certaines occasions, des réunions secrètes ou un truc du genre.
David, qui était appuyé contre le bureau, se recule dans son siège, pensif.
- Tout cela est vraiment très étrange...
- Je ne vous le fais pas dire, mais il ne faut pas trop vous turlupiner avec ça, ce sont mes problèmes après tout.
- Oh vous savez, les problèmes d'un homme sont les problèmes des hommes...
Il resta silencieux un instant, puis me demanda :
- Êtes-vous croyant ?
Je suis surpris par la question, mais le vieux David doit sûrement se demander si je ne lui raconte pas des salades, il est normal qu'il cherche un peu à me connaître. Je n'ai rien à lui cacher.
- Non. Enfin pour être plus précis je l'étais jeune, alors catholique plutôt pratiquant. Et puis le temps passant et mes interrogations grandissant je me suis éloigné de Dieu et tout ce qui tourne autour. Je voulais d'une certaine façon vivre ma vie seul, sans l'aide de personne, quitte à ne pas y arriver. Et je trouvais que Dieu était une excuse un peu facile face à l'adversité, et que j'étais la seule personne à pouvoir vraiment changer les choses.
Il semble étonné par ma réponse.
- Dieu une excuse facile ? Que voulez-vous dire ?
- Je veux dire que c'est parfois une solution de facilité que de se plaindre de fatalité et de volonté divine plutôt que de continuer à se battre pour changer les choses.
- Je vois. Mais suivre Dieu c'est aussi suivre une voie de justice et de bien, ne plus croire ne vous mène-t-il pas plus facilement vers des choses, des actions, rejetées par votre religion ?
- Je pense que je suis resté quand même fortement influencé par
la morale et l'ensemble de la notion de "Bien" prônée par la religion ; et je tente si possible de respecter mes principes, qui en découlent principalement, et de conserver une hygiène de vie à l'abri des tentations matérialistes. Je ne sais pas trop comment je m'en sors, ce n'est pas tous les jours facile et je dois céder plus que de raison à certains petits péchés, peut-être à des plus gros, même, sans m'en rendre compte, mais je n'ai pas l'impression d'avoir une vie qui pourrait s'avérer plus critiquable que d'autres bons croyants. Je donne de l'argent pour un gamin en Afrique, je donne mon sang, je fais attention à la nature, je laisse des pourboires au serveur, enfin, ici en Amérique c'est normal mais en France la note comprend le salaire des serveurs, alors on peut ne rien donner. J'essaie de ne pas être égoïste, d'être tolérant, enfin, ce genre de chose quoi. Mais d'autre part c'est vrai que je considère certaines règles religieuses un peu désuètes, par exemple je ne cacherais pas avoir pris quelques libertés avec certaines de mes compatriotes en dehors des liens sacrés du mariage.
Il sourit. Je continue :
- Cependant j'essaie tant bien que mal de ne pas faire ce que ma morale réprouve, de ne pas agir juste pour mon plaisir, et j'ai une certaine capacité à me rendre la vie difficile et à ne pas céder à la facilité. Tout ceci peut paraître un peu prétentieux, mais je ne pense pas que vous impressionner puisse m'apporter quoi que ce soit.
- Je comprends votre point de vue. Il est vrai que la religion semble parfois bien lointaine des préoccupations de la vie moderne. Je déplore toutefois que tous, même non croyants, ne suivent pas une voie un peu moins entachée des sirènes de nos sociétés égoïstes.
- Je me suis déjà posé la question, effectivement, d'un substitut à la religion pour que les gens gardent un esprit critique et un certain recul vis-à-vis de la facilité apparente de nos civilisations...
David me coupe.
- Pourquoi un substitut ? La religion par son ancienneté garde justement ce recul et cette force face au monde actuel.