indépendantes. Chaque bracelet en est une, mais quand la connexion le permet, nous pouvons réfléchir comme un tout, nous sommes plusieurs et un seul à la fois.
C'est encore buggué ces machines :
- Mouais, mais en ce qui concerne retrouver Naoma, vous êtes autant incapables à plusieurs que tout seul.
Samrane ne répond pas. J'ai faim.
- En attendant déjeunons, Erik t'as sûrement pas très faim mais moi j'ai une faim de loup.
Pénoplée reste silencieuse un instant puis nous confirme qu'Ulri va se joindre à nous, Guerd dort encore, et Moln sera là d'ici à la mi-journée.
- Et Iurt ?
- Il est déjà parti sur Adama ce matin. Nous le rejoindrons dès que Moln arrive.
Ulri arrive quelques minutes plus tard, il fait son petit tour sur lui-même qui me fait toujours bien rigoler puis nous le reniflons tous à notre tour dans le cou. Je me sens toujours un peu ridicule en faisant cela, m'imaginant le jour où j'irais dire bonjours de cette façon à une belle blonde sur Terre et la gifle que je gagnerai en retour... Nous mangeons des petits bâtonnets salés, souvenir d'une forme de mets que mangeaient les hommes d'Adama il y a bien des millénaires.
12 trente-sixièmes et 3 sixièmes, c'est vraiment frustrant de devoir rester là, impuissant. Mais après tout c'est un peu ma situation depuis le début, je ne fais que subir sans comprendre, je ne fais que courir sans jamais savoir où je vais ni pourquoi... Mais qui donc peut bien m'en vouloir. Et pourquoi prendre Naoma ? Pour me tendre un piège ? Pour me provoquer ? Pour me forcer à faire quelque chose ? Comment saurais-je, en plus, la prochaine fois que je la vois si ce n'est pas un virtuel, un guet-apens ?... Ah... Je n'ai même plus faim... Et ce corps qui n'est pas le mien... Tu me manques, Corps, te retrouverai-je un jour ? Je l'espère, je l'espère tant... J'ai tellement passé du temps à prendre soin de toi, moi-aussi j'aimerais
mourir une fois, avec toi...
Suite au petit-déjeuner, nous prenons tout de même le temps de faire visiter la station à Erik, dans l'attente de Moln. Avec des abeilles nous faisons le tour complet de la surface, ce qui fait tout de même une ballade de plus de cinquante kilomètres. Erik est comme moi impressionné de trouver un tel paysage campagnard dans une station spatiale.
Finalement Moln arrive et Iurt, qui avait déjà prévu avec Samrane notre départ pour Adama, lui laisse tout juste le temps de reprendre ses esprits et de nous rejoindre dans le vaisseau qui nous emmène vers la planète-mère. Nous montons tous dans des petites bulles ou nous sommes confortablement assis et attachés. Ensuite ces bulles sont toutes récupérées sur une sorte de grappe géante qui part avec les bulles pleines du moment, c'est un peu comme un métro, si on arrive trop tard il faut prendre le suivant. Dans la bulle j'ai une surimpression virtuelle du paysage, et la rentrée dans l'atmosphère est impressionnante, même si un peu chaotique.
La descente vers Adama est pourtant assez longue, il nous faudra bien deux trente-sixièmes, une heure et demi. Nous arrivons finalement, et les petites bulles sont déchargées pour glisser jusqu'à s'ouvrir dans un large couloir en haut d'une immense pyramide qui surplombe une ville immense. Des milliers de petits vaisseaux et surtout d'abeilles virevoltent dans tous les sens, sans doute sous le contrôle d'un artificiel bienveillant s'assurant qu'il n'arrive aucun accident.
Je suis un peu perdu, il y a énormément de monde, il vaut mieux que je reste là en attendant que Pénoplée me rejoigne. Elle arrive cinq minutes plus tard avec Erik, nous retrouvons rapidement Moln, Guerd et Ulri et Pénoplée nous dirige vers l'endroit où nous allons résider, une sorte d'hotel réservé généralement aux personnes qui vont parler au Congrès. Il y a vraiment un monde fou, pour la première fois depuis notre arrivée dans la Congrégation je ressens ma légendaire agoraphobie. Il y a des gens de partout, qui bougent dans tous les sens, des abeilles, des vaisseaux, des gens qui marchent... Par trois fois je reste curieux devant des sortes de magasins étranges et je manque de perdre le groupe. Tellement que Pénoplée, énervée, me prends par la main et m'interdit d'aller à droite à gauche, oui maman !