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avant que le repas du soir ne soit servi. Cela fait du bien de se sentir propre à nouveau, je traînais cette impression de crasse et de saleté depuis plusieurs jours, je crois que mon moral en prenait un peu un coup. Je mange avidement, j'ai une faim de loup. J'en profite pour mettre une cuillère de côté, elle pourrait peut-être, sait-on jamais, m'aider à démonter la barre à laquelle je suis attaché.

Je demande à l'infirmière qui revient chercher mon plateau comment faire pour aller aux toilettes, elle me dit qu'elle repassera avec le gardien dans un moment de manière à ce qu'il m'accompagne. Ce sera une occasion pour moi de me faire la belle, je me motive d'avance. Cependant je n'ai plus d'habit, plus d'argent, plus de papiers. J'ai tout perdu dans l'explosion. Comment vais-je bien pouvoir faire pour survivre ici, à Sydney ? Je vais devoir voler ? Je devrais aller à l'ambassade, plutôt, me dis-je. Et dire qu'ils m'ont déjà retrouvé... C'est trop dur. Je suis à la fois passionné par ce qu'il m'arrive, et tellement fatigué. On est toujours beaucoup moins fort que l'on croit quand on se retrouve vraiment face au danger. À ce moment je dormirais bien encore, mais je crois que ce n'est pas très raisonnable et que je dois partir au plus vite, être près à saisir la moindre occasion. Je regarde un peu plus en détail si je ne pourrais pas démonter la barre du lit avec ma cuillère, mais ce sont des boulons, c'est peine perdue.

Dix minutes plus tard l'infirmière repasse avec le gardien pour que je puisse aller aux toilettes, c'est un molosse qui n'a pas l'air de rigoler, je me dis que ce n'est pas gagné pour que je lui file entre les doigts, quoi qu'il ne doit pas être très agile. Les grands sont souvent assez mous, sans doute dû la vitesse de l'influx nerveux qui met plus de temps pour arriver à leurs membres ; ou tout du moins est-ce un réconfort quant à ma taille. D'autant que le gardien est loin d'être imprudent, il est bien organisé. En effet il me rajoute une menotte alors que je suis encore attaché au lit. Il utilise un engin à roulettes. Il me détache ensuite du lit. Aucune chance que je puisse m'échapper avec cette disposition, l'engin à roulettes pèse une tonne à déplacer. Il ne m'en détache même pas dans les toilettes, à moi de me débrouiller avec une seule main. Je ne peux même pas récupérer du savon en me lavant les mains, pour tenter de faire glisser la menotte. Moralité, après vingt minute de cogitation intensive, c'est fichu, à aucun moment je ne suis libre de mes

menottes ou ne trouve un moyen de m'en libérer. Bref, je me retrouve dans mon lit, avec ma cuillère. J'ai un sérieux doute sur le fait qu'elle suffise à éloigner tous les vampires qui tournent autour de moi.

La seule chose que j'espère désormais, c'est qu'ils ne repassent pas dans la nuit, que je puisse la passer tranquillement. Pourtant ils savent de toute évidence que je suis là ; je ne vois pas qui d'autre aurait pu passer me voir cette après-midi. Il sera bien avancé, le docteur, me dis-je, quand il ne retrouvera plus que mon poignet attaché au lit, demain matin ! Il doit bien y avoir un moyen tout de même. Je remarque que j'ai toujours la seringue dans une veine de mon poignet gauche, j'ai alors l'idée de m'en servir pour tenter d'ouvrir les menottes. Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un peu douloureux à retirer. J'essaie de tirer l'aiguille doucement mais il semble que de l'enlever d'un coup net soit plus efficace. Je serre les dents et laisse échapper quelques injures. Je n'ai pas le coup de main de l'infirmière et je mets un peu de sang partout sur les draps. Mais bien sûr toutes mes références se limitant à James Bond et Indiana Jones, je me rends compte qu'il est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît d'ouvrir une paire de menottes avec une simple aiguille. J'y passe bien trois quarts d'heure à une heure, sans résultat. Résigné je tente sans succès de trouver autour de moi d'autres objets pour m'aider. Il est presque 22 heures quand, déçu et inquiet, je m'endors.

Je me réveille au milieu de la nuit. Je n'ai plus vraiment sommeil, le décalage horaire doit jouer un peu. Quelqu'un est passé pour éteindre la lumière, à moins qu'il n'y ai un mécanisme d'extinction automatique. Me retrouver dans le noir n'est pas pour me rassurer. J'écoute attentivement, persuadé d'entendre des bruits suspects, qui ne doivent être que des toussotements d'autres patients. Je tente de trouver l'interrupteur pour rallumer mais pas moyen de mettre la main dessus. Je me dis vraiment que j'aurais dû faire attention à son emplacement avant de m'endormir. Mon manque de prévoyance me perdra ! J'ai toujours mon aiguille que je me suis retiré du bras. Certes elle ne fera guerre le poids contre un pistolet ou un couteau, mais d'une part c'est tout ce que j'ai, et d'autre part elle pourrait suffire pour mettre en déroute un maraudeur un peu douillet. Je suis tellement sur mes gardes qu'il me sera sans doute impossible de me rendormir. Je n'ai aucune idée de l'heure ni de mon