Date de mise à jour : 22 septembre 2012

Tutoriel sur la détermination des paramètres électroniques d'une caméra CCD

Dans le cadre de la caractérisation des performances d'une caméra CCD, la détermination de paramètres essentiels, tels que le gain et le bruit de lecture constitue une étape indispensable. Notamment, ces paramètres pourront être introduits dans l'Exposure Time Calculator afin de simuler les performances théoriques attendues et les confronter ensuite aux images réelles.

Dans ce document, nous commençons par décrire la théorie utilisée pour caractériser les paramètres électroniques d'une caméra CCD puis nous décrivons les fonctions intégrées dans le logiciel AudeLA.

1. Les paramètres électroniques d'une caméra CCD

L'utilisateur d'une caméra CCD ne dispose que de sa caméra reliée à AudeLA, une pièce dans laquelle on peut faire l'obscurité complète ou mettre un niveau de lumière constant. Il n'est pas nécessaire de démonter la caméra ni d'utiliser des voltmètres ou un oscilloscope. Les procédures sont simples à réaliser.

Un pixel du capteur CCD génère un niveau que l'on peut lire avec AudeLA sous la forme d'un nombre noté ADU (pour Analog Digital Unit). Ce niveau est constitué de plusieurs sources de signaux que nous décrirons en détail par la suite : Le bias, le thermique et le signal photonique. Même en opérant le plus proprement possible, chacune de ces composantes est affectée d'une incertitude (le bruit) qui se traduit par le fait que deux image réalisées dans des conditions identiques n'ont pas la même valeur de niveau dans les pixels.

Au départ, le capteur CCD voit arriver des photons. Leur interaction avec le silicium du pixel génère des électrons piégés dans le pixel. On appelle rendement quantique équivalent, le nombre d'électrons générés pour un photon incident sur le pixel. Ce nombre est toujours inférieur à l'unité et souvent exprimé en pourcents (100% pour un rendement quantique de 1 électron/photon). Le rendement quantique équivalent est d'environ 60% pour un capteur CCD classique (éclairé par l'avant) et peut atteindre 95% pour les excellents capteurs CCD amincis (éclairés par l'arrière).

A la sortie de l'électronique environnant la caméra CCD, le pixel contient un niveau en ADU. L'électronique peut donc être considérée comme une conversion entre des électrons et des ADU. Cette conversion est un paramètre important qu'il faut déterminer. On l'appelle communément le gain (noté G par la suite). Il s'exprime en électrons/ADU. En général, une caméra commerciale est réglée de façon à avoir un gain compris entre 1 et 5 électrons/ADU. Les caméras simples n'ont qu'un seul gain. Parfois, l'électronique de la caméra permet de choisir deux ou trois gains différents qui sont gérés par le logiciel de pilotage. Il convient de se renseigner sur ces fonctionnalités.

Connaissant la valeur du gain d'une caméra, on peut alors exprimer les niveaux des pixels soit en ADU, soit en électrons.

Comme il a été dit précédemment, deux mesures consécutives du niveau d'un pixel soumis à un éclairement identique ne fournissent pas les mêmes valeurs à cause du bruit. Le bruit des composantes thermiques et photoniques suivent une loi précise basée sur les théories de la physique. En revanche, le bruit de lecture est une caractéristique de la qualité du capteur CCD et de l'électronique. La détermination du bruit de lecture est un paramètre important pour qualifier une caméra CCD. On exprime habituellement le bruit en électrons (noté b(el) par la suite).

Attention, les capteurs CCD à multiplication d'électrons (EMCCD) sont des capteurs CCD qui on un étage de pixels supplémentaires permettant de multiplier le nombre d'électrons avant la sortie du capteur. L'utilisateur peut régler le coefficient multiplicateur Em par logiciel (Em peut varier généralement entre 1 et 500). Parfois, Em est appelé abusivement gain. Il ne faut donc pas confondre le "gain EMCCD" qui est le coefficient multiplicateur Em sans unité avec le gain de la caméra qui s'exprime en électrons/ADU.

La composante thermique est constituée d'un signal dont le niveau est proportionnel au temps de pose. Le coefficient de proportionnalité s'exprime en électrons/seconde/pixel. Plus la caméra est refroidie, plus ce coefficient est petit. La détermination du coefficient thermique est très importante pour savoir si l'on refroidit assez ou non la caméra CCD.

