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t'entendre répéter avec insistance les noms des animaux et arbres qu'on voyait. Tu avais vraiment un accent terrible ! Tu étais un peu gamin mais cette simplicité me rappelait mes chamailleries quand je l'étais moi aussi, sur Êve, avec Ragal... Tu me rendais triste parfois, mélancolique... Mais j'étais impressionnée par ton impatience et ta volonté d'apprendre. Si les jeunes de la Congrégation ne donnaient ne serait-ce qu'un dixième (sixième) de ton énergie au court de leurs études, bien des parents seraient aux anges.

Ta relation avec Erik semblait s'améliorer. Peut-être avait-il définitivement considéré Naoma comme perdue, ou que te blâmer ne changerait rien. Je ne voulais pas vous en parler pour ne pas vous donner de faux espoirs. Quand tu me parlais d'elle, je t'expliquais simplement que son corps était conservé, mais que je ne savais pas quoi faire. Quoi qu'il en soit Moln, le spécialiste de la téléportation, l'ancien spécialiste devrais-je dire, car plus personne n'était spécialiste de nos jours, à part les artificiels, mais quand ceux-ci ne répondaient pas il fallait bien trouver un palliatif, Moln, donc, serait bientôt de retour et nous pourrions aviser alors. J'aurais sans doute pu trouver un artificiel conciliant pour m'aider, mais le problème avec les téléporteurs c'est que les recherche les concernant doivent se faire ouvertement, et là encore nous n'étions pas très enjoués à l'idée de voir débarquer des millions de curieux. Je ne pense pas que cette perspective vous aurait enchantés non plus, d'ailleurs.

Les deux mois (quatre sixièmes) que tu as connus passèrent, Erik et toi progressiez rapidement dans l'apprentissage de notre langue, et nous continuions tous deux à apprendre l'un de l'autre. Ma cousine, Guerd, qui avait quelque peu été séduite par Erik, passait le plus clair de son temps avec lui, et cette disposition te permit de passer encore plus de temps avec moi. Mais tu discutais aussi beaucoup avec les autres villageois. À vrai dire dès que tu rencontrais quelqu'un tu discutais avec. Rapidement tout le village tomba amoureux de toi, avec tes pitreries et tes questions d'enfant de cinq ans, et il nous devint complètement inconcevable de vous envoyer toi et Erik je ne sais où pour éclaircir votre origine. Nous étions bien décidés, tous ensemble, à vous apprendre suffisamment la langue pour que nous parvenions par nous-mêmes à éclaircir cette énigme.