Erik a passé le reste de la soirée à construire une civière pour Naoma, avec les peaux de bête et les cordes que nous avions. Il a refusé que je l'aide, et je suis donc parti chasser. La chasse fut bonne, malgré l'obscurité de plus en plus prononcée, surtout dans la forêt. Pas de trace de la bête ayant tué Naoma. À mon retour Erik a presque terminé son travail, Et Le corps de Naoma est maintenant maintenu et protéger sur une civière de fortune. Erik veut repartir tout de suite, refusant que nous fassions une pause pour la nuit.
- Tu veux que je t'aide à porter Naoma ?
- Non, occupe-toi de surveiller les alentours.
Nous marchons toute la nuit jusqu'au petit matin. Sans doute épuisé, Erik fait alors une pause. Il s'endort rapidement. Pour la première fois je peux enfin m'approcher de Naoma. Erik lui a nettoyé sa plaie, et on ne remarque plus qu'à peine les traces de crocs acérés qui lui ont tranché la gorge.
Naoma. Ma Naoma... Je suis tellement désolé, je suis tellement désolé... Je pleure... Je pleure pour ces paroles dures qui t'ont faite pleurer, pour cet amour que je ne t'ai pas donné, pour cette histoire dans laquelle je t'ai entraînée... Mon Dieu, cette histoire ne se terminera donc jamais ! Faudra-t-il que tous ce que j'approche meurent ! Ah, Vie ! Tu es trop dure, parfois...
Mais il est trop tard pour regretter, trop tard pour te parler, trop tard pour le passé... Je m'éloigne un peu. Monte un peu la pente pour surveiller Erik qui dort proche de celle qu'il n'a pas eu le temps d'aimer. Je suis tellement désolé pour toi aussi Erik... Mais toi tu n'es pas mort, et je peux encore t'aider, je ne sais pas trop comment, mais je te sortirai de là, je te ramènerai chez toi, même si
désormais ce sera dans la tristesse... Toujours la vie me rappelle qu'il faut se préparer à la tristesse et la solitude, serait-ce mon dû ? J'en ai peur...
Qu'est-ce que je vais devenir ? Où ces folies nous mênent-elles ? Je cours sans m'arrêter depuis mon départ de Paris, mais pour quoi, vers où ? Je ne sais même plus si je poursuis quelque chose où si quelque chose me poursuit... Je n'ai pas demandé ce combat... Mon combat c'était les logiciels libres, linux, un monde meilleur... Maintenant je suis redevenu un sauvage qui mange de la viande crue et qui parcourt la forêt à la recherche d'une hypothétique issue... Je suis fatigué... Tellement fatigué. Je pleure encore... Deborah... J'aimerai tant t'avoir pour me blottir dans tes bras, même juste un instant, oublier tout ça, me réveiller, là-bas, au Texas...
Erik ne dort que quelques heures, et il me réveille pour partir. Il est un peu moins dur avec moi même s'il ne m'adresse pas beaucoup la parole. Nous repartons sans tarder. Cinquante-sixième jour. Erik fait une pause quand le soleil est au plus haut, et j'en profite pour aller ramasser quelques fruits. Nous ne nous arrêtons qu'une dizaine de minutes et il refuse toujours que je le relaie. Nous marchons jusqu'au soir où lors d'une nouvelle pause, je vais chasser et ramasser de nouveaux fruits. Erik me demande de monter la garde pendant qu'il dort un peu, puis c'est à mon tour de dormir quelques heures. Nous repartons au beau milieu de la nuit, alors que le ciel se voile et nous masque les étoiles.
Il me semble que nous sommes suivis, à plusieurs reprise je me retourne pour voir une ombre dans la forêt. Je n'en dis mot à Erik. Au petit matin de ce cinquante-septième jour, il pleut, une pluie fine et fraîche. Il fait assez chaud et elle est donc plutôt rafraîchissante. Nous marchons de nouveau toute la journée. Toujours aucun signe de civilisation, Erik est de plus en plus fatigué, il titube plus souvent, et par deux fois a glissé et est tombé. Mais il s'obstine toujours à refuser mon aide.
Je ne sais que faire, je sais très bien ce qu'il me reproche, et je sais très bien que c'est ma faute... Mais que pourrais-je ? Que pourrais-je...
Le soir je vais de nouveau chasser. Nous avons marcher de