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les repéraient. Ils avaient, en plus, la mauvaise gourmandise de la chair humaine, et, il va sans dire, ceux qui n'avaient pas la chance d'être utiles, parce qu'ils s'étaient blessés ou pas assez intelligents ou adroits, ou au contraire un peu trop rebelle pour les tâches qu'on leur confiait, constituaient la nourriture de luxe de ces carnivores sans pitié. Toutefois il semble que l'homme n'ait jamais été purement élevé dans l'optique de constituer une source de nourriture, même s'il existait sans doute quelques élevages dans ce but. Les reptiliens consommaient plusieurs kilos de viande par jour, et l'homme ne satisfaisait pas à cette nécessité. Il constituait plus la main d'oeuvre de luxe des reptiliens, qui basaient alors tout leur développement sur lui, ayant eux depuis longtemps mis une croix sur l'exécution de tâches minutieuses.

Puis, il y a quatre cent mille ans, certains reptiliens vont plus loin et tentent d'apprendre leur langue aux hommes. Les reptiliens avait une langue simple et basique, mais ceci va bouleverser et accélérer une fois de plus le développement humain. Les reptiliens prospérant, atteignant il y a deux cents mille ans une population supérieure à un million d'individus pour trois cents mille hommes, les échanges se multiplient et certaines tribus de reptiliens utilisent les hommes comme valeur de référence. L'homme devient donc en quelque sorte la monnaie locale. Mais les reptiliens remarquent et développent aussi la capacité surprenante de l'homme à manier les chiffres, et, il y a environ cent mille ans, les hommes commencent à mettre sur des bouts de bois ou de pierre des signes pour se rappeler des résultats de calculs fastidieux que leur font faire les reptiliens.

L'invention de l'écriture ne tarde pas, mais elle est du fait des reptiliens qui ont pris modèle sur les hommes. L'évolution se fait toutefois de concert et il y a environ cinquante mille an se crée une véritable première langue écrite et parlée, commune aux reptiliens et aux hommes, les hommes étant alors leurs scribes.

On comprend alors pourquoi les reptiliens gardaient avec tant d'attention l'étreinte autour des hommes. Ils en étaient devenus dépendants, complètement. Toute leur économie de l'époque, leurs outils, leur style de vie, la transmission de leur savoir même par l'écriture étaient complètement architecturés autour de l'asservissement des hommes. Et bientôt, leur évolution technologique

même le serait. Cela explique aussi l'étonnante stabilité de la langue. Les reptiliens étaient beaucoup plus unis que les hommes, et peu enclins aux changements, gardant ainsi pendant des millénaires une structure linguistique commune et évoluant faiblement.

Jusqu'à l'invention de l'écriture, les reptiliens les plus doués menaient encore le chemin de la découverte, la création de nouveaux outils, nouvelles techniques de fabrication et de culture ; mais à partir du moment ou l'homme devint scribe en plus d'ouvrier, alors tout changea, et les reptiliens utilisèrent à leur profit la créativité des hommes.

Il y a quarante mille ans les reptiliens découvrent l'utilisation du cuivre, un métal meuble. Rapidement les hommes en étendent l'usage par l'utilisation du feu et de la forge, puis démultiplient les possibilités en élargissant son champ d'action à d'autres métaux. La population d'alors est estimée à soixante millions de reptiliens et une dizaine de millions d'hommes. Elle reste principalement limitée au continent principal. Nous avons assez peu d'information sur les cultures existant sur les autres continents, principalement parce que celles-ci ont été complètement anéanties par les hordes de reptiles quand leurs navires leur permirent enfin d'y accéder.

Les reptiliens ont compris la menace de l'homme depuis déjà longtemps, mais ils ont su savamment le diviser. Les hommes n'arrivent pas à s'organiser, les reptiliens jouant habilement sur son orgueil pour en privilégier certains au détriment d'autres. Les plus doués et intelligents sont comblés et deviennent presque égaux aux reptiliens, ils participent au développement et n'ont pas de tâches difficiles. Les autres sont soumis aux travaux d'ouvriers et de manoeuvres, et séparés en différentes castes en compétitions les unes avec les autres. Toute tentative de révolte voit l'élimination complète de la communauté. Les femmes et les enfants sont souvent pris en otages, les hommes travaillant ne pouvant les voir qu'un jour de temps en temps, et plus jamais au moindre faux-pas de leur part. C'est malheureusement ce qui rendra la sociabilité de l'homme un tel échec pendant des millénaires. Les reptiliens ont façonné dans l'esprit humain la notion de compétition, de domination et de soif de pouvoir pendant des centaines de milliers d'années. Et nous en souffrons toujours,