11 heures 20. Il se leva enfin. Il avait mal dormi, encore plus mal que d'habitude. Et le dernier whisky n'était pas une bonne idée. Du bruit, on frappait à la porte. Il lui fallut quelques instants pour le réaliser, c'était sans doute la raison de son réveil. C'était sa mère, bien sûr... Non il n'avait pas voulu pas venir dîner avec elle, oui elle l'avait réveillé, non il ne voulait plus dormir chez elle. Il ne voulait plus dormir nulle part, d'ailleurs, il ne voulait plus dormir du tout. Non il ne voulait pas déjeuner avec elle, non il ne voulait pas aller faire des courses, non il ne voulait pas l'accompagner chez sa grande-tante...

Il lui dit finalement que l'ayant réveillé, alors qu'il avait eu une dure semaine, il voulait juste rester tranquille ; qu'il irait la

voir quand il se sentirait plus disposé. Elle partit blessée, il le savait, mais il n'avait pas la force d'en faire plus. Il ne pouvait pas tout supporter, il ne pouvait pas... Le jour entrant en grand dans la chambre, il put s'allonger sur le lit. Mais il se redressa brutalement dès qu'il ferma les yeux. Il la revit. Il sortit précipitamment de sa chambre et se demanda s'il pourrait jamais de nouveau y dormir... Peut-être valait-il mieux qu'il emménageât dans la chambre d'ami.

Il but un café debout contre son bar. Il vit au loin une voisine passer presque nue à la fenêtre de sa chambre. Il avait envie de sexe, le moindre détail réveillait sans cesse ce besoin comme la brise attise le feu. Peut-être en fait se moquait-il auparavant de la vie de Seth parce que la seule chose qui l'intéressait c'était faire l'amour avec elle ? Non, tout de même. Il se rappela quand elle le prenait dans ses bras, quand il sentait cette chaleur, cette force qui l'apaisait. Il aurait donné tout pour pouvoir sentir encore ce réconfort...

Mon Dieu, mon Dieu... Mais qui était-elle ?...

Il devait aller à l'Île de Ré. Il n'attendrait pas un ordre de mission, il partirait ce week-end, sur-le-champ, même. Il prépara un sac rapidement, se connecta à son travail et imprima tous les documents dont il avait besoin, notamment les noms et adresses de propriétaires de voitures de sport rouges sur l'île. Il imprima aussi un itinéraire et il partit.