- Peut-être mais les gens ne le voient pas ou ne le croient pas, et pensent qu'elle ne peut plus vraiment servir de valeur fondamentale. Et j'ai peur que nos sociétés ne s'effondrent comme des châteaux de cartes si des bases solides n'existent plus. Je ne pense pas pour ma part que le capitalisme et l'argent soient une base suffisamment solide.
- La morale est le bien le sont sans doute plus, il est vrai. Vous êtes anticapitaliste ?
- Non, je ne pense pas, enfin plus exactement je ne pense pas que le capitalisme en lui-même soit une mauvaise chose, mais il n'est pas suffisant pour un développement harmonieux de l'homme. Malgré tout je ne sais pas trop quel serait le système idéal où les gens puissent continuer à avoir de l'ambition, à faire fortune, à être motivés pour aller de l'avant, mais où les retombées puissent davantage profiter à l'humanité en général. Le capitalisme actuel semble de plus en plus se développer en entretenant et augmentant les différences de richesses entre les gens, les principes de redistribution ne fonctionnent pas correctement.
- Mais justement dans ce contexte la religion et ses principes peuvent aider les gens à être moins égoïstes, plus moraux et ne pas faire sans remords, simplement pour l'argent, des choses mauvaises, et surtout à redistribuer leur surplus.
- Oui à mon avis la religion a contribué, jusqu'à présent en tous cas, à l'établissement d'une morale commune que l'on retrouve plus ou moins chez tout le monde, et qui a permis au système de fonctionner. Mais je pense qu'elle ne suffit plus et se trouve trop à l'écart des considérations de la vie économique pour vraiment être efficace. Je suis sûr que nombre de patrons de boîtes internationales qui exploitent des milliers d'enfants indirectement en Asie du Sud-Est et trafiquent leur comptes dans moult paradis fiscaux sont de fervents pratiquants religieux. Ils vont à la messe régulièrement et ne sentent pas du tout à quel point leur comportement est paradoxal. Dieu s'est trop éloigné de notre monde pour y jouer encore un réel rôle.
- Mais comment le faire revenir, vous pensez qu'il faut rétablir la religion dans l'État ?
- Non je ne pense pas qu'il faille que Dieu revienne, je pense qu'il faut trouver autre chose que la religion, ou peut-être une forme plus à jour, qui façonne les gens plus qu'elle ne les punit. Et où naturellement ils sont poussés à faire des choses bonnes pour tout le monde.
- Mais vous parlez du tout-puissant comme d'un outil, comme si on pouvait décider qu'il soit présent ou pas, mais il est là, quoi qu'il arrive !
- Non, je pense qu'il n'est là que si les gens croient en lui, si plus personne ne croit en lui, il n'est plus là. Qu'il existe ou pas n'est pas la question, il faut que les hommes le suivent pour qu'il ait de la force, et ce n'est plus le cas ; et je ne pense pas que nous puissions revenir en arrière. C'est pour cette raison qu'il faut trouver un système plus à jour, plus humain peut-être, pour que les hommes y trouvent les réponses à leurs problèmes actuels. Dans notre monde les hommes se moquent du paradis dans les cieux, ils peuvent l'avoir ici et maintenant, pourquoi attendre ?
- Pour ces paroles je devrais vous jeter dehors. Je ne pense pas que je pourrai jamais accepter ce que vous dites mais néanmoins je comprends votre raisonnement. Et j'ai beau fermer les yeux il faut bien reconnaître que ce que vous dites dans la description du monde actuel n'est pas dénué de tout sens.
- Je ne raisonne pas comme vous, en effet, pour moi il n'y a pas de fatalité, et à mes yeux, considérer que Dieu est la seule solution pour que les hommes restent sur le droit chemin, c'est une fatalité, c'est s'empêcher de trouver d'autres solutions, c'est considérer qu'il n'y a pas de possibilité d'avoir une humanité juste et bonne pour d'autres raisons que la simple foi religieuse.
- Mais qu'est-ce qui peut remplacer la religion, le tout-puissant, le Bien absolu, la foi ?
- Je pense que l'homme est égoïste, mais je pense surtout qu'il est orgueilleux, et si nous pouvions trouver un système qui satisfasse cet orgueil en étant plus profitable à tous, ce serait un progrès. C'est sur ce point que je trouve que le capitalisme est insuffisant, il est parfait pour répondre au besoin de pouvoir et de