regarder une personne entrant dans le bar. Je me retournai pour voir qui donc lui fit tant d'effet, et j'avoue que je suis, moi-aussi, restée bouche bée devant tant de beauté. Et mon coeur battit à m'en rompre la poitrine quand je vis entrer Étienne à sa suite.
Vous l'aurez compris, cette fille était à la fois celle qui avait levé les mutineries sur le chemin des Dames, à la fois celle que j'avais poursuivi sans jamais la trouver, en qui j'avais trouvé un modèle, alors que je cherchais mon Étienne, et celle qui me l'avait pris, dont il était tombé follement amoureux.
À cet instant j'eus envie de mourir, j'eus envie qu'il ne me vit pas. J'étais habillée sans attention, à peine présentable, et je me sentis comme un crapaud à côté d'une fée, à côté de cette fille dont j'étais presque tombée amoureuse en la voyant. Mais je n'eus pas d'aigreur envers elle, car elle était bien plus que je ne pourrais jamais être, et Étienne la méritait, il la méritait bien plus que moi... Mais en fait personne ne méritait Seth, aucun homme ne la méritait.
Mais tout se passa si vite, toutes ses idées qui tourbillonnaient dans ma tête alors qu'elle s'approchait de moi. Elle ne me salua pas, me sourit simplement, et une bouffée de chaleur m'envahit, je détournais le visage, de peur d'être rouge comme une pivoine, mais elle d'un doigt sur ma joue elle me le fit tourner, mais pas vers elle, vers Étienne. Elle me pris la main, la mis dans la sienne, puis serra nos deux mains jointes entre les siennes, embrassa Étienne sur la joue, et partit.
Ce moment fut le plus fort que je vécus dans ma vie, plus fort que toute ma vie réunie, j'étais transportée, le bonheur même coulait dans mes veines. Étienne me prit dans ses bras, je pleurai, pleurai des larmes de joie qui effacèrent en une seconde toutes celles de peine que j'avais versées. Me moquant des manières, j'embrassais Étienne d'un long baiser, qu'il me rendit tellement bien que j'en frissonnai.
Seth nous avait unis, et pour cette raison à jamais je lui devrais reconnaissance et gratitude, car elle est le bien, elle est peut-être ce qui se rapproche le plus de ce que chaque homme imagine comme étant Dieu. Et depuis ce jour, c'est Dieu à travers elle que je remercie.
Étienne m'aima de ce jour jusqu'à sa mort, le 13 juillet 1997, à l'âge de 99 ans passés. Je suis aujourd'hui âgée de 101 ans, et chaque jour je prie toujours Dieu pour ce jour béni, pour ce lundi 3 mars 1919 où Seth m'apportât mon Amour.
Mais vous vous demandez sans doute quelle fut l'étrange histoire d'Étienne et de Seth ? Repassons dans le salon, nous pourrons satisfaire notre gourmandise par ces excellents petits biscuits que sait concocter le talentueux cuisinier de notre pâtisserie de la rue de la Buffa et je terminerai alors par l'histoire qu'il ne me racontât que plus tard.
Je raconte aussi cette histoire à mes arrières-petits-enfants, en les gardant bien de la répéter à leurs parents, pour qu'ils sachent que tout n'est pas dans ce monde aussi simple que veulent nous le faire croire les sages d'aujourd'hui.