totalement confiance pour me laisser seul gérer la boulangerie. Il est 17 heures. Avant de retourner à l'auberge, je parcours quelques rues à la recherche d'un cybercafé. Celui dans lequel je m'étais rendu le premier jour étant fermé, je marche en espérant en trouver un autre. De nos jours les cybercafés ne sont plus une denrée rare, mais ceux fonctionnant sous Linux oui, et ceux sous Mandrakelinux sans doute encore plus. Toujours est-il que j'ai cette chance. D'un autre côté, utiliser des machines sous Linux peut rendre plus facile leur administration, surtout pour un cybercafé, surtout avec tous ces virus qui traînent. Mais je ne me manifeste pas dans un premier temps et me contente de prendre une place. À un moment la jeune fille assise à côté de moi appelle un des gérants, ayant semble-t-il un souci avec sa disquette. Le jeune garçon qui vient l'aider est bien embêté, de toute évidence pas encore très au point en Mandrakelinux. Je me permets d'intervenir, connaissant on ne peut mieux la cause et la solution au problème.
- Il faut désactiver supermount, et monter sa disquette à la main, cela marchera mieux.
Le jeune me répond, embarassé.
- Ah, euh, vous connaissez Linux, parce que je suis nouveau ici, et je n'ai pas encore tout appris.
Bref, je lui résous son problème en moins de deux. Il me demande si je connais bien, et je ne peux m'empêcher de dire que je travaille, ou travaillais plus exactement, pour Mandrakesoft, la société éditrice de la distribution Mandrakelinux. Il est très impressionné, même s'il n'y a pas de quoi. Un peu plus tard une personne qui doit prendre sa relève passe dans le cybercafé, et il s'empresse de me présenter, c'est un des créateurs de la boutique. Nous parlons plus de deux heures des problèmes de la dernière version 9.0, de la distribution de développement, cooker, et de la liste de diffusion associée à laquelle il participe, même s'il intervient peu. Je lui ai dis mon vrai surnom, Ylraw, avec lequel je postais régulièrement. Il est enchanté, et moi très mécontent de moi. S'il commence à envoyer des messages électroniques à tous ses amis disant que je suis là, il ne va pas falloir longtemps avant que je me fasse repérer, alors que j'avais enfin réussi à disparaître. Je tente de me rattraper en lui expliquant que j'ai de nombreux problèmes, et qu'il ne faut pas que qui que ce
soit me trouve, et par conséquent qu'il doit à tout prix éviter de citer mon nom, que ce soit par message électronique, à l'oral ou au téléphone. Il est intrigué mais ne pose pas plus de questions. Il s'y connaît bien en Linux mais je lui apprends toutefois quelques astuces. Je lui demande aussi si par hasard il ne voudrait pas m'embaucher pour quelque temps ici, car j'ai un besoin rapide et urgent d'argent. Un problème d'argent à court terme ? Me demande-t-il en plaisantant, bien sûr, sur le fait que décidément c'est une manie à Mandrake d'avoir des problèmes de trésorerie, et qu'il ne savait pas que les employés avaient la même habitude. Mais bref si l'idée ne me dérange pas de travailler la nuit, il veut bien me laisser le lundi, mardi et mercredi, car la personne s'en occupant est en vacances pour trois semaines encore. Je pourrais récupérer la moitié de l'argent fait pendant ces trois nuits. J'accepte. Je pars tard dans la nuit et nous nous donnons rendez-vous le lundi suivant.
Je dors tout le dimanche matin. Premier décembre, Sainte Florence. Je termine la matinée en discutant avec les jeunes de l'auberge. J'en dis peu sur moi. Tous ou presque sont des randonneurs qui vont de ville en ville, de pays en pays, à la recherche de je ne sais quoi, une autre façon de vivre peut-être, une autre façon d'être, d'aimer, ou pour s'assurer que le monde est bien pire où que l'on soit. Je crois pour ma part qu'il n'y a plus d'eldorado, contrairement à eux... Un couple me propose de passer la journée avec eux, mais je refuse, je voudrais me rendre à Richmond, pour trouver ce Matthias White, et avoir une idée des prix et s'il est envisageable que je puisse avoir des faux papiers rapidement. Pour l'instant je n'ai guère que mille cent dollars, mais qui sait, entre la boulangerie et le cybercafé, je pourrais peut-être m'en sortir en un mois ou deux. C'est déjà tant de temps ! Je suis déprimé rien qu'à y penser. Ils me croiront tous morts bien avant. J'ai tant de peine pour celle que je dois causer à tous mes êtres chers. Mais qu'y puis-je ? Je n'ai rien demandé de toutes ces catastrophes...
Ce monsieur Matthias White est une personne dure à rencontrer, et je devrai rencontrer beaucoup de gens peu locaces, insister lourdement, longtemps, et faire preuve de bien d'habileté, pour convaincre toutes les personnes me menant à lui que je ne suis ni un policier, ni un espion, ni quiconque pouvant lui causer des torts. Et