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Il doit y avoir près de cinq cents kilomètres avant la frontière. Je m'inquiète pour Deborah et toute cette route mais elle m'assure que ce n'est pas un problème pour elle, et que de plus elle s'arrêtera peut-être au retour à Austin, chez son amie. Après une heure ou deux de route elle décide d'ailleurs de lui passer un coup de fil pour lui expliquer ce qui lui arrive sans rentrer dans les détails. Elle lui demande surtout que dans l'éventualité où son père l'appelle elle dise bien que Deborah est chez elle, et d'inventer une excuse pour lui expliquer qu'elle ne peut pas lui parler pour le moment, mais que tout va bien.

Nous rejoignons la 35 qui passe ensuite par Austin puis San Antonio. Nous faisons quelques pauses, pour boire un coup et manger un biscuit. Tout semble calme. Deborah me demande si je sais ce que je vais faire au Mexique. Je pense que je vais tenter d'aller à la première grande ville avec un aéroport, et d'en repartir pour la France. Dans l'hypothèse moins séduisante où je sois déjà recherché là-bas, j'avoue ne pas avoir réellement d'idée. Peut-être trouver des gens qui puissent m'aider à faire un faux passeport ou à dénicher un moyen de partir pour l'Europe, en bateau éventuellement. Après un certain temps de route Deborah appelle son père au téléphone pour le prévenir qu'elle profite d'être à Austin pour aller voir son amie, et qu'elle ne rentrera peut-être que le lendemain matin, de façon à ce qu'il ne s'inquiète pas.

Il est vrai que je n'avais déjà initialement pas beaucoup d'idées sur le mieux à faire une fois au Mexique. Les événements s'accélérant rendant la situation encore plus complexe, cela n'arrange pas beaucoup mes affaires. Je pensais finalement prendre une décision pendant les trois jours que j'imaginais encore pouvoir passer avec Deborah. Mais je suis désormais bien perplexe. Je discute assez peu avec Deborah. Elle doit sentir que je suis ennuyé, mais ne doit pas avoir non plus beaucoup d'idées pour m'aider.

Elle me jette un oeil avec une petite mine triste :

- C'est vraiment bête, je ne vais peut-être plus jamais te revoir et je ne sais pas quoi te dire.

- J'avoue que je ne sais pas vraiment quoi te dire non plus, je n'ai pas franchement l'esprit à te poser des questions sur ta vie au ranch et tout le reste...

- Mouais. Mais tu sais ce n'est pas si simple pour moi non plus, je n'ai pas envie de te laisser là, tout seul à l'aventure. J'aimerais pouvoir te savoir vraiment sauvé et tranquille. Mais moi non plus je ne sais pas quoi faire, rester avec toi ou te laisser.

- C'est très gentil, mais tu sais, sans vouloir être méchant, cette histoire est tellement incompréhensible que je ne suis pas sûr que tu pourrais vraiment m'aider. Ce serait même plus idiot que nous soyons deux à avoir des ennuis alors que tu pourrais rejoindre ton père sans encombre. Enfin, j'espère qu'ils ne vont pas remonter jusqu'à vous.

Nous roulons depuis de nouveau bien une heure ou deux, et nous venons de passer San Antonio. La frontière doit désormais se trouver à moins de cent miles d'ici, c'est à dire environ cent soixante kilomètres. La route est tranquille, et la circulation parsemée. Soudain alors que nous parlons, Deborah s'inquiète d'une voiture qui arrive par l'arrière à très vive allure. Cela pouvant être sans aucun rapport avec nous, nous conservons notre allure sur la file de droite. Quand la voiture arrive à notre hauteur, elle semble se caler à notre vitesse, et sa vitre passager s'ouvre. Du haut du 4x4 je ne vois pas qui se trouve à l'intérieur, mais je crie à Deborah de faire attention, que le conducteur a peut-être une arme pointé sur elle. Elle freine alors et la voiture nous dépasse. Nous remarquons à ce moment que la vitre arrière et le coffre ont subi de nombreux impacts que nous identifions comme des marques de balles. La voiture s'arrête alors brusquement en travers de la route, nous obligeant à piler, et alors que Deborah se prépare à la contourner par le bas-côté, un homme sort de la voiture en nous criant d'attendre. Il n'est apparemment pas armé mais semble avoir été touché par les