2. Théorie de détermination des paramètres électroniques

Le niveau d'un pixel est constitué de trois composantes :

On note :

Ainsi, S(th) sera le signal thermique exprimé en ADU. Il est à préciser que l'utilisateur n'a accès qu'aux mesures de signal et de bruit en ADU (S et B).

G : Le gain (électrons/ADU) défini par :

s = G*S [1]
b = G*B [2]

Le signal total S(tot) d'un pixel est égal à : S(tot) = S(el) + S(th) + S(ph) [3]

Avec :

Les bruits thermique b(th) et photonique b(ph) suivent une loi de Poisson. Donc :

b(th)^2=s(th) [4]

b(ph)^2=s(ph) [5]

Le bruit électronique b(el) a une dispersion constante. Il est appelé aussi "bruit de lecture".

Les sources de bruit sont indépendantes, donc :

b(tot)^2 = b(el)^2 + b(th)^2 + b(ph)^2 [6]

La combinaison des formules [1] à [6] décrites ci-dessus mène aux formules [7] et [8] qui nous intéressent :

[2] => b(tot)^2 = G^2 * B(tot)^2

[2] => b(el)^2 = G^2 * B(el)^2

[4] & [1] => b(th)^2 = s(th) = G * S(th)

[5] & [1] => b(ph)^2 = s(ph) = G * S(ph)

[6] => G^2 * B(tot)^2 = G^2 * B(el)^2 + G * S(th) + G * S(ph)

On simplifie par G cette dernière équation et l'on obtient :

G * ( B(tot)^2 - B(el)^2 ) = S(th) + S(ph)

G * ( B(tot)^2 - B(el)^2 ) = S(tot) - S(el)

G = ( S(tot) - S(el) ) / ( B(tot)^2 - B(el)^2 ) [7]

S(tot) correspond a une image brute de flat field.

S(el) correspond a une image brute de bias.

B(tot) correspond à l'écart type de la valeur d'un pixel sur l'image brute de flat field.

B(el) correspond à l'écart type de la valeur d'un pixel sur l'image brute de bias.

Le bruit de lecture est simplement déterminé par :

[2] => b(el) = G * B(el) [8]

Le coefficient thermique est déterminé en mesurant S(th) pour différents temps de pose. Ainsi on peut distinguer S(th,t) pour chaque temps de pose t. On effectue une régression linéaire entre t et S(th,t) et l'on obtient le coefficient thermique exprimé en ADU/seconde/pixel. Il suffit de la multiplier par le gain G pour l'exprimer en électrons/seconde/pixel.

3. Méthodes de détermination des paramètres électroniques

Pour déterminer b(el) et G en appliquant les formules [7] et [8], il faut simplement mesurer S(tot), S(el), B(tot) et B(el). S(tot) correspond au niveau ADU du pixel d'une image brute de flat field. S(el) correspond au niveau ADU d'un pixel d'une image brute de bias.

Il y a deux méthodes pour déterminer B(tot) et B(el).

La première est une méthode rigoureuse qui consiste à enregistrer N images de flat et de bias (N>20 typiquement). Sur le lot des images de flat, on choisit un pixel et on mesure S(tot) et B(tot) comme la moyenne et l'écart type de la valeur ADU du pixel sur les N images. On peut ainsi déterminer G et b(el) pour chaque pixel. On peut ainsi mettre en évidence des défauts d'uniformité de b(el) (assez fréquent) ou de G.

Le seconde méthode est expéditive et repose sur le fait de ne prendre que deux images de bias S1(el) et S2(el) et deux images de flat S1(tot) et S2(tot). Dans cette méthode on considère que tous les pixels ont les mêmes G et b(el). Dans ce contexte, la moyenne de la différence S1-S2 doit valoir zéro et la dispersion des valeurs de S1-S2 autour de zéro met en évidence le bruit. Lorsque les deux signaux S1 et S2 sont soustraits, la variance du signal résultat est donnée par la relation :

[9] : variance( S1 - S2 ) = B1^2 + B2^2

Comme on considère B1=B2, alors, B = 1/sqrt(2) * ecart_type( S1 - S2 ) [10]

On applique [10] aux deux images de bias, B(el) = 1/sqrt(2) * ecart_type( S1(el) - S2(el) ) [11]

On applique [10] aux deux images de flat, B(tot) = 1/sqrt(2) * ecart_type( S1(tot) - S2(tot) ) [12]

4. Pratique de la détermination des paramètres électroniques avec AudeLA

Il est à noter que la détermination des paramètres électroniques est valable pour un binning donné (et pour une valeur Em donnée dans le cas d'un EMCCD).

4.1. Détermination du gain et du bruit de lecture

On effectue deux images de bias S1(el) et S2(el). Il s'agit de deux images effectuées dans l'obscurité totale (bouchon bien vissé sur l'objectif), de temps de pose le plus court possible pour rendre négligeable le signal thermique. Soient Sel1.fit et Sel2.fit les deux fichiers FITS correspondants.

On effectue deux images de flat S1(tot) et S2(tot). Il s'agit de deux images effectuées sur un écran blanc, défocalisé si possible et éclairé rigoureusement de la même façon (peut importe la couleur de la lumière a priori). Les temps de poses doivent aussi être rigoureusement les mêmes (pas d'obturation manuelle). On vérifiera que l'image S1(tot) - S2(tot) soit égale à zéro. Le niveau moyen des flats doit remplir une partie importante de la dynamique (70% est un bon choix). Soient Stot1.fit et Stot2.fit les deux fichiers FITS correspondants.


La commande en ligne dans la Console AudeLA est :

electronic_chip gainnoise Sel1 Sel2 Stot1 Stot2

La fonction affiche les valeurs calculées de gain et de bruit de lecture.

4.2. Détermination du coefficient thermique

On effectue une série typiquement de 10 images de dark. Il s'agit d'images effectuées dans l'obscurité totale (bouchon bien vissé sur l'objectif), de temps de pose commençant à 10s jusqu'à 100s par exemple. Soient dark1.fit, dark2.fit, ..., dark10.fit les noms des fichiers FITS correspondants.


La commande en ligne dans la Console AudeLA est :

electronic_chip lintherm dark 10

La fonction affiche les valeurs calculées du coefficient thermique en ADU/seconde/pixel et du bias en ADU.

Si l'on a déjà déterminé le gain G et le bruit de lecture b(el), on peut les utiliser dans cette fonction. Par exemple, avec G=2.78 électrons/ADU et b(el)=8.2 électrons, on écrira :

electronic_chip lintherm dark 10 2.78 8.2

La fonction affichera les valeurs calculées du coefficient thermique en électron/seconde/pixel et du bias en ADU (ce n'est pas pertinent d'exprimer le bias en électrons).

Enfin, si l'on connaît aussi le niveau ADU de saturation de la caméra, on peut l'introduire pour déterminer le temps de pose maximal pour obtenir la saturation thermique. Par exemple, pour une saturation à 65535 ADU :

electronic_chip lintherm dark 10 2.78 8.2 65535

Dans tous les cas, la fonction affiche aussi le temps pose critique. Si l'on souhaite effectuer des temps de poses supérieurs à ce temps de pose critique, le bruit thermique sera prédominant sur le bruit de lecture. Cela signifie qu'il est alors préférable de refroidir davantage la caméra. Cette analyse est importante car elle permet de savoir si la température de refroidissement de la caméra testée est suffisante ou non par rapport aux temps de poses que l'on souhaite utiliser dans la nuit.

4.3. Détermination du retard d'ouverture de l'obturateur

Lorsque l'on utilise une caméra équipée d'un obturateur à iris, il peut être important de connaître la façon dont s'ouvre et se ferme l'obturateur de façon à corriger les pixels notamment pour atteindre la millimagnitude en photométrie (transits d'expolanètes par exemple). AudeLA permet de synthétiser une image dont l'intensité des pixels donne le retard (en seconde) par rapport au centre du champ.

On effectue une série typiquement de 20 images de flat. Il s'agit d'images effectuées dans une ambiance lumineuse de niveau constant de temps de pose commençant à 0,1s jusqu'à 2,0s par exemple. Soient flat1.fit, flat2.fit, ..., flat20.fit les noms des fichiers FITS correspondants.

La commande en ligne dans la Console AudeLA est :

electronic_chip shutter flat 20

La fonction affiche l'image de synthèse. Il suffit de passer le curseur sur les pixels pour connaître le retard.