page 32 le patriarche 33

conscience que ma plus grave erreur serait de croire qu'il n'y a pas d'espoir de créer quelque chose, d'apporter quelque chose, et que cette humanité n'existe pas.

Je m'éloigne un peu du sujet, comme d'habitude, je me moque de la conclusion, il n'y en a pas, du moins pour l'instant, je verrai plus tard où tout cela peut bien mener avant de prétendre à conclure, si tant est que j'aie envie, un jour, de conclure.

12 heures 49, quelques interruptions, quelques coups de téléphone...

Je ne sais pas quelle sera la fin et pour être franc je ne m'en soucie peu, fin ou pas ce sont les moyens qui comptent. C'est le cheminement, les erreurs, les faux pas, les inquiétudes, l'espoir qui persiste, le courage, l'acharnement, la rigueur, l'innovation, les idées, qui seront retenus. Qui, après tout cela, peut bien se taper de l'oeuvre ? Montrez-moi votre savoir, vos méthodes, vos essais, c'est vous qui êtes l'oeuvre, le reste ne sont que les traces dans la neige. Les règles ne sont bonnes qu'à être bafouées, elles sont soit inutiles et évidentes, soit barrières à l'imagination. Je rêve d'un monde sans règles autres que la sagesse et la vertu, où les hommes s'exprimeront autrement que par des rapports de force, et où les puissants seront des hommes exceptionnels, purs et saints, et non le montant de leurs actifs.

Je ne sais pas quelle sera la fin mais j'espère qu'elle me mènera dans un monde où les gens s'écoutent, se comprennent, acceptent leurs erreurs et les reconnaissent. Mais avant d'espérer pour les autres il me faut espérer pour moi, il me faut trouver cette voie, cette sagesse mêlée de folie, qui me fera avancer sereinement, et qui me montrera autre chose que ces objets de pseudo-bonheur dont on m'abreuve, je ne veux pas de voyages au bout du monde, je ne veux pas d'ordinateur super puissant, je ne veux pas manger des trucs au chocolat aux 12 vitamines, je ne veux pas de voiture rouge qui reconnaît mon déodorant, et je ne veux pas que mon déodorant sente l'huile d'hévéa séchée, qu'on les laisse tranquilles, les hévéas, un peu d'odeurs artificielles me suffisent amplement... Je veux juste de la vérité, de la franchise, de la simplicité. Je veux que nous avancions pour avoir de meilleures voitures, une meilleure alimentation, une meilleure hygiène, mais je ne veux pas vivre pour cela. Je veux que nous

avancions pour avancer encore plus vite, pour que chacun ait la liberté de créer, d'imaginer, pour que chacun puisse partager plus facilement, puisse apporter aux autres, et non pour exalter les individualismes et nous enfermer chacun devant notre multispécialDVD dolby multi surround avec des histoires d'amour à l'écran. Je veux que chacun vive ses propres histoires d'amour...

Mais je ne sais pas comment faire, je ne sais pas comment dire, comment changer, comment changer moi-même, comment effacer la rancoeur, comment comprendre les autres, accepter leurs goûts, leurs avis, accepter que je ne suis pas le meilleur, le plus grand ou le plus intelligent, et que beaucoup me dépassent en beaucoup de domaines. Mais c'est à moi de prouver, peut-être, que chacun peut apporter, et que l'égoïsme et l'orgueil ne sont pas que des défauts, que chacune de nos facettes peut être canalisée pour donner quelque chose, si peu soit-il.

Il est déjà un paradoxe de penser que je puisse réellement donner quelque chose et de vouloir créer une voie d'humilité. La réponse tient peut-être dans le fait que l'humilité est aussi un vice, une peur, un retranchement, et qu'il faut savoir aller de l'avant, prendre des risques, montrer ce que l'on sait pour que chacun apprenne à son tour. Aujourd'hui, et je l'espère pour toujours, l'information bouge plus librement, les idées vont et viennent, et si vous me lisez aujourd'hui c'est sûrement grâce à cela, et aussi parce que mon humilité est restée là où elle doit être. Cela ne doit pas se confondre avec trop de prétention, donner son avis n'est pas l'imposer, et ne doit pas l'être.

Fût un temps dix règles sur une caillasse suffirent à ériger des lois pour des milliers d'années. Mais ces règles tombent sous le progrès qui les rend obsolètes ou trop vagues. Que faut-il faire alors, en créer de nouvelles, toujours et sans cesse remises en question et jamais à jour, ou peut-on désigner des sages-qui-ont-la-réponse, et font la part des choses ? Les juges sont-ils cela ? Mais sur quoi sont-ils choisis, sur leur vertu, leur sagesse, leur intégrité, ou leur réussite aux concours ? Qui a le droit de choisir, qui a le droit de changer des règles, la démocratie s'essouffle quand l'indifférence apparaît, quand ceux qui font les règles sont dénigrés, ignorés, quelle légitimité gardent-ils ? Le monde va de plus en plus vite, et la démocratie absolue favorise