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de nombreuses maladies virales parmi les reptiliens, mais aussi des inventions servant leur propre qualité de vie, le réfrigérateur, le caoutchouc, le béton, la photographie, et bien d'autre...

Pourtant, malgré tous ces progrès, les hommes étaient encore reclus dans leurs forteresses. Bien sûr ils dominaient, presque cent soixante ans après le début du conflit, un peu moins de trente pourcent de la surface terrestre d'Adama, en plus des mers, ou leurs bateaux à vapeur et leur sous-marins étaient les maîtres absolus. Bien sûr leur aviation naissante faisait des ravages dans les villes reptiliennes, bien sûr ils communiquaient maintenant par onde radio, ils roulaient en voitures à essence, ils avaient doublé leur espérance de vie. Bien sûr leur population de huit cent millions d'alors s'approchaient du milliard deux cent millions de reptiliens. Mais ils n'étaient pas libres ! Et les reptiliens n'étaient toujours pas soumis, et parvenaient toujours à maintenir la pression malgré leur infériorité technologique.

Les mentalités changeaient. De nombreuses populations humaines vivaient alors loin des zones de conflit, au centre des territoires protégés, et ne supportaient plus la guerre, les restrictions, les morts. Certains hommes poussaient alors depuis longtemps pour un règlement pacifique du conflit, pour une collaboration avec les reptiliens, un partage équitable du monde, et une évolution de concert. Mais, finalement, si beaucoup d'hommes ne supportaient pas cette idée, voulant toujours punir à jamais leurs bourreaux d'antan, c'est plus encore les reptiliens qui refusaient toute soumission, et qui s'entêtaient au point de laisser détruire nombre de leurs villes et massacrer leur habitants plutôt que de les fuir pour les laisser aux mains des hommes.

Les années passèrent encore, les reptiliens étaient devenus plus indépendants, ils avaient appris des techniques des hommes, et avaient complètement restructuré leur industrie pour produire par eux-mêmes. Ils possédaient des machines à vapeurs primaires, savaient communiquer par télégraphe et leur fusils pouvaient mettre à rude épreuve les fin blindage des avions humains. La guerre continuait, encore et toujours, et beaucoup des habitants de la planète n'avaient alors connu que ça, la guerre, depuis leur enfance. Les effets du fléau du porc lancé par Guerroïk deux cents ans auparavant ne se faisaient plus sentir, tous les reptiles étaient de nouveau fertiles, et ils avaient

plus que jamais une politique nataliste forte. Ils occupaient encore de nombreux territoires bien loin des régions dominées par les hommes, et savaient se protéger de leurs raids meurtriers, habitant et développant les nombreuses villes souterraines, d'antan le refuge des hommes.

Mais l'homme avançait plus vite. Nous situons en l'an cent vingt environ, soit un peu plus de cent quatre-vingt dix ans après le MoyotoKomo, l'égalité entre la population reptilienne et la population humaine, soit neuf cent cinquante millions. Alors l'homme avait reconquis de l'ordre de quarante pourcent des terres émergées, vingt pourcent étaient quasiment inhabités, et les quarante pourcent restant sous le contrôle des reptiles. Les hommes progressaient toutefois de plus en plus rapidement, mais les reptiliens ne se rendaient pas, et les théoriciens de l'époque pensaient en grande majorité qu'ils ne se rendraient jamais. Dans tous les combats, les reptiliens se battaient férocement jusqu'au dernier, et jamais à quelques rares exceptions ils ne se rendaient. Les traîtres étaient rares parmi eux, beaucoup plus rares que ne l'avaient été les hommes en d'autres temps.

Les reptiles ne se considéraient pas comme perdu, toutes les traces de communication de l'époque montraient qu'ils croyaient tous dur comme fer que reviendrait le temps de la soumission des hommes, ou de leur anéantissement. Propagande ou aveuglement, nous ne savons pas vraiment quel était la motivation principale des reptiliens. Pourtant nombre d'hommes leur avaient proposé la paix, le partage du monde. Mais accepter était inconcevable pour eux, et ils ne baissaient pas les bras, et si chacune de leurs profondes incursions en territoire humain, qui visaient presque systématiquement la vie de femmes et d'enfants, étaient punis par des villes entières rasées par les bombardements, cela ne faisait que les rendre encore plus hargneux.

L'issue semblait inévitable, seule leur extermination mettrait enfin fin à ce conflit séculaire. Mais exterminer neuf cent millions d'individus n'est pas chose facile, même avec une supériorité technologique, même en propageant des virus, même en détruisant leurs cultures et leurs centres stratégiques, même en les renvoyant vivre comme des misérables aux fin fonds des forêts, il en restait toujours.