Juste un peu de calme, un peu de paix...
Samedi 8 septembre 2001
Samedi 8 septembre 2001, 11 heures 43, journée déjà bien entamée, presqu'à moitié, en réalité. Pourtant rien jusqu'à maintenant que quelques routinières tâches. Si chaque journée de moitié la routine s'est déjà installée, est-ce que cela veut dire que ma vie est déjà consommée à moitié, et qu'il ne me reste qu'une autre moitié de liberté ? Ne devrait-on pas laisser ces choses routinières pour plus tard, quand l'imagination se fatigue, quand la volonté s'essouffle ? Mais l'esprit s'amuse à se concentrer sur l'insignifiant, sur le frigo presque vide, sur le linge sale qui s'accumule... Qu'importe cela à côté de la soif d'apprendre et d'avancer ? Il faut passer du temps à se connaître pour s'économiser, et pour profiter de ses moments de force, pour ne pas les gâcher dans le futile, et les consacrer à l'éternité.
Faire des choses régulièrement, c'est à la fois se décharger du besoin d'y penser, parce que les courses seront faites et la baignoire nettoyée, mais c'est aussi prendre le risque de les rendre prépondérantes par rapport à des choses plus importantes. Il est aussi agréable de ne jamais se soucier de détails de la vie quotidienne, pour se consacrer à des affaires plus passionnantes, que désagréable de n'être préparé à un déséquilibre passager, parce que c'est jour de fête, parce que la clé n'est pas où elle devrait être, parce que le garage a fermé, ou parce que la connexion internet est coupée. Je pense qu'il est utile d'acquérir certains réflexes, ou habitudes, de toujours fermer la porte sans poignée avec la clé, pour ne pas rester coincé, de garder un paquet de Kellogs K d'avance, en cas de pénurie nationale, pour éviter la panique. Mais il est aussi bon de se confronter de temps en temps à une cassure de l'équilibre, de changer ses habitudes, de ne plus mettre le portefeuille dans la poche gauche mais la droite, de ne plus prendre le courrier avant de sortir les poubelles mais après, de ne plus lire ses mails en arrivant au boulot mais deux heures plus tard... Cela permet de voir, petit à petit, de nouvelles façons de travailler, de voir les gens, de voir les choses, de voir la vie...
Dimanche 9 septembre 2001
Ce doit être une belle journée, un neuf neuf, et aussi infantile puisse être de se laisser influencer par d'aussi insignifiantes choses que des chiffres sur un calendrier, aujourd'hui sera une bonne journée, j'en décide ! Un beau ciel bleu ce matin, un doux Soleil pendant mon footing, pas trop de pollution encore. Un peu de flemme en ce dimanche matin, aussi. Dimanche 9 septembre 2001, donc, 10 heures 34. C'est peut-être parce que je vais décrire un de mes plus grands secrets, une recette magique, extraordinaire presque, faramineuse à la limite. Ce n'est pas compliqué juste du maïs mélangé avec du maquereau à la sauce moutarde et voilà c'est fini. Redoutable, n'est-il pas ? Bien sûr il faut manger cela avec un pain de seigle Poilâne un peu rassi réchauffé quelques secondes au micro-ondes. Bien sûr... Soif d'un peu de sucré-salé et vous y rajouterez quelques morceaux de pomme Granny-Smith. Les choses simples sont compliquées.
Le monde est autant fait de petites que de grandes choses, et l'insignifiant intimement se mêle au grandiose pour laisser, chaque jour un peu plus de savoir, d'expérience, de joie, à tous ceux qui viendront après. Cela me rappelle une citation, je ne sais plus vraiment la formulation exacte, mais elle ressemblait à : "Il est aussi grand, pour l'amour de Dieu, d'éplucher chaque jour ses patates, que de construire des cathédrales". Que choisirais-je, entre la cathédrale de Notre-Dame, et un baiser chaque jour de mon aimée ?
Lundi 10 septembre 2001
Encore faut-il avoir une aimée. Et ce n'est pas chose si facile, que de même le savoir, à force des vents et marées qui érodent tout, qui rendent ces instants plats et ternes. L'Amour va et vient, et aimer pour la vie n'est peut-être qu'un rêve, une quête sans espoir. Mais qu'importe après tout, c'est bien ces causes sans espoir qui sont les plus belles, et qu'ai-je à faire de l'impossible ?
Une nouvelle semaine qui commence, une semaine chargée, certainement, mais c'est dans l'urgence et le stress qu'on trouve le plus de plaisir. C'est dans les situations difficiles que l'on trouve plus vite des solutions, c'est devant le danger que l'instinct de survie se met en route, c'est quand la panique s'installe qu'on a la chance de pouvoir toucher du doigt le temps qui passe.