m'éloigner, et quand les sirènes de la police sifflent, le groupe de SDF laisse tomber et ils prennent tous leurs jambes à leur cou. Une des filles du groupe me prend par le bras et m'entraîne avec eux. Je les suis.
Nous courons et faisons divers détours dans de nombreuses petites rues avant de nous arrêter. J'ai eu beaucoup de mal à les suivre et j'arrive en dernier, un peu à la traîne. Ils me demandent ce que me voulait ce type. J'explique tout d'abord la même histoire qu'à la vendeuse, et j'y rajoute que des personnes me poursuivent pour une raison que j'ignore, et que de toute évidence elles veulent me tuer. Ils m'agressent de questions. Si je suis quelqu'un d'important, si j'ai de l'argent, si j'ai volé quelque chose, d'où je viens... Face à cette avalanche de questions je me dis qu'il est plus prudent que je les laisse, n'étant pas très sûr de pouvoir compter sur eux. Et surtout après tout ce sont mes soucis, et ils sont déjà suffisamment en galère, semble-t-il, pour ne pas encore leur faire prendre des risques à ma place. Je les remercie beaucoup de m'avoir tiré de ce mauvais pas, et je repars. Ils m'ont entraîné dans des petites rues, peut-être moins fréquentées, mais sûrement aussi plus idéales pour se débarrasser discrètement de quelqu'un. J'ai l'impression que nous sommes partis à l'opposé de la direction dans laquelle je situais le centre.
Malheureusement, le sort s'acharne, et je n'ai pas même retrouvé avec plaisir une rue passante que je retrouve de même à mes trousses l'homme de tout à l'heure. Je pars en courant sur le champ, il fait de même. Je cours tout droit, je ne sais pas où je vais. Je serre fort ma pierre pour oublier la douleur à mes pieds et ailleurs, et j'accélère. Je tente de crier à l'aide, mais personne ne semble vraiment réagir. Je cherche en courant à repérer un policier. Je m'excuse du mieux que je peux quand je renverse ou bouscule des gens. Mais le saligaud court vite, plus vite que moi, et si je ne trouve pas un moyen de m'en sortir rapidement il va me rattraper. Je cours toujours sur les larges trottoirs d'une grande avenue. Je ne veux pas qu'il me tape encore, je n'en peux plus de ces histoires, je veux me retrouver en paix. J'en ai trop marre ! Je sens que je vais craquer si tout continue sans jamais s'arrêter... Il n'est plus qu'à quelques mètres de moi. Je me rapproche de la chaussée à ma droite. En Australie les voitures roulent à gauche. Alors je veux tenter le tout pour le tout. Quand je sens sa main sur mon bras, je serre ma pierre
encore plus fort, je hurle, lance mon bras en arrière, le saisis par la manche et je dévie subitement sur la droite. Je m'engage sur la chaussée en regardant au dernier moment pour voir qu'une voiture me fonce dessus. L'homme est déséquilibré et entraîné avec moi. Je le lâche, m'élance et saute pour éviter la voiture qui freine en urgence. Mon pied percute le montant du pare-brise. Cela me fait virevolter. J'entends les crissements des pneus qui hurlent et les coups de klaxon. Je retombe alors le dos contre le pare-brise de la voiture sur l'autre file. Elle avançait encore un peu et je suis propulsé en avant. Je roule sur le capot et m'écroule au sol. J'ai de la chance que les voitures aient de bons freins ! Je ne pense pas être trop amoché. La dernière voiture qui m'a percuté ne roulait plus très vite. J'ai juste le pied gauche en compote. Mais mon plan à fonctionné, le gars s'est pris la voiture en plein dedans. Je me demande même si elle ne lui a pas roulé dessus. Les gens sortent des voitures et se regroupent autour de nous. Il faut que je parte au plus vite avant que la police n'arrive. De plus si je reste au sol mon corps va s'engourdir et je ne pourrai plus bouger. Je me lève en grande peine, j'ai mal partout. Les gens me disent de rester allongé et d'attendre les secours. Je leur dis que je ne peux pas, que je dois partir au plus vite. Mon pied me fait horriblement mal. J'écrase la pierre dans mon poing presque pour avoir une douleur supérieure au reste de mon corps. J'ai la tête qui tourne. Je remarque à l'intersection suivant un arrêt de bus avec justement un bus qui arrive. Je pars en clochant et en sautant sur un pied en faisant des signes au conducteur pour qu'il m'attende. Je suis presque comme dans un nuage, comme si mon corps criait qu'il veut s'arrêter, perdre conscience, et que je continue malgré tout. Je monte dans le bus au dernier moment. Les portes se ferment, le bus part. Le conducteur ne me demande pas de ticket, et se contente de me regarder d'un drôle d'oeil. Cela me convient.
Je n'ai aucune idée d'où va le bus, ni l'endroit où je vais descendre. J'espère seulement distancer un peu mes poursuivants. Dans le bus mon corps reprend petit à petit le dessus. La douleur à mon pied gauche s'intensifie, tout comme une douleur dans le dos, sûrement le choc avec la voiture. J'ai peur d'avoir la cheville brisée. Je récupère difficilement de ma course. Ma blessure au ventre s'est rouverte et saigne. Je fais compresse avec ma main pour ne pas laisser le sang trop s'écouler. J'essaie de regarder le trajet du bus pour rester