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Dimanche 20 juillet 2003

Tout est noir.

Pourtant, je crois... Mes yeux sont ouverts.

Je suis pétrifié, il fait un froid glacial. Je me trouve dans l'eau... Non, un liquide visqueux. Je le sens jusque dans mes poumons. Je ne respire pas. Je ne le peux pas. Je ne peux pas bouger. Mes membres ne répondent pas. Est-ce que je suis mort ?

Comment puis-je voir et penser si je suis mort ? Aurait-on une âme qui reste emprisonnée à jamais dans notre corps, dans notre tombeau, une fois le trépas ?

Mon esprit vague... Le temps s'écoule... Mais le temps s'écoule-t-il ? Comment le savoir ?

Je ne me rappelle pas. Pourquoi suis-je ici ? Je ne me rappelle pas. Qui suis-je ? Non... Je ne me rappelle de rien, de rien. Pourtant... Pourtant j'ai des images, des images d'arbres, de voitures, de maisons, de personnes. Je sais que je suis un homme, je me vois, je me représente. Mais le suis-je toujours ?

Je sens le froid, c'est bien que je suis vivant, si je sens le froid glacial qui enveloppe mes membres. C'est bien que je suis vivant, mais alors que se passe-t-il ?

Ai-je quitté mon monde ? Suis-je dans l'au-delà ?

Je ne peux pas rester là.

Je dois bouger.

Je dois bouger... J'ai besoin de bouger.

J'ai BESOIN de bouger !

Oh, oui... Douce chaleur.

Douce chaleur aide-moi ! Douce chaleur... Aide-moi... Oui...

Oui... Je la sens, je la sens au plus profond de mes muscles, un frémissement. Étrange sensation, est-ce le froid qui me brûle ? Non, c'est autre chose.

Chaleur... Réveille mon corps...

C'est si long... Est-ce que je rêve ? Est-ce que la mort n'est peuplée que de rêves de vie qui revient ?... Pourtant je pense, ne suis-je pas alors ?... Oh... Tout est si calme...

Tout est si calme...

Du temps, toujours, mais combien, l'éternité ?

Non ! Je ne resterai pas là... Voilà déjà bien trop longtemps que j'attends, combien d'heures ai-je attendu, combien de jours ! Il suffit ! Corps ! Réveille-toi ! Corps ! Bouge ! Oh oui chaleur, viens, viens !

Un soubresaut ! Oui un soubresaut ! Je suis vivant ! Vivant !

Chaleur ! Mes mains, lentement, se ferment... Ah... La force revient... Un gémissement, un long gémissement interne, étouffé par le froid et le néant...

Du temps, encore.

Je bouge. Dans une course si lente que je me demande encore si ce n'est pas mon esprit qui me trompe, que je suis toujours immobile et mort.

Mais non. Je touche une paroi. Ma main glisse lentement le long. Je suis dans un tube, j'en tâte le contour.

Du temps passe, encore et toujours, mon esprit s'évade et revient. Il ne reste pas, il ne se maintient pas. Il me faut plus de