page 288 le patriarche 289

Il a dû s'écouler plusieurs heures. Plusieurs heures où je suis restée près de toi, mais rien. Tu n'as même pas bougé, et seule ta respiration me rappelait que tu étais encore en vie. J'ai fini par m'endormir quelques heures sur tes jambes, rêvant que tout ceci n'était qu'un cauchemar et que je me réveillerais le matin dans tes bras, comme si ce n'avait été que la fin de la seule nuit que nous avions passée ensemble, et que toutes ces histoires n'avaient été que le fruit de mon imagination suite au récit de tes aventures...

Mais bien sûr que non ! Ça aurait été trop beau ! Quand je me suis réveillée tu n'avais toujours pas bougé ; Erik dormait profondément dans un coin, et on n'entendait juste le ronronnement d'une machine, sûrement le système de ventilation. Je t'ai murmuré doucement à l'oreille, en laissant glisser des larmes sur ma joue. Je t'ai pris le bras pour le lever, mais il est retombé sans susciter la moindre étincelle d'espoir. J'ai pleuré encore et encore, mais cette fois là je crois que j'étais vraiment triste, ce n'était pas juste des larmes d'émotion. J'étais tellement perdue. Qu'allais-je bien pouvoir faire ? Qu'allions-nous devenir ? Maintenant qu'ils t'avaient fait tout ce mal, allaient-ils nous laisser mourir de faim ? J'étais vraiment désespérée.

Je n'ai pas réussi à me rendormir, j'avais trop peur, j'étais trop triste... J'ai attendu, presque résolue à me laisser mourir, pour que tout ça finisse...

Mais en fait nous n'étions pas vraiment abandonnés, et le matin des hommes nous ont apporté à manger. Ils ont glissé au travers de la grille des sortes de galettes. Erik a été moins méfiant que moi et je pense qu'il avait très faim, tout comme moi. Il en a mangées avidement plusieurs d'affilée. J'avais très faim aussi, et si j'ai mordu timidement dedans au début, rapidement j'ai imité Erik. Elles avaient un goût plutôt bon, légèrement salées, assez dures, de couleur jaune orangée. C'était un peu entre une galette et un paim. Elles collaient un peu aux dents mais on pouvait aussi les laisser fondre dans la bouche. Vers la fin on trouvait un petit goût sucré, c'était très bon. Je n'avais jamais mangé de trucs pareils. Les galettes étaient accompagnées de sortes de "pains" d'eau. C'était très marrant c'était comme des petits pains un peu mous, un peu flasques, un peu transparents, et quand on mordait dedans ils fondaient dans la

bouche. Mais ils n'avaient pas vraiment de goût, c'était vraiment comme de l'eau. Le fait de boire me rappela qu'il n'y avait pas de toilettes dans la cellule, et que ce n'était pas génial si nous devions faire nos besoins dans un coin. J'ai demandé à Erik :

- Tu sais comment faire si on a envie de faire pipi ?

- Non, je ne sais pas comment faire, il faut peut-être leur demander.

- Mais s'ils ne parlent pas anglais comment est-ce qu'on peut faire ?

- Et bien je ne sais pas, on peut leur mimer, ils devraient comprendre.

Je me suis rendu compte que ces préoccupations étaient bien futiles par rapport à ton état. Je me suis retournée vers toi, tu n'avais toujours pas bougé, tu étais encore appuyé au mur. Et j'ai eu de la peine rien que de savoir que j'avais mangé sans même penser à toi. Je t'ai apporté un bout de galette, mais bien sûr tu n'as pas plus réagi. J'en ai coupé un petit morceau et te l'ai mis dans la bouche, mais rien. J'ai fondu en larme en te voyant ainsi, je me suis retournée vers Erik, en espérant sans doute qu'il puisse faire quelque chose de plus que moi, qu'il puisse te ramener, qu'il puisse te sauver...

À ce moment là deux hommes sont passés dans le couloir, ils avaient sans doute fini la tournée des cellules pour distribuer la nourriture. Erik les a interpellés. Il a tenté de leur demander pour les toilettes ; il a parler en disant quelques mots en différentes langues ; je lui ai soufflé comment on dit toilettes en français, je croyais m'en rappeler, mais bien sûr les hommes n'ont pas compris. Finalement Erik se décida à miner l'action de faire pipi et je crois qu'ils ont saisi. Ils se sont éloignés, et nous avons pensé avec Erik qu'ils étaient allés sans doute chercher la clé de la cellule. Mais un seul homme est revenu et il a tendu à travers la grille une combinaison à Erik. Erik l'a récupérée par réflexe mais l'homme ne l'a pas lâchée, et par ses signes nous avons compris qu'il demandait à Erik de se changer et de lui donner la combinaison qu'il portait en échange de la nouvelle. Nous nous sommes demandés si en fait ils n'avaient pas compris notre demande, ou s'il nous était