Je crois que j'étais heureux à ce moment là. Heureux de sentir que plusieurs personnes, enfin, comprenaient mon problème et tenter d'y remédier. Comme quoi ficher un peu le bazar dans leur calme plat n'est pas foncièrement une si mauvaise chose.
- Je l'espère aussi.
Nous nous levons pour sortir de la chambre, Guewour me donne une dernière recommendation :
- Il serait préférable que vous ne parliez de cette conversation à personne, notamment ne la référencez pas dans votre bracelet, et si vous voulez réfléchir dessus, retirez-le. C'est sans doute insuffisant pour empêcher les artificiels de sonder votre esprit s'ils le désirent réellement, mais autant ne pas leur faciliter la tâche. Et nous ne savons toujours pas si un homme ou une femme se cache derrière cette histoire.
Yamwreq complète :
- De toute façon nous espérons que le voile se lèvera sur cette affaire le plus rapidement possible, et que la Congrégation retrouve son habitude de transparence quoi qu'il arrive.
Il me laisse sortir le premier, nous ne retrouvons que Pénoplée et leur troisième collègue dans la pièce principale. Celui-ci précise que notre conversation se prolongeant, ils étaient allés faire un tour dans les jardins de l'hôtel, mais que si nécessaire ils pouvaient les rappeler. Yamwreq rassure son ami que ce n'est pas la peine de les déranger, que Guewour ferait un compte-rendu à Iurt plus tard dans la soirée. Notre discussion s'est en effet poursuivie assez tardivement car le jour décline et les premières lumières de la ville se laissent deviner à travers la grande baie vitrée. Yamwreq et Guewour récupèrent leur bracelet, je laisse le mien, et ils s'en vont tous trois, en nous ayant préalablement salués. Le salut de départ consiste à mettre sa main gauche sur l'épaule de son interlocuteur, éventuellement en faisant une petite accolade, si les deux personnes sont intimes. Je reste avec Pénoplée. Je suis plutôt content d'avoir trouver des alliés. Je me place derrière elle alors qu'elle s'est rassise sur un fauteuil sans rien dire. Je m'apprête à lui masser les épaules.
- Alors, tu n'es pas allée avec les autres ?
Elle se relève et me repousse :
- Pourquoi Yamwreq en personne vient te parler, c'est quoi ces histoires ?
Je suis surpris :
- Pourquoi, c'est qui ce Yamwreq, et qu'est-ce qu'il t'arrive, t'es jalouse ou quoi ?
Elle semble très énervée, comme quand elle fait ses caprices. Je m'approche d'elle, et, en la forçant un peu, la prend dans mes bras.
- Je ne suis pas contre toi, Pénoplée, je ne comprends pas beaucoup plus que toi ce qu'il m'arrive. Ces gens ont l'air d'être dans mon camp, alors je tente de les aider aussi. Ne soit pas contre moi, Pénoplée, je n'aurais pas la force de me battre contre toi en plus du reste... Je t'aime...
Ce n'est pas si évident de dire "je t'aime" quand on ne sait plus vraiment si c'est vrai ou pas, si Deborah, finalement, n'est pas celle que j'aime au travers de Pénoplée. Je ne m'explique d'ailleurs pas pourquoi je pense si souvent à elle, la nostalgie, sans doute. Pénoplée se radoucit et pose sa tête sur mon épaule :
- J'ai peur, tu sais, j'ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez forte pour t'aider, de ne pas comprendre, d'être mise de côté, j'ai peur de...
Je l'écarte un peu et l'embrasse doucement :
- Nous sommes ensemble Pénoplée, je comprends que ce soit très frustrant d'être à part, mais il se passe des choses très étranges et ...
Une voix grave prend le relais.
- Quelles choses ? Tu veux dire que quand tu la prends dans tes bras tu as un réaction physique bizarre ? T'inquiète, gamin, c'est normal !