Je serais incapable de dire combien de temps à duré le vol, profondément endormi je ne suis réveillé que par quelques perturbations qui secouent l'avion à l'approche de notre arrivée. Sydney ! Je reconnait au loin l'Opéra illuminé dans la nuit maintenant profonde. Voilà notre destination. Une fois de plus bien des efforts qui s'avèrent vains... Plus d'un mois de cavale pour me retrouver au même endroit. Ah... Lassitude... Je me dégourdis tant bien que mal les membres sentant qu'approche de nouveau le moment où une action sera possible. Mais que puis-je réellement risquer ? Ils se vengeraient sur Naoma et Erik à la moindre tentative. Il me faudrait les éliminer tous d'un coup, c'est impossible ! D'autant que je n'ai aucune arme et au mieux je ne pourrai que leur subtiliser une de leurs épées. Mon espoir serait que nous passions dans un lieu public où la foule protégerait une initiative de ma part ; je ne pense pas qu'ils oseraient se servir de leurs armes dans une telle situation. Comme pour notre départ de Melbourne, nous n'atterrissons pas sur l'aéroport international de Sydney, mais un plus petit, "Bankstown Airport". L'avion roule pendant d'interminables minutes avant de se garer à distance raisonnable des halls de l'aéroport, qui semble tout de même avoir une taille conséquente. Nous descendons sur la piste toujours encadrés chacun par deux des hommes.
Un homme me tient par le bras droit, j'y ai une blessure à peine soignée et l'épaule m'est très douloureuse. Mais j'ai l'impression qu'au plus la douleur perdure, au plus la rage de me révolter monte en moi. Je serre les dents pour garder mon calme, pour chercher le moment opportun. J'attends difficilement que nous arrivions dans le hall de l'aéroport après une longue série de couloirs trop calmes pour qu'une action porte ses fruits. Nous avançons aussi vite que ces hommes parviennent à faire marcher Erik, qui a beaucoup de mal. Naoma ne dit pas un mot. Je pensais au premier abord que le passage des détecteurs de métaux serait une barrière, mais comme à Melbourne, venant d'un avion privé sur une ligne intérieure, nous n'en avons traversés aucun. Le hall contient beaucoup de monde, malgré l'heure tardive, sans pour autant que ce soit une foule suffisamment dense pour qu'une personne se débattant puisse passer inaperçue ; de plus plusieurs policiers patrouillent.
Je suis parcouru de quelques frissons, quelques contractions musculaires fruits de ma colère montante, colère physique, comme si
mon corps voulait outrepasser mon esprit. Pourtant je ne m'emporte pas habituellement, et j'ai toujours une assez forte capacité à garder mon calme, mais peut-être toutes ces aventures finissent-elles par me pousser à bout. Peut-être mes blessures, ces douleurs qui me minent, tapent sur mes nerfs depuis trop longtemps ; peut-être encore cette impuissance, cette incompréhension, cette exténuation emplie de désespoir viennent-elles à bout de mes limites. J'ai peur en effet que sous peu je ne puisse plus contrôler mon envie de révolte. Je suis entouré de deux personnes, l'homme à ma droite maintient mon bras sous son poncho avec la lame de son couteau prête à me tailler les veines tandis que l'homme à ma gauche cache lui une épée d'une main, et a l'autre posée sur mon épaule.
Je souffle, ferme les yeux un court instant et récupère ma pierre dans la main gauche. Ma pierre, mon soulagement, ma folie sans doute, ma force aussi... Tout change, mes douleurs semblent s'atténuer, et cette brûlure, presque connue, presque réconfortante, qui écrase de son poids l'ensemble des autres souffrances. Trouver du réconfort dans une douleur plus grande, quelle démence ! Je la conserve quelques minutes, quelques minutes pour reprendre des forces et du courage. Trop peut-être, peut-être ne fait-elle qu'attiser ma colère. Mais qu'importe, il suffit ! Je m'arrête de marcher et la range dans ma poche. Les deux hommes m'accompagnant s'arrêtent.
Je reste immobile, ils s'impatientent. L'homme à ma droite me tire par le bras, celui à ma gauche me pousse. Je me laisse aller et tombe en avant, l'homme à ma droite me retient et je me retrouve suspendu par le bras, je ne suis guère étonné qu'il soit assez fort pour y parvenir, mais le tiraillement de l'épaule m'arrache des cris de douleur, qui font leurs premiers effets sur la foule. Dans le même temps celui à ma gauche se baisse pour me relever, mais, toujours soutenu par mon bras droit, je me retourne et m'agrippe au poncho du premier pour prendre de l'élan et donner un puissant coup de pied dans la tête de l'autre. L'homme qui me tient est déstabilisé en avant et tente de se retenir mais ne me lâche pas. L'homme à qui j'ai donné le coup de pied est projeté en arrière mais ne laisse pas tomber son épée. Après ce coup de pied, voyant que l'homme ne m'avait pas lâché, je bloque avec ma jambe son pied et pousse fortement tout en tirant avec mon bras et tentant de pivoter. Cette fois-ci il part en avant et