- Désolé, pas avant que la police ne me confirme que vous n'êtes pas connu de leurs fichiers.
Je n'ai pas la force de plus insister... Je soupire et pense à ma pierre :
- Et ma pierre ? Où est ma pierre ?
- Votre pierre ? Ah oui le caillou que vous serriez si fort dans votre main, il est là sur la table de nuit. Et qu'est-ce que c'est que cette pierre ? Ce ne serait pas la pierre magique pour laquelle le monde entier vous poursuit ?
Je me rends compte à quel point cette histoire est démente. Comment pourrait-il me croire ? Et comment pourrais-je lui expliquer sans qu'il ne me prenne pour un fou que je pense que cette pierre est un moyen de me protéger contre les bracelets que portent les gens qui me poursuivent ?
- Laissez tomber, vous avez raison, cette histoire est folle et je dois l'être aussi. Mais s'il vous plaît, est-ce que vous pourriez me détacher ?
Le docteur s'appuie contre le bas du lit et prend un air désolé :
- Pas avant demain matin, désolé. Vous me rappelez l'orthographe de votre nom, je vérifierai demain matin avec votre ambassade, on ne sait jamais. Je vais aussi leur envoyer une photo de vous. J'utiliserai celle que j'ai faite pour la police tout à l'heure.
Je lui répète mon nom, donne quelques numéros de téléphone en France où il pourra se renseigner sur moi. Il m'explique qu'une infirmière va passer pour me laver et soigner mes blessures, qu'ensuite le repas est à 7 heures du soir et que lui repassera demain vers 9 heures du matin. Il complète sur la procédure en cas de besoin d'aller aux toilettes, c'est vrai qu'en étant attaché au lit ce n'est pas des plus pratiques, puis il quitte la pièce.
Je me retrouve seul. Il fait encore très jour pour l'heure. L'hôpital doit être climatisé. Il est vrai que nous sommes sans doute en plein été ici. La chambre n'a rien qui la différencie vraiment d'un hôpital français. Je reste rêveur quand je me dis qu'un
peu plus de deux semaines auparavant je partais pour l'Île de Ré et me noyais presque dans l'eau glacée de l'Atlantique. Je suis maintenant de l'autre côté de la Terre proche des eaux sûrement plus tièdes du Pacifique... Que sont désormais toutes mes interrogations que j'avais alors ? Ne plus avoir qu'à penser au jour le jour élimine-t-il toutes les questions plus profondes sur la vie et ses raisons ? Mais le monde tourne-t-il mieux ? Ne vais-je pas retrouver, aussitôt cette histoire terminée, toujours la même vie, les mêmes déceptions ? Cette histoire se terminera-t-elle un jour pour moi, d'ailleurs, ou vais-je y rester ? Serait-il possible que tous mes désespoirs face au monde tel qu'il est aient étrangement un lien avec cette organisation qui me poursuit, et qui semble être présente partout ? La Maison du Gouvernement a dit le docteur, ce ne peut être un hasard après le Pentagone. Et Juan lui aussi disait que cette organisation était infiltrée dans le pouvoir mexicain. Mais quelle influence a-t-elle vraiment ? N'est-elle qu'un ensemble d'hommes et de femmes qui profitent uniquement de positions privilégiées, ou décident-ils d'une politique globale ? Sont-ils maîtres des choix économiques, des guerres, des différences entre les pays ? Si seulement j'avais encore ces cahiers, j'aurais pu y trouver sans doute d'autres informations. Mais j'ai bien peur qu'ils ne soient tous détruits désormais, les six que j'avais ont brûlé dans la Viper, et la personne qui a volé les cinq autres les a sûrement faits disparaître sur le champ. Ah Sac ! Tu as disparu toi-aussi... J'espère que Deborah va bien, j'ai tellement peur qu'il lui ait fait du mal... Je reste songeur et perplexe, réalisant que j'ai peut-être à portée de main les éléments qui expliqueraient pourquoi le monde tourne comme il tourne et pas autrement.
Je reviens à une considération plus terre-à-terre et je tente de tirer un peu sur ma menotte. Mais je suis attaché par mon bras gauche, et avec ma blessure je n'ai vraiment aucune force. Quelques minutes plus tard une infirmière entre dans la pièce. Elle me pose des questions sur comment tout m'est arrivé tout en me passant diverses pommades et en me rajoutant un bandage pour ma blessure à l'épaule, ainsi que de nombreux pansements. Je n'ai pas la force de tenter de lui expliquer la véritable histoire, et j'invente diverses choses banales. Il lui faut tout de même un peu de temps pour me nettoyer et venir à bout de l'ensemble de mes blessures ; je suis vraiment recouvert de brûlures, de plaies, d'ecchymoses... Elle termine juste