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Elle connaissait les hommes, elle savait très bien que plus encore leur envie de faire l'amour c'était de leur orgueil dont il s'agissait, et que le fait de savoir que la fille mourait d'envie suffisait à ne pas blesser cet orgueil. Et puis elle ne mentait pas vraiment, de toute façon rares étaient les instants où elle n'avait pas envie, juste que là, non, dans cette situation, c'était bien au-delà de son seuil de tolérance morale. Il y a un presqu'un an, quand elle avait fait l'amour avec lui, c'était surtout pour se rassurer, pour se rassurer parce qu'elle avait quatre kilos de plus, et surtout parce qu'elle était jalouse de Seth, jalouse de sa beauté. Et cela avait été une petite victoire, une façon de reprendre confiance, que de parvenir à séduire son homme, même si elle ne trouvait plus grand chose d'attirant chez Thomas, hormis le fait qu'il était bien bâti, bien équipé, et pas trop mauvais au lit.

Ils rentrèrent et finirent la soirée dans un restaurant de la ville voisine. Ils parlèrent de tout et de rien mais surtout pas de Seth ni de leur relation passée, plutôt des amis communs qu'ils avaient, les tracas de leur vie quotidienne, les multiples chagrins d'amour d'Emmanuelle, qui n'en étaient pas vraiment.

Emmanuelle dormit dans la chambre d'ami, et Thomas ne dormit pas. Rien n'allait comme il voulait, l'image de Seth l'obnubilait, et si par chance un instant il pensait à autre chose, un relent de sa brûlure la ramenait à son esprit, et par-dessus tout il n'avait même pas fait l'amour avec Emmanuelle. Il en rêva pourtant, dans les quelques heures de sommeil qu'il fit enfin, alors que le jour se levait. Il en rêva tellement que le matin il se masturba, alors qu'il détestait faire ça. Mais il en avait assez de cette pression stupide, de cette envie, de ce désespoir, de tous ces maux qui s'accumulaient les uns sur les autres. Il avait envie de tout jeter, tout plaquer, partir il ne savait où, ou mieux, perdre la mémoire, oublier tout ça.

Emmanuelle était sur la terrasse quand il descendit, levée depuis plus de deux heures, elle lisait un livre à l'ombre du store. Le voyant elle ferma son livre et se leva pour lui faire la bise :

- Ou la la ! Tu n'as pas dû très bien dormir...

- Non, effectivement, je ne me suis pas endormi avant 5 ou

6 heures du matin, mais je commence à m'habituer, c'est presque toutes les nuits comme ça.

Emmanuelle avait la même robe que la veille, mais elle avait trouvé un haut un peu moins décolleté et un peu moins transparent. Elle n'avait pas pris de douche, depuis qu'elle avait eu ses premières rides elle faisait beaucoup plus attention à sa peau, et, ayant oublié son savon ultra doux, elle avait préféré simplement se débarbouiller plutôt que de prendre le risque d'amplifier encore les effets inévitables de l'âge sur sa peau dont elle s'était vantée pendant de longues années auprès de ses amants comme étant la plus douce du monde. Elle n'osait plus, désormais, de peur qu'ils ne découvrent les petites rides qui apparaissaient ça et là.

- Tu devrais peut-être prendre des cachets pour dormir ?

- Si vraiment mon sommeil ne revient pas, peut-être, oui.

- Je n'ai pas commencé à préparer le petit-dej, je ne savais pas à quelle heure tu allais te lever, par contre j'ai ouvert une boîte de biscuits, j'avais trop faim.

- Tu as bien fait. On peut aller chercher du pain frais à pied, ce n'est pas tout près mais ça nous fera une petite marche.

- Bonne idée, attend juste cinq minutes, je vais mettre mes baskets parce qu'en sandales je vais encore me blesser les pieds.

Il était dix heures passées, ils partirent pour la ville voisine à pied. La boulangerie la plus proche se trouvait à environ deux kilomètres, ils mirent une bonne heure à faire l'aller-retour. Ils aimaient le pain tous les deux, et une fois retournés à la maison de Thomas, ils avaient déjà mangé une baguette et demie sur les trois qu'ils avaient achetées, en plus des croissants et des pains au chocolat.

Emmanuelle voulut ne pas partir trop tard pour Paris, elle avait un dîner le soir sur la Capitale, et les accès étaient souvent bouchés de retour de week-end, même si c'était encore le mois août. Elle partit vers 16 heures, après une courte baignade dans la Manche. Thomas, lui